Après le premier shot, Aaron m'annonce que je suis quelqu'un de bien, et qu'il a un profond respect pour moi. Est-ce l'alcool qui parle ? Sans doute. Mais si l'ivresse désinhibe, elle ne fait pas mentir. Cet homme a un bon fond, et je me sens un peu attristé de devoir l'enlever. Sans doute qu'il changera d'avis d'ici quelques heures. Mais au moins, il pourra prouver son amour et sa bonté en se sacrifiant pour la science.

Le second shot abaisse définitivement ses défenses, et il se met à évoquer sa femme morte. Voilà qui est rassurant. Il n'avait plus d'épouse que j'allais transformer en veuve, plus de femme qui risquait de s'inquiéter de sa disparition.
Il se rend bien compte que quelque chose ne va pas, mais pour le moment il semble imputer cela à l'alcool. Je joue le jeu, et me lève pour le suivre jusqu'à l'extérieur. Je n'oublie bien sûr pas ma précieuse mallette, et je place mon chapeau sur ma tête avant de sortir.

Une fois dehors, je le prends par le bras et l'entraîne dans une ruelle adjacente. Il ne va pas tarder à s'effondrer, et il vaut mieux que cela ne se fasse pas à la vue de tous.
Il s'appuie contre le mur pour ne pas tomber, et me regarde soudain, semblant enfin comprendre ce qui se passe. A ses questions, je garde un visage sérieux et fermé, et réponds simplement :

" Ça n'a rien de personnel Aaron. "

Il tombe lourdement à genoux. Je me place derrière lui, me baisse et l'enserre au cas où il lui reste assez d'énergie pour se téléporter, ce dont je doute fortement, mais on n'est jamais trop prudent. Le maintenant fermement des deux bras autour de son torse, je murmure à son oreille :

" Là, là, laisse-toi aller... Il est inutile de lutter... "

Je sens son corps s'affaisser, devenir comme un poids mort entre mes bras. Je le laisse doucement glisser au sol, le retenant pour que la chute ne soit pas brutale ou bruyante. Puis je le relève, passe son bras dans mon dos et le traîne avec difficulté jusqu'à ma voiture qui fort heureusement est garée tout près. Je l'installe à l'arrière, et adresse à un couple de passants intrigués une plaisanterie sur les ravages d'une cuite de célibataire un soir de Saint Valentin. Je ferme la portière et me met au volant.
Le bunker accueillera un sujet d'expérience imprévu ce soir...