« Tout ce que tu veux, oui, tu... Tu as ma parole ! » Les bras croisés, fier de toute la supériorité que lui confère la puissance de sa présente situation, il penche légèrement son menton sur le côté en demandant, d’un ton presque insultant : « Mais que vaut ta parole ? » Le chat s’amuse cruellement avec la souris blessée, qui ne peut plus s’enfuir, et qui sait qu’elle est aux portes de la mort.

Il y a encore quelques mois, il aurait eu du mal à regarder la souffrance d’Aurelio sans éprouver de la compassion pour ce dernier mais, en cet instant, galvanisé par le chemin sinueux qu’à pris sa vie, il est incapable d’éprouver de l’empathie ; il considère même que c’est peu cher payé pour l’affront qu’il a subi. Alors, il pousse la vengeance jusqu’à réclamer la pizzeria familiale, sans nul doute seul et dernier héritage de son défunt père ; le désespoir d’Aurelio est tel qu’il ne sourcille même pas avant d’accéder à sa requête, ce qui, il faut le reconnaître, surprend le mutant aux cheveux bouclés. « Vraiment ? » Demande-t-il en arquant l’un de ses sourcils, tournant ensuite son menton vers ses hommes de mains pour leur demander, poursuivant dans son petit jeu de torture psychologique : « Vous entendez ça, les gars ? Vous pensez que je peux le croire ? » Les gorilles pouffent de rire avant de rentrer dans le jeu de leur patron, lui répondant alors avec machiavélisme : « Moi patron, à vot’re place, j’le ferai pas. » « Si même Ivan ne te fait pas confiance… » C’est vexant pour Ivan mais le concerné ne s’en offusque pas, alors Ezekiel continue son petit manège, sans aller vérifier si les clefs sont dans la poche de sa veste. En réalité, il vise quelque chose de plus important qu’une pauvre pizzeria coincée dans un quartier paumé, comme il le dirait.

Se téléportant dans le dos de sa proie, il tire ses cheveux en arrière tout en se penchant légèrement pour pouvoir murmurer quelque chose à son oreille : la banque fédérale, voilà ce qui l’intéresse. « La banque fédérale ? » Un air malicieux au visage, Ezekiel hoche lentement son menton de haut en bas tout en laissant un discret sourire relevé la commissure de ses lèvres. « Puis je en parler à mes cousins ? Nous ferons ça pour toi, pour ton club... Tu ... » « Je ? » demande-t-il en levant légèrement le menton en même temps que ses sourcils, ne le quittant pas des yeux. « Je le jure, Ezekiel... Par pitié, laisse moi vivre ! » Que c’est une prière agréable à ses oreilles… Il se sent fort, puissant. Presque, comme un dieu parmi les hommes. Il peut décider de si cet homme va vivre ou mourir, et son coeur se noircit sous ce sentiment de puissance cruelle auquel il commence à être sérieusement accroc.

Après quelques secondes de silence, à l’avoir contemplé et observé de près, Ezekiel se redresse en déclamant, d’une voix simple malgré la situation : « Donnez lui de l’eau. Et une douche, ainsi que des vêtements. Puis amenez le dans mon bureau. » Relâchant l’emprise sur sa tignasse noire, Ezekiel se téléporte dans son dit bureau après avoir lancé un dernier regard à celui qui allait, peut-être, devenir l’un de ses alliés.

« : Non ! S'il te plait, laisse les en vie ! » Oh, que c’est touchant. Une petite moue moqueuse vient pondre sur ses lèvres tandis que l’intérieur de ses sourcils se froncent vers le bas et que son menton se penche sur le côté, pour observer cet air délicieusement désespéré qui glisse sur le visage du prisonnier. « : Laisse moi les prévenir ! C'est la seule famille qu'il me reste ! » Oui, parce que son père a été tué, ici même, de la même main qui peut décider à tout instant de rompre la sienne.

Finalement, après avoir volontairement laissé un moment de silence pour le torturer davantage, Ezekiel se met à rire en secouant son menton de gauche à droite, susurrant d’un ton véritablement amusé : « Relax, l’italien. Je ne vais rien faire à tes cousins. » Pas encore, peut-être. Tout dépend de la tournure des évènements. « Pas la peine de chialer, reprends-toi un peu. » Une petite tape dans le dos accompagné d’un ironique et cruel : « Ton père ne serait pas fier de toi, hein. » De toute façon, le principal concerné n’est plus là pour le contrarier et, au regard des derniers évènements, il y a fort à parier qu’il a raison.

Vient ensuite la principale raison de la survie d’Aurelio : la banque fédérale. Une fois la surprise passée de son côté, il lui promet de réussir la mission qui lui sera bientôt confiée. Peut-on le croire ? Dans le pire des cas, le rital finira en prison s’il échoue, en recevant une balle entre les deux yeux avant même de pouvoir témoigner d’une seule phrase contre eux. Alors, n’ayant pas grand-chose à perdre dans cette histoire, Ezekiel décide de lui faire confiance. Ordonnant qu’on lui octroie une douche, de l’eau et un peu de nourriture, il commence à s’éloigner quand il entend, d’un ton souffle lointain, les remerciements de son prisonnier ; interrompant ses pas, il lui lance un regard hésitant avant de finalement poursuivre son chemin, le laissant aux bons soins de ses hommes de mains qui, il le sait, ne vont pas lui faire de cadeau pour autant.

L’accord, inégal, conclut sous la seule supplication de rester en vie pour le prisonnier, est scellé. Du moins, encore faut-il déterminer les termes, les tenants et les aboutissants, bien qu’il y a fort à parier que le Gallo n’aura pas son mot à dire.
Retournant dans son bureau, Ezekiel signe les bons de commande que les serveuses lui apportent, tout en répondant aux questions de ces dernières, jusqu’à ce que la porte s’ouvre sur le jeune homme, presque méconnaissable. Il est élégamment vêtu — bien que les vêtements ne soient pas récents, d’ailleurs, ils ont été trouvés où ?, souriant et, il paraît presque sûr de lui. Presque, parce que le Patriarche du Club a l’oeil pour discerner les mauvaises notes. « : Alors Capo, j'ai déjà une idée pour la banque, il me faut juste de quoi accéder à leur réseau électrique. Vous auriez des pinces ? » Les sourcils légèrement froncés, les paupières plissées et les mains entrelacées sur son ventre, il est un peu surpris de cette attitude toute guillerette mais, après un court moment de réflexion, il l’invite d’un geste de la main à prendre place en face de lui, de l’autre côté du bureau qui se trouve au centre de la pièce. « Tu auras des pinces. » Dit-il d’un ton neutre en se tournant pour prendre le verre qu’on lui tend, et qu’il boit d’une seule traite en accompagnant le tout de quelques médicaments ; mauvais mélange, il sait. « Combien de personnes il te faut ? Concernant le chauffeur, tu comprendras que je préfère m’en occuper. » Il se doute qu’Aurelio va faire appel à ses cousins mais, il veut être au courant de tout et, surtout, s’assurer qu’il n’essaie pas de lui faire à l’envers.