Heureusement que je n'ai pas trop prélevé d'électricité.

L'exercice m'a un peu fatigué, je sens que je vais avoir besoin d'un autre biscuit. Dans l'ensemble, cependant, je vais bien, je peux tenir debout et discuter comme si rien n'était arrivé. Je croque dans un autre gâteau et la remercie avec un sourire lorsqu'elle dit que mon pouvoir était impressionnant et qu'elle n'avait jamais rien vu de pareil. Je suis heureux d'entendre ça, ça me conforte dans l'idée qu'Ezekiel se trompe sûrement à propos de cette fille. Je suis suffisamment puissant pour remplir mon rôle, et je n'ai donc pas besoin qu'on me fasse de l'ombre. Eze va pouvoir me lâcher un peu et me laisser travailler en paix. Je ne peux m'empêcher de penser à son sourire, à ses beaux yeux sombres... Non, arrête Aurelio, c'est idiot, il a tué ton père, ce n'est pas le moment de le trouver sexy. Même si je l'avoue en d'autres circonstances...J'aurais sûrement tenté quelque chose. A voir d'ici quelques semaines, si je suis encore en vie d'ici là. Tout est tellement imprévisible ici, même la mort.

Je demande à Sophia si elle possédait un pouvoir et elle réponds par l'affirmative, me disant qu'elle allait aussi me faire une démonstration. Elle sortit des pièces de sa poche et les fit léviter dans sa main. Les pièces semblaient danser autour de ses doigts, comme si elles avaient leur propre volonté. Je souris, impressionné et lui réponds : C'est incroyable oui, je n'ai jamais vu cela auparavant. Vous avez pu échapper à l'Institut avec un tel pouvoir ? Cela a été mon cas, plutôt mourir que de me laisser museler par le chauve estropié. Je ne vis que pour donner libre court à mon talent. Je réfléchis tout en regardant ses mains. Je plonge une main dans ma poche et en sort une balle de pistolet. Je lui tends et lui demande : Pouvez vous la projeter à la vitesse d'une arme à feu ? Une telle possibilité pourrait faire d'énormes économies d'entretien des armes, nous n'aurions que les munitions à acheter... Mon cerveau, de nouveau lancé, imagine tout un tas de scénarios où son pouvoir pourrait être exploité. Et dire qu'elle est serveuse ici ! Quel gâchis.

Je dois avouer que son pouvoir m'intéresse. Je me demande quels sont ses limites, ou au contraire ses possibilités.

J'imagine plusieurs scénarios possibles où son pouvoir pourrait être mis à contribution. Elle me dit ne pas savoir si elle pouvait projeter une balle. J'étais d'ailleurs heureux de voir qu'elle était aussi contre l'institut. Je lui dis à ce propos : Dire qu'il forme des gamins pour ça... Enfin, c'est pas nos affaires, du moins, tant qu'ils se mettent pas en travers de notre chemin. Je pars du principe que je ne suis pas contre l'existence des héros, des mutants et du Shield, tant qu'ils ne nuisent pas à mes affaires. Si c'est le cas, un jour, ils sauront ce que cela fait de provoquer la colère d'un Gallo ! Nous sommes aussi féroces que l'oiseau dont nous portons le nom ! Je la regarde ranger la balle dans sa poche et souris, espérant bien qu'elle essayera de la projeter avec son pouvoir. J'ai hâte de voir le résultat. Avec un peu d'entraînement, qui sait, elle pourrait rivaliser avec les plus grands tireurs d'élite. Nous verrons bien ce qui adviendra.

Elle me dit ensuite que, malgré ses actes, Ezekiel méritait qu'on lui soit fidèle. On pouvait y être grassement récompensé et, surtout, on pouvait être qui on voulait au sein de ce club. Nous pouvions être nous même sans risquer la prison, l'institut ou la déchéance. Je laisse échapper un petit sourire et lui réponds : Je le sais, même si je ne le montre pas, j'en suis pleinement conscient. C'est pourquoi je suis encore ici. Je ne connais pas encore tout le monde, et je dois avouer que la plupart des personnes que j'ai croisé m'effraient. Ils me voient sans doute comme la grosse tête, l'intello d'une famille rivale qui n'a rien a faire la, je n'ai pas encore eu l'occasion de faire mes preuves.. Enfin, si, mais dans le mauvais sens... Je me penche vers elle et lui dis : J'ai frappé Ezekiel, il y a quelques jours. Ce salaud a eu l'audace d'envoyer une couronne de fleurs aux funérailles de mon père... J'ai pété un câble.

Elle m'a menti.

Comment ai je pu ne pas le remarquer ? Elle me sourit depuis le début, m'écoute, et en vérité elle doit bien se foutre de ma gueule. Je fronce les sourcils quand elle me sermonna, me rappela à l'ordre. Elle me conseilla de ne pas me vanter d'avoir frappé Ezekiel, car beaucoup étaient en vie grâce à lui. Mouais. Ils le vénèrent comme un dieu, mais ça reste un enfoiré. Comme un idiot, j'ai eu confiance en cette fille, et elle m'a rappelé cruellement que je ne devais absolument pas accorder ma confiance envers qui que ce soit. Je lui souffle, sur un ton froid : Il m'a humilié, il a humilié mon père, ma famille, alors il le méritait et je ne m'en cacherais pas, peu importe les emmerdes derrière, personne ne s'en prends ainsi à mon sang. C'est dit. Dans ma famille, nous sommes soudés, en toute circonstance. La jeune femme me dit ensuite qu'elle était étonnée que je ne me sois rendu compte de rien, et elle se présenta une nouvelle fois.

Ce nom de famille... C'était celui d'Ezekiel. Je comprends mieux pourquoi elle est en colère à présent. Je ne me laisse pas impressionner par ses doigts chargés d'électricité. Je suis confiant, mon pouvoir est largement capable de mener la danse quelque temps face à elle, même si je sais que la fatigue finira par m'abattre. Je ne dis rien sur l'instant, regardant ses doigts et réfléchissant. Je finis par lui dire, avec un sourire mauvais : Tu m'as appris une belle leçon, Ragazza, je pensais avoir enfin une personne en qui je pouvais avoir confiance en ces lieux, et ce ne sera jamais le cas. Je te remercie. Je me lève et pose un billet sur la table. Je lui dis : Ton pourboire. Merci pour la discussion. Maintenant, passons aux choses sérieuses tu veux ? Je lui tends la main et lui dis : Montre moi ce que tu vaux. Prouve moi que ton cher Ezekiel que tu semble vénérer a tort sur toute la ligne. Tu l'estimes beaucoup, c'est tout à ton honneur, Ragazza. Mais à mes yeux, il ne vaut pas mieux qu'un autre. Pas tant qu'il ne m'aura prouvé le contraire.

C'est la dure loi des familles de gang.

Mon père avait joué et il avait perdu. Nous aurions pu tous y passer, je le sais, et cette fille me le rappelle. Elle me dit qu'Ezekiel avait été même clement en ne punissant que mon père et qu'il aurait pu effacer ma famille de la surface de la terre. Je fronce les sourcils mais ne dit rien. Je suis encore en plein deuil, bouleversé par la mort de mon père, je ne ferais que m'enfoncer en tentant de nous défendre. Elle n'a pas tort, et je sais que je suis incapable d'argumenter face à cela. Je me contente d'hausser mes épaules, abandonnant cette joute verbale. Je préfère lui dire qu'elle m'a appris que je ne pouvais avoir confiance en personne ici et elle me dit, tout en laissant ses yeux devenir bleus sous la colère, que je me serais fermé à toute conversation si elle m'avait dévoilé son nom véritable dés le début. Je lui dis alors, en secouant la tête : Non... Tu as beau être de sa famille, tu n'es pas lui, je t'aurais accordé le bénéfice du doute... Même si tu viens de me prouver que tu es comme lui au final.

Je me lève et laisse de l'argent sur la table avant de l'inviter à me montrer ses pouvoirs. Elle me dit qu'il fallait aller dehors pour ne pas blesser les danseuses et détruire le bar. Elle se vante à ce point la ? Elle est mignonne, la Ragazza. Je souris et la suis. Je remarque ses cicatrices sans trop y faire attention. Chacun ses marques, chacun son passé. Je dois me concentrer pour ne pas faillir face à elle et lui prouver que je vaux plus que ce qu'elle ne le pense. Elle me dit qu'elle avait été impressionnée par le contrôle de mon pouvoir mais je n'étais pas si fort que ça. Je me tourne vers elle, attendant la suite. Les gens se réunissent autour de nous, attendant le spectacle. Je sens alors la panique m'envahir. Non, pas maintenant ! J'ai horriblement peur de la foule ! Je ne dois pas rester là ! Je recule de quelques pas, mais pas par peur de mon adversaire. Mes yeux sont rivés sur les gens autour de moi. Ils ne semblent pourtant pas approcher plus et je souffle un peu, calmant mon coeur terrifié.

La fille fit alors quelque chose qui me laissa sans voix. Elle invoqua la foudre et la dirigea sur elle. Elle absorba l'énergie de cette dernière et, traversée de part en part par des arcs électriques, elle me demanda si j'étais prêt. Je la regarde dans les yeux. Elle est sérieuse, elle est prête à se battre. Je n'ai pas besoin de réfléchir pour savoir que je ne fais clairement pas le poids. La foudre peut bousiller le réseau de tout un quartier, en un instant, je n'ai pas une telle puissance. J'ai déjà essayé de l'accumuler, j'ai failli y passer. Je ne cherche même pas à prélever de l'électricité. Je décide de jouer la prudence, peut être pour la première fois depuis que je suis ici. Cela me tue, je me sens humilié au plus profond de mon âme. Je pose un genou à terre et baisse la tête. Je lui dis alors : Je ne fais pas le poids. Je serre les poings, inspire et, tout en serrant les dents, je dis : Il a raison. J'ai eu tort. Je garde les yeux baissés, les poings serrés.

S'il l'a elle, alors pourquoi m'a t'il engagé ?

Pourquoi je suis encore ici ? Pourquoi il ne m'a pas tué ?

Tant de questions qui se bousculent en moi et me donnent une sensation que je ne connaissais pas : celle d'etre inutile, un moins que rien. Et cela me fait affreusement mal.

Je ne me suis jamais senti aussi humilié.

Cette fille est clairement plus puissante que moi, je ne fais pas le poids. Elle serait capable de me griller sur place. Ça me fait mal de le reconnaître, ça me fait mal de me dire que je ne puis rien face à elle. C'est humiliant, et je me pose des questions. Qui suis je pour Ezekiel ? Pourquoi l'a t'il épargné ? Pourquoi m'a t'il gardé s'il a quelqu'un de beaucoup plus puissant qui, en plus de cela, fait partie de sa famille. Tant de questions qui se bousculent dans ma tête, au point où je sens l'anxiété dévorer mon ventre. Je ferme les yeux, je souffle, essayant de la chasser. La fille me dit de me relever. Je devais apprendre à respecter les autres et surtout ceux qui m'employaient. Restant à genoux, le regard figé sur le sol, le souffle court.

Elle me fait signe de me lever et je finis bêtement par obéir. Elle me dit que, si Ezekiel avait besoin de moi, c'est parce qu'il ne pouvait se permettre d'envoyer sa nièce sur le terrain. Elle avait 16 ans après tout. Je murmure : Tu.. Tu as que 16 ans ? Bon dieu, j'ai provoqué une gamine, je ne vaux pas mieux qu'un ado de son âge après tout. J'ai le double de son âge pourtant. C'est d'autant plus humiliant. Je lui souffle : Je savais pas, j'suis désolé. Elle me dit que j'avais certes moins de puissance mais je supportais les nombreux coutrecoups d'un tel sort. Je le vois bien sur ses bras, elle a l'air de souffrir. Bravo, quel intérêt d'avoir un tel pouvoir si c'était pour en souffrir derrière. Je plisse les yeux, comprenant du coup pourquoi Ezekiel ne l'envoyait pas sur le terrain. Tant qu'elle ne contrôlait pas pleinement son pouvoir sans en souffrir, ce serait comme la jeter dans les griffes de la mort.

Je serre les dents et les poings. Elle me dit qu'elle m'offrait un verre pour s'excuser. Je secoue la tête et lui dis : Tu n'as rien à te reprocher. C'est de ma faute, c'est tout. Je suis désolé. Je relève la tête mais ne la regarde pas. Je lui dis : Je... Je dois décliner ton offre...J'ai... J'ai quelque chose à faire... sur ces mots, je me détourne et m'enfonce dans les ruelles. Je me rends tout d'abord au cimetière et reste adossé à la tombe de mon père jusqu'au crépuscule. Je ne rentre au club que tard, et je me réfugie dans ma chambre, préférant travailler et lire jusqu'à l'épuisement. Bon sang, je donnerais tout pour avoir un piano entre les mains. J'aurais mieux fait de retourner chercher mon clavier a la pizzeria..