Le brassard noir glissa le long de la manche avant de s'immobiliser sur le biceps.

Impassible, j'observe le reflet que me renvoie le miroir de ma petite chambre. Costume noir, teint pâle, brassard noir autour du bras, cheveux impeccables, j'ai tout du parfait fils endeuillé. Cela ne fait que quelques jours que je suis ici, quelques jours durant lesquels j'ai été déchiré entre l'envie de fuir et celle de m'adapter. Je ne sais toujours pas quoi faire. Je sais que de grandes opportunités m'attendent ici, au sein de cet étrange club qui a tué mon propre père, mais je sais également que la mort n'est jamais très loin. Que faire ? Mon reflet ne me renvoya que l'image d'un homme fatigué, tiraillé. Bon, autant descendre dans la salle, en bas, là où il y a le bar. Je pourrais lire un peu, essayer de me changer les idées... Ou alors... Je me dirige vers ma valise. Je n'ai pu emporter que peu d'affaires, je prendrais le reste une fois que je trouverais le courage de revenir chez moi. Je prends un livre donc, ainsi que mes cahiers et mes stylos avant de sortir de ma chambre. Ce n'est pas le grand luxe, bien loin de mon petit cocon dans la pizzeria, mais cela suffit pour que je m'y sente en sécurité... Enfin .. tout est relatif n'est ce pas ?

Une fois arrivé, je n'adresse pas un mot aux personnes que je croise. Ils savent qui je suis pour la plupart, et savent que je ne suis pas d'humeur à parler. Je m'installe à une table et commence à ouvrir mon livre et mon cahier. Cet ouvrage est un receuil de plans de la ville, datant d'il y a plusieurs siècles, réimprimé au goût du jour. C'est le genre de bouquin qui n'intéresse personne, sauf des excentriques dans mon genre. Dans mon cahier se trouvent des plans plus actuels. Mon objectif ? Retrouver les anciens passages encore existants, comparer le tracé des égouts anciens et actuels. C'est toujours utile. Je me plonge dans mon travail, retrouvant ces sensations de concentration qui me font tant de bien. Je ne remarque qu'à peine la serveuse qui vient de commencer son service. Elle m'ignore, j'en fais de même.  

Au bout d'une heure et demi, je sens la faim me tirailler, et cela m'exaspère. Je suis en plein travail ! Je n'ai pas le temps de me laisser distraire par la faim ! Je lâche un soupir et délaisse mon cahier pour la lampe murale installée au dessus de ma tête. La serveuse m'ignore toujours. Je pourrais l'appeler, oui, mais... Rah, que je déteste ça ! Je n'aime pas faire le premier pas ! Je retire mon gant et pose mon index sur le corps de la lampe et, par à coups, je prends et relâche l'énergie qui circule en elle, de manière à la faire s'éteindre et se rallumer. Cet exercice est sans doute le seul que je peux faire sans me fatiguer, car je ne prends que peu d'énergie et je le rends dans la foulée. Il ne fait que circuler dans mes doigts. Ce petit jeu finit par me lasser au bout de quelques minutes. Bon, Aurelio, cesse de faire ton timide ! J'appelle donc la serveuse : Mi scusi Signora ! Serait il possible d'avoir un café allongé per favore ? Et si vous avez de quoi grignoter, aussi... Je lui offre mon plus beau sourire, même si je sens l'anxiété naître dans mon ventre. Bon sang, que je déteste ça !

Au moins, il y a un avantage à être dans cet étrange club : c'est qu'on y est très rapidement servi.

Je n'ai presque rien mangé depuis les funérailles, le chagrin et l'amertume me coupaient l'appétit. Maintenant que c'est un peu passé, je sens la faim tirailler mon ventre et c'est très désagréable. J'ai pourtant essayé de l'oublier en travaillant, en vain. La serveuse me répondit qu'elle m'apportait ma commande de suite. J'hoche la tête et baisse les yeux sur mes papiers, délaissant la lampe que j'étais en train de taquiner depuis plusieurs minutes. Bon sang, j'ai besoin d'action, d'un vrai coup ! Je veux voir les lumières d'un immeuble s'éteindre, entendre les cris de peur des habitants et en profiter pour vider les caisses de la banque qui se trouverait comme par hasard au rez de chaussée du bâtiment visé ! Ah... C'était le bon temps. Un masque à tête de loup sur le visage, j'entrais avec mes cousins et on repartait les sacs pleins et le sourire aux lèvres. On ne s'est fait jamais chopé, pourquoi ? Parce qu'étrangement, le réseau électrique routier sautait, causant un véritable chaos aux alentours. Bien pratique pour notre fuite !

La serveuse revint avec des gâteaux et mon café. Je lui dis : Grazie.. Je goutte une gorgée bienvenue de mon café et lâche un soupir de soulagement. Elle s'approcha de moi et remarqua que je n'allais pas très bien et me demanda si je souhaitais en parler. Je lève un sourcil en la regardant. Elle est plutôt jolie, il est vrai. Elle a des yeux superbes et un regard qui ne laisserait aucun homme indifférent. Je me demande en quoi je pourrais l'intéresser. Je ne suis qu'un intello après tout, et je viens d'arriver. Je lui réponds : Vous êtes nouvelle n'est ce pas ? Je bois une nouvelle gorgée de café et reprends : Je... Je ne suis pas très à l'aise en public, c'est tout.. Et puis je suis en deuil, disons que ça a du mal à passer. Je lève les yeux vers elle et, avec un petit sourire, je lui demande : C'est Ezekiel qui vous envoie me taquiner, c'est ça ? Il me teste depuis mon arrivée. Il prétends avoir embauché una ragazza qui serait plus puissante que moi en matière d'électricité... J'ai du mal à le croire mais allez savoir...

La fille me dit qu'elle était désolée pour la perte que j'ai subi.

J'hoche la tête et la remercie, toujours en italien. Malgré le fait que je sois américain, je m'estime plus italien, même si je n'ai jamais posé les pieds dans ce pays. C'est mon rêve et, un jour, j'irais la bas, j'escaladerais le Vésuve et j'embrasserais son sol. Ce pays me manque, bien que je n'y sois jamais allé, bien qu'il ne me connaisse pas. Mon sang lui, est italien et cela ne changera jamais. De toute éternité et pour toujours, je vibrerais pour l'Italie, ses terres ancestrales et ses valeurs. La fille semble ne pas comprendre ma langue natale ce qui m'aurait étonné sinon, mais je ne lui en tiens pas rigueur. Après tout, je sais être magnanime avec ceux qui me supportent suffisamment longtemps pour me parler.

Je lui demande alors si c'est Ezekiel qui l'envoie pour m'ennuyer, car il ne cessait de le faire depuis mon arrivée. Elle me demanda alors des précisions sur la fille qui, apparament, serait plus puissante que moi, ce dont je doute. Je lui dis alors : Hum... Vous me plaisez, et c'est rare que ça arrive. Allez vous chercher une boisson et mettez la sur ma note, je vous invite et si Eze trouve à y redire, lascialo guardare altrove. Je la laisse décider et lui dit ensuite, une fois qu'elle revint : J'ignore qui elle est. Ezekiel se vante sans cesse de l'avoir embauché, il dit même qu'elle pourrait me faire de l'ombre. Je vois pas pourquoi il s'embête à me dire ça, je viens d'arriver, je me fous de ce qu'il dit. Tant qu'il me paie pour mes services... Il m'a pris mon père, je ne lui dois rien de plus que le minimum. D'après lui, cette fille pourrait faire sauter le réseau électrique de la ville. J'en doute, c'est trop, le cerveau grille a une telle intensité... Je m'épuise quand je vide l'énergie d'un immeuble, alors imaginez une ville... Non c'est impossible Je croque dans un gâteau et lui demande Qui êtes vous d'ailleurs ?

La fille alla se chercher un coca et revint s'asseoir avec moi. J'avoue, elle me plaît, et le fait qu'elle ne me contredise pas m'aide à me sentir plus à l'aise.

Elle m'écoute, ne cherchant pas à m'interrompre. Je n'aime pas parler, en temps normal, mais quand je suis en confiance, comme ici, je sais que je peux m'exprimer sans problèmes. J'ai cependant une légère peur de passer pour un... Excentrique. On me le disait souvent à l'école. On me trouvait étrange car je m'exprimais déjà comme un adulte, que je me permettais de reprendre les professeurs. J'étais l'intello, le mec qui était assis devant et qui avait les meilleures notes... Mais pas les amis qui auraient dû aller avec. Enfin ce n'est pas grave, les amis, ça sert a rien de toute façon. Ce qui compte, c'est d'avoir des paires de bras fidèles qui ne répondent qu'à un seul mot : argent. C'est ce que j'ai appris aux côtés de mon père. Je parle donc, ignorant la légère anxiété qui est en train de naître dans mon ventre. Je la vois sourire puis reprendre son sérieux lorsque j'évoque mon paternel.

Elle me demanda d'ailleurs des précisions à ce sujet. Puis elle confirma le fait qu'une telle puissance électrique chez une personne était impossible. Je souris et hoche la tête en lui répondant : Nous sommes d'accord ! Grazie mille ! Je reprends une gorgée de café et reprends : Mon père avait volé une bague, que le club réclamait. Le club m'a enlevé et m'a gardé en otage. Mon père a choisi de garder la bague, car elle aurait pu rendre notre famille bien plus puissante que le club. Il a décidé de me sacrifier, et, si sur le moment je ne comprenais pas, car nous étions très proche, je sais aujourd'hui qu'il agissait pour l'intérêt de toute notre famille, car le club nous faisait de l'ombre. Il devait également se douter qu'Eze ne me tuerait pas, car j'ai trop de potentiel... Enfin au final j'en sais rien, il a tué mon père avant que je puisse lui réclamer des explications. Je reprends une gorgée de café et frissonne.

Je lui dis ensuite : Maintenant... Me voilà. Il m'a embauché, et je devrais lui en être reconnaissant... Mais j'ai du mal. Elle se présenta ensuite. Ce nom ne me dit rien mais après tout, je suis nouveau, je ne connais pas tout le monde ici. Je lui réponds alors : Aurelio Gallo, enchanté.

Je ne sais pas si je dois blâmer mon père pour ce qu'il a fait.

Sans doute que oui, mais je l'aime malgré tout. Il est plus que mon géniteur, il est mon mentor, mon héros, mon enfance, le pilier de mon existence. Je sais que ce qu'il a fait est mal, et cette fille le confirme elle même, mais je n'arrive pas à lui en vouloir, disons que la mort lui donne cet avantage. Il est parti, il a laissé un grand vide dans mon coeur, et je n'arrive donc pas à lui en vouloir pour sa décision. Il voulait me sacrifier pour de l'argent, pour le bien de notre famille, mais en faisant cela, il choisissait de se séparer de son meilleur atout. J'étais le seul à disposer de tels pouvoirs, et il le savait. Pourquoi une telle décision ? Voulait il tenter un casse pour me récupérer ? Je l'ignore et je ne le saurais jamais. Je réponds à la fille : Bah... Il se faisait vieux, il avait peur pour l'avenir... Il a fait des choix peu crédible dans ses dernières années, mais, tant que le temps n'aura pas effacé la douleur de sa disparition, je sais que je ne pourrais lui en vouloir et être pleinement fidèle à Ezekiel. Je lui en veux, certes, mais il m'a épargné et je lui serais à jamais redevable pour ça. Une vie, pour une vie.

Sophia me demanda alors quels étaient mes pouvoirs. Je laisse échapper un sourire et lui réponds : Les explications risquent d'être longues et ennuyeuses, il vaut mieux que je vous fasse une démonstration... Ezekiel risque de déduire les réparations sur ma paie, mais c'est un avant goût de ce qui l'attends s'il continue à m'ennuyer de la sorte.. Je retire mon gant et cherche une prise électrique du regard. Ouf, il y en a une juste à côté de ma table. Je mets le doigt dedans et commence à prélever de l'énergie. Les lumières du bar faiblirent et s'éteignirent. Je dis alors : Tout d'abord, je prélève.. Je retire le doigt et lui montre ma main, où l'ont pouvait voir de petits arcs électriques circuler entre les doigts. Je lui dis ensuite : Je garde et enfin... Je relâche. Je pose le doigts sur la lampe murale au dessus de ma tête et décharge tout le courant accumulé. L'ampoule explosa. Les lumières du bar, de nouveau alimentées par le réseau de la ville, se rallumèrent, comme si rien n'était arrivé. Je dis enfin : Je suis doté d'absorption électrique, mais je ne suis limité qu'à la puissance maximale d'un immeuble résidentiel. Cela me fatigue beaucoup, mais c'est utile. Si je ne détruis pas le réseau électrique du bâtiment, je le restitue soit normalement pour le rétablir, soit je lâche tout sur mes ennemis. Ça fait des dégâts..

Je termine mon café et lui demande :Et vous ? Qu'est ce qui vous rends spéciale ? Ezekiel n'est pas du genre à embaucher des personnes simples, je me trompe ?