Remy avait considéré qu'il ne servait à rien d'argumenter avec Alice. Elle aimait Ezekiel, profondément, et Remy aussi. Mais ils avaient tous deux un regard très différent sur la situation. Il ne servait à rien de tenter de la convaincre qu'Ezekiel prenait une mauvaise voie. Pourtant Gambit essaya quand même. Parce qu'il tenait à lui, et qu'il sentait bien qu'il était en train de le perdre.
Remy se voilait la face en arguant qu'Ezekiel était en train de "tout foutre en l'air". A vrai dire, Ezekiel était à l'inverse en train de réussir au-delà de ce qui avait pu être envisagé. Il était en train de se créer un grand nom au sein de la Pègre de New-York. Et il se le créait tout seul, sans l'aide de Gambit. C'était cela qui lui faisait le plus mal, même s'il n'était pas encore prêt à l'admettre. L'élève dépassait le maître. Et Alice, du haut de ses seize ou dix-sept ans, l'avait parfaitement compris.
Remy put de plus avoir la confirmation qu'Ezekiel avait bel et bien tué son agresseur. Il s'en doutait, fortement. Mais l'entendre de la bouche d'Alice était désagréable. Pas autant que les critiques gratuites et infondées sur sa Guilde et sur son épouse, cela dit. A son tour, ses yeux changèrent de couleur, pour prendre cette teinte démoniaque caractéristique. Le Diable Blanc serra les poings et inspira profondément. Lorsqu'il reprit la parole, sa voix était menaçante, mais il ne haussa pas le ton : il ne voulait pas provoquer d'esclandre, et seule Alice put entendre ce qu'il lui répondit.
« Prends bien garde à tes paroles, petite Alice. Par respect pour Ezekiel, nous en resterons là. Cherche donc ta voie, et ne te préoccupe plus de la mienne. »
Sous-entendu "ne te mêle pas de mes affaires et tout ira bien entre nous". L'éventuel recrutement d'Alice était désormais parfaitement exclus. Qu'elle aille donc se pervertir auprès d'Ezekiel et de son nouvel empire du crime, Gambit n'en avait plus rien à faire. Du moins était-ce ce qu'il prétendait. Ainsi, il partirait la tête haute.
Ses yeux reprirent une teinte humaine alors qu'il mettait définitivement fin à cet échange qui s'était avéré bien plus désagréable qu'il ne l'avait pensé au départ. Il laissa son verre sur le comptoir et repartit au fond de la salle pour rejoindre son confrère de la Cour des Joueurs. Il était peut-être en train de perdre Ezekiel, mais il y avait d'autres personnes qui comptaient sur lui et avaient encore besoin de lui.
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