Le White Rabbit Hole avait été ravagé par l'attaque terroriste du groupe anti-mutants des Héritiers. Le propriétaire du nightclub avait mystérieusement disparu. Vu qu'il s'était avéré être l'agresseur d'Ezekiel, Remy avait une petite idée de ce qui avait pu lui arriver, mais le Prince n'avait posé aucune question à son bras droit. Il avait été clair avec lui : s'il ne pouvait le dissuader d'aller au bout de sa vengeance, il ne pouvait pas non plus le soutenir dans son funeste projet et ne voulait rien en savoir.
Ezekiel était en tout cas parvenu à racheter le nightclub en ruine, à financer les travaux pour le restaurer et le métamorphoser en un nouvel établissement. Exit le pays des merveilles réservé aux mutants et aliens, le Devil's Playground était un lieu plus classique et luxueux où les humains étaient autorisés. Cependant la boîte restait un lien de rendez-vous incontournable pour les membres de la Pègre.
Gambit y était pour affaires. Il accompagnait un membre de sa guilde qui devait négocier un contrat pour le braquage d'un antiquaire du Queens. Après avoir fait les présentations et s'être porté garant de son petit voleur, le chef de la Cour des Joueurs les laissa discuter entre eux des termes du contrat. Il se dirigea vers le bar et y aperçut une silhouette familière. S'en approchant, il lui glissa à l'oreille, un sourire malicieux aux lèvres :
« Tiens tiens… Bonsoir petite Alice… »
Ils ne s'étaient rencontrés qu'une fois, plusieurs mois auparavant, et leur tête-à-tête avait été plutôt mouvementé. Mais Remy s'était renseigné sur elle auprès d'Ezekiel, et si l'occasion ne s'était pas présentée de la recroiser, il avait parfois pensé à elle. Il était donc plutôt content de la revoir.
« Alors ma petite tornade, qu'est-ce que tu deviens ? »
Ezekiel avait fait du bon travail avec cet endroit, il l’avait rénové et l’avait rouvert pour qu’ils puissent de nouveau accueillir des clients. L’ancien nightclub était réservé au mutants et aliens mais celui d’Ezekiel était ouvert à tous non sans un lien avec la pègre. Vivant ici, les gens me connaissaient pas mal ici et il m’arrivait de me ballader ou d’être au bar pour parler avec le barman. Je profitais de mon soda perdue dans mes pensées quand une voix familière vint me dire bonjour dans l’oreille.
C’était Remy, un ami d’Eze que j’avais un peu menacé la dernière fois que je le cherchais. Je ne l’avais pas vu depuis et il n’avait pas l’air de m’en tenir rigueur même si je ne m’excuserais principalement par honte et principe. Le revoir me faisait plaisir malgré tout car il restait un ami à Ezekiel et une personne proche pour lui. Je lui souris et l’écouta me demande ce que je devenais. Je ne savais pas trop quoi lui répondre ne faisant pas grand chose de ma vie en ce moment mais il fallait bien que je trouve de toute façon.
“Je suis contente de te voir, je cherche ma voie pour l’instant mais j’ai des petites pistes pour arriver à ce que je veux faire et toi donc que deviens tu?”
La jeune Alice ne sembla pas mécontente ou mal à l’aise de l’arrivée de Remy auprès d’elle, puisqu’elle lui sourit et commença même par annoncer qu’elle était contente de le voir. Le Prince ne se départit donc pas de son sourire et prit place à côté d’elle, s’installant sur l’un des hauts tabourets alignés devant le comptoir. En attendant que le barman le remarque – contrairement au White Rabbit Hole, ici il ne connaissait pas encore tout le personnel – il écouta la réponse d’Alice.
Elle « cherchait sa voie » ? De ce que Remy en avait compris, elle vivait chez Ezekiel, depuis quelques mois maintenant. Elle ne semblait pas avoir de grosses séquelle de l’attentat des Héritiers, ou du moins elles n’étaient pas visibles. Quelle voie une jeune fille dans son genre pouvait bien chercher ? Comme elle lui retournait la question, le voleur esquissa une petite moue désinvolte en haussant les épaules et répondit :
« Oh, moi, je n’ai rien de spécial à raconter, le travail, les amours, tout roule. »
Difficile d’entrer dans les détails sans savoir ce qu’Ezekiel avait bien pu lui raconter sur lui. Connaissait-elle les réelles activités de son logeur ? Lui avait-il parlé de leur guilde ? Savait-elle ce que Remy représentait réellement et ce qu’il faisait dans le milieu de la Pègre ? C’était peut-être l’occasion d’en discuter. Mais il préférait commencer par tâter le terrain.
« Et qu’est-ce que tu veux faire ? Au vu de tes fréquentations, je présume que ta « voie » n’est pas sur les bancs de l’école… »
Le sourire malicieux lui revint aux lèvres. Ce n’était pas un reproche qu’il lui faisait, bien au contraire. Lui-même n’avait que très peu fréquenté l’école, il était un gamin des rues, comme elle. Comme le barman arrivait vers lui et lui demandait ce qu’il voulait boire, Remy observa quelques instants le visage d’Alice, comme s’il tentait d’y discerner quelque chose, puis sembla tirer une conclusion de son observation et se tourna vers le barman pour lui demander :
« Je te prendrai deux Ti’Punch s’il-te-plaît mon beau. »
Remy s’installa à côté de moi et me sourit, il semblait content de me voir et moi aussi j’étais contente. Je n’avais pas eu une bonne première impression quand je cherchais Ezekiel mais il n’avait pas l’air de m’en vouloir. C’était une bonne nouvelle car j’avais autre chose a faire que de me débattre avec un ami a Ezekiel. Il me répondit qu’il n'avait rien de spécial à raconter et qu’en somme tout roulait dans sa vie. Je n’avais pu vraiment parler avec lui ni découvrir qui il était la dernière fois, trop inquiète par Ezekiel et trop en colère pour être gentille mais ce serait l’occasion de rattraper le coup. Il reprit la conversation avant moi et me demanda ce que je voulais faire, supposant que vu mes fréquentations l’école n’était pas faite pour moi.
“Oh tu sais, ça fait bien longtemps que j’ai abandonné l’école. Je suis arrivé assez loin pour savoir lire, écrire, compter et toutes ces conneries là mais je ne compte pas y aller et cela même si j’en avais l’occasion. Je dois dire que ce milieu là me plait bien, le devils est un bon endroit et on sait toi et moi ce que cache ce tout nouveau club. Ezekiel ne compte pas m’empêcher de le suivre là-dedans et je compte bien le suivre alors tu dois savoir ce dont je parle sinon tu ne serais pas aussi proche de lui.”
Je ne savais pas ce qu’il savait ou non mais il était proche d’Ezekiel et les gens proches d’Eze savaient ce qu’il faisait alors je ne pensais pas risquer grand-chose en parlant de ça. Remy commanda au barman qui s’était approché et avant que le barman ne s’éloigne, je lui touchai deux mots.
“Sur ma note.”
Cela voulait dire gratuit mais c’était plus simple et rapide.
Alice était au courant des activités du club, et par extension de celles d’Ezekiel. Plus que cela, elle semblait déterminée à le suivre dans cette voie. Très bien. Ce n’était pas Remy qui irait lui faire la morale à ce sujet, bien au contraire. Lui-même était entré très tôt dans le milieu de la Pègre et n’avait jamais regretté cette orientation. Certaines personnes étaient faites pour ça. Si c’était le cas d’Alice et qu’elle pouvait s’épanouir dans ce milieu, tant mieux pour elle.
« En effet. Je suis très bien placé pour connaître les activités d’Ezekiel. »
Il n’en dit pas plus dans l’immédiat, laissant planer un peu le mystère pour permettre à la jeune Alice de s’interroger davantage sur lui. Il y avait de toute façon de quoi s’occuper en attendant, avec la commande d’alcool qu’il venait de passer et qu’elle venait gentiment de prendre sur sa note. Elle avait donc des ressources financières ? Ezekiel lui donnait-il de l’argent de poche, ou travaillait-elle d’ores-et-déjà pour lui ? Remy remercia le serveur lorsqu’il lui apporta les deux cocktails à base de rhum, de citron vert et de sucre de canne puis il en tendit un à Alice et prit l’autre en main.
« Merci pour le verre. Voici le tien, à ta santé ! »
Alice n’était certainement pas en âge « légal » de boire de l’alcool, surtout vu que la majorité aux USA pour ce genre de choses était fixée à 21 ans, mais aux yeux de Remy elle était assez grande pour pouvoir encaisser un Ti’Punch – ou au pire des cas, connaître pour la première fois les agréables symptômes d’une légère ivresse. Dans un lieu comme celui-là, ils ne seraient probablement pas à cheval sur le respect de la loi.
« Pour te parler franchement, c’est moi qui ai formé Ezekiel. Lorsque je l’ai rencontré en 2018, il n’était qu’un petit voleur des rues. Je l’ai pris sous mon aile et lui ai appris le métier. »
Remy me répondit qu’il était bien placé pour connaître les activités d’Eze et cela voulait donc dire qu’il était plus qu’un ami pour Eze. Je ne savais pas jusqu'où il savait pour Eze mais c’était assez pour ne pas être étonnée. Peut- être que lui aussi était dans la pègre et cela ne m’étonnerait pas. Les verres sont servis et il m’en tend un pour trinquer avec moi. Je l’accepte et lève mon verre avec lui. Il reprit la parole et je l'écoutai en sirotant mon verre.
“Je dois dire que je ne suis pas étonné que tu sois dans la pègre ou peu importe comment on appelle ça mais ce milieu te va bien et je comprend mieux pourquoi toi et Eze vous êtes aussi proche. Il fait un peu pareil pour moi et j’espère aller loin avec lui. Je ferais n’importe quoi pour l’aider et aller aussi loin qu’il veuille avec moi.”
Je bois une gorgée et je reprends.
“Je dois dire que vu mon parcours de vie je ne vois pas d’autre vie que celle que j’ai, j’ai toujours été comme ça et dans cet endroit au moins je n’ai pas honte d’être qui je suis et de faire ce que je veux faire. Ezekiel a eu de la chance de t’avoir comme mentor et comme amie.”
Elle était prête à faire n'importe quoi pour Ezekiel… N'importe quoi… Pourrait-elle tuer pour lui ? Ezekiel avait toujours été proche de la limite à ne pas franchir, et il avait fini par la franchir. Continuait-il sur cette sinistre voie ? Difficile à dire, ils ne se parlaient plus beaucoup depuis. C'était malheureux, mais Remy ne pouvait pas y faire grand chose. Il avait bien essayé, mais il ne connaissait pas plus têtu que son chaotique ami. En tout cas, si la jeune Alice y trouvait son compte, tant mieux pour elle.
« C'est bien qu'il t'ait pris sous son aile. C'est un milieu difficile et impitoyable, c'est important d'avoir des protecteurs, au moins le temps que tu te fasses un nom. »
Mais quand même, qu'Ezekiel n'ait pas parlé plus que cela de lui à Alice, ça le titillait. Il n'irait pas jusqu'à dire qu'il en était vexé… Quoique. Un peu. C'était décevant, surtout. Ezekiel était son bras droit, il aurait pu au moins lui parler de leur guilde… Ca aurait dû être une évidence. Mais ça ne l'était pas, semblerait-il. Alors autant jouer franc-jeu et arrêter de tourner autour du pot.
« Ce que je vais te révéler doit bien évidemment rester entre nous. »
Son visage se fit plus sérieux, il se rapprocha d'elle et parla à voix plus basse, pour être certain de n'être pas entendu par des oreilles indiscrètes. Même si beaucoup ici savaient bien qui il était, cette attitude de confidence devrait faire son petit effet.
« Je suis le fondateur de la Cour des Joueurs, une guilde de voleurs influente sur New York. Ezekiel est mon second. Je suis donc surpris qu'il ne t'en ait pas parlé. A vrai dire, je pensais qu'il finirait par me demander de t'intégrer à notre guilde. »
Remy me dit que c’était bien qu’il m’ai pris sous son aile car c’était un milieu difficile et impitoyable et qu’avoir des protecteurs était important au moins le temps de se faire un nom. Il avait raison mais je n’avais pas de grandes craintes quant à me faire un nom dans ce milieu et je savais qu’Ezekiel serait le meilleur protecteur comme il disait.
“Je dois dire que je ne doute pas me faire un nom assez vite, je ne suis pas une gamine ordinaire mais le plus important sera de suivre Ezekiel et de l’aider.”
D’un air sérieux, il me dit que ce qu’il s'apprêtait à me dire ne devait pas sortir de cette conversation et que c’était secret. J’hocha la tête et l’écouta parler. Il était fondateur de la guilde des voleurs et c’était une guilde influente sur New York d’après ces dires. Il était surpris qu’Eze ne m’en ai pas parlé et il pensait même qu’il essaierait de m’intégrer a la guilde.
Visiblement Ezekiel avait prévu d’autre chose et cela n'avait pas plu a Remy.
“On dirait qu’il a décidé de s’orienter dans une autre direction visiblement. Il faut dire qu’au moment où il avait besoin de son ami, il a décidé de le laisser ne trouvant pas bien de tuer des gens même pour une vengeance méritée. Donner des leçons alors que l’on partage sa vie avec une tueuse dont je ne connais pas l’identité et dont je m’en fiche pas mal est un peu hypocrite donc je le comprends assez bien.”
Je sirote mon verre en le regardant après avoir fini ma phrase.
L'aplomb de la jeune Alice était amusant à voir. On la sentait prête à conquérir le monde. Elle ne montrait aucune hésitation, aucune crainte. Remy était pareil à son âge. Lui était promis à un grand destin depuis la naissance. Quel serait le destin d'Alice ? Deviendrait-elle reine du pays des merveilles, ou se fracasserait-elle le crâne en tombant dans le terrier du lapin blanc ? Seul l'avenir le dirait. Remy lui sourit et lui répondit :
« Tu n'es certainement pas ordinaire, et je pense que tu n'es plus une gamine depuis longtemps. »
Sinon elle ne serait pas assise au comptoir d'un night-club rempli de malfrats à siroter un Ti'Punch. Sinon il ne lui aurait pas parlé de sa guilde de voleurs, en laissant sous-entendre qu'elle pourrait y entrer. Mais la réponse d'Alice fut pour le moins inattendue, comme un soudain coup de poing dans l'estomac. Remy resta interdit et silencieux quelques instants, sous le coup de la surprise, avant de réussir à se reprendre et rétorquer, avec un sourire sans joie :
« Ah, je vois que finalement, il t'a parlé de moi... »
Évidemment il ne le prenait pas bien. La critique était facile, et injustifiée. Alice ne le connaissait pas, elle ne savait pas ce que Remy et Ezekiel avaient vécu ensemble. Elle ne pouvait pas comprendre la situation, son opinion était biaisée par la colère de celui qu'elle appelait son grand-frère. Il était inutile de discuter davantage avec elle, d'essayer de lui faire comprendre pourquoi il avait refusé de soutenir Ezekiel dans son macabre projet de vengeance. Son sourire sans joie disparut de son visage et c'est d'un ton bien plus froid qu'il termina la conversation.
« Je suppose que ça ne sert à rien d'argumenter avec toi ? Merci pour le verre. »
Il descendit du tabouret, prit son verre d'une main, sa veste de l'autre, et quitta le comptoir pour rejoindre son collègue toujours en pleine négociation à une table au fond de la salle. Mais après seulement quelques pas, Remy fit demi-tour et revint vivement vers Alice. Il supportait mal qu'on remette ainsi en cause son honneur et qu'on le place en fautif dans cette affaire. Alors il pointa sur elle un index accusateur et expliqua, d'un ton rapide et amer où perçait une colère à peine contenue :
« Je ne l'ai pas laissé tomber. Jamais. J'ai tenté de le dissuader de salir son âme, je lui ai même proposé des solutions. Mais toi qui penses le connaître si bien, tu dois savoir à quel point il peut être borné. C'est lui qui a décidé de s'éloigner, c'est lui qui est en train de tout foutre en l'air. Mais je ne le laisserai pas faire. Tu peux bien penser ce que tu veux, mais je ne compte pas le laisser tomber. »
Remy me dit que je n’étais pas ordinaire et que ça faisait longtemps que je n’étais plus gamine. Je ne sais pas si je l’ai été réellement un jour mais je sais que je suis plus que ça maintenant et les gens le remarque a leurs tours. J’hocha la tête pour lui affirmer qu’il pensait bien et lui répondit après qu’il m’ai parlé de sa guilde des voleurs. Visiblement il n'avait pas bien pris la remarque, même si je n’en avais que très peu a faire.
Il me dit que cela ne servait à rien d’argumenter et me remercia pour le verre avant de quitter son tabouret et de commencer à partir. Je devais avouer être un peu déçu, moi qui avait tant entendue sur lui mais déception ne dura pas longtemps car il se retourna pour m’engueuler dans une colère peu contrôler. Quand je l’entendis revenir vers moi, je me retourna pour le regarder alors qu’il me faisait la morale comme à un enfant mais je n’en suis pas un. Je posai mon verre et me leva pour lui faire face.
“Tu ne vois pas plus loin que toi, c’est tout, il ne fout rien en l’air et il va surement bien plus loin que tu ne pourras jamais aller. Toi qui dit que tu ne l’a jamais abandonné, tu l’a fait et tu l’assume même. Tu parle de salir son âme mais je doute que dans ta petite organisation de voleur a deux balles, vos âmes soit pure et d’une propreté. Il a éliminé un monstre, une raclure de l’humanité qui ne méritait rien d’autre que la mort mais je suis sûr que tu penses que ce qu’il a fait est un crime abject que seule ta petite chérie a le droit de faire sans devoir subir ton jugement et tes accusations.”
Sous la colère, mes yeux devenait blancs et les yeux s’attirait sur nous deux.
Accueil
Halloween