Je fus étonné, et en même temps plutôt satisfait, que le garde du corps de Lucy Orchent réponde à mon trait d'humour. Je lui adressai d'ailleurs un clin d'œil complice, content que quelqu'un ait rebondi sur ma connerie. "Jingle brûle"... pas mal. Evidemment on tâcherai de ne pas en arriver là. N'empêche que Nathan et moi, on allait bien s'entendre, à priori.
Pour le côté plus scientifique, miss Orchent détailla ce qui à son sens devrait pouvoir fonctionner. Le dessiccant. Comme les petits sachets qu'on trouvait parfois dans les boîtes à chaussures ou dans les armoires, pour absorber l'humidité. J'avais pas ça sur moi. Flèche électrique, ça j'avais, ça faisait partie du pack de base. Flèche incendiaire aussi, d'ailleurs. Par contre j'avais laissé le détergent sous l'évier de la cuisine. Mais si ça me démangeait de le dire, j'optai finalement pour une réponse plus efficace et constructive :
« Impulsion électrique et acide, j'ai. A choisir, je préférerais la première. L'acide c'est pas joli joli. Le but c'est pas d'la dissoudre. »
Quant au nombre de Slimes présentes en ville, Orchent penchait pour deux, au minimum. Ca collait avec les deux formes humaines recensées jusqu'alors, pour le coup. Par contre on ne les avait encore jamais vues ensemble… mais c'était une éventualité à laquelle il fallait se préparer. On pouvait se retrouver à devoir gérer le couple, plutôt qu'une créature isolée.
Dans la voiture, notre nouvelle super-héroïne en profita pour se changer. Conformément à sa demande, je ne regardai pas à l'arrière, ce qui de toute façon ne me serait pas venu à l'esprit vu que je conduisais. Je ne me permis un regard dans le rétroviseur que lorsqu'elle parla de compléter l'équipement, et je tendis la main pour recevoir la montre. Encore un petit côté Tony Stark qui me fit sourire. Quant à la demande de Nathan, elle me fit brièvement sourire aussi - surtout la notion "d'arc inclus" - et je lui répondis :
« Hormis un taser, j'vais pas pouvoir vous filer grand chose aujourd'hui. On n'avait pas vraiment l'temps de gérer toute la paperasse pour le prêt et l'autorisation d'utilisation d'armes létales par des civils. »
Ben ouais, fallait pas qu'ils oublient que c'était une mission chapeautée par le S.H.I.E.L.D., et qu'ils n'en faisaient pas partie. Si jamais ça venait à partir en couilles, je pouvais les couvrir - à condition qu'ils fassent pas du grand n'importe quoi - mais je pouvais pas les équiper comme des Avengers. Alors qu'on descendait de la voiture une fois arrivés à Harlem, j'observai le costume de la Reine des Abeilles et Emy formula tout haut ce que je pensais : le blanc, c'était très voyant… et pas forcément l'idéal quand ça risquait de tourner à l'affrontement.
« C'est très salissant, aussi. Mais ça devrait faire l'affaire. »
C'était aussi à ça qu'on pouvait constater son inexpérience du terrain, et son idéalisme. J'avais pourtant, moi aussi, un costume blanc, dans la panoplie de tenues créées pour les Avengers, mais je préférais largement mes tenues plus sombres. Plus discrètes, plus adaptées. Mais je notai quand même l'effort, notamment de protection : j'approuvais complètement le kevlar, qui était aussi la base de nos propres équipements.
Bon, il était temps d'y aller. Je mis en marche le drone et l'envoyai quelques mètres au dessus de nous, en recherche de la trace olfactive de la créature. Evidemment, notre petite troupe attirait pas mal les regards, mais la plupart des gens se contentait de se tenir gentiment à l'écart et nous observer avec curiosité et méfiance. Certains devaient forcément soit me reconnaître, soit reconnaître miss Orchent, et tirer leurs conclusions : il allait se passer quelque chose.
Le drone nous conduisit dans la partie couverte du marché, ce qui n'était pas pour me plaire : c'était beaucoup plus complexe d'assurer la sécurité des civils et de limiter les dégâts dans un endroit clos et confiné. Il faudrait qu'on parvienne à amener la créature à sortir de son trou. En parlant de la créature, le drone la cibla alors que je la reconnaissais visuellement : elle avait exactement la même apparence que lors du Jour des Héros. Je m'arrêtai et indiquai aux autres de s'arrêter aussi, avant de désigner la créature d'un signe discret de la tête.
« Elle est là. La fille en jupe et tee-shirt blanc devant l'échoppe de bois. Je couvre la sortie sud, Nathan la sortie nord. Agent Carthew, miss Orchent, vous approchez la créature et faites en sorte de l'attirer à l'extérieur des halles. »
C'était parti… Il n'y avait plus qu'à espérer que la créature n'allait pas mal réagir à l'approche des deux femmes. Tout en me mettant en position, de manière à couvrir une éventuelle fuite de la bestiole et à garder un bon point de mire sur elle, j'envoyai le drone scanner les environs au cas où la deuxième Slime soit dans le coin aussi. Mieux valait éviter les mauvaises surprises...
La Slime n'avait pas remarqué la présence du quatuor, ni des deux humains qui s'approchaient d'elle alors qu'elle était encore en train de débattre avec le sculpteur qui commençait à s'agacer, sans que la Slime ne comprenne pourquoi. Elle savait plus ou moins détecter dans la voix des humains le moment où ils perdaient patience et risquaient de ne plus vouloir répondre à ses questions, mais elle ne comprenait vraiment pas comment on pouvait obtenir de telles formes avec un simple couteau.
Le commerçant, en revanche, remarqua l'arrivée des deux femmes, dont l'une d'elles particulièrement voyante. Préférant éviter les ennuis, il commença à dire à cette ennuyeuse jeune femme qu'elle ferait mieux d'aller voir ailleurs s'il y était.
Interloquée, la Slime se demanda ce qu'il voulait dire par là. Comme il indiquait vaguement une direction dans son dos, elle se retourna, instant de répit dont il profita pour se cacher derrière son comptoir : bête comme elle était, elle croirait sans doute qu'il avait disparu.
C'est à cette occasion que la Slime vit deux visages familiers. Enfin, familiers, du moins partiellement, car elle avait toujours du mal à se souvenir des visages des différents humains qu'elle croisait, s'attardant plus sur des particularités physiques plus voyantes. Mais pourtant, ces deux humaines lui disaient quelque chose, même si elle ne parvenait pas à se souvenir quoi exactement.
Elle les regarda arriver, un air interrogateur sur le visage, tandis que ses iris viraient doucement au rose alors que son esprit se concentrait sur pour se souvenir. Qu'est-ce qu'elle avait fait avec ces humaines ? Qu'est-ce qu'elles lui avaient appris ? Est-ce qu'elle les avait vues en même temps, comme maintenant ? Mmmh, difficile à dire.
L’impulsion électrique plutôt que l’acide pour l’agent Barton. Excellent. Non en effet, le but n’est pas de dissoudre. Ce n’est même pas de combattre. C’est de récupérer avec une forte préférence pour l’absence d’arrestation et une encore plus forte préférence pour l’absence de violence.
Différentier les Slimes des humains sera possible pour l’agent Carthew. Parfait. Si c’est une question de composition, ils ne sont pas qu’un peu différents : ils ont plus de points communs avec nos intestins qu’avec nos cerveaux ! Ainsi qu’avec des bactéries, chose qui peut laisser envisager qu’il s’agisse d’un super-organisme plus que d’un organisme et que les Slimes réduisent à néant la notion même d’individualité en pouvant fusionner ou se diviser entre eux. Beaucoup de choses qui m’intéressent énormément mais que je ne partage pas par anticipation que l’intérêt ne soit pas partagé voire même considérer comme un hors sujet.
Influencer les émotions des autres n’a jamais été très concluant pour l’agent Carthew. Tant mieux. Elle n’est pas télépathe. Tant mieux aussi ! Ma tête, mes pensées, mes émotions… je tiens à l’idée qu’elles soient indépendantes et privées ; dans cet ordre. L’absence de garantie de réussir à influencer ne me pose aucun souci, bien au contraire.
Quant aux armes…
« Hormis un taser, j'vais pas pouvoir vous filer grand-chose aujourd'hui, déclare l’agent Barton à la surprise commune entre Nathan et moi. On n'avait pas vraiment l'temps de gérer toute la paperasse pour le prêt et l'autorisation d'utilisation d'armes létales par des civils.
- Un taser sera parfait, merci beaucoup, répond mon garde du corps avec une gratitude presque déférente. La prochaine fois je sortirais couvert. »
Que des armes de dotation du SHIELD puissent être prêtée à des consultants, c’est surprenant mais on ne crache pas sur cette nouvelle preuve du "qui ne tente rien n’a rien alors autant tenter le diable". L’arme de poing de Nathan est inutile contre un Slime et ses matraques électriques de prédilection sont un jeu beaucoup trop dangereux pour que j’accepte qu’il y joue. En conclusion, un taser c’est bien. Merci ma Chance. Et l’agent Barton.
« Un peu voyante la combinaison non, me demande l’agent Carthew une fois déployée. Je n’ai jamais été très fan du blanc…
- C'est très salissant, aussi. Mais ça devrait faire l'affaire.
- Voyant, c’est l’objectif, assure-je avec un sourire. Si je veux pouvoir être un symbole, il faut que je sois reconnaissable et symbolique. Le blanc est les deux. »
Okay, le blanc n’est pas à proprement parler une couleur mais il est utilisé comme tel en symbolisme. Plus précisément, il est considéré en Occident comme la couleur du mariage, de la pureté, de la virginité, quelque part du divin, via le vêtement papal, ainsi que de la perfection, de l’unité et de l’équilibre, via la synthèse additive. Il n’a aucune connotation négative et son défaut de devenir "vide" ou fade lorsqu’il est trop présent est aisément contré par un contrepoint, le noir de mes ceintures et bracelets, et par l’accompagnement du roux de ma chevelure. Ce qui n’enlève rien au fait que ce soit très salissant ; comme l’innocence.
Face à la perplexité d’Emy quant à mon prêt d’équipement, je me pare d’un sourire tranquille.
« De savoir dans quel état vous vous trouvez, commence-je à expliquer. C’est le moyen pour que tout le monde puisse connaitre l’état de santé de tout le monde ainsi que sa position sur la carte. Enzo se charge de l’ATH. »
Enzo qui décroche, ayant eu le temps de se positionner dans la salle multimédia de mon immeuble afin de nous servir d’opérateur à travers l’ordinateur et ses six écrans tactiles que j’y ai fait installer. A défaut d’une IA Stark, j’ai l’ami Enzo pour gérer l’ATH et accompagner le contrôle des @robeez ; même si cela fait une conversation en parallèle. Une conversation que je fais tout en marchant parce qu’une blanche en combinaison blanche débarquant d’une voiture blindée et parlant toute seule dans un quartier connu pour avoir une population noire (ou assimilée) très dense et très soudée c’est encore mieux ! Après, je suis accompagnée de l’un des six super-héros les plus connus de la Terre et il porte un arc et pilote un drone donc je suis pas la plus discrète mais je serais peut-être pas la plus remarquée !
« Comment tu fais pour t’embarquer dans des situations comme ça toi ?
- Je suis moi.
- Merci… sinon, qui est qui ?
- Je suis moi.
- Je suis Groot. »
J’ai un pouffement avant de reprendre.
« Je suis avec la une, dis-je en continuant de parler toute seule comme en levant le regard vers Nathan pour lui désigner ma montre. L’agent Carthew a la deux. »
Nathan me signifie un quatre avec ses doigts avant de désigner son propre poignet puis de réobserver notre environnement immédiat avec attention.
« L’agent Barton a la trois et Jo la quatre.
- Tu leurs a demandé s’ils voulaient raccorder les montres à leurs appareils de communication pour se joindre à l’appel ?
- Euh, non.
- Ta couleur naturelle ressort.
- Belle manière de dire que je suis blonde.
- Elle est là, intervient l’agent Barton, m’amenant à me tourner vers lui et à appuyer d’un doigt sur mon oreillette pour la mettre en muette avant de m’arrêter de marcher ; comme de parler, ce qui est un magnifique "tais-toi Lucy" quand on y pense. La fille en jupe et tee-shirt blanc devant l'échoppe de bois. »
Suivant finalement du regard ce qui était indiqué peut-être un peu trop discrètement au début, je redécouvre la visiteuse indésirable et attachante ayant faite son entrée par effraction horrifique dans le chez moi que j’utilisais le plus à l’époque. Merci ma Chance, non seulement c’est elle qui est à l’origine de mon projet ainsi j’espérais vraiment qu’elle en bénéficie mais en plus ça va nous faciliter l’aspect pacifique des choses : on se connait déjà.
L’agent Barton donne la tactique afin d’assurer le contrôle du terrain puis laisse l’agent Carthew et moi, dans cet ordre, obtenir l’initiative avec un objectif : éloigner la Slime de l’intérieur des Halles.
« Sud ou nord, interroge-je immédiatement pour savoir la préférence avant de me rendre compte de l’évidence. La première en première. »
Hawkeye accroit bien plus nos chances de survie et de succès que Nathan, il fait bien le dire. Ce qui est parfait puisque les @robeez arriveront par l’entrée sud, venant de Manhattan, merci ma Chance ! Après, elles ne sont pas encore là ni ne seront aussi utiles que les flèches électrifiées certes ; si jamais on échoue à la résolution pacifique. J’aime pas cette idée mais je m’y prépare mentalement.
« Agent Carthew, reprends-je alors que les hommes s’en vont se positionner au tir croisé même si le taser n’aura sans doute pas la portée, je pense que c’est la Slime que j’ai rencontrée. Sauf s’ils adoptent les mêmes apparences. »
Oh, mais ne serait-ce pas une idée pessimiste et stressante ? Merci minette, c’est toujours bien de savoir que tu te facilites la vie. Soyons optimiste et chanceuse : c’est la même Slime car ils prennent chacun une forme prédéterminer et qu’elle n’est pas transmissible si une colonie se sépare en deux ou autre transmission remplaçant la reproduction de leur côté.
Chose qui ne m’empêche pas de passer ma main dans mes cheveux pour aller me frotter l’arrière de l’oreille et murmurer un "I’m the Lucky One" d’encouragement et d’invocation de ma Chance. Ma bonne étoile est comme moi, elle n’a pas la lumière à tous les étages mais elle n’est pas filante. N’est-ce pas ?
Le fait que la poupée de Slime soit toute de blanc vêtue est un signe : elle aussi est remarquable et on est assortie donc ça va être facile de se reconnaitre et de sortir ! Qu’elle soit devant une échoppe de sculpture sur bois me fait sourire, puisque de la sculpture sur Slime m’est presqu’autant passée par la tête que de la sculpture sur Raven même si j’ignore encore quelle tentative a les chances de survie les plus élevées me concernant.
Histoire de me concentrer sur le présent, je comprends assez vite qu’elle doit être là depuis un moment puisque son interlocuteur en a marre, me laissant envisager que je sois la seule personne à avoir réussie à saouler la Slime au point de la faire partir car d’ordinaire cela serait l’inverse ; comme avec un enfant. Interlocuteur qui, contrairement à notre cible, nous remarque et réagit avec la méfiance de circonstance. C’est mieux que le mépris et Nathan me doit 100$ si je n’ai pas le droit à un "vous faites du cosplay". De toute façon, je suis sa patronne donc c’est mon argent quoi qu’il arrive. Il perd, je récupère. Il gagne, je paie. Comment ça, l’intéressement ?
Avant que je puisse entendre la nature des échanges, le commerçant tourne l’attention de la Slime vers nous et en profite pour se détourner d’elle et de son échoppe, se cachant derrière celle-ci. Mon sourire disparait et mon expression se pare de tristesse à cette constatation. Après, il me faut une inspiration nasale pour que le show reprenne et la douceur bienveillante revienne.
Je souris à l’air interrogateur de la Slime et au changement de couleurs des fenêtres de son âme. Rose… c’était pas la couleur qu’elle avait quand je lui ai présenté de l’alcool ? La curiosité, en théorie.
« Coucou toi, lui dis-je avec familiarité en lui présentant les mains pour la toucher au niveau des bras comme si j’allais lui faire la bise, histoire de vérifier de façon désagréable mais certaine que je parle bien à une Slime et donc qu’il est hors de question de finir le geste de salutations familières. Comment vas-tu depuis le temps ? »
Une pause alors que je ramène mes mains devant moi pour désigner ma combinaison.
« Comme tu vois, ça plane pour moi. J’adore ton style, ça change de la robe à pois. »
Un petit clin d’œil avant que je me tourne vers l’agent Carthew pour la désigner.
« Je te présente Emy, c’est une amie. Je lui ai parlé de toi et elle voulait te rencontrer. Tu as un peu de temps pour discuter ? »
C’était parti. La mission prenait tout son sens dans les minutes qui suivirent. Emy n’était pas très pour le blanc lors d’une mission, mais apparement, Lucy avait choisit cette couleur pour que ce soit voyant. L’agent du S.H.I.E.L.D haussa les épaules devant l’explication de la rouquine. Après tout, c’était son soucis si elle voulait être voyante. Emy préférait de loin son costume noir. Puis, Emy se retrouva avec une montre que lui prêta Lucy. C’était pour savoir dans quel état elle se trouvait, enfin, tous les autres avaient aussi la même montre. L’agent regarda la montre. Si c’était pour leur sécurité, elle pouvait faire confiance à Lucy. De toute façon, elles étaient enfoncées dans cette histoire ensemble. Emy ne voulait pas rater le dénouement de cette mission, alors elle allait tout faire pour rester dans un état convenable. Le petit groupe attire l’attention. Ils sont six et imposants en soi. Lucy l’est encore plus avec sa combinaison blanche... Les gens les regardent de travers, mais sans plus. Emy espère que tout va se dérouler de la meilleure des façons. Puis, la voix de Clint résonne dans son oreillette. Elle est là.
La Slime se trouve a quelques pas d’elle, devant une échoppe de bois. Emy plisse légèrement les yeux. Il est presque trop facile de l’avoir trouver tout de suite, mais la jeune femme préfére ne rien dire. Son taser est toujours dans son étui sur le coté de sa jambe. Si elle doit s’approcher avec Lucy, autant y aller sans trop d’arme. Il faut l’attirer à l’extérieur des halls. Plus facile à dire qu’à faire... Mais quand il faut y aller... Lucy lui dit qu’elle pense que c’est la Slime qu’elle a rencontré, Emy hoche doucement la tête. Si c’est le cas, La Slime va sans doute reconnaitre ? Est-ce que les Slimes ont une mémoire des visages ? Emy ne pourrait le dire. Elle se concentre surtout sur ce qui se passe devant elle. Le commerçant semble en avoir marre de “gérer” la Slime, il détourne son regard vers Lucy et Emy qui arrivent dans sa direction. L’homme en profite pour se cacher derrière son échoppe. Pas très clair tout ça... Emy garde un oeil sur lui pendant que Lucy s’approche de la Slime, la saluant et lui demandant comment elle allait depuis le temps. Puis, la rouquine lui parle de son style, et elle se tourne finalement vers Emy en la désignant et la présentant à la Slime comme une amie qui aimerait la rencontrer. Emy met un sourire sur son visage et s’approche doucement à son tour, pour ne pas effrayer.
“Bonjour, Lucy m’a beaucoup parler de toi, j’avais envie de te rencontre depuis longtemps. Si tu as du temps, on peut aller se promener pour éviter la foule ? Je ressens ton inquiétude. On peut laisser les gens d’ici et aller discuter ?”
Emy avait utilisé sa voix la plus posée tout en maintenant un contact avec les émotions de La Slime. C’était important car s’il y avait une dérive, les gens autour d’eux allaient en payer les pots cassés...
Je me retins fortement de lever les yeux au ciel lorsque notre nouvelle super-héroïne argumenta en faveur de sa tenue ostentatoire. Encore cette préoccupation pour son image... Ah bah là c'était certain que fringuée comme ça en plein Harlem, on allait la voir ! Au moins les civils se concentreraient d'abord sur elle, et feraient peut-être moins attention à moi... ce qui m'allait très bien. Je la laissai gérer ses montres connectées avec « Enzo », son geek dans un fauteuil personnel, en me concentrant sur la recherche de la Slime... qu'on repéra étonnamment très rapidement.
Le sculpteur qui tenait le stand devant lequel se tenait la créature indiqua quelque chose derrière elle, avant de se mettre à couvert derrière son comptoir. C'était bien louche comme attitude... Est-ce qu'il avait peur de nous ? Quelque chose à se reprocher peut-être ? Mais on n'était pas des flics, et on ne venait clairement pas pour lui. Après avoir donné mes instructions, miss Orchent demanda des précisions avant de répondre toute seule à la question posée. Je me contentai donc d'acquiescer et d'aller me mettre en position. C'était à elles de jouer.
La Slime avait repéré nos deux femmes et les regardait venir vers elle, sans réaction particulière. Avec mes jumelles, je pus remarquer que ses yeux viraient au rose... rose... mince, Orchent n'avait rien spécifié sur la couleur rose. Une couleur de plus à décrypter. Lucy aborda la créature avec simplicité et surtout familiarité. Elles s'étaient déjà rencontrées après tout, et elle avait intérêt à se montrer amicale. Surtout si la bestiole avait vraiment l'intelligence émotionnelle d'une gamine de cinq ans. Emy entra dans son jeu, essayant par la même occasion de faire subtilement sortir la Slime du marché couvert. Je notai qu'elle parlait de l'inquiétude de la créature... On avait donc possiblement la clé de cette nouvelle couleur. Rose = inquiétude.
De mon côté, j'avais opéré au balayage de la zone par le drone, et les résultats étaient rassurants. Je portai la main à mon comlink pour en informer Emy, avant de me rappeler que miss Orchent avait dit que les montres pouvaient également servir de communicateur... mais sans qu'elle n'ait expliqué comment. Je trifouillai donc sur l'écran tactile de la montre connectée pour trouver un symbole type téléphone ou autre, appuyai dessus puis sur mon comlink, espérant ainsi que mes paroles parviendraient à toute la petite troupe :
« La zone est sûre, pas de trace d'une autre Slime. »
Et je n'en dis pas plus, laissant ces demoiselles se concentrer sur leur mission de diplomatie... Un vilain pressentiment me disait que ça n'allait pas être aussi simple que ça en avait l'air.
La Slime était perplexe. Ces humains, qu'elle était certaine d'avoir déjà rencontrées, étaient venues lui parler d'elles-mêmes, ce qui n'était pas habituel. Pas de l'autre bout de la rue en tout cas. L'humaine toute blanche et rouge lui parlait tout gentiment. Ah, elle aussi savait qu'elles se connaissaient. C'était bien, mais la Slime n'arrivait pas à se souvenir. L'autre humaine lui disait qu'elle était inquiète, mais la Slime ne voyait pas pourquoi.
C'était très curieux, donc très intéressant en fait. La Slime afficha un sourire radieux devant l'idée de satisfaire encore sa curiosité : des humaines qu'elle avait déjà rencontrées et qui voulait lui reparler, c'était rare ! Ses yeux se teintèrent de rouge, symptômes de sa joie pure.
Mais avant, répondre aux questions. Les humains se demandaient souvent si ça allait. La Slime ne savait pas trop pourquoi, mais les humains répondaient souvent "Bien" ou "Ça va et toi ?". Choisir, trouver, elle ne voulait pas gâcher une rencontre si unique.
"Ça va et toi ?" répondit-elle simplement en mimant ce qu'elle avait déjà pu voir, ignorant qu'il y avait une suite à cette question aussi étrange que ce qui l'avait faite venir. Elle accepta avec plaisir le contact chaud et sec de Lucy, qui reçut en réponse une sensation poisseuse et froide identique à la fois précédente. Concentrée sur cette imitation des discussions humaines, l'attention de la Slime avait soudainement occulté les autres interrogations de l'autre humaine, concentrée sur la nouveauté de la situation.
D'attitude joyeuse même de loin, elle était sincèrement heureuse de cette interaction, mais continuait de chercher mentalement où elle avait pu rencontrer ces humaines. La ville, les ponts, les restaurants, les rues, les "barres", le port, impossible de retrouver tant elle avait vu d'endroits différents. En plus, les humains changeaient souvent de vêtements, ça les rendait très difficile à reconnaître.
Emy, euh pardon l’agent Carthew, reprend mon improvisation par la sienne et nous commençons notre théâtre. Après, je n’ai pas mentie : je lui ai beaucoup parlé des Slimes ET je l’ai traitée comme une amie à ma soirée de Challoween. C’est très important la vérité, surtout quand on ment. Les meilleurs menteurs n’utilisent que la vérité afin de ne pas pouvoir être grillés dans leur mensonge, il parait. Faudrait que je demande à Joseph Rowles, c’est le meilleur que j’ai connu. Mauvais plan, du coup, et je vais tâcher de me concentrer sur l’actuel, de plan.
La promenade proposée par Emy, euh l’agent Carthew, me fait acquiescer avec encouragement. Peut-être plus que lui dire d’entrée de jeu qu’on ressent son inquiétude mais du coup c’est de ma faute : cette phrase m’est destinée. Hors donc, inquiétude. L’ai-je traumatisée avec le chant de l’alphabet ?!
La poupée de Slime n’a pas l’air si traumatisée que cela, de plus, mais les expressions sont imitées donc je crois plus l’agent Carthew, yes j’ai réussi, que le grand sourire radieux. Du fait, j’en déduis que le rouge qui se manifeste dans les yeux c’est de l’inquiétude. Okay…
« Ça va et toi, est donc le retour de question qu’on obtient en lieu et place d’un "oui" ou "non" qui nous aurait facilité la vie, au moins pour le premier, et me laisse me tourner vers ma coéquipière avec un peu de perplexité puisque j’ai déjà répondu comment cela allait pour ma part.
- Discutons-en en marchant. »
Mon encouragement à essayer de suivre l’objectif du chef de mission s’accompagne du sacrifice de ma personne pour un nouveau contact qui m’est aussi naturel que la réaction ne l’est pas : crochetage du bras après m’être placée à son côté pour accompagner. D’une part, je limite le contact marécageux mais je sens que je vais en avoir. D’autre part, je me dis que si je tire trop fort je vais me retrouver avec le bras le temps qu’il se liquéfie et je crains que cela s’accompagne d’au mieux trop de contact marécageux et d’au pire trop de contact acide ; sachant que ce dernier est très vite atteint, trop étant la moindre acidification.
« On va par là-bas, énonce-je en désignant la sortie sud, c’est plus joli. »
Ceci n’est pas un mensonge. Je ne suis pas experte mais je considère Clint bel homme, surtout lorsqu’il s’agit de nous sécuriser la mise. Emy confirmera ou infirmera, elle le connait mieux que moi. Après, je suis unanime sur le fait qu’il a une belle voix. Et que c’est un constat hors sujet.
The Lucky One
Dernière édition par Lucy Orchent le Dim 21 Avr 2024 - 11:18, édité 1 fois
Ce n’était pas la première mission de Emy, mais cette fois, il y avait beaucoup d’enjeux et d’inconnu dans cette histoire. L’agent du S.H.I.E.L.D ne voulait pas que les gens autour d’eux soient blessés. Elle avait vécu quelques situations qui avaient légèrement dégénérer dans le passé et elle n’était pas encore sur de vouloir les revivre. Le marché était vaste, mais il y avait aussi beaucoup de personnes. Trop de victimes potentielles. Emy était un peu tendue, mais essayait de ne pas le montrer parce qu’elle ne savait pas comment la Slime pouvait ressentir les choses. Pour sa part, l’agente se rendit compte que la créature était inquiète. Du genre, inquiète de ne pas se rappeller de quelque chose... ce n’était pas une inquiétude du genre qui vient avant le danger. Il semblerait que la Slime cherchait si elle pouvait avoir confiance ou pas en elles. Emy demanda alors comment ça allait et la Slime lui répondit simplement un “ça va et toi ?”. C’était comme si c’était un automatisme. Peut-être qu’elle l’avait appris en regardant les gens ? D’autant qu’elle le sache... Emy regarda Lucy avant que cette dernière ne dise qu’elles pouvaient discuter en marchant. Emy suivit le pas, laissant Lucy guider la marche. La sortie sud n’était pas très loin, c’était par là qu’était Clint. Il fallait qu’elles se rendrent sur place sans pour autant inquiéter la Slime et les gens aux alentours. Ce qui n’était pas facile en soi. Emy regardait la foule et certains laissaient paraitre une peur ou une inquiétude qu’elle remarqua tout de suite à l’aide de son pouvoir. La communication de Clint lui parvient en même temps. Pas d’autres Slimes dans les parages. C’était une bonne chose.
Pendant qu’elles marchèrent, Lucy dit alors qu’elles allaient dans la direction sud parce que c’était beaucoup plus joli. Emy haussa légèrement un sourcil à cette hallusion. Il n’y avait rien de beau dans le coin... sauf si Lucy faisait hallusion a Clint... Si c’était le cas, c’était légèrement oser. Mais comme la rouquine attendait une réponse, Emy dit :
“Oui, il y a de jolis paysages là bas.”
Elle s’en voulait presque d’avoir dit ça tout haut. Heureusement pour elles, la Slime ne semblait pas avoir prit en compte l’information ou alors, elle n’avait pas sentit qu’il y avait une hallusion sous ces phrases. Emy continua à avancer tout en essayant d’être le plus détendu possible, mais elle sentait que quelque chose allait se passer... Une simple intuision... Elle reprit la parole :
“Dis moi, tu cherchais quelque chose en particulier sur le marché ?”
Ah, les yeux de la créature venaient de changer. Elle était passée du rose au rouge, de l'inquiétude à la joie ou l'excitation. Bien. Heureusement que miss Orchent nous avait livré son analyse des codes couleurs de la bestiole, car instinctivement je n'aurais pas associé le rouge à une émotion joyeuse. Mais avec un tel spécimen, aussi étrange qu'inconnu, il fallait s'attendre à tout, et ne pas se cantonner à nos préjugés humains habituels.
Par contre, niveau interaction sociale, c'était pas le top. Elle n'avait répondu qu'à la première question d'Orchent, occultant complètement le reste dont l'intervention d'Emy, comme si elle était incapable de traiter trop d'informations d'un coup. C'était une hypothèse plausible. Mais ça n'allait pas aider nos deux diplomates, surtout quand on considérait que la première était un véritable moulin à paroles et qu'elle risquait de noyer la créature sous un flot d'informations qu'elle serait incapable d'assimiler.
Orchent ne se démonta pas et prit les choses en main, littéralement, en agrippant la Slime bras dessus bras dessous. J'esquissai une légère grimace, espérant que ce contact prolongé et forcé n'allait pas brusquer la créature. A tout moment je pouvais lâcher mes jumelles pour me saisir de mon arc et décocher une flèche pour la neutraliser, mais j'espérais avoir à le faire le plus tard possible, si possible loin de la foule.
Emy, de son côté, cherchait à en savoir plus sur la créature, en lui posant des questions sur ce qu'elle cherchait ici. Je sentais que la réponse, s'il y en avait une, allait encore être épique... Mais tant qu'elles arrivaient à notre premier objectif, à savoir la faire sortir de la zone couverte du marché, ça me convenait. Les étapes suivantes n'allaient pas être simples, mais on allait avancer pas à pas et voir ce qui allait se passer. Il y avait beaucoup trop d'inconnu dans cette opération pour pouvoir anticiper correctement les choses. Et ça me plaisait pas vraiment.
L'humaine l'emmenait voir des jolies choses ? La Slime oublia purement et simplement de chercher où elle avait déjà vu ces humaines pour laisser la place à cette nouvelle expectative : voir des choses qu'elle n'avait pas déjà vues. Et guidée en plus ! C'était super ! C'est avec grande joie donc qu'elle accepta de suivre l'humaine rousse.
Elle fut étonnée que l'humaine lui prenne le bras, d'habitude, les humains avaient du mal à rester longtemps en contact avec elle, même si elle ne savait pas pourquoi. Elle avait déjà vu des humains faire ça, apparemment c'était quand ils s'aimaient bien. La Slime avait soudainement très envie d'en faire l'expérience.
Un bras pris dans celui de l'humaine rousse, elle constata que l'autre humaine n'était pas dans leur petite chaîne de bras. C'est donc avec un radieux sourire qu'elle tendit son bras libre vers l'autre humaine pour l'inviter à la rejoindre. D'ailleurs, c'est cette humaine qui parla encore de jolie choses, c'était vraiment génial. La Slime se voyait se promener avec ses nouvelles amies comme les autres humains le faisait, les bras croisés comme ça pour montrer qu'elles s'aimaient bien !
Alors qu'elles avançaient pour quitter le marché abrité (ou c'était recouvert ? Elle ne savait plus), la deuxième humaine lui demanda ce qu'elle cherchait. La Slime n'y avait pas vraiment réfléchi, mais cette question suffit à faire virer ses yeux vers un violet léger, tandis qu'elle réfléchissait à une réponse en se demandant ce qui l'avait amenée à venir ici.
"Mmmmh, on m'a dit qu'il y avait un super endroit avec plein de choses intéressantes, un "marche-eh avec un toit ?", je ne sais plus. Mais les autres hu- euh, les autres gens disent que c'est la nuit que c'est le plus chouette. Donc j'attendais qu'il fasse nuit. Elle arrive tôt en ce moment."
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