C'est l'histoire d'une araignée qui devrait regarder dans son dos...

Queens - 21 décembre 2024

Accroupi sur le toit de l’immeuble, je fronce les sourcils alors que j’écoute les fréquences de la police d’une oreille et que je me concentre surtout sur la liste de courses de tante May. Je dois aller chercher des trucs pour Noël. Une semaine en avance ? Ouais, ouais, je sais. Mais c’est des produits secs, qu’on trouvera pas le jour J et blablabla.

Sans compter que j’ai toujours pas trouvé de cadeau d’anniversaire pour elle. Et pour MJ. Et ça, autant dire que ça craint à mort. Je veux dire, pour Ned, j’ai trouvé direct. Pour Happy aussi. Même Pepper et sa petite j’ai eu une idée. Mais pour les deux femmes les plus importantes de ma vie, je sèche, c’est un truc de dingue. Le pire ? C’est qu’elles m’aident pas. J’ai eu zéro allusion sur un truc qui leur plairait – ou qui leur plairait pas. Parce que ça aussi, ça aurait pu m’aider. « Tu crois que MJ aimerait les bijoux KAREN ? » Un temps, avant que l’IA ne réponde, d’un ton égal, comme à son habitude. « Mademoiselle Jones ne semble pas porter beaucoup de bijoux Peter. Vous devriez essayer autre chose. » Un soupir. « Je peux lancer une recherche sur les cadeaux qu’on offre le plus souvent dans ces occasions. » Pffff, je veux pas lui offrir un truc banal ou habituel. « Ca ira va. » Ou pas.

Je me passe une main dans les cheveux avec un soupir, avant de relever la tête quand, au milieu des fréquences que je balaie, j’entends un bruit qui attire mon attention, juste en-dessous de moi, dans la ruelle. Une femme qui crie, qui appelle à l’aide. Et un type qui détale en courant. Avec son sac à main. « Ah bon. On verra plus tard pour les cadeaux et la liste hein. » Je range tout ça avec précaution, avant de baisser ma cagoule pour cacher mon identité.

Eeeet c’est parti.

Main tendue, je lance une toile pour atteindre l’immeuble en face. Incapable de réprimer mon sourire quand je me balance rapidement, j’essaie quand même de prendre un tant soit peu au sérieux ce qui arrive. Pas comme si c’était pas récurrent de toute façon. Et la petite araignée du quartier est habituée à ce genre de choses. Y en a de plus en plus à l’arrivée des fêtes de fin d’année en plus.

Un virage alors que je l’aperçois se précipiter dans une ruelle et je prends appui sur un mur, rebondissant pour rattraper mon retard. Une nouvelle toile lancée et le voilà plaqué au mur, alors que je me laisse retomber devant lui, un sourire victorieux sur les lèvres. « Bah alors, on t’a jamais dit que voler les dames c’était pas sympa ? Remarque, ça marche aussi pour les mecs. Ca se fait pas de voler les affaires des autres. » Je tends de nouveau la main, une nouvelle toile attrapant le sac pour le ramener à moi. C’est presque trop facile. Et, tout occupé que je suis à lui faire la leçon, je vois pas les types derrière, armés de barres à mine ou de je sais pas quoi, qui se rapprochent de moi.

Quand je disais que c’était trop facile, j’aurais dû me méfier…

Je m’ennuiiiiie. Tu pourrais aller au Sanctuaire, et voir ce que ça donne. Une gorgée de café alors que je grimace. Non. Je sais pas. J’ai toujours pas envie de jouer au bon petit soldat. Le docteur Strange pourrait… Non, pas maintenant.

J’ai peut-être répondu un peu trop sèchement, mais de là à bouder, franchement, t’exagère. On pourrait aller faire un tour à Central Park, et faire du patin à glace ! Hum, non. Je n’ai pas de gants, j’ai déjà froid en tenant le gobelet chaud. Mais ça se trouve des gants. Mais il fait froid quand même. On peut aller voir le village de Noël de Macy’s ! On ne l’a pas encore fait, il parait que c’est chouette.

Je grogne quand un mec me bouscule en courant, manquant de me faire renverser ma boisson. Ah un voleur. Encore. Je déteste New York. Non, c’est faux. Tu pourrais l’arrêter, ce serait facile. Flemme un peu, et je n’y gagnerai rien, perte de temps et d’énergie. C’est ce que ferait un super-héros. Ouais, bah justement, y en a pas des super-héros dans le coin ? Ou ils sont occupés à se dorer le cul au soleil à Hawaï ? Je veux bien moi qu’ils sauvent l’univers, soi-disant, mais ils servent à quoi le reste du temps ? Il n’y a pas non plus un sociopathe venu de l’espace, ou de la Terre, voulant faire sauter la planète ou l’univers, qui débarque tous les jours … ça sert à quoi s’ils n’aident pas les gens au quotidien ? Pffff…

… Il a tourné à droite. Je sais. Je lève Lockheed jusqu’à mon regard. « Tu es terriblement agaçant quand tu t’y mets. » Je rejoins la ruelle en question et m’arrête en apercevant un groupe d’hommes munis de barres et autres conneries. Mais ils jouent à quoi ces bouffons ? Ça me fatigue d’avance. On ne peut pas juste aller piquer des bonbons et faire un tour dans les magasins ? Plutôt que de perdre notre temps pour quelques abrutis…

Un soupir à son absence de réponse et d’un bond, je me téléporte sur une des bennes située derrière eux. Je fronce les sourcils et penche la tête sur le côté. Mais qu’est-ce… « Vous êtes sérieux ? » Je m’assois sur le couvercle, croise les jambes et je jette un regard à Lockheed. « T’es sûr qu’on doit intervenir ? Un milkshake ! On pourrait aller prendre un milkshake ! » Il ne peut pas dire non à un milkshake quand même !... Apparemment si. Un refus de sa part, un énième soupir de la mienne, et mon regard se reporte sur les hommes, non sans avoir dévisagé le costumé derrière. « Il est plus petit que moi, vous abusez ! Vous voulez vraiment l’attaquer à quatre contre un ? Prenez quelqu’un de votre taille au moins plutôt qu’un gamin qui joue à Spiderman. C’est la honte un peu. »

En temps normal, ce genre de petite intervention se passe sans accro. Je fais yahaaa, puis yahaaa et encore yahahaa, avant que les méchants se retrouvent saucissonnés dans mes toiles, que je récupère le butin et blablablaa… bref, voyez le genre quoi. Donc il est possible – je dis bien possible – que j’ai un peu trop pris la confiance. En même temps, c’est pas totalement de ma faute. Je veux dire, si on arrête pas de me répéter que je suis le digne héritier de Tony, que j’ai des supers capacités, que je déchire tout et j’en passe, EVIDEMMENT que je vais commencer à prendre un peu trop la confiance.

Résultat ? Je me fais avoir comme un bleu alors que le mec me soulève  comme si je pesais rien et me plaque contre le mur sans même que je l'aie vu venir.

Tu parles d’un digne héritier de l’empire Stark.

Bon.

Du coup.

Faut que je réfléchisse un peu. Surtout que ma petite antenne commence à s’agiter pour m’avertir qu’une nouvelle personne entre dans la … bagarre ? J’allais dire danse, mais cette expression est naze. Encore plus que de parler de ma petite antenne quoi. Je réprime un soupir, alors que je suis potentiellement dans une situation un brin délicate. Vite fait. Je note l’exploit du mec qui m’a soulevé du sol, mais c’est seulement parce que j’ai été distrait. Et parce que je pèse rien du tout aussi. Si, si, je vous jure. « Tu me serres le cou un peu trop fort là mec. Ca perd tout son intérêt si je perds connaissance direct non ? » Je dis ça, je dis rien, même si ça commence à être pas super agréable comme posture. Forcément, l’autre type a détaché son pote du mur, pestant contre mes toiles. De la grande qualité et, malgré la situation, j’ai quand même une petite pointe de fierté sur ma nouvelle composition.

Par contre, je m’attendais vraiment pas à la suite. Le mec se tourne quand la petite blonde a pris la parole, perchée sur une poubelle et… « C’est quoi cette merde ? » Je penche la tête sur le côté, alors que je pige pourquoi mon nouveau meilleur ami a buggué. C’est une… peluche ? De dragon ? Ouais, on dirait bien. Marrant.

Bref. Ce qui est moins marrant, c’est son petit speech à la blonde. « Hé ! Je te permets pas ! Je suis pas si petit que ça ! » Un ricanement des types ponctue mes propos et je relève le nez, vexé. Bon, c’est pas super visible du fait de la cagoule et ça perd un peu de sa superbe, mais – en temps normal – ça rend un truc trop stylé. Ou pas ouais. J’en profite que le type soit distrait pour relever la jambe, prendre appui sur lui… et l’envoyer valdinguer à plusieurs mètres de là, tendant la paume pour le scotcher au mur avec une toile. « Et je joue PAS okay ? » Non mais oh. Et ma réputation dans tout ça ? Comme si un gamin pouvait avoir un costume aussi cool. Je veux bien qu’ils soient réalistes, mais quand même. Humpf.

Dire que je pourrais être en train de faire du patins à glace. Ou de voir un film au chaud dans un cinéma. Avec un milkshake au chocolat. Ou à la framboise. Ou même juste être en train de flâner dans les marchés de Noël. Mais non, au lieu de ça, je me retrouve dans une ruelle sordide et puante, où je vais sans doute choper des puces – parce que non, j’en ai pas. A faire face à une bande de gus se prenant pour de gros durs alors qu’ils font face à un gamin tout seul , parce que l’un deux à voler le sac d’une vieille. Bande de loosers.  

Et non, ce que je peux faire n’a rien à voir. Moi je pique des trucs aux gens qui ont de la tune au moins. Et je ne me fais pas prendre. En général. Et puis, je n’ai pas besoin d’aide pour tabasser des gens.
… Je ne devrais peut-être pas dire ça comme ça. D’un autre côté, je m’en prends pas aux innocents et tout, ça compte non ? Oui, bien sur que ça compte. Et tu as fait le bon choix en venant ici. Une grimace incertaine étire mes lèvres. On va l’espérer en tout cas.

J’ai le réflexe idiot de regarder autour de moi quand un des hommes se tourne vers moi et prend la parole. De quoi il parle ? « Tu crois qu’il me parle ? » Mon regard passe de Lockheed à l’homme. « Vous parlez de quoi ? » « Dégage gamine, retourne chez les cinglés avec ta peluche ! » Je fronce les sourcils. « Tu vois, je suis super polie, je prends le temps de discuter, pour leur laisser une chance, et il me traite de cinglé. Etre gentil, ça craint. »

J’adresse quand même une grimace un peu contrite au costumé, parce qu’il est pas très grand quoi qu’il en dise. Limite il est plus petit que moi pour de vrai. Et si les abrutis ricanent, lui a l’air vexé. Merde il est susceptible en plus. « Non mais, y a pas de honte à être petit, mais se liguer à plusieurs contre un, c’est naze dis pas le contraire. » Je l’observe envoyer valdinguer l’autre d’un coup de pied et… Ah. Visiblement je me suis trompée. « Merde alors ! T’es le vrai Spiderman ? L’original et tout ? ! C’est trop cool ! Mais… Comment tu t’es retrouvé coincé par ces connards ? » Lockheed hoche la tête. « Il est d’accord, c’est la honte un peu du coup… Enfin j’dis ça j’dis rien. »

Trop focalisée par Spiderman, le VRAI Spiderman, je ne vois pas l’autre qui s’est approché et m’arrache Lockheed des mains. En même temps, c’est la première fois que je rencontre un super-héros et… Non. Il y a le super sorcier divin magique, mais c’est lui qui est venu me chercher, ce n’est pas pareil. Dis comme ça, ça fait un peu genre je suis trop indispensable, j’aime bien !
Enfin bref ! Je suis un poil… décontenancée. Je ne dirais pas déçue, mais… je m’attendais pas à ça. Et il en a profité.

« Putain manquait plus qu’une tarée… » « Rends-le-moi ! » D’un bond, renversant mon café, je suis debout face à lui qui ricane encore en agitant le dragon. « Viens le chercher. » Quelques étincelles bleues m’entourent. Je vais lui faire manger ses dents et faire disparaître son sourire goguenard. Sur le côté ! Mon bras est déjà en l’air pour stopper la barre en métal. « Putain ! T’es quoi toi ? » Un regard au mec qui tient la barre, pliée sur mon bras recouvert de mon armure, et un sourire éclaire mon visage. « Fallait demander avant. » La seconde suivante, je me retrouve face à celui ayant volé Lockheed, le soulevant d’une main. « Tiens reprends-le ! » J’attrape mon ami, le serrant contre moi, sans lâcher l’autre con, serrant même un peu plus ma prise sur son cou.
En colère moi ? Juste un peu.

Là, de suite, je regrette vraiment, mais alors vraiment de pas être allé faire les magasins pour trouver mes cadeaux de Noël. Je serais probablement en train de devenir dingue avec la foule et surtout la musique entêtante qu’on retrouve dans les boutiques surdécorées et bien trop lumineuses.

… ouais, je sais pas trop si j’aime Noël ou pas. Ou alors, c’est juste cette année. C’est pas impossible. Pourtant, j’ai de la chance hein, j’ai tante May, MJ. Et je suis à peu près sûr que je pourrais aller voir Pepper et la petite aussi. Je sais, je sais, je suis pas du genre super logique quand je m’y mets.

Bon, du coup, j’en étais où ? Ah ouais. Les petites frappes, ça, c’était gérable. Mais y a le petit effet de surprise inattendu… ouais, c’est le principe d’une surprise quoi. Hum. Bref. Quand même, celle-là, je l’avais pas vue venir. Ceux-là même, si on prend en compte la… peluche dragon. Stylé quand même. Visiblement, les autres sont pas du même avis que moi.

Et même si elle m’agace à me prendre pour un amateur – ce que je suis PAS hein, qu’on soit bien d’accord – je dois reconnaitre qu’elle a un petit côté flippant là. Je sais pas si c’est parce qu’elle parle à sa peluche ou autre chose mais… bref. Je balance le type de l’autre côté, je l’entoile… la routine habituelle donc. « L’arrogance les amis, l’arrogance. Ca me perdra. » Pour un peu, j’aurais presque pris le même ton que Tony. C’est flippant ? Je sais pas trop. Non, en vrai, j’aime bien. « Et je suis toujours PAS petit ! Je suis fonctionnel. »

… okay, pire réplique de l’histoire. Dommage, j’étais plutôt bien parti en fait.

Sauf que la situation semble – encore – déraper. En même temps, j’aurais été le type, jamais j’aurais même songé à piquer la peluche. C’est genre le pire mouv’ du monde quoi. « Euh, les gars, je serais vous je… » Je ferais quoi ? Ah bah, pas ça déjà. Ce qui est marrant, enfin marrant, voyez l’idée quoi, c’est que plus personne bouge. On est tous hypnotisés par la scène en fait, c’est un truc de dingue. Et je penche la tête sur le côté, au même moment que le type à côté de moi quand son bras fait un bruit de… métal ? Ouais on dirait… pour arrêter la barre de fer. « Okay, ça c’est cool. » Je tourne la tête vers le type. « Hein c’est cool ?! » Il a pas l’air convaincu. On dirait même qu’il flippe un peu. Par contre, elle le chope direct au cou et je lève un index dans sa direction, ouvrant la bouche pour dire un truc intelligent. Sauf que l’autre se précipite pour aider son pote. Un mouvement de la main et le voilà collé au mur.

Ouais, faudrait que je change un peu les termes utilisés, mais techniquement, il va vraiment rester collé pendant au moins deux heures donc. « Euh… tu… faudrait éviter de l’étrangler, ce serait mieux. Quand même. » Je dois l’appeler madame ? Nan elle a l’air d’avoir le même âge que moi, ça ferait pas pro. Déjà que là, c’est pas terrible. « T’as récupéré ton pote et tout donc… on est chill. Non ? » J’espère, parce qu’elle arrive quand même à soulever le type d’une main et elle a les yeux qui brillent vachement. Un peu trop pour être naturel non ?

Je crois que j’ai vraiment un super talent pour gonfler les gens. En mode super-héros oui. Ou super-vilain pour le coup, je ne sais pas trop. C’est un peu ridicule comme terme d’ailleurs, super-vilain, je trouve. Genre, ‘tu as été vilain ce matin, fallait laisser le dernier petit suisse à ton petit frère !’ ou comme si tu engueulais ton chien tu sais ‘vilain toutou, vilain !’… ça rend pas lesdits vilains super crédibles.

Ou j’en étais ? Ah ouais ! Je l’ai vexé. Ça aurait tendance à me faire sourire en temps normal, mais ce n’est pas trop le moment je crois. Et puis, Spiderman, tout le monde est censé l’aimer non ?… ça veut dire que moi aussi ? Je ne sais pas trop, je ne me suis jamais trop posée la question. « En même temps, quand t’es doué dans un truc, t’as le droit d’être arrogant non ? Surtout quand t’es super doué ! Et puis, tu voles et tu projettes tes toiles et tout, c’est plutôt classe. » Même si je souffle un rire en l’entendant. « Fonctionnel hein ? Je la ressortirais celle-là. » Ou pas, on est d’accord. J’aurais bien continué à discuter avec lui, mais les abrutis étant ce qu’ils sont, des abrutis donc, ils sont obligés de jouer aux cons sinon ils meurent je crois.

… ou ils meurent parce qu’ils jouent aux cons allez savoir. Comme celui qui se prend pour un caïd, à piquer la peluche d’une gamine sans défense. Tu parles de toi là ? Oh ça va, lui, il croit que je suis sans défense, donc c’est pareil ! Ce qui est totalement débile, parce que si c’était le cas, je ne serais jamais intervenue… Des abrutis j’ai dit. Tout ça pour dire que j’étais TROP sympa et qu’il a réussi à m’énerver en une demi-seconde. Son pote n’aide pas en essayant de m’assommer – ou de me tuer – avec sa barre en fer. Mais encore une fois, si j’étais sans défense, j’aurais siroté mon café en regardant Spiderman jouer les acrobates.

Je prête vaguement attention aux autres, très vaguement, parce que Spiderman est là et que c’est son taf après tout… Bon, okay, principalement parce que je suis focalisée sur Lockheed, que je récupère rapidement. Tout va bien, nous sommes ensemble. Je sais. Je suis calme. « Pourquoi ? » C’est vrai, pourquoi je ne l’étranglerais pas ? Bon, je suis peut-être, peut-être, en colère. Mais on ne touche pas à mes amis, encore moins à lui. Jamais.

Mais on ne tue quand même pas les gens Illyana.
…
Pas pour si peu.

Je tourne la tête vers Spiderman qui tente de calmer le jeu – de me calmer moi ? – , la mâchoire crispée et le regard devenu aussi bleu et lumineux que les flammes que peut cracher mon ami. « Il m’a pris Lockheed. » Ce qui justifie totalement que je l’étrangle je trouve, quand bien même me l’a-t-il rendu. « Et je suis super cool. » Un regard vers celui qui tenait la barre et qui fait maintenant quelques pas en arrière, alors que son pote tente de défaire ma prise pour ne pas suffoquer. Je penche la tête sur le côté en l’observant, desserrant légèrement, très légèrement, ma prise. Il faudrait que je le relâche. Mais je n’en ai pas trop envie.

Y a un truc pas net chez cette fille. C’est pas négatif comme remarque, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Je sais, je sais, ça peut sonner comme ça, mais non, pas du tout ! C’est juste que c’est… flou ? Son comportement est flou.

… je sais, ça veut rien dire ! Enfin dans ma tête si. Mais… bref. Je m’embrouille tout seul là du coup et c’était pas du tout le but. En plus, elle en rajoute une couche là, à me traiter de petit, à pas tiquer que je suis LE Spider-man, le seul et l’unique. Ouais, comme le Big Mac. Mais en mieux. Je croise les bras quand elle finit par me répondre, sans plus vraiment prêter attention au type que j’ai entoilé. « Techniquement je vole pas. Enfin je plane. J’ai même rajouté des trucs pour planer plus longtemps mais… » Ouais, c’est pas le sujet. En plus, c’est juste une façon de dire que je me casse la gueule avec classe et maitrise quoi. Mais j’aimerais bien voler, ce serait stylé. « Nan mais, tu peux le dire que c’était totalement naze comme réplique. Faut que je bosse dessus. Enfin c’est la première fois qu’on me traite de… petit. »

Hum. Bref.

On aurait pu continuer longtemps comme ça, si ces abrutis faisaient pas… bah un truc d’abruti donc. Qu’il paie aussi sec alors que la demoiselle commence à s’énerver donc. J’essaie vaguement de calmer le jeu et quand elle tourne vers moi, je réprime un mouvement de recul, levant les deux mains vers elle en signe d’apaisement. « Oh wow. Trop stylé les yeux. C’est naturel ? Ou c’est genre des lentilles de luxe ? » Bon, par contre, répondre à son pourquoi elle ferait pas ça, c’est un peu plus compliqué. « Euh bah… déjà, tuer les gens, je cautionne pas trop. Même si ce sont des parfaits crétins et qu’ils feraient mieux de rester chez eux au lieu de voler ce qui leur appartient pas. » Gros yeux en direction des concernés – qu’ils ne voient pas évidemment. Mais j’espère que mon ton est suffisant. « Et puis bah… il va bien… Lockheed donc. Hein tu vas bien … mec ? » Bon, le type est plus bleu, c’est un bon début. Je crois. Je lève un pouce vers lui, essayant de me persuader que la situation est sous contrôle. « Evidemment que t’es cool. Quelqu’un doute de ça ? » Et je me penche vers la blonde, soufflant, d’un ton léger. « Ils ont compris la leçon là, tu penses pas ? » Moi en tout cas, à leur place, j’aurais plus envie de piquer la peluche de qui que ce soit.

« Planer, voler, c’est du pareil au même hein. Et donc t’as rajouté des trucs… Sur ton costume ? Wahou, je suis impressionnée ! » Sisi, pour de vrai. C’est comme pour ses toiles là, je sais pas comment il fait ça, ou comment on lui a créé ça, mais c’est cool, carrément pratique comme truc. Peut-être qu’il m’en filerait si je lui demande gentiment ! Enfin pas là, étant donné que je suis un peu trop franche visiblement et qu’il a pas trop aimé ça. Mais ça va, ça aurait pu être pire, il ne le prend pas si mal que ça… Je crois. « C’était un peu naze effectivement… Mais ce n’était pas très cool de ma part de dire que t’étais petit et tout aussi directement. Ou tout court. » J’ai une seconde d’arrêt. « Non pas que tu sois court, ce n’était pas pour en rajouter. » Je lui offre un grand sourire alors que je continue l’air de rien. « Non en vrai, tu n’es pas si petit que ça. Tu n’es pas très grand, c’est tout. »

Ca aurait pu être fun de continuer à discuter comme ça avec Spiderman, LE Spiderman. Mais rien ne se passe jamais comme on le voudrait, n’est-ce pas ? Tête penchée sur le côté, Lockheed serré contre moi, l’autre couillon suspendu au-dessus du sol, j’observe ledit Spiderman se faire voix de la raison. « Tu n’as jamais tué personne ? C’est pour ça que les gens t’aiment ? Tu n’as jamais voulu… pensé à tuer quelqu’un ? » C’est un superhéros, un pur gentil, évidemment que non, il n’y a jamais pensé. Je cligne des yeux quand il reprend et s’adresse à Lockheed. Directement. Ça me désarconne quelque peu, et mes yeux retrouvent leur couleur d’origine. Il a raison, je vais bien. Ecoute-le Illyana. « Il va bien oui. » Je reporte mon attention sur le mec que je tiens encore à bout de bras. « Tu crois ? Qu’ils ont compris ? » Je vois un de ses potes hocher vivement la tête, tandis que lui essaie déjà de respirer normalement. Est-ce que j’ai encore envie de les massacrer ?… Oui, un peu. Mais… Je ne suis pas un monstre. Je suis quelqu’un de bien. Ou j’essaie de l’être. Tu l’es. Mes muscles se dénouent un peu. « La prochaine fois, il ne sera pas là pour vous sauver la mise. Dites-lui merci. » Je hausse les sourcils et il croasse un pseudo remerciement.

Je le relâche, presque à contrecœur, un soupir aux lèvres, et il se carapate aussi vite que possible, rapidement suivi par ses potes… Sauf celui scotché au mur. Et un autre. Qui a sorti une arme et me vise. « Tu bouges, je t’explose la tête. » Sérieusement ? « Meeeeec… C’est une très mauvaise idée. » Un regard à Spiderman alors que je lève lentement les mains. « Tu veux voir un truc encore plus cool ? » Heureusement que je me téléporte super vite, parce que l’autre abruti tire dans la foulée, au milieu du « Ta gueule connasse. » qu’il prononçait. J’arrive à ses côtés et son arme se retrouve coupée en deux par mon épée, apparue entre temps dans ma main. « C’était idiot, je t’avais prévenu. » Il fixe son bout d’arme, le morceau à terre, puis mon épée, et tombe sur le cul en voulant s'écarter précipitamment. Je souris, super fière, en regardant Spiderman. « Elle est trop classe pas vrai ? Et il est toujours vivant ! »

Je lève un index en direction de la blonde. « C’est pas exactement la même chose en vrai ! Planer, c’est juste tomber avec élégance en fait. » Et éviter de s’écraser comme une patate à l’arrivée. Alors que voler, c’est contrôler ses déplacements dans les airs. La différence est, à mes yeux, importante. Est-ce que j’ai envie de trouver comment voler ? Franchement, je sais pas. Je trouve que je m’en sors déjà pas trop mal non ? Si on omet les gens qui me prennent pour un fan de 13 ans trop petit pour porter ce genre de costume donc.

… nan, je suis pas rancunier. Mais laissez moi encore quelques minutes pour digérer quoi ! D’autant qu’elle en rajoute une couche. Je penche la tête sur le côté quand elle s’emmêle les pinceaux. « Ouais, ouais, j’ai pigé l’idée générale. » Je suis pas du genre à me vexer facilement mais là, quand même, elle cherche un peu. « On peut passer à autre chose et clore ce chapitre de notre histoire ? J’aimerais autant. » D’autant que ouais, on a des méchants à gérer là. Enfin je la mets dans la catégorie gentils jusqu’à preuve du contraire. Elle me file un coup de main et elle a l’air de vouloir rendre un semblant de justice.

Bon, forcément, le reste me fait un peu grimacer. L’avantage du costume, c’est qu’elle le voit pas. « Evidemment que j’ai jamais tué personne. C’est… pas une solution. » J’ai quand même un temps, avant de reprendre un brin plus pensif. « Pas vraiment non. » Oh, j’ai eu envie de faire vraiment à des gens, parfois. Mais de là à vouloir tuer ? J’aurais peut-être pu, si la mort de Tony s’était passée autrement, si j’avais pu le venger. Ca a pas été le cas. « J’imagine que ça fait moi le crétin du quartier ? C’est ça ? Parce que t’as déjà envie de tuer des gens toi ?... ou tu l’as déjà fait ? » Est-ce que c’est vraiment le moment d’avoir ce genre de conversation ? Je pense pas. C’est encore moins le lieu d’ailleurs, surtout que les mecs sont toujours pas totalement hors d’état de nuire. Mais ça m’intrigue toujours en vrai, ce genre de trucs. Essayer de comprendre comment d’autres fonctionnent et surtout pourquoi. Enfin, dans l’immédiat, quoi qu’elle répondre, j’aimerais autant qu’elle bute pas un type qui a eu le malheur d’embarquer sa peluche. Ca me paraitrait un peu… disproportionné.

Du coup, je fais le truc qui me parait le plus évident. Parler à ladite peluche, même si ça peut sembler un peu – beaucoup – dingue. « Je pense qu’ils ont retenu la leçon. Et … Lockheed, c’est ça ? Je suis sûr qu’il est okay avec ça. » Je suis clairement pas là pour juger, si cette peluche dragon, c’est son pote, ma foi, pourquoi pas.

Sauf que, bien entendu, il y a toujours un hic. On pourrait croire qu’ils ont compris ces demeurés, mais visiblement non. Et je me frotte le menton quand elle me demande si je veux voir un truc encore plus cool, ignorant à moitié le type. Enfin, je l’observe du coin de l’œil, assez pour m’assurer que non seulement il va pas se tirer, mais qu’il fera de mal à personne. Mais ça dure pas. Parce que je vois ce que fait la blondinette avec son… épée sortie de nulle part. « Oh bah merde alors… » Soufflé d’un ton incrédule, alors que je reste les bras ballants quelques secondes. « Okay, alors CA c’est encore plus cool. » Je m’approche, fixant l’épée, alors que j’entends la voix de K.A.R.E.N résonner dans mon esprit. « Analyse de l’arme en cours. Aucun matériau répertorié dans la base de données M. Parker.. » Ca m’étonne même pas vu ce que j’ai sous les yeux. « C’est complètement dingue… » Là, c’est ptet plus le petit nerd que le super-héros qui s’exprime. Mais je finis par secouer la tête pour me remettre les idées en place. « Bon, alors euh… il est toujours vivant. C’est bien. Je note l’effort. » Je toussote, plus pour me donner une contenance qu’autre chose. « K.A.R.E.N, active le mode filet. » Un petit bip en réponse et je tends la main vers le type qui, en un battement de cils, se retrouve projeté au mur, saucissonné comme un rôti dans ma toile. « Pas mal non ? C’est un prototype. T’en dis quoi ? » Nouveau petit coup de poignet alors que je plaque une toile sur la bouche de notre petit camarade, avant qu’il dise un autre truc qu’il pourrait regretter.

Une moue dubitative lui répond et je hausse les épaules. Je vois bien la différence, mais ça reste quand même classe. J’aimerais bien moi, pouvoir planer, à défaut de pouvoir voler. Tu crois que tu pourrais me porter en grandissant ? Okay, là, j’ai le droit à un regard dédaigneux à souhait, même sans qu’il soit réellement à me regarder. Je plaisante ça vaaaa ! Je plisse les lèvres, autant pour m’empêcher de sourire de nouveau que parce que je ne veux pas trop le vexer quand même. C’est censé être un des plus gentils non ? Remarque ce serait un sacré talent du coup de réussir à me le mettre à dos. Mais je vais éviter oui. Donc on va arrêter d’en rajouter. Encore. J’acquiesce, clôturant donc ce chapitre de notre histoire, pour qu’on puisse se concentrer sur les méchants de supérettes.

Et j’aurais dû rester concentrée sur eux, plutôt que de me faire curieuse et de poser des questions à la con. Bon, c’était de vraies questions, mais je connaissais déjà les réponses, comme dit, c’est l’araignée sympa. Et surtout, ça m’aurait évité ça. « Ça fait de toi un gentil je suppose. » Je le fixe, oubliant momentanément les abrutis qui nous entourent, répondant le plus tranquillement du monde. « Oui. Aux deux questions. » J’ai un sourire. « Tu vas vouloir me scotcher avec tes toiles ? » Je fronce un peu les sourcils en réfléchissant, ramenant Lockheed près de mon oreille. « Oui je sais. » C’était de vrais méchants. Ils le méritaient. Et non, je ne regrette absolument pas. Mais je vais éviter de lui dire ça quand même, à Spiderman. « Je ne suis pas vraiment une gentille. Mais j’essaie dernièrement. » Ça compte non ? Son avis compte ? C’est un super-héros après tout, donc sans doute un peu. Ouais, ou pas, je ne le connais pas, je m’en fous, ce n’est pas… Les autres me manquent possiblement. Ça craint. Tu les retrouveras. Ce n’est pas si grave. On est bien tous les deux, on a toujours été bien tous les deux. On a l’habitude d’être à deux.

Le fait qu’il parle à Lockheed ne m’aide pas vraiment. Si, ça m’aide, je veux dire, je l’écoute, parce qu’il ne semble pas trop me prendre pour une folle, mais… c’est tellement inhabituel que ça me surprend. En plus, Lockheed le regarde et hoche la tête à sa question. Je grommelle et lâche un soupir. Evidemment qu’il est okay Jiminy Cricket. Ah non, ne me compare pas à cette créature ridicule de dessin animé !Un semblant de sourire ourle mes lèvres et disparaît tout aussi vite.

Visiblement, ils n’ont pas tous compris non. En même temps, les humains… Ils sont trop cons, ils ne comprendront jamais. Tant que je suis plus rapide, ça m’importe peu. Et je suis possiblement fière de moi, étant donné qu’il est toujours vivant. Et entier. C’est bien de le préciser aussi ça. Vivant et entier. Ouais, ça c’est dingue, je suis d’accord. Prodigieuse, c’est mon deuxième prénom. Je penche la tête sur le côté. « C’est qui Karen ? » Il parle à qui ? Il y a quelqu’un d’autre dans le coin Lockheed ? Pas que je sache non. On va peut-être pas trop s’éterniser non plus vu que… Oh. Un filet-toile. Mes sourcils se haussent. « C’est toi qui l’a créé ? C’est genre un nouveau truc ? » Je m’approche et appuie sur la toile, esquissant un sourire en tirant dessus. Marrant. Même si ma main reste collée, forcément. Je me téléporte, regardant ma main qui colle encore. Dégueu. Frottant ma main sur mon jean, je reprends. « C’est cool ! Elles tiennent combien de temps tes toiles ? » Je me demande si j’arriverais à la couper avec l’épée ou si elle resterait collée… Non, elle couperait tout, le mur et le mec avec. Je lève le bras, posant l’épée sur un bout de la toile. Hum. Peut-être pas finalement. Je force un peu, beaucoup, l’épée s’enfonçant dans le mur derrière avant de réussir à découper la toile. Ah je le savais ! Pas aussi facilement que je l’aurais imaginé, mais ça se fait ! Un coup d’œil au mec accroché justement, qui se débat en écarquillant les yeux. Heureusement qu’il ne peut plus parler. « Je vais pas te tuer, c’est bon. Je voulais juste voir. » Et j’ai vu. Mon épée est plus forte que les toiles de Spiderman. Possible que j’ai un sourire un peu trop arrogant et content en me tournant vers lui. « T’as vu ?! » Je toussote et l’arme disparait aussi rapidement qu’elle était apparue. « Elle est super résistante ta toile, c’est ouf ! »

Je vais récupérer mon sac à dos et me tourne vers Spiderman, le dévisageant quelques secondes en silence. « T’es trop bizarre. Les gens ont tendance à se demander s’ils doivent appeler la police ou l’hôpital, pas à s’adresser à lui. » Je désigne Lockheed du menton. « Il ne voulait pas que je le tue non plus. » Je soupire avec une moue. Je remets le dragon à sa place, dans ma poche, admirant une nouvelle fois les deux mecs encollés, avant de revenir vers l’araignée. « Je t’aurais bien proposé un milkshake, mais t’as sans doute plein de trucs de super-héros à faire… sauver le monde, les mamies et les aveugles, ou je ne sais pas quelle connerie… » C’est con, je suis sûre qu’on lui offre à lui, les milkshakes.