[Terminé] C'est l'histoire d'une araignée qui fait des cauchemars...

Je sais pas vraiment en réalité ce que Tony aurait pu penser. Parce que j’ai pas eu le temps de vraiment lui parler. Parce que les circonstances me l’ont arraché avant qu’on ait vraiment le temps de nous retrouver. J’ai beau essayer de relativiser, je trouve ça terriblement injuste. Il me manque. Tout le temps. Y a pas un jour où je pense pas à lui. Mais je me dis que ça doit être autrement pire pour Pepper ou pour leur fille. Alors ouais, je me dis que j’ai pas trop le droit de ressentir tout ça. Même si Pepper m’a déjà soutenu le contraire à plusieurs reprises.

Et, si j’essaie de dédramatiser un peu la situation, je me rends bien compte que ça le fait pas vraiment. Pas du tout même. Mon regard se perd de nouveau dans le vide alors que j’ignore tant bien que mal cette boule dans ma gorge. Et j’inspire longuement, avant de me focaliser sur le reste, parce que ça servirait à rien de toute façon de ressasser dessus. J’essaie de me remettre les idées en place, malgré cette impression que tout ce que je raconte est totalement stupide. Pourtant, le Doc m’écoute ou, si c’est pas le cas, il fait super bien semblant.

Je sais pas trop dans quoi je m’engage en parlant de toutes ces réalités, surtout quand j’entends la réponse qu’il me fait. Je crois que là, ça me dépasse, et pas qu’un peu. Mais je l’écoute avec attention, fronçant les sourcils alors que j’essaie de visualiser tout ce qu’il me dit. Après tout, je suis pas plus bête qu’un autre, c’est le moment de le prouver un. « En gros, c’est littéralement impossible de réussir à imaginer combien de ces réalités doivent être exister tout autour de nous. »

Ineffable. Inhumain. Absurde.

Comme si entendre ces quelques mots me donnait l’impression que notre propre existence est tout aussi absurde. Parce qu’au final, il y a toutes ces versions de la terre où nous ne sommes pas. Ou alors, où nous sommes différents. Alors, c’est compliqué de réfléchir à sa propre importance. « On est un grain de sable au milieu de tout ça en fait. Un tout petit grain de sable… » Soufflé dans un murmure songeur, alors qu’il continue de m’expliquer tout ça. Au moins, il utilise des mots clairs, simples à comprendre, même pour mon esprit embrouillé. « En gros on doit… improviser ? » Je penche la tête sur le côté, fixant le magicien, un brin perplexe. Si on peut pas vraiment se préparer à toutes les possibilités, est-ce qu’on doit juste faire avec ? Je suppose que c’est pas aussi simple que ça.

Je laisse filer un temps, songeur. « Donc, ça veut dire que, dans d’autres versions alternatives, le snap a jamais eu lieu et j’ai 5 ans de plus ? C’est… bizarre. A imaginer. » Mais pas forcément désagréable. Un monde où tout s’est bien passé. Enfin, je suppose qu’il y a aussi un paquet de mondes où y a eu une apocalypse zombie, une troisième guerre mondiale et j’en passe. « Ca fout le vertige un peu de penser à tout ça en fait. Comment vous faites pour pas perdre pied ? Surtout en sachant que tout ça, c’est possible. En l’ayant vu même. » Un rire un peu nerveux alors que je me frotte de nouveau la nuque. Parce que ouais, forcément, tout ça me prend la tête. Et, à sa question, j’ai un froncement de sourcils, laissant filer un silence de quelques instants avant de reprendre. « Si je devais expliquer ça de façon scientifique ou rationnelle, je dirais que mon inconscient essaie de me faire passer un message. De me faire comprendre ou voir quelque chose qui m’échappe. Vous voyez ce que je veux dire ? Comme pour me pointer du doigt une évidence. » Une moue songeuse. « Il y a toujours des détails qui collent pas. Comme la voix off de Tony qui raconte ce qui a déconné. Ou l’intervention de personnes qui ont rien à voir. Je les ai même vus fabriquer du matériel que j’ai  jamais vu par ailleurs. C’est… bizarre. » Et j’ai l’impression d’être totalement à côté de mes pompes, comme si rien de tout ça, mis bout à bout, avait vraiment de sens. C’est probablement le cas d’ailleurs. Sûrement même. « J’suis en train de faire une dépression nerveuse, c’est ça ? » Ca c’est du verdict de qualité hein.

J’imagine que parler de tout ça va me faire du bien, d’une façon ou d’une autre. J’espère en tout cas, sinon ce serait une perte de temps, pour lui comme pour moi. Et j’aimerais surtout trouver une réponse, ou quelque chose s’approchant. Pour mieux dormir ce qui serait pas du luxe, surtout ces dernières semaines. Je sais pas vraiment ce qu’il peut penser de tout ça le Doc, surtout que je le vois surtout hocher la tête, froncer les sourcils – ou alors c’est juste dans ma tête ça – sans faire de commentaires à ce que je raconte.

Ptet parce que je parle trop. Encore une fois. On en revient toujours au même hein, je sais, je sais. Mais au moins, j’ai l’impression qu’il m’écoute vraiment. Qu’il prend le temps alors que bon, fondamentalement, je suis pas sûr que ça lui apporte quoi que ce soit. Pas que je sois pas intéressant comme type hein mais… bref. Ca continue de se bousculer dans ma tête, j’essaie – sans grand succès – de mettre de l’ordre dans tout ça.

Et puis, j’arrive à ma conclusion. Je saurais pas dire ce qu’elle vaut, mais au moins j’essaie de mettre des mots sur tout ça. J’ai un froncement de sourcils quand je vois un bouquin apparaitre. C’est genre pour me parler de mes symptômes ? D’un traitement ? Ou euh… j’avoue, j’ai rien d’autre qui me vienne à l’esprit. J’arque un sourcil quand il commence à me lister ce qui pourrait faire penser à une dépression nerveuse et j’ai un temps, avant de finir par secouer la tête. « J’ai rien de tout ça… enfin, à part les troubles du sommeil… même si en vrai, je dors bien jusqu’à ce que les cauchemars me réveillent. » De fait j’ai pas de soucis à me concentrer ni rien et encore moins à perdre mon intérêt pour… à peu près tout et n’importe quoi. Donc j’imagine que je devrais être rassuré. J’avoue que je le suis, un peu, même si j’ai le sentiment que ça m’embrouille encore plus qu’autre chose sur les origines de tout ça.

J’avais fini par me convaincre, d’une façon ou d’une autre, que c’était juste ma façon de faire le deuil. Mais, quand le Doc me présente un bouquin, j’ai un froncement de sourcils. « Quoi ? » Je suis perplexe, avant même de zieuter ledit livre du coup. Et je me fige devant l’image, sentant un frisson me parcourir l’échine alors que je serre ma tasse beaucoup trop fort. « Je… » Je tends l’index sans même vraiment m’en rendre compte, effleurant l’image. « Ouais… j’ai vu un type comme ça… plusieurs fois. » C’était même lui en fait, juste que c’était plus… flou. Et que mon cerveau a essayé de l’occulter à chaque fois que j’ai ouvert les yeux. Parce qu’il est encore moins normal que le reste. « Cauchemar ? C’est… qui ? » Ou quoi ? Je saurais pas trop dire ce qui est le mieux là, de suite. Mais au moins, la vague de panique qui pourrait me submerger est bloquée par le calme du Doc.

Quand j’ai décidé d’aller à la porte du doc, j’avoue que je sais pas trop à quoi je m’attendais. Enfin si, un peu comme dans un de ces films de Noël, j’espérais qu’il me raconterait que c’est juste une mauvaise période à passer, que c’était le temps de faire mon deuil et qu’après tout ça irait comme sur des roulettes. Et franchement, vu comment tournait la conversation au début, j’y ai presque cru. Je suis bien conscient qu’une part de moi revoit aussi souvent ces rêves pour… et bin pour revoir Tony. C’est pathétique, je sais, mais au moins, ça s’explique de façon rationnelle. Et je peux bosser dessus, sur les phases d’acceptation, ce genre de trucs.

… sauf qu’il y a ce fichu bouquin. Et cette fichue silhouette.

Je l’ai vu ce type. Enfin ce… cette… chose.

Je bats des cils, fixant le doc, alors que la sentence tombe. « Une entité astrale liée aux rêves de l’Humanité. Cool. Cool. Cool. » Ouais, ptet qu’en le disant trois fois, ça changera quelque chose. C’est pas genre un chiffre magique ? Ou pas donc. Je me frotte le nez, laissant filer un silence alors que j’ai droit à un cours de dimension astrale, ou je sais pas trop comment appeler ça, pour les nuls. Et si autant j’ai réussi à assimiler le principe des multivers, de tous les chemins possibles dès qu’on fait un choix, dès qu’on choisit un chemin, cette histoire de créatures capables d’influer le monde – notre monde – sans même y être, autant dire que là, je bugge un peu. Ou alors c’est l’idée de savoir qu’il y a un de ces trucs-là dans mon esprit actuellement.

… il est VRAIMENT dans ma tête là maintenant ? A cette pensée, j’écarquille les yeux, luttant pour rester focalisé sur ce que me dit le Dr Strange et essayant d’ignorer cette pointe de panique. Je suis assez fier de moi, j’ai juste mon pied qui tapote le sol nerveusement. « Donc… si je pige bien. Le fait que j’ai peur d’un paquet de trucs a attiré Cauchemar dans ma tête ? Et… y a une raison pour que ce soit moi plutôt qu’un autre ? » Enfin, je suis pas sûr de piger en réalité. Donc je tente un truc, essayant de pas réfléchir à toutes les conséquences que ça peut avoir.

Par contre, quand il parle de maintenir les gens prisonniers dans leur sommeil, j’ai un temps d’arrêt, avant de souffler, d’une voix hésitante. « … quoi ? » Ca veut dire quoi ça ? Que je peux être prisonnier de ces cauchemars où je vois tout le monde mourir, où finalement, cette voie sur je sais plus combien de millions a pas marché ? C’est un coup à devenir complètement frapadingue ça non ? Là encore, j’ai du mal à raccrocher les wagons, tiltant quand même qu’il essaie de trouver des solutions. « Le point qui nous intéresse ? Ah ouais ? » S’il le dit je vais lui faire confiance hein. Cette fois, c’est mon genou qui commence à tressauter, alors que j’inspire longuement. « La thèse de Stephen LaBerge, okay okay. C’est dans mes cordes ça. Mais je… vous voulez que je parle avec… lui ? Elle ? Ce… bref. Et je suis supposé lui dire quoi ? » Lui demander ce qu’il fiche là ? Discuter de tout et de rien comme si on était des supers potes ?

Bon, le reste me rassure un peu. Notamment qu’il parle de m’accompagner dans lesdites discussions. « Euh… » L’idée que le Dr Strange lui-même poppe dans ma chambre tous les matins m’arrache un rire nerveux, sans même que je m’en rende compte. Mais j’ai presque un bond quand il parle de SMS. « Ouais, c’est bien ça ! Je vous donne mon numéro et au réveil je vous envoie un message pour… dire que ça va ? » J’ai tout de même un temps avant de reprendre, essayant de paraitre plus détaché que je le suis vraiment. « Les possibilités pour que je sois pas capable de vous envoyer ce message sont… importantes ? » Que je me réveille pas donc. « Je crois que j’aurais préféré être dépressif. » Un profond soupir, alors que je pianote sur le téléphone du doc pour noter mon numéro donc. « Je fais sonner le mien, histoire que je sache où envoyer mon message. » Ca peut être utile ouais. Et c’est presque improbable en fait, de voir maintenant les noms qui s’affichent dans mon répertoire. La plupart de mes camarades de classe me traiteraient tellement de mytho s’ils tombaient dessus.

Je me suis jamais senti idiot. Je veux dire, je suis plus que doué en cours et j’ai tendance à piger plus vite que la moyenne. Mais là, je me sens totalement à côté de mes pompes. Que ce soit parce que je suis directement concerné ou parce que le sujet dépasse de loin tout ce sur quoi j’ai l’habitude de réfléchir. Je me frotte de nouveau le visage à deux mains, laissant filer un silence songeur à sa réponse. « Ah là, j’suis hyper rassuré. » Il est pas télépathe. Merveilleux. Une grimace au reste. « Je suis pas le seul à être célèbre. » Murmuré plus pour moi qu’autre chose. Après tout, y a un paquet de types bien plus intéressants que moi sur terre. Mais ptet aussi plus difficiles d’accès. Certainement même.

J’essaie hein, de piger pourquoi Cauchemar s’intéresse à moi. Mais j’avoue que ça me dépasse complètement. Quand bien même je suis le nouvel Ironman comme dit si bien le Doc. « J’aimerais bien qu’on s’intéresse un peu moins à moi quand même. » Là encore, c’est plus une remarque pour moi-même qu’autre chose. Pas dit que le grand Dr Strange aurait de toute façon quelque chose à répondre. Enfin, probablement que si, mais rien qui fasse avancer réellement tout ça.

J’arque un sourcil quand il continue. Ca semble tellement simple dit comme ça. « Juste lui poser des questions. Sans le provoquer donc. Va falloir que je choisisse soigneusement mes mots j’imagine. » Et que je réfléchisse avant de parler surtout. Parce que bon, des fois – souvent – je balance ce que j’ai en tête sans trop voir les conséquences de suite. Et c’est pas le plus intelligent à faire. Du coup là, on va éviter hein. J’ai une ombre de sourire au reste, quand il me demande de pas devenir dépressif. « Je vais essayer donc. » Pas envie de subir la double peine qu’il évoque donc. Un nouveau soupir alors que j’envoie un message sur mon propre téléphone. Ceci fait, j’hésite presque à lui envoyer un petit smiley Spider-man, mais j’ai comme un doute sur le fait qu’il soit très réceptif. Demain matin, ce sera mieux.

Et j’ouvre la bouche pour répondre, un brin perplexe quand il me dit de pas me stresser. Avant de la refermer au reste. Puis de la rouvrir. « Vous êtes super rassurant, on vous l’a déjà dit ? » Ouais genre moi, y a pas cinq minutes. Mais je me relève d’un bond, déposant soigneusement ma tasse sur la petite table avant de le suivre. Je regarde autour de moi, sans cacher ma curiosité, avant de m’arrêter devant le… truc, qu’il me désigne. « C’est bizarre. » Ouais, dans le genre première impression constructive, ça se pose là. Mais j’écoute ce qu’il me raconte, penchant un instant la tête sur le côté, comme pour mieux la regarder. « Elle voulait juste prouver ça. Et c’est le cas ? C’est la plus puissante ? » Faut croire que oui, vu qu’il m’en parle.

J’enfonce mes poings dans mes poches, esquissant tout de même un sourire à ses paroles. « Je me suis toujours dit que la violence était pas la meilleure option. » Mais parfois, c’est la seule chose que les gens comprennent. Et je finis par sortir une main de ma poche pour me frotter la nuque, mon regard se tournant pour fixer la chambre des Reliques. J’ai un silence, battant des cils alors que, pour la première fois depuis le début de cette discussion, il arrive à trouver les mots exacts qui m’apaisent un peu, me rassurent. S’il a su gérer, s’il est toujours là, c’est que je peux lui faire confiance. Je sais, y a rien de rationnel dans tout ça, y a tellement d’éléments qui peuvent entrer en ligne de compte et faire que la prochaine rencontre se passera mal. Mais j’ai envie de le croire. « On dirait que j’ai bien fait de venir toquer à votre porte hein. » Soufflé avec un sourire un peu contrit, alors que je finis par croiser son regard. « Merci. » Parce que si lui a confiance pour la suite, alors moi aussi j’aurais confiance.