Ororo Munroe, alias Tornade. Elle faisait partie des quelques noms que Logan avait donnés à un jeune Charles Xavier en 1973, en lui faisant promettre de les trouver et de les guider. Le professeur avait assuré qu'il ferait de son mieux.
Ses premières rencontres avec Ororo ne s'étaient pourtant pas passées aux mieux. Jeune, emplie de fougue et de naïveté, la mutante s'était ralliée à la cause d'Apocalypse, se retrouvant malgré elle à devoir combattre les X-Men. Mais elle avait réalisé qu'elle faisait fausse route et s'était finalement associée à eux pour les aider à vaincre En Sabah Nur. Lorsqu'ils avaient ensuite tous été transportés trente-cinq ans dans le futur, lorsqu'il avait fallu qu'elle choisisse un nouveau chemin, elle était restée auprès de Charles. Elle avait aidé à la remise en état de l'Institut et était devenue professeur de géographie lors de sa réouverture.
"Faire de ton mieux ça suffira". C'était ce qu'avait affirmé Logan. Et pourtant… Le jeune Shane Whyte avait fait partie des jeunes mutants égarés que Charles avait recueillis au sein de son école. Au vu de ses pouvoirs d'électrokinésie, le professeur l'avait confié aux soins d'Ororo pour des cours personnels. Malheureusement, malgré les efforts de tous, Shane n'était pas parvenu à s'intégrer à l'Institut. Il n'était resté qu'un mois, avant de décider de partir. Et par la suite, il avait fait de mauvaises rencontres qui l'avaient mené à la mort…
Cette perte tragique avait profondément affecté Ororo, qui l'avait pris comme un échec personnel. Aucun mot de Charles ne permit de la faire changer d'avis. Elle avait un deuil à faire, et pour cela elle devait s'éloigner. Il la laissa donc partir au Kenya, certain qu'il la reverrait. Il ne croyait pas au destin, mais il croyait au bienfondé de sa cause et en la bonté de ceux qui l'accompagnaient. Ororo pouvait accomplir de grandes choses à ses côtés, il en était convaincu.
S'il ne chercha pas à la contacter durant ses mois d'exil, le télépathe veilla sur elle à distance, s'assurant de temps en temps qu'elle allait bien - ou du moins qu'elle parvenait à se reconstruire. Lorsqu'elle revint sur New York en septembre, Charles ne tenta toujours pas de prendre contact avec elle. En revanche, il envoya à elle la jeune Earwen Baskerville, persuadé que les deux mutantes avaient beaucoup à apprendre l'une de l'autre et qu'elles pourraient s'aider mutuellement.
Après une première réaction de rejet, les instincts philanthropes d'Ororo avaient remporté la bataille contre sa culpabilité et elle avait finalement rapidement accepté d'aider Earwen. Ces cours particuliers lui furent bénéfiques, de même que des rencontres, de hasard cette fois, avec Hank puis Malicia. Après un mois et demi de doutes et de remises en question, la jeune Tornade avait finalement trouvé le courage de revenir à l'Institut.
Charles avait perçu sa présence dès qu'elle avait franchi le portail, mais il était alors en pleine surveillance d'examen et ne voulait pas déconcentrer ses élèves en les laissant seuls alors qu'il ne leur restait que quelques minutes pour terminer leurs copies. Il laissa donc Raven se charger de l'accueil d'Ororo… tant bien que mal. Raven lui réserva en effet un accueil plutôt froid, mais Ororo ne se laissa pas déstabiliser. Et heureusement. Les deux femmes avaient beaucoup de choses à se dire, beaucoup de rancœurs à régler, beaucoup d'amour à exprimer à travers leur peine et leur colère.
Le professeur assista télépathiquement à leur conversation, tout en ramassant les copies de ses élèves, en les invitant à aller chercher leurs affaires pour partir en weekend. Puis, lorsque les émotions d'Ororo assombrirent le ciel et que les deux mutantes se retrouvèrent rapidement trempées, il se rendit à la lingerie pour aller chercher des serviettes propres. Quand Raven eut un geste de tendresse envers sa jeune amie, Charles sentit les larmes lui monter aux yeux à son tour. Ces retrouvailles étaient émouvantes et magnifiques. L'ultime appel à l'aide d'Ororo avait trouvé un soutien indéfectible.
Charles remonta dans le hall d'entrée et en fit partir les élèves peu discrets qui tentaient d'écouter à la porte ou de voir par les fenêtres des couloirs ce qui se passait entre les deux professeurs. Hors de question qu'Ororo entre sous des dizaines de regards curieux alors qu'elle était encore bouleversée par son échange avec Raven. Le professeur attendit qu'elles entrent dans le manoir pour s'avancer vers la jeune Tornade. Il lui sourit, lui tendit les serviettes jusqu'alors posées sur ses genoux et lui dit simplement avec beaucoup de douceur :
Le dialogue et la communication n'étaient pas des choses faciles à aborder pour toi. Pour être honnête, tu n'avais pas toujours été très douée dans ce domaine. Rien que le fait de partir sans dire un seul mot à qui que ce soit montre à quel point tu as du chemin à parcourir. Alors, lorsqu'il a fallu s'expliquer avec Raven, celle qui t'avait fait vibrer à une époque, celle que tu avais prise comme modèle et celle qui tenait une place toute particulière dans ton cœur, cela n'avait pas été une sinécure. Des cris de l'âme et des reproches, pour au final conclure sur un pardon et des gestes d'affections. Lorsque tu étais réconciliée avec la change-forme et que tu avais passé le pas de la porte en sa compagnie il n'y avait plus de doute possible. Tu venais de faire le bon choix. Une fois à l'intérieur, tu étais trempée jusqu'aux os. La faute aux caprices de ton pouvoir qui déborde parfois sous le coup de tes émotions. La peur était caractérisée par de la brume, la colère par des nuages noirs et de la foudre et pour ce qui était de la tristesse c'était la pluie qui faisait son apparition.
Cependant, le temps n’était plus à la pluie, mais à un rayon de soleil et à une lueur d’espoir.
L'odeur du manoir était la même que lorsque tu étais partie. Cette odeur boisée et la vue du rez-de-chaussée n'a pas changé. Bon sang… Tu t'étais éclipsée de cet endroit que quelques mois, mais dans ton esprit c'est comme si tu l'avais quitté il y a des années. Raven qui est à tes côtés pouvait observer une tornade discrète et silencieuse. Tu avais déjà mis les choses aux clairs avec elle et tu ne tenais pas spécialement à en rajouter. Pour dire la vérité, tu faisais preuve d'une humilité rare lorsque tu arpentais ce lieu qui pour toi était à la limite du sacré. C'est comme si tu ne souhaitais pas déranger. Sois honnête avec toi-même… Tu as encore des appréhensions concernant les habitants de cette école et ce qu'ils vont penser de toi et de ton départ. Tu continues à marcher, mais une silhouette que tu ne reconnais que trop bien viens à ta rencontre. Une douceur caractéristique, un sourire rassurant et des paroles si symboliques pour toi. Lui aussi n'avait pas changé.
« Professeur Xavier ? »
Tu avais écarquillé les yeux de surprise lorsqu'il était venu à ta rencontre. Tu pensais qu'il était absent ou qu'il n'était pas prêt à te recevoir. L'air un peu hébété, tu viens prendre la serviette qu'il t'offre en guise de réconfort. Au sein même de l'institut, beaucoup de personnes se permettaient de l'appeler Charles, sans doute par familiarité. Ce n'était pas ton cas et tu le nommais à chaque fois par son titre d'enseignant. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est un homme envers qui tu as un profond respect. Il est celui qui t'a accepté dans ces lieux alors que tu avais participé à son enlèvement et que vos visions étaient en total opposition dans les années quatre-vingt. C'est pour cela que tu avais ce sentiment si spécial lorsque vos retrouvailles ont enfin lieux. Quel est ce sentiment déjà ? Celui qui fait en sorte que tu n'oses pas confronter son regard, celui qui fait en sorte que tu as une mauvaise mine en le voyant et un air triste et désolé. Ah oui, c'est la honte.
« Pardonnez-moi. Je ne suis pas présentable. La météo ne m’a pas été favorable sur ce coup... »
Tes cheveux blancs humidifiés et tes vêtements trempés, cela n'était pas très respectueux pour toi. Puis, tu as abandonné ton post et malgré le réconfort que le pardon de Raven a pu te procurer tu étais mal à l'aise vis-à-vis de ce que tu avais fait envers le télépathe. Lui faire ce coup-là alors qu'il avait été le premier à te tendre la main… Oui, c'est un passage obligatoire aujourd'hui, une autre étape importante. Tu allais devoir lui présenter tes excuses. Même s'il semble être content de te revoir, ce n'est pas une raison. Il faut que tu fasses preuve de respect envers cet homme qui t'a beaucoup donné.
La jeune Ororo était surprise de la présence du professeur. Rien d'illogique à cela, puisque Raven l'avait annoncé comme étant absent. Mais Charles mettait un point d'honneur à se rendre disponible pour celles et ceux qui avaient besoin de lui. L'air hébété de la mutante lorsqu'elle prit la serviette qu'il lui tendait en disant long sur son étonnement : elle ne s'attendait pas à le voir si vite, ni à ce qu'il sache qu'elle était là. Peut-être aurait-elle préféré avoir un moment de répit entre ses retrouvailles avec Raven et celles avec le professeur. Ce dernier, à l'inverse, préférait crever l'abcès tout de suite.
Néanmoins, contrairement à sa sœur, Charles n'éprouvait aucune rancœur vis-à-vis d'Ororo. Certes, elle avait abandonné son poste, elle était partie sans prévenir personne, sans même laisser une lettre. Sans les dons de télépathie du directeur Xavier, les membres de l'Institut n'auraient pas su ce qui lui était arrivé. Mais il comprenait les raisons de cette fuite et il ne comptait pas l'accabler de reproches alors qu'elle avait finalement trouvé le courage de revenir.
Il conserva donc son doux sourire et son calme bienveillant, faisant mine de ne pas remarquer qu'Ororo n'osait pas le regarder dans les yeux. Elle commença par lui demander pardon, pour son apparence actuelle. Ses excuses allaient sans doute aller bien au-delà de ce détail esthétique. Le professeur esquissa une moue signifiant que ce n'était pas bien grave, puis il acquiesça de la tête. Il remercia ensuite Raven du regard, lui faisant comprendre silencieusement qu'il prenait le relais, puis il répondit :
« En effet, c'est plus critique que je ne le pensais. Viens avec moi, nous allons descendre à la lingerie te trouver des vêtements secs. »
S'il avait pris soin de lui apporter une serviette pour qu'elle puisse se sécher les cheveux et le visage, cela ne serait pas suffisant vu comme ses habits étaient trempés. Ils dénicheraient bien de quoi lui permettre de se changer à la lingerie. Charles tourna donc son fauteuil vers l'ascenseur, tout en regardant Ororo pour s'assurer qu'elle le suivait.
Les élèves n'allaient pas tarder à partir en week-end, mais les sœurs Cuckoos étaient tout à fait capables de gérer les sorties. La lingerie n'était certes pas le lieu le plus accueillant du manoir, mais au moins y seraient-ils au calme le temps que le gros des pensionnaires s'en aille. Ils pourraient ensuite remonter tranquillement et discuter autant qu'Ororo le désirerait… si elle le désirait.
« Je pense qu'ensuite, une bonne boisson chaude nous fera le plus grand bien. Qu'en penses-tu ? »
Rien de grave. C’était ce que le professeur te faisait comprendre par un langage non-verbale. Il te proposait même de descendre à la lingerie afin de pouvoir t’y changer. Tu te contentes alors d’acquiescer en hochant la tête de manière positive. Un dernier regard complice à Raven et tu marches dans la même direction du télépathe. C’est quoi cette sensation étrange ? Tu as l’impression que tu ne mérites pas d’être là. C’est la figure d’autorité du professeur qui te fait cet effet-là ? Tu le connais pourtant, tu sais très bien qu’il ne te tient pas rigueur de ton abandon de… Et si jamais c’était le cas ? S’il te tenait responsable de ton départ précipité ? Tu secoues la tête comme pour chasser ces mauvaises pensées. Arrête de penser à sa place. Tu dois simplement lui expliquer et clarifier les choses avec lui rien de plus, rien de moins. Vous entrez dans l’ascenseur et celui-ci se referme. Et merde… Un endroit clôt et étroit. Tu détestes les ascenseurs…
« Oui… Un verre de coca serait parfait pour moi… Je vous remercie. »
Hein ? Ta réponse est totalement à côté de tes pompes ma pauvre. Il vient de te proposer une boisson chaude. Le coca-cola est ta boisson préférée, certes, mais c'est comme si tu l'avais écouté à moitié. La porte de l'ascenseur se referme et tu déglutis discrètement. Le professeur a sans doute oublié ta claustrophobie alors pourquoi tu ne lui as pas demandé d'emprunter un autre chemin ? Évidemment… Pour ne pas lui causer de problème avec son fauteuil roulant qui serait difficile à manœuvrer dans des escaliers par exemple. La descente vers la lingerie ne prend en réalité que quelques secondes, mais dans ton esprit cela parait être une éternité. Tu tentes de ne rien laisser paraître et tu as placé tes mains derrières ton dos. L'une d'elle tient la serviette qu'il t'a offert et l'autre agrippe ton poignet, le serrant de toutes tes forces. Aller… Faites que cela se finisse… Ton cœur commence à battre la chamade…. Aller, tu es arrivé normalement, non ? Ton visage se blanchie légèrement et des souvenirs remontent en toi. Tes parents sous les décombres… Cet avion… Tu étais resté coincé… ALLER BON SANG !
Les portes s’ouvrent finalement, vous êtes arrivé à bonne destination.
Tu lâches un soupir de soulagement. Tu espères ne pas avoir trop montré tes frayeurs envers le professeur. Il ne faudrait pas qu’il ne s’inquiète pour rien. Note à toi-même, penser à lui demander de faire le retour dans les escaliers. Est-ce qu'il y en avait dans la lingerie déjà ? Tu ne t'en souviens plus. Cela fait longtemps que tu n'es pas allé dans cette salle et encore moins dans ce manoir. Tu t'approches lentement et tu prends l'initiative de chercher des vêtements qui t'iraient le mieux. Tu espérais au fond de toi de ne pas être intrusive ou grossière en faisant cela. Tu souhaitais simplement, t'habiller convenablement par instinct et pour retrouver un certain réconfort. Ce tee-shirt au motif d'ourson devrait faire l'affaire, ces sous-vêtements, ces chaussettes et ce jogging aussi. Tu prends le temps d'observer. Voir s'il y a un endroit où tu pourrais te changer en toute intimité. Même si tu doutais bien que le professeur était à des années-lumière d'être un voyeur.
« Je vous rejoins dès que je suis prête. Encore merci pour le geste… »
Tu avais finalement trouvé cet endroit et il était maintenant temps de te changer. C’est sans doute un détail, mais le fait de porter une tenue sèche t’aidera sans doute à y voir plus clair dans tes propos et dans la discussion à venir avec le professeur.
Si Charles faisait de son mieux pour se montrer bienveillant et accueillant, il ressentait pourtant la crainte d'Ororo qui montait alors que l'ascenseur descendait. Avait-elle peur qu'il ait attendu qu'ils soient seuls pour qu'il la réprimande sévèrement ? Ce n'était aucunement son intention ! Il avait complètement oublié la claustrophobie de la jeune égyptienne, pour lui l'ascenseur était un passage naturel et obligé pour évoluer dans les différents niveaux de l'Institut. C'était l'un des aménagements modernes qui avaient été faits dans le manoir suite à sa paralysie.
La preuve criante qu'elle n'était pas à son aise fut qu'elle répondit à sa proposition de boisson chaude en évoquant à l'inverse un verre de soda qui se consommait généralement bien frais. Charles ne lui en tint pas rigueur, elle devait avoir bien trop de choses qui se bousculaient dans sa tête. La boisson chaude n'était de toute façon qu'un prétexte à la discussion, de la même façon que l'on pouvait proposer à quelqu'un d'aller boire un café pour en réalité faire comprendre que l'on souhaitait passer un moment ensemble. Il acquiesça donc silencieusement, toujours avec son léger sourire aux lèvres, prétextant ne pas avoir remarqué l'étourderie d'Ororo.
Une fois dans la lingerie, il la laissa chercher parmi les vêtements propres – et surtout secs – ce qui pourrait lui convenir. Certes, ils n'avaient pas demandé l'autorisation pour emprunter des habits qui ne leur appartenaient pas, mais personne ne s'en rendrait compte. C'était un usage tout à fait temporaire et les affaires seraient rendues de nouveau lavées d'ici la fin du week-end. Lorsqu'elle se tourna vers lui pour le remercier une fois de plus et lui annoncer qu'elle le rejoindrait dès qu'elle serait prête, il répondit :
« Bien sûr, prends tout le temps dont tu as besoin. Je t'attendrai dans la petite cuisine. »
Ce qu'il nommait ainsi était en fait une pièce aussi grande qu'une chambre d'étudiant, mais qui se différenciait du réfectoire qui était bien plus vaste. La petite cuisine faisait partie des pièces d'origine du manoir et était utilisée généralement par les adultes lorsqu'ils voulaient prendre leurs repas tranquilles ou par les étudiants qui avaient des fringales nocturnes et pensaient venir ici en cachette. Le frigidaire et les placards étaient toujours remplis de boissons, de fruits, de yaourts, de biscuits et d'aliments en tous genres, bien utiles pour les repas improvisés.
Le professeur reprit donc l'ascenseur et s'y rendit. Il s'affaira à la préparation d'un thé pour lui et sortit un coca du frigidaire qu'il versa dans un grand verre. Il prépara également une assiette de cookies. Lorsqu'Ororo arriva dans la petite cuisine, en ne croisant personne sur son chemin – Charles y avait veillé, les élèves étaient pour la plupart partis chez eux, et les pensionnaires à l'année vaquaient à leurs occupations personnelles – il observa sa nouvelle tenue, bien différente de ce qu'elle pouvait porter habituellement, et lui sourit de nouveau.
« C'est beaucoup mieux. Je n'aurais pas voulu que tu prennes froid. »
Une façon simple de lui signifier verbalement qu'il tenait à elle. Il poussa vers elle le verre de soda et l'invita d'un geste à s'asseoir à la table. Il avait bien de nombreuses questions à lui poser qui lui venaient à l'esprit, mais ne sachant pas tellement par où commencer sans accentuer son malaise, il préféra lui laisser l'initiative du début de leur conversation.
Tu te souviens maintenant du côté désagréable de cette pièce et de l'institut en règle générale. Elle est truffée d'ascenseurs et donc d'endroits clos. D'ordinaire, tu avais appris à t'y faire un tant soit peu. Cependant, le fait d'avoir passé la majorité de tes derniers mois à parcourir le monde dans de l’aide humanitaire et de rester souvent à l'air libre ou dans des endroits qui te convenaient t'avais quelque peu fait perdre l'habitude d'arpenter tes craintes par rapport aux endroits restreints. Un nouveau passage obligé en somme, une nouvelle épreuve sur laquelle il fallait s'adapter. Tu avais finalement terminé de te changer et tu avais même pris ton courage à deux mains pour reprendre cet ascenseur qui te mettait mal à l'aise. Tu arrivas finalement vers la petite cuisine. Le professeur t'y attendais et il fut rassuré que tu ne prennes pas froids. Il te tendait ta boisson fétiche et t'invita à t'asseoir. Tu pris place et un léger silence s'installa entre vous. Tu ne savais pas comment aborder le sujet, alors c'est dans un angle quelque peu original que tu décides d'aborder la conversation.
« Est-ce que tout le monde va bien ? Est-ce que Earwen s’épanouit dans cette école ? »
Earwen Baskerville. Une jeune fille qui était venue te voir afin de demander ton aide sur la maîtrise de ses pouvoirs. Tu avais d'abord refusé, jugeant que tu n'étais pas digne de lui apprendre quoique ce soit depuis la tragédie avec ton ancien élève. Puis, contre toute attente, tu avais accepté de lui donner des cours particuliers et tu avais saisi le problème de ses pouvoirs, enfin tu le penses en tout cas. C'était le professeur lui-même qui l'avait envoyé vers toi. Outre ses dons extraordinaires en termes de télépathie, le directeur de l'institut avait cette faculté de savoir ce qui était bon pour les autres et ce qui permettait aux gens d'évoluer rapidement. Dans tous les cas, c'était un pari gagnant pour lui, car c'était une clef qui avait permis que tu sois de retour aujourd’hui, dans ce manoir. Il avait cette capacité de voir ces choses que les gens ne voyaient pas en eux-mêmes. Pour toi, c'était ça sa plus grande force.
« Sa capture par le chasseur de tête, lorsqu'elle a projeté par accident son camarade de son lycée et sa mésaventure dans un centre commercial. J'en ai tiré mes propres conclusions… Son pouvoir agissait comme de l'auto-défense et il se manifestait lorsque ses émotions étaient bouleversées. » Tu tournais le verre de coca que le professeur t'a offert tout en étant plongé dans ton monologue. « De plus, elle a sans doute voulu contenir son pouvoir en elle-même, mais il est impossible d'enfermer le vent dans une boite, il finit tôt ou tard par s'extirper, c'est dans sa nature. Alors, je lui ai simplement donné quelques clefs pour le manipuler et pour s'en approprier. En soi je n'ai pas fait grand-chose, elle a fait le plus gros du travail. »
Tu sembles captivé par l’évolution de cette élève de l’institut. Tu as toujours eu ce désir de venir en aide aux élèves qui avaient le plus de difficultés. Tu avais toi-même traversés des choses difficiles et tu avais ce désir de venir en aide à ce que l’on pouvait maladroitement surnommer : « les cas désespérés ». Malgré les lacunes de certains, il fallait que tout le monde ait sa chance. C’était le cas de Shane à l’époque. Un garçon qui ne maîtrisait pas ses facultés et qui avait un manque de confiance en soi flagrant. Tu t’étais attaché à ce Shane Whyte et tu as cette impression de t’attacher envers cette Earwen Baskerville. Tu prends une gorgée de cette boisson gazeuse et un sourire timide vient s’afficher naturellement sur tes lèvres lorsque tu penses aux progrès de cette demoiselle. Tu ne penses pas tout connaître d’elle, mais tu as pu observer sa détermination et son envie concrète de s’améliorer pour s’accepter. C’était une bonne chose qu’elle soit dans cet institut.
« Oui elle a su rapidement s’adapter à mon exercice. Cette fille est… Très talentueuse. »
Venant de toi, experte en matière d’aerokinésie, c’était un fort compliment. Néanmoins, est-ce qu’il est véritablement pertinent de parler de ton élève ? C’est comme si tu déviais la conversation inconsciemment pour ne pas avoir à l’affronter. Le véritable sujet Tornade, c’est toi et ton retour au manoir.
Ororo s'installa à la table et garda le silence durant quelques instants, un silence que le professeur se garda bien de troubler : il lui laissait le temps dont elle avait besoin. Elle commença par une question somme toute banale et générale, pour prendre des nouvelles de "tout le monde", puis se montra plus précise en parlant plus spécifiquement d'Earwen, la jeune aérokinésiste que Charles avait envoyée vers Ororo.
« Elle s'y intègre bien. C'est une élève modèle qui aime aider ses camarades en difficulté. Concernant ses pouvoirs, elle parvient globalement à en gérer les débordements. Elle a tout à fait sa place à l'Institut. »
Et ce malgré le fait qu'elle ne soit pas une mutante, mais une demi-elfe. Mais comme cette information n'avait pas été dévoilée par Earwen lors de ses échanges avec Ororo, Charles estima que ce n'était pas à lui d'en parler. Si la jeune fille préférait, dans un souci d'intégration à l'Institut, se faire passer pour une mutante, c'était son choix.
Il écouta l'ancienne professeur évoquer ses conclusions vis-à-vis des problèmes que son élève rencontrait avec la maîtrise de ses pouvoirs, et hocha la tête avec un sourire tendre. Il n'était cependant pas d'accord avec elle lorsqu'elle annonçait humblement qu'elle n'avait pas fait grand chose. Elle avait accepté de l'aider, de l'écouter, de la guider : c'était déjà beaucoup. Mais il ne répondit pas tout de suite, la laissant continuer. Ce n'est que lorsqu'elle parla du talent d'Earwen que Charles commenta :
« Elle a eu un bon professeur. Tu as su voir en elle ce qu'il y avait de meilleur, tu as su détecter son potentiel et lui donner les conseils appropriés pour qu'elle le développe. »
Ororo avait aidé Earwen à reprendre confiance en elle, et le professeur était certain que c'était réciproque. Les deux jeunes femmes s'étaient aidées mutuellement. Le sourire de Charles était entendu : il songea que les mots qu'il venait de dire auraient pu être prononcés par quelqu'un d'autre pour l'évoquer lui et la jeune Tornade déboussolée qu'il avait pris sous son aile quelques années plus tôt.
Earwen s'intégrait bien à l'institut et il semblerait même qu'elle possède un comportement exemplaire vis-à-vis de ses camarades. Un sourire satisfait s'afficha sur ton visage. Tant mieux, si les choses vont bien pour elle. Tu lui avais affirmé que c'était une bonne chose qu'elle soit à l'institut et tu ne t'étais pas trompée sur ce coup. Quant au directeur de ce manoir, il se contente de simplement de préciser que l'aerokinésiste a eu un bon professeur particulier et que tu l'as bien aidé dans la compréhension de ses pouvoirs. Ton sourire s'efface alors légèrement… Ces doutes et ce sentiment d'infériorité reviens alors au galop et il est vraiment pénible à gérer. Tu sais que le professeur Xavier pense ce qu'il est en train de dire, ce n'est pas le problème. Néanmoins, tu ne vois pas les choses de cet angle-là. Tu viens siroter une nouvelle fois la boisson gazeuse en ayant un peu les yeux dans la vague. Tu as toujours la faculté d'encourager les autres, mais il a toujours été difficile pour toi de t'encourager toi-même.
« Des conseils… J'aurais dû vous demander conseil lorsque j'étais au plus mal lors de la mort de Shane. » Un frisson vient parcourir ton corps lorsque tu emplois ces termes face au directeur. « Professeur… Au sujet de mon abandon de post. »
Pourquoi est-ce si difficile pour toi de lui expliquer ton ressenti ? Pourquoi as-tu toujours ce fichu blocage dans la prise de parole ?! C'est comme si tu subissais un étranglement à chaque mot prononcé. Tu penses pourtant plutôt bien connaitre le professeur et tu sais qu'il ne te tient pas vraiment rigueur sur ce que tu as fait. Est-ce que tu lui en veux pour cela ? Voilà qui est inattendu. Tu préférerais qu'il te sermonne et qu'il t'exclue définitivement du manoir. Cela te réconforterait dans cette image que tu te donnes de toi-même. Ce n'était pas toi qui souhaitais aller de l'avant après la discussion avec Raven ? Qui souhaitait faire les efforts nécessaires pour faire les bons choix ? Ce n'est pas en se vautrant dans son mal être et son manque de confiance que tu arriveras à faire quoique ce soit. Après-tout, avant le drame avec le jeune électrokinésiste il y avait une Ororo qui était une battante et qui ne lâchait jamais le morceau. Une tornade de caractère et de détermination. À présent, qu'en reste-t-il de cette femme-là ?
« Ce que j'ai fait est tout bonnement inexcusable ! J'aurais dû vous consulter avant de prendre une quelconque décision. J'aurais dû communiquer avec tous les professeurs et je n'aurais jamais dû quitter l'institut Xavier sans vous laisser dans le flou le plus total ! » Ta main se serre contre le verre « Alors. Même si ce que j'ai fait est inexcusable, je viens tous de même vous demander pardon. Envers vous, mais également envers tout le personnel de cet institut et à tous les élèves. C'était idiot et totalement non-professionnel de ma part. »
Il fallait toujours ce moment de lâcher prise. Cet instant de libération. C'était le cas pour toi lorsque tu prononçais ces mots. Pour sûr il y avait toujours de l'auto flagellation dans tes propos, mais tu estimes en tout cas avoir dit les choses avec honnêteté. Le télépathe avait toujours fait preuve de franchise envers toi et tu te devais de confronter tes fautes. Ton voyage au Kenya et tes actions humanitaires t'ont appris à prendre les choses avec cœur et c'était avec conviction que tu avais dit au professeur ce que tu avais à lui dire. Reste maintenant, à lui demander de reprendre ta place au sein de l'institut. La partie semble gagné et le professeur t'a affirmé que tu étais chez toi ici. Néanmoins, tu te sens toujours aussi honteuse de lui demander cette faveur-là. C'est pour cela que tu n'oses pas tout de suite lui faire cette demande. Il faut faire les choses petit à petit et ne pas arriver en terrain conquis sans avoir fait des excuses avant.
« De toute façon… Mes erreurs et mes mauvais choix m’ont toujours suivi jusqu’à présent. »
Apocalypse, l’enlèvement du professeur à l’époque, ton combat contre les X-Mens et ton départ de l’institut étaient les principales erreurs. Tu faisais encore des cauchemars du terrible En Sabah Nur. C’est comme si son fantôme te hantait toujours.
Ils y venaient enfin. La mort de Shane. En fin de compte, Ororo aborda le sujet relativement tôt dans leur conversation. Cela devait lui peser lourdement sur le cœur, et Charles avait toujours été une oreille attentive et compatissante. Il ne semblait jamais juger les autres, ou leur reprocher leurs erreurs. Il faisait de son mieux pour prodiguer de sages conseils, adaptés à chaque interlocuteur. Mais Ororo n'était pas venue lui demander conseil lorsqu'elle avait dû affronter son deuil. Elle avait pris la fuite.
Lorsqu'elle commença à parler de son abandon de poste, le professeur posa délicatement sa tasse de thé sur sa soucoupe, plaça ses mains sur la table en croisant ses doigts, puis fixa la jeune Tornade en silence, attendant la suite. Il la trouva bien radicale dans ses propos. Elle n'était pas inexcusable, puisqu'il l'avait déjà excusée. Le comportement qu'elle avait eu, bien que critiquable, était parfaitement compréhensible. Il avait beaucoup à répondre à tout cela, mais il attendit qu'elle ait terminé de dire ce qu'elle avait besoin de dire. Il laissa ensuite quelques instants de silence avant d'à son tour prendre la parole.
« Nos erreurs nous aident plus à progresser que nos réussites. A condition bien sûr de les reconnaître et de les accepter. »
Ororo avait fait des erreurs, oui. Mais elle avait toujours su les rectifier à temps. Elle avait aidé les X-Men à vaincre En Sabah Nur. Elle avait accepté le poste d'enseignante que lui proposait Charles, malgré sa crainte de ne pas être à la hauteur. Elle était revenue à l'Institut, malgré sa honte et ses peurs toujours ancrées en elle.
« Tu aurais pu venir me voir après la mort de Shane, il est vrai. Tu aurais pu demander conseil à Raven, ou à Hank, ou à toute autre personne de l'Institut qui aurait pu t'aider. Tu aurais pu rester malgré la peine immense que tu éprouvais. Mais je ne pense pas que tu aurais pu continuer ton travail comme si de rien n'était. Tu aurais vu l'ombre de Shane dans chaque recoin du manoir. Tu aurais donné chaque cours avec un vide terrible en toi. Tu aurais vécu avec la peur constante de perdre le contrôle et de blesser un élève. Je ne te reproche pas d'être partie. Il le fallait. Tu avais besoin de faire ton deuil, et tu ne pouvais pas le faire ici. Il est en revanche dommage que tu sois partie sans nous laisser une chance de t'aider, et surtout sans donner la moindre explication. Heureusement pour tous ceux qui se sont inquiétés pour toi, je suis un télépathe plutôt doué. »
Il esquissa un mince sourire humble, tout en étant parfaitement conscient de l'euphémisme de cette déclaration, puis poursuivit :
« Tu ne nous as donné aucune nouvelle, alors il a bien fallu que j'en prenne par moi-même. »
Il ne s'éternisa pas sur ce point. Il n'aimait pas faire usage de sa télépathie de la sorte, en espionnant des gens qui n'avaient rien demandé. Mais sans cela, ils n'auraient jamais su ce qui était arrivé à Ororo. Et il avait été impensable de ne pas tout faire pour la retrouver lorsqu'elle avait subitement disparu. Lorsque Charles avait compris les raisons de son départ, il l'avait laissée faire son deuil, certain qu'elle reviendrait vers lui lorsqu'elle serait prête. Mais l'était-elle vraiment ?
« Mon pardon, tu l'as, et tu le sais. Mais es-tu parvenue à te pardonner à toi-même ? »
Il y avait tant à dire sur le professeur Xavier. Tant de qualité à définir chez lui. Si tu devais définir la qualité première chez le professeur à mettre au pinacle ? L’acceptation sans aucun doute. Le télépathe avait toujours cette faculté à voir le bien chez les autres et même chez ses pires ennemis. Les erreurs mènent aux plus grandes réussites. C’était ce qu’il t’avait dit à demi-mot. Prendre conscience de ses faiblesses pour qu’elles puissent devenir de plus grandes forces encore. Le fait de t’être retirée de la vie professorale a fait que tu as pris plus de recul sur les choses. Le fait de t’être remise en question par rapport aux échecs de la mort de Shane prouve une certaine abnégation de ta part. Encore faut-il que tu puisses prendre conscience de tes propres forces. Tu ne pouvais pas t’empêcher de sourire face aux paroles du directeur du manoir. Une personne qui ne fait aucune erreur dans sa vie est une personne qui ne fait rien dans sa vie. C’est ce que laissait sous-entendre les paroles du télépathe.
« Professeur… J’entends ce que vous me dites, mais… »
Mais quoi ? Est-ce que tu vas continuer à te lamenter sur ton sort ? Où est-ce que tu vas prendre les choses en main pour évoluer dans ton existence ? N'espère pas lui couper la parole dans tous les cas. Il a tellement de choses à te dire. C'est clair comme de l'eau de roche pourtant. Toutes tes actions étaient compréhensibles. Le fait de t'être enfuis du manoir, le fait d'avoir quitté ton post et le fait de n'avoir dit aucun mot. Tout cela t'était bénéfique pour toi. Si tu avais tenu tes positions tu aurais éprouvé un mal être encore plus grand. Tu ne te serais plus retrouvée dans ces portes et tu aurais toujours eu affaire au fantôme de ton ancien élève. Selon-lui, c'était un mal pour un bien. Une chose nécessaire à ton fonctionnement. Pour sûr, il avait des inquiétudes. Qui ne les avait pas ? Voir une personne disparaître du jour au lendemain ne laisse personne indifférent. Seulement, le professeur possédait des dons de traçages sans pareille et il avait retrouvé ton empreinte psychique si particulière.
« Oui. Je m’en doute. Le fait d’avoir donné ma position exacte à Earwen prouve que vous m’avez recherché. »
Il t'a déjà pardonné. Tu le sais. Alors, pourquoi persister dans l'auto-flagellation ? Peut-être que c'est quelque chose qui te conforte. Cela t'apporte un certain soutien dans la persistance de ton échec. Pourtant, tu sais très bien que c'est une pensée mortifère qui te ronge. Le fait de te dire que tu ne mérites pas d'être dans ce manoir fait en sorte de te rabaisser par rapport à la mort de ton ancien élève. Il t'a déjà pardonné ! Alors, pourquoi tu essaies de continuer dans ce schéma de pensée ?! Tu n'en veux pas à lui, tu n'en veux pas aux autres personnes de l'institut. Tu as des remords par rapports à toi-même. La question du professeur est tellement parlante à ce sujet. Est-ce que tu as su te pardonner à toi-même ? Voilà le nœud du problème. Non. Clairement pas. Cependant, tu éprouves un certain remords à ne pas pouvoir te pardonner. Il faut du temps au temps. Il va falloir que tu fasses un gros travail sur toi-même pour effacer ce complexe d'infériorité.
« Je n’en sais rien… La blessure dans mon cœur est toujours ouverte. » Tu prends une inspiration avant de rajouter. « Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est d’essayer de surmonter ce sentiment, de le dompter et de devenir quelqu’un sur qui l’on peut réellement compter. »
Il est dit parfois que le visage est le miroir du cœur, parfois-même il est le miroir de l’âme. Ton visage est corroboré de remords, mais en même temps il est corroboré d’une certaine détermination. Tu veux continuer à avancer, mais en même temps tu ne souhaites pas oublier. Tout cela fait émerger un mélange explosif. Une question se pose alors. Arriveras-tu as dompter ta destinée ?
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