[Terminé] Mieux vaut d'anciennes dettes que de vieilles rancunes

Mieux vaut d'anciennes dettes que de vieilles rancunes

Debout Jericho… Allez, réveil-toi ! Si tout cela continue tu risques d’être en retard au sanctuaire et tu sais très bien qu’elle n’appréciera pas ce comportement. Ah, enfin tu es réveillé et tu passes lentement de la position couchée à assis sur ton lit en baillant comme un fainéant. Bouge ta carcasse de ce pieu, tu dois te préparer ! Oui, je sais. Je te casse plus les pieds qu’un coq au petit matin, mais en même temps c’est mon rôle de te secouer les puces parfois. Lentement tu viens te lever et avec une mine encore fatiguée tu viens à te diriger vers la salle de bain de ton appartement afin de te brosser les dents, de te laver le visage et de vérifier si tes dreadlocks étaient en bon état. Tu fais tout cela avec une lenteur et une paresse à tuer un mort, sans mauvais jeu de mot pour ma part… Est-ce que c’est parce que tu vas le rencontrer pour la première fois et que tu n’as aucune envie de le voir ? Ce n’est pas une raison pour faire faux bon à ton ancienne tutrice. Elle s’est déplacée depuis Hong-Kong je te signale, ce n’est pas pour rien.

« Arrête de penser à ma place, tu veux ? Tu n’y es pas du tout et je fais aussi vite que je peux. »

Tu crois réellement que je vais gober ce mensonge ? Je te rappelle que nos deux esprits sont reliés et du coup rien ne m'échappe te concernant. Oh, tu peux soupirer comme tu veux, cela ne change rien. Tu finis par t'habiller et à mettre ton accoutrement de maître des arts-mystique qui était cachée dans une valise sous ton lit. Qu'est-ce que tu fais ? Tu crois réellement que c'est le moment d'aller dans la cuisine pour te préparer un café ? Maître Minoru risque d'être furieuse. Très bien, alors je ne dis plus rien… Cependant, tu te débrouilles pour la suite. Tu continues à siroter ta boisson chaude, les yeux dans le vide et tu pouvais apercevoir de légères étincelles se former pour enfin faire apparaître un cercle de lumière. Tu comprends alors la situation et tu poses ton café derrière-toi. Heureusement, qu'elle n'a pas fait cela lorsque tu étais dans la salle de bain, cela aurait été plutôt gênant. De l'autre côté du portail, Tina Minoru pouvait t'observer d'un air sévère.

« Nous risquons d’être en retard… »

« Bonjour maître Minoru. »

Tu vois. Je ne suis pas le seul à te faire ce reproche. D'un pas nonchalant tu viens passer le halo étincelant pour te retrouver en un clin d'œil au rez-de-chaussée. C'est une première pour toi, hein ? Malheureusement, tu n'as pas l'occasion de visiter le sanctuaire de l'intérieur, car il fallait être ponctuel pour cette rencontre qui tenait tant à cœur ton ancien maître. Durant la montée des escaliers et jusqu'à l'arrivé du deuxième étage, Tina ne pouvait s'empêcher de te passer un savon. Disant, que tu étais désormais un disciple, un maître des arts mystique à part entière et qu'il fallait se comporter comme tel. Tu l'écoutes faire ses remontrances sans dire un mot, pensant simplement que la ponctualité était plus facile lorsque l'on savait manier l'anneau de téléportation. Tu devrais faire preuve de plus de respect envers celle qui t'a formé, puis c'est de ta faute si tu n'as pas été aussi appliqué lors de ta formation. Finalement, vous arrivez au second étage et l'asiatique ouvre la porte arrière. Un homme vous y attendait, un homme que tu connaissais de réputation pour être honnête.

« Maître Strange, je vous présente maître Drumm. Maître Drumm, voici maître Strange » elle s'approche vers toi pour te murmurer d'un sourire taquin. « Cependant, il préfère lorsqu'on l'appel docteur. »

Tu accordes un sourire de politesse à Minoru. Ce sourire s'efface pour arborer un visage plus refermé lorsque tes yeux se posent sur lui. Cette rencontre tenait à cœur ton ancienne tutrice, mais toi tu te serais bien passé de cela. Il est étonnant pour un homme tel que toi puisse avoir de tels rancœurs envers cet homme.

Quand j’ai appris que Minoru voulait me présenter un de ses anciens apprentis, cela ne m’a fait ni chaud ni froid. J’étais beaucoup plus intéressé par les nouvelles à partager avec le SHIELD vis-à-vis de nos identifications de l’énergie et de la méthode de canalisation des grains de Merna. Toute autre contamination a été évitée par nos alliés tandis que nous avons fini par être d’accord sur nos hypothèses au sein des Maîtres des Arts Mystiques. De plus, la saison n’étant plus aux cultures, nous sommes tranquilles sur d’éventuels nouveaux plans "maudits".

Quand Minoru est revenue sur son Jericho Drumm, j’ai accepté de l’écouter quelques instants. Le nom de famille m’est familier. Il faut dire que j’ai été témoin de la mort de Daniel Drumm. La campagne des Zélotes pour détruire les Sanctuaires a été presque réussie et je n’ai pas pu sauver tout le monde. Me sortir vivant de la bataille du Sanctum de New York était déjà un exploit. Merci à la Cape, d’ailleurs. Côté du petit frère, il pratiquait la magie vaudou. Exclusivement. Je n’ai pas pu m’empêcher de demander à Minoru à quoi elle servait niveau enseignement, du fait. "J’aurais dû savoir que les voix des arts mystiques sont également un accompagnement et un voyage intérieur". Pas faux. Et en quoi allais-je être de l’accompagnement et du voyage intérieur de Drumm ? Il vit sur New York, je suis le maître du Sanctum de New York en plus d’être théoriquement le Sorcier Suprême et donc de devoir m’intéresser à tous les Maîtres des Arts Mystiques, ainsi était-il dommage et dommageable de ne pas connaitre un allié sur mon territoire. Certes. Pour quelqu’un qui s’énerve des inactions des autres, me prendre les miennes au visage n’a pas été inutile. Rencontre acceptée.

Quand le jour arrive enfin, le Sanctum me prévient instinctivement de la téléportation de Minoru. Exactement à l’endroit où Daniel Drumm est mort, il y a six ans. Je conçois bien que le hall, étant l’endroit le plus spacieux du Sanctuaire, est la meilleure pièce pour s’y téléporter. Maintenant, les deux invités avancent dans les couloirs plutôt que de m’y attendre et je les laisse donc faire. Pas de déplacement instantané pour eux ou pour moi. Ils montent l’escalier du hall vers l’étage, contournent le garde-fous en son sommet pour accéder au couloir central pour avancer jusqu’à la Rotonde des Passages. De part et d’autre de celle-ci se trouvent de nouveaux escaliers, en fer-à-cheval cette fois, pour accéder à l’étage suivant. C’est celui des chambres et il faut à nouveau le traverser pour arriver à l’escalier menant aux sous-toits, où se trouve le Sanctum Sanctorum ; mon appartement et mes Reliques.

J’ai hésité à attendre en méditant devant le symbole d’Agamotto qui se trouve en façade et apporte de la lumière extérieure. Cependant, il me semble que c’est ce qu’a fait Daniel Drumm en sont temps et l’idée n’est pas de lui manquer de respect en voulant représenter la symbolique de ma charge. Ainsi j’ai attendu à l’étage des chambres, à la place. J’ai réveillé Dominique au passage, histoire qu’il vienne présenter ses respects s’il les retrouve. Ainsi donc suis-je assis dans l’un des confortables fauteuils du couloir, au côté du renfoncement contenant la porte de Dominique. La Cape lévite à mon côté.

Je lève mon nez de ma lecture actuelle lorsque les bruits de pas m’apprennent l’approche des invités. Tous deux ont, à mon instar, leur tenue personnalisée de Disciples de Kamar-Tar. Celle de Minoru m’étant familière, c’est celle de Drumm que je détaille afin d’essayer de comprendre la symbolique de ses couleurs et de ses ajouts. Je note néanmoins que Tina n’a pas le Sceptre.

« Maître Strange, je vous présente Maître Drumm. Maître Drumm, voici Maître Strange, commence Minoru en me faisant sourire légèrement, d’autant qu’elle murmure quelque chose à son "Maître" et que cela les faits sourire tous les deux.

- Maître, répète-je à l’interrogative, abaissant suffisamment mon livre pour qu’elle puisse voir mon sourire à ma provocation. Auriez-vous renoncé à votre position à Hong-Kong ? »

J’ai bien saisi la marque de respect de Minoru envers Drumm mais je me permets de l’agacer, comme elle vient de le faire en s’abstenant du Docteur. Si Drumm escompte passer du temps ici, il faudra qu’il s’habitude à l’ambiance. Et encore, c’est actuellement gentillet.

« Il me semble que c’est ce Sanctum-ci qui n’a qu’un Docteur, me répond-t-elle immédiatement, n’ayant pas l’intention de me laisser le dernier-mot.

- Wong vous dirait qu’il faut s’incliner devant le Sorcier Suprême, surenchéris-je en me levant, livre dans une seule main.

- Je le fais dès que je le vois, acquiesce-t-elle avec une fausse déférence. Bien évidemment.

- Je vous autorise à être plus souple sur le protocole, acquiesce-je à mon tour avant de me tourner vers Drumm, sans pour autant lui tendre l’une de mes mains gantées. Maître Drumm, bienvenu au Sanctum de New York. »

S’il y a un peu plus de formalité, je ne m’y attarde pas. J’ai quelques hypothèses sur l’importance, pour ne pas dire le poids, que peut avoir ce lieu pour lui. Aurais-je pu faire l’effort d’aller le voir ailleurs ? Peut-être, néanmoins c’est ici qu’il devra intervenir à la défense au besoin. Autant qu’il connaisse les lieux autrement que comme la dernière demeure de son frère.

« Souhaiteriez-vous un thé ? »

Si c’est confirmé, je lèverai la main contenant le livre et intervertirais celui-ci avec une sous-tasse et une tasse qui se remplira rapidement d’un thé chaud. J’en ai fait plus que mon usage personnel ce matin et l’ai remis à bouillir cinq minutes avant de venir emmerder mon Apprenti, dont s’eut été le rôle de préparer le thé même s’il préfère celui de m’emmerder moi. Il devrait donc être encore suffisamment chaud.
Si c’est infirmé, je me contenterai de rester les bras et le livre le long du corps, par politesse puisque je pourrais parfaitement mener cette discussion tout en lisant.

Mieux vaut d'anciennes dettes que de vieilles rancunes

Tu ne m'en voudras pas d'avoir une certaine nostalgie vis-à-vis de ce lieu. Il faut dire qu'en temps normal, je n'aurais jamais eu l'occasion de le revoir. C'est pourtant bel et bien le cas et j'ai cette chance d'observer ces murs à nouveau grâce à ta vision. Cependant, tu ne sembles pas particulièrement t'intéresser au sanctuaire et pour être honnête tu sembles plutôt renfermé sur toi-même. Tu devrais te regarder dans une glace… La mâchoire serrée et le corps tendu. C'était très étonnant de te voir ainsi, toi qui faisais pourtant preuve d'une mesure plus que notable, le fait de rencontrer pour la première fois le docteur Strange te place tout de suite sur la défensive. Tu as à peine le temps de contempler la cape de lévitation qui flotte au côté du sorcier suprême que celui-ci te présente ses salutations d'une manière soft et te propose par la suite une tasse de thé. Ah, tu n'attends rien de sa part, la communication semble compliquée.

« Non mer… »

« Avec grand plaisir. Pour nous deux, s’il vous plait. »

Tu ne pouvais pas t’empêcher de lever les yeux au ciel. Tu trouvais cela pénible qu’elle te force la main ainsi. Tu voyais clair dans le petit jeu de Minoru. Elle voudrait que vous puissiez instaurer un dialogue et que cela se passe sous de bonnes conditions. Cependant, tu ne dis rien de plus lorsque tu reçois cette tasse de thé et tu viens t’installer. Sur un des fauteuils au même rythme que tes deux interlocuteurs. Tu devais faire des efforts, faire bonne impression envers le docteur. Néanmoins, étant quelqu’un qui ne savait pas vraiment comment cacher son inconfort cela se voyait à des kilomètres que tu n’avais aucune envie d’être ici. Nous en avons pourtant discuté maintes fois toi et moi. Pour ma part, je n’en tiens aucune rigueur à Strange. Il s’est passé ce qu’il devait se passer et les raisons de ma mort ne sont en aucun cas du fait du sorcier. En revanche, tu es toujours resté imperméable à mes arguments et tu faisais preuve d’une obstination qui ne te ressemblait pas lorsqu’on évoquait le sujet de cette personne.

« Bien. Les évènements d'aout mon permis d'aborder une certaine réflexion. Les choses semblent être plutôt stables concernant les céréales et un possible danger concernant leurs effets, pour l'instant en tout cas. » Maître Minoru se permet de placer un léger temps de pause avant de reprendre « Cependant, si les choses venaient à évoluer par la suite, les compétences de Maître Drumm pourraient vous être utile. J'en suis persuadée. »

Elle parlait du fléau de Merna. Ton ancien mentor était présent lorsque cela s'est produit et t'avait expliqué les faits dans les grandes lignes. Elle pensait que ta connaissance dans les malédictions pouvait être utile à l'enquête et à la mise en œuvre d'une collaboration avec le chef des opérations. Tu étais sceptique face à cela. Certes, il semblait s'agir d'une malédiction, mais la nature magique n'était pas la même que la tienne. Je suis présent avec toi en ce moment même. Une présence que normalement, toi seul est capable de distinguer. L'impossibilité d'une interaction avec les autres m'était défavorable. J'aurais bien aimé enchérir sur le fait qu'en tant que maître des arts mystiques il était de ton devoir de soutenir le sorcier suprême dans ses entreprises. Quoi ? C'est mon rôle de t'aiguiller sur les choses que tu dois faire, non ? Tu aurais aimé l'inverse ? Dans ce cas, le pacte avec le Baron Samedi aurait été évitable, surtout au vu de l’offrande que tu as faite avec lui.

« Qu’en pensez-vous, Maître ? »

« Une collaboration qui sera des plus fructueuse, j’en suis certain... »

Tu avais dit cela avec une ironie à peine dissimulée. Cela a eu pour effet de faire froncer légèrement les sourcils à Tina. Si j’avais eu encore une bouche, j’aurais soupiré. Il va falloir que tu débloques une bonne fois pour toute ce caractère qui n’allait pas vraiment aider au bon déroulement du dialogue. La communication, s’était pourtant ton truc, non ?

Drumm a la détente d’une Minoru lorsqu’on parle de sa fille et je le comprends bien. Quant à leurs désaccords, je fixe la gardienne d’Hong Kong en me disant qu’elle devient soft. La diplomatie n’est habituellement pas son fort et cela fait parti des raisons pour lesquelles on s’entend bien à hausser le ton l’un envers l’autre. Comme je n’ai pas l’intention de traiter Drumm comme n’étant pas capable de décider pour lui-même, il n’y a qu’à Minoru que je tends une tasse. A elle de lever les yeux comme l’autre Disciple, à qui elle fait suivre la tasse. Aurait-elle une manière différente de s’imposer envers chacun d’entre nous ?

A loisir.

Cela semble presque fonctionner puisque Drumm s’en va s’assoir. Je me réinstalle donc, m’accoudant. L’ancien Apprenti n’a aucune envie d’être ici et n’a pas l’intelligence d’essayer que les choses se fassent plus vite, trainant des pieds et augmentant son calvaire. Cela en dit long sur lui. D’autant que, connaissant Minoru, elle n’abandonnera pas. Mes yeux, légèrement plissés, passent de l’un à l’autre et de l’autre à l’un durant le silence. L’envie de rappeler mon livre est présente, d’autant que je pourrais mener la discussion et lire en même temps. Cela semble irrespectueux, certes, néanmoins c’est efficace.

Minoru aborde le Fléau de Merna. Cela m’amène à me pencher en avant sur mon siège. Lorsqu’elle marque un temps, "pour l’instant en tout cas", j’hésite à répondre que le SHIELD est plus responsable que nous par sa capacité à retracer les autres gains contaminés et que, outre la saison, il va falloir du temps au responsable pour faire sa nouvelle génération d’enchantement. "Cependant", elle reprend. Les compétences de Drumm pourraient être utile sur la suite de l’affaire, quand nous feront une percée.

Elle en est persuadée.

Mes yeux se tournent vers le concerné. Juste mes yeux. Je reste penché en avant, néanmoins.

« Qu’en pensez-vous, Maître ?

- Une collaboration qui sera des plus fructueuse, j’en suis certain, ironise le "maître" qui me fait dire que Dominique a au moins l’avantage d’être divertissant dans sa mauvaise volonté.

- Mes connaissances en vaudou sont limitées, notamment parce que je n’ai aucun pacte avec l’un des lwas, enchaine-je immédiatement, sérieux. Néanmoins, je me souviens que les Guédés sont des interlocuteurs tabous. Pourrait-on réellement tirer quoi que ce soit d’eux, vis-à-vis du Fléau ? »

Je réfléchis vite et ne prends pas le temps de le dissimuler présentement, considérant des moyens d’apprendre de ces créatures en corrélation avec mes propres théories ; pour les infirmer ou les confirmer. Je reste persuadé que le Darkhöld contient des réponses, après tout la magie infernale permet de copier les autres formes de magie. Cela est idéal pour une utilisation détournée de la magie tellurique, même si l’énergie employée n’est pas réellement infernale mais provient d’Helheim ; qui reste une sorte d’enfer au sein de l’Yggdrasil.

« Maître Drumm, votre avis ? »

J’ignore Minoru comme on sait si bien le faire dans notre rivalité de surface, néanmoins je vais dans son sens vis-à-vis de son ancien apprenti.

Mieux vaut d'anciennes dettes que de vieilles rancunes

Tina n'a pas changé après toutes ces années. Lorsqu'elle a quelque chose en tête elle va jusqu'au bout. Le fait qu'elle t'a fait passer sa tasse de thé montre à quel point elle est déterminée à ce que tu ais un dialogue avec le sorcier suprême. Enfin, Tu fais partie de ceux qui ont beaucoup de mal à reconnaitre son autorité et une discussion avec Wong à Kamar-Taj t'aurais plus convenu. De toute façon je te l'ai déjà dit, il y a des moments dans la vie auxquels nous ne pouvons pas échapper et cette rencontre avec le docteur en fait partie. Selon ses propres dires, il ne possède ni de pactes avec des loas et ni avec des orishas. Il pose également une question qui me semble pertinente pour moi et hors sujet pour toi : est-ce que les esprits de la mort peuvent avoir un impact sur le type de magie qui a été utilisé lors du fléau ? Pour ma part, le fait même qu'il puisse relier les guédés pour trouver une solution vis-à-vis de cette histoire est une belle preuve d'intelligence et d'adaptation, mais pour toi… Cela ne semble pas être le cas.

« Non… » Que les esprits m'en soient témoins… Il va falloir que tu arrêtes de jouer la carte de l'enfant boudeur et que tu précises enfin ta pensée ! Ce n'est pas la peine de lever les yeux aux ciels, contente-toi de lui expliquer plus en détail ! « Le type d'énergie n'est pas le même. Les esprits de la mort puisent leurs pouvoirs de la dimension d'Orun. De ce que j'ai pu comprendre, la magie qui a été utilisée pour commettre toutes ces atrocités venait de l'un des neufs royaumes qui est relié à la mort et à la désolation. Si c'est le cas il s'agit donc d'un type de magie asgardien qui puise donc dans une autre source d'énergie que celle du vaudou. »

Plus précisément dans l'énergie universelle d'Yggdrasil, tu le saurais si tu avais fait l'effort d'écouter les enseignements de Tina sur les autres types de magie. De plus, je ne suis pas en accord avec toi, comme d'habitude, selon-toi, mais quand même. Peu importe si le type d'énergie diffère. La mort reste la mort peu importe le type de magie employée. Je suis d'accord que le terme de « combattre le feu par le feu » est un peu idiot en soi, mais la question doit être au moins soulevée. Tu ne peux pas reprocher à Strange de chercher toutes les alternatives possibles et de les étudier. De toute façon, ton ressenti est biaisé et peu importe ce qu'il dira, tu resteras sur tes réserves. Maître Minoru se contente de rester silencieuse et son visage passe de l'un à l'autre. De ton côté tu avais posé la tasse de thé que t'avait donné ton ancien mentor et tu n'avais pas bu une seule gorgée. C'est une façon de bouder aussi ? Tu es vraiment un cas désespéré par moment.

« De plus, les guédés ont pour la plupart la fâcheuse tendance à faire en sorte que le prix de l’offrande soit plus élevé que la faveur en elle-même. Pour beaucoup de bokors il serait suicidaire de pactiser avec eux. »

Pour le coup, je ne peux qu'être en accord avec toi. L'idée méritait d'être soulevé, mais le jeu n'en vaut clairement pas la chandelle. Tu en sais quelque chose, hein Jericho ? Le pacte que tu as signé avec le Baron Samedi n'a certainement pas été la meilleure chose que tu aies faits dans ta vie. Je sais que tu n'aimes pas que je t'en parle. Si tu ne voulais pas que je lance ce pavé dans la mare il ne fallait pas faire cet acte. Tu n'en as jamais parlé à Tina et tu ne comptes certainement pas en parler avec le sorcier suprême. C'est ton secret et tu n'as aucun désir de le divulguer. Après-tout le châtiment final s'abattra sur toi lorsque tu t'y attendras le moins. La pire mort que tu pourrais avoir te frappera comme l'épée de Damoclès. Un spectacle de plus pour le Baron Samedi. Quoiqu'il en soit, c'est avec une autre méthode que l'aide des guédés qu'il faudra trouver le moyen de régler cette sinistre histoire. Encore fallait-il que tu sois prompt à la conversation.

« Enfin, vous êtes le sorcier suprême apparemment. Vous devriez le savoir. »

Maître Minoru te jette un mauvais regard. Tu étais donc passé d’un comportement nonchalant à des piques verbales. Est-ce que tu comptes au bout d’un moment y mettre de la bonne volonté où est-ce que tu souhaites au fond de toi d’être le plus désagréable possible pour ne pas avoir à travailler avec lui ? Je crois connaître la réponse.

Pourrait-on réellement tirer quoi que ce soit des Guédés vis-à-vis du Fléau de Merna ? "Non". Si c’était dit comme un adulte responsable, ou mieux encore accompagné d’explications, cela m’irait. Ce n’est pas le cas. Or, comme ce n’est pas le cas, je fronce les sourcils et plisse le front à l’encontre du gamin.

« Le type d'énergie n'est pas le même, me répond-t-il en me faisant me crisper pour éviter de le remercier dans les deux sens du terme puisqu’il confirme quelque chose déjà dit en ignorant qu’il a déjà été dit que la canalisation n’utilise pas le bon type d’énergie et conséquemment que son argument est aussi stupide que lui ! Les esprits de la mort puisent leurs pouvoirs de la dimension d'Orun. »

C’est peut-être pour cela que Jericho Drumm n’arrive pas à développer de l’Eldritch : son esprit est trop fermé. S’il n’y a pas quelqu’un à qui demander quelque chose, cela ne passe pas. J’aurais bien dit qu’il est insensible aux interactions imperceptibles mais l’Eldritch est perceptible ; seulement pas avec l’ouïe voire la vue. Il procure une sensation, celle de chaleur et d’harmonie. Comme lorsque l’on invite le soleil, si agréable sur la peau, en soi.

"De ce que Drumm a cru comprendre" prouve qu’il a mal compris. L’énergie provient du royaume de Niflheim, un monde de brume, de glace et de froid effectivement lié à l’Yggdrasil. Plus spécifiquement, elle provient d’Helheim, l’une des régions sensées contenir les morts n’ayant ni honneur ni déshonneur ; et ayant contenu la Déesse de la Mort, Hela. Tout "asgardien" que puisse être ce monde, qui ne l’est pas puisqu’Asgard est aussi différent de Niflheim que de la Terre, l’énergie a été canalisée pour obtenir des effets proches de l’art Tellurique ; magie spécifiquement terrienne. Il ne s’agit donc pas d’un type de magie asgardien ou vaudou mais d’un détournement pour bénéficier d’effets inédits ! Comment faire comprendre cela à un cancre ?

A défaut de continuer à froncer les sourcils, je le regarde avec le visage légèrement penché en arrière comme face à un enfant qui vient de correctement prouver qu’il n’a rien écouté. Et dire qu’il est le frère cadet d’un ancien gardien… comme quoi, on avait le bon dans nos rangs.

De plus, les Guédés sont tabous pour une raison. Je vais donner des points pour le contenu parce que l’effort n’y est pas. S’il n’est pas possible de leur demander une faveur, il faudrait trouver un moyen de les arnaquer. Aucun d’eux n’a la puissance de Dormammu, même si je n’ai plus la Pierre du Temps de mon côté. Dommage que l’on ne puisse avoir un ennemi commun pour motiver une alliance de circonstance. Je reste immobile, les bras le long du corps, à considérer si les capacités de Mordo à voler les énergies magiques ne pourraient pas être intéressantes dans le cas d’une mauvaise négociation avec un mauvais esprit.

« Enfin, vous êtes le sorcier suprême apparemment. Vous devriez le savoir.

- Sachez-moi flatté que vous me considériez capable de mieux maitriser l’héritage de votre famille en quelques mois que vous en des années, réponds-je avec un parlé rapide. Maintenant, je suis certain que vous comprendrez aussi qu’un art mystique basé sur le fait d’être un lèche-cul me cause des difficultés. »

Puisque personne ne veut du thé chaud, je le fais réapparaitre dans mes mains. La sous-tasse est pausée sur ma paume gauche. L’anse est enserrée dans mes doigts droits. Je tâche de ne pas trembler.

« Sur ce, je vais vous laisser être l’ado gothique un peu plus loin, les grandes personnes ont à discuter. »

A ma demande mentale, le Sanctum de New York téléporte Jericho devant ses portes. Côté rue. Portes évidemment verrouillées, puisqu’on ne les utilise que rarement.

« Je sais que Kamar-Taj souhaite réunir les cas sociaux sous mon toit mais l’excuse est d’en faire mes Apprentis, souligne-je tranquillement à Maître Minoru, retournant m’assoir avec mon thé. Celui-là est déjà un Disciple. Laissez-le à Wong si vous n’en voulez pas pour protéger le Sanctuaire d’Hong Kong. »

Ce n’est pas un reproche, c’est un conseil. Tous les Disciples ne sont pas capables de travailler dans un environnement comme celui qui les amènent à m’envoyer leurs Apprentis lorsqu’ils sont ingérables. Peut-être que si Drumm était un Apprenti, j’aurai pu en faire quelque chose ; même si Dominique n’est probablement pas un bon exemple de cela. En tant que Disciple, je n’en veux même pas avec moi en mission. Minoru non plus, sinon elle le garderait à Hong Kong. Après, il faut reconnaitre que peu d’arts mystiques se portent aussi bien sur le travail en équipe que l’Eldritch. Par son fonctionnement même, le Vaudou est extrêmement individualiste. Tout comme il ne récompense pas le talent mais la capacité à tenir ses engagements auprès de maîtres. Ce qui me fait me demander franchement comme mini-Drumm fait pour rester dans les bonnes grâces des Loas qu’il a contracté. Peut-être le trouvent-ils attendrissant, si tant est qu’ils aient une psychologie suffisamment proche des humains pour cela ?

Mieux vaut d'anciennes dettes que de vieilles rancunes

Ah. Vu la tête du sorcier suprême, tu viens sans doute de l'exaspérer par ton comportement. D'ailleurs, en une seule phrase il vient non seulement de prétendre à mieux connaître ton héritage familial que toi-même et en plus de cela il vient d'insulter un art-mystique entier pour des dizaines de génération en le comparent à de la simple lèche. Il n'y en a vraiment pas un pour rattraper l'autre. Pour sûr, ton comportement est puéril, stupide et absolument pas respectueux vis-à-vis de Tina qui t'offre l'opportunité d'être en mission avec le sorcier suprême, ce qui est censé se faire de mieux au niveau de l'ordre. De l'autre côté, le manque de sang-froid de Strange m'étonne de sa part et pas dans le bon sens. En tant que leader de l'ordre, il devrait te remettre à ta place de façon formelle sans passé par des insultes envers le vaudou, il est censé concevoir toutes les formes d'arts-mystique. En résumé et au risque de me répéter. Je trouve qu'il n'y en a pas un pour rattraper l'autre.

« L’ado gothique ? Ne prenez pas cet air supérieur avec mo… »

Tous se passe en l'espace de quelques secondes. Tu en perds l'équilibre et le sens de l'environnement pendant ce laps de temps et tu viens t'accrocher in-extremis sur du… bois ? Une porte en bois te fait face et tu prends un temps pour réaliser ce qu'il vient de se passer. Oui, tu viens vraiment de te faire expulser manu magitari par celui que tu ne peux pas voir en peinture. Une réaction idiote pour répondre à des provocations idiotes de ta part. En ayant compris cela, tu frappes d'un coup sec sur la porte d'un poing rageant. Non pas pour tenter de l'ouvrir, mais simplement pour exprimer ta frustration. C'est pourtant quelque chose qui devrait t'enchanter, non ? Après tout c'est toi qui ne souhaitais pas être dans ces lieux. Strange venait simplement d'exaucer l'un de tes souhaits, tu n'as donc pas à te plaindre. De plus, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même pour ton comportement. Le sorcier suprême est connu pour son mauvais caractère et à force de le chercher, tu as fini par le trouver.

« Comment ça c'est moi qui l'ai cherché ?! Non mais tu pourrais me défendre au moins une fois ou tout est prétexte à me rabaisser ? Ce type est imbuvable, insultant et il ne respecte personne. »

Arrête de me parler à voix haute… Je te l'ai dit plein de fois, tu risques de passer pour un fou auprès des gens qui n'auraient pas le contexte. Il m'est impossible de défendre l'indéfendable. Ne va pas croire que je lui donne raison sur tout. En tant que maître des arts mystiques et sorcier suprême il se doit d'avoir plus de sang-froid que cela à l'image de l'ancienne par exemple. Cependant, le seul qui était insupportable à ce moment présent c'était bien toi.

Pendant ce temps…

La gardienne de Hong Kong n'avait pas pu s'empêcher de soupirer après que les choses se soient autant mal passés. Elle avait passé un bref regard sur le siège vide et ses yeux se tournèrent vers le propriétaire de la cape de lévitation. Kamar-Taj qui souhaiterais réunir les idiots du village pour en faire une colonie à New-York ne semble pas lui plaire, mais alors si en plus il doit se taper un type déjà formé et qui ne sait pas faire la différence entre magie tellurique et magie asgardienne ne l'enchante, mais alors pas du tout. La magicienne reste de marbre face à ses propos. Une indifférence et une rigueur qui la caractérisent plutôt bien. Elle semblait être habitué au franc parlé de docteur et ne se gênera certainement pas pour lui expliquer sa façon de voir les choses. Son égocentrisme et sa vision de ses collègues qu'ils soient médecin avant ou disciple aujourd'hui a toujours été la même. En revanche, il allait bien falloir qu'il comprenne que tout ne se résumait pas simplement à lui.

« Votre paranoïa est intéressante à souligner. Vous pensez sincèrement que l'ordre vous donne du renfort simplement pour vous embêter ? Tout ne tourne pas qu'autour de votre petit nombril. Je tiens à organiser cette rencontre parce que maître Drumm est quelqu'un de travailleur, de réfléchi et qui possède des compétences qui ne sont pas négligeables. » Elle place sa main devant elle pour ne pas être interrompu par le docteur qui aurait éventuellement des choses à dire. « Prenons l'exemple des saloperies qui craignent le feu. Il se trouve que mon ancien apprenti possède un loas qui permet d'invoquer des flammes. Alors, avant d'affirmer que nous vous envoyons des cas sociaux uniquement pour vous emmerder, tâchez d'abord d'analyser les renforts qui viennent à vos côtés. »

D'un geste d'agacement l'asiatique fait un mouvement en forme de cercle pour faire apparaître un portail de téléportation. En dessous de ce portail, il y a le siège où était assis le bokor avant qu'il ne soit téléporté. Il était certain que la propriétaire du bâton de l'unité avait une idée derrière la tête.

Pendant ce temps…

Tu pourras te disputer mentalement avec moi autant de fois que tu le voudras le problème restera le même. N'espère pas que tes agissements vont passer inaperçus auprès de ton ancien mentor. Tu vas avoir droit à un savon des plus glissant pour toi. En parlant du loup… Des étincelles magiques se forment autour de tes pieds et tu viens alors à tomber dans un portail magique. Ta chute semble durer longtemps dans ton esprit que dans la réalité, mais tu viens finalement t'écraser sur les fesses dans le fauteuil dans lequel tu te trouvais. Le docteur te fait face et tu vois rouge. Tu comptes bien lui dire ses quatre vérités à ce type qui se permet d'utiliser la magie pour te chasser du Sanctuaire de New-York. Tu te lèves déterminer et tu viens le pointer du doigt d'un air rageur. Franchement… petit-frère. Tu devrais retenir les leçons qui te sont donnés aujourd'hui. La colère est une émotion qui ne te domine pas d'habitude.

« Vous… Tentez ne serait-ce qu'une seule fois d'utiliser vos tours de passe-passe et je vous jure. Les esprits m'en soient témoin que vous… »

« Jericho. » Oula. Lorsque Tina utilise ton prénom et commence à te tutoyer c'est que c'est mauvais pour toi. « Tu t'assois et tu la fermes jusqu'à nouvel ordre. »

« Maître Minoru. Il est hors de question que je fasse équipe avec… »

« Jericho… » Un regard noir, que tu n’as pas vu depuis longtemps. « Tu… La… Ferme… »

Tu déglutis en comprenant ce qui se passe. Tina vient de t'empêcher de menacer le sorcier suprême avec tout ce que cela allait impliquer par la suite. Après cela tu ne dis plus rien et tu viens t'asseoir comme elle vient de te l'ordonner en la bouclant jusqu’à nouvel ordre. Bien, heureux d'entendre qu'il y a au moins une personne dans ce monde qui t'empêche encore de faire des bêtises.

Minoru soupire. Mes yeux dévient vers elle. Ma "paranoïa" me ferait sourire si elle n’était pas nécessaire, passé un certain niveau de responsabilité. Les pensées de la gardienne d’Hong Kong concernant mes propres pensées me prouvent néanmoins à quel point elle est en retard sur ce qui se passe réellement au sein de l’ordre. Tout ne tourne pas autour de mon petit nombril, c’est la seule chose sur laquelle nous sommes d’accord. Et si l’autre crétin n’est pas capable de le comprendre, jamais on n’avancera. Pire, en mission, il ne saura pas faire la part des choses et sera un danger pour lui-même comme pour ses alliés. "Maître" Drumm est quelqu’un de travailleur, je veux bien le croire. De réfléchi, c’est beaucoup plus difficile. Quant aux compétences… j’ai essayer de les mettre en avant, il n’a pas voulu et je ne suis pas certain qu’il ait compris le véritable sens de ma "flatterie" à une considération qu’il n’avait que par mauvaise foi. Même si j’admets que la conclusion de cette remise en place allait elle-même trop loin.

Minoru met sa main entre nous pour éviter que je l’interrompe. Je n’en ai pas l’intention. Qu’elle déblatère ce qu’elle a à déblatérer, j’ai déjà compris que mon conseil est tombé dans l’oreille d’une sourde. Elle prend l’exemple des citoyens de Merna ; "des saloperies qui craignent le feu". Oui, je la vois parfaitement demander à quelqu’un envers qui elle pense avoir de la bienveillance d’incinérer quatre centaines de victimes. Cela évite de partager le fardeau mental de ce monumental échec. Quid de la personne qui est responsable de ces morts ? Quid du soldat qui a obéi à son ordre ? Tina Minoru est incapable de comprendre les émotions des autres, cela se prouve jusque dans ses relations familiales. Si j’avais voulu quelqu’un pour incinérer vivant les amalgames sans essayer de les sauver d’abord et que j’avais eu la même incapacité à comprendre les émotions des autres que Minoru, j’aurai demandé à Dominique de s’en charger. Il s’y connait trop bien.

« Alors, avant d'affirmer que nous vous envoyons des cas sociaux uniquement pour vous emmerder, tâchez d'abord d'analyser les renforts qui viennent à vos côtés.

- Wong m’envoie les cas sociaux car je sais créer de l’harmonie au sein du chaos, reprends-je tranquillement alors que l’autre ose défier le service rendu à son protéger comme à ma patience. Car je sais ce que c’est que d’être productif malgré le conflit. »

Le Sorcier Suprême n’est pas sensé être le gardien d’un Sanctuaire. Je le suis pourtant. Je ne suis pas pédagogue et c’est pour cela que Wong est à Kamar-Taj, à ma place. En revanche, je sais ce que c’est que d’être brisé et de renvoyer la faute sur le reste du monde. Je sais ce que c’est que d’avoir un caractère de merde et d’avoir du mal à faire la part des choses. Je sais gérer les gens comme ça. Les amener à faire ce que Karl a fait avec moi. Ce que Wong peine à faire. Quant à Minoru et son apprenti favori… son ingérence dans mon sanctuaire me donne envie de la congédier elle-aussi.

« Si j’ai changé le système de défense c’est pour que les renforts soient harmoniques. Capables de travailler ensemble. Drumm n’est pas en état actuellement. Laissez-le réfléchir. »

Je pensais qu’il fallait atteindre l’harmonie pour pouvoir passer disciple. Ce n’est pas le cas ici. Cela fourni une autre explication sur l’incapacité de pratiquer l’Eldritch : Drumm ne sait trouver l’harmonie. L’équilibre. Il a besoin du pouvoir d’un autre, Loa ou mégère, pour s’en sortir. Je le regarde atterrir dans un siège où il me semble avoir refusé de s’assoir. Il se lève alors que je le regarde faire, blasé. Il pointe un doigt accusateur qui me laisse totalement indifférent. Il me menace avec des mots creux.

Et elle intervient. Je soupire.

Tina est une mauvaise mère et cela se voit. Comme tout parent, il vient un temps où tous les efforts pour apprendre à leur enfant à marcher et à parler se ponctuent d’un "tu t'assois et tu la fermes". Comme tout mauvais parent, elle ne sait pas donner le temps. Elle force, force et force encore. Elle obtient la confirmation de l’exact opposé que ce qu’elle cherche à créer.

« Maître Minoru. Il est hors de question que je fasse équipe avec…

- Jericho… Tu… La… Ferme… »

Je porte la tasse à mes lèvres et bois tranquillement une gorgée de thé. Le silence se fait. La soumission se fait. Le bruit du pied de la tasse teinte contre la sous-tasse. Puis j’inspire.

« Vous n’aurez pas à faire équipe avec moi, finis-je par dire, indifférent. Maître Minoru n’a pas autorité dans un autre Sanctum que le sien. »

Je tourne les yeux vers la concernée qui, à mes yeux, est bien plus en tort que son ancien apprenti.

« Ni face au Sorcier Suprême. »

Jamais elle n’aurait eu similaire comportement envers Wong. Non seulement se serait-elle inclinée aux salutations mais, s’il avait congédié Drumm à sa manière que j’admets volontiers plus diplomate que la mienne, elle aurait respecté l’acte.

J’en reviens à celui qui est sensé se la fermer ; une demande que je ne lui aurais pas fait moi-même car cela n’est en rien constructif.

« Sorcier Suprême qui vous donne l’ordre, Maître Drumm, d’exercer vos talents là où vous les jugerez le plus utile. »

J’ai tendance à juger chaque Maître des Arts Mystiques comme suffisamment compétent et en harmonie avec les autres pour ne pas avoir besoin que je lui dise quoi faire. Néanmoins, tous n’ont pas cette optique et certains en viennent même à oublier que je peux donner des ordres. Je suis reconnaissant à Wong de m’avoir laissé reprendre le titre de Sorcier Suprême pour respecter le souhait de l’Ancienne. Je le laisse aussi être mon égal dans la hiérarchie officieuse de Kamar-Taj car c’est là qu’est sa place. Jamais il ne sera aussi puissant que moi. Jamais je ne serais aussi diplomate que lui. Nous sommes complémentaires. Qu’on me soit loyal à moi, qu’on lui soit loyal à lui ou qu’on soit loyal aux idéaux de Kamar-Taj voire à la mission des Maîtres des Arts Mystiques ne m’importe pas. Cela crée du chaos, cela crée des conflits, mais cela crée également une harmonie : lorsque l’on sait regarder. Ce n’est pas en l’absence de conflit ou, pire, en le brimant que l’on arrivera à cela. On créera simplement des rancœurs qui, le moment venu, créeront plus de dégâts que des menaces et des "tours de passe-passe" ne le pourront jamais.

« Maintenant, Maître Minoru vous veut ici. A loisir. Pour ma part, j’ai exprimé tout ce que j’avais à vous dire… et plutôt bien saisi la réciproque. »

Si j’insiste sur les derniers mots, ce n’est pas un reproche. C’est une marque de connivence : j’ai compris que Jericho souhaiterait m’inviter à des activités dignes de Sodome ainsi qu’y convier les esprits afin qu’ils regardent. Qu’importe, je m’en moque.

« Vous avez besoin de temps pour réfléchir, continue-je en me levant. Tous les deux. »

Sachant ce que je m’apprête à faire ensuite, la Cape s’en vient se poser sur mes épaules.

« Sachez également que l’unique personne que vous êtes autorisés à déranger en ce lieu ce trouve derrière cette porte, conclus-je en désignant du menton la porte proche de laquelle je m’étais installé dans l’attente du seul à avoir été suffisamment considéré comme un emmerdeur pour bénéficier du programme spécial Strange. Sur ce, bonne soirée. »

Une nouvelle pensée et, puisque Minoru ne veut pas que Drumm prenne son temps à réfléchir à sa condition d’adolescent mal traité derrière la porte qu’il ne voulait pas franchir, je quitte le second étage pour me retrouver au troisième. Le Sanctum Sanctum. Mes appartements privés. Je dépose le thé sur l’un des guéridons afin de récupérer de mon livre, qui s’y trouve. Celui-ci tenu dans mes mains couturées de cicatrices, je fais quelques pas pour sortir du petit salon et regarder les Bandes Cramoisies de Cyttorak. L’artéfact m’a permis d’immobiliser Kaecilius, il y a tant d’années. La Rotonde des Passages, la Cape de Lévitation et les Bandes Cramoisies sont les raisons qui m’ont permis de survivre au meurtrier de Daniel Drumm.

Je fais quelques pas de plus, regardant la petite estrade, haute de deux marches, qui se trouve devant la fenêtre ronde marquée du symbole des Maîtres des Arts Mystiques. Mon prédécesseur en gardien du Sanctuaire de New York avait l’habitude de méditer ici. Face à cet escalier qui mène au second étage et duquel je m’attends parfaitement à voir le petit frère, surement poussé par sa mère de substitution, monter prochainement.

Peut-être est-ce pour cela que Minoru veut Jericho Drumm ici. Pour qu’il soit en paix avec la perte de son frère. Je sais ce que cela fait de perdre un membre de sa fratrie. Je sais dans quels extrêmes on peut s’aventurer pour combattre le sentiment de perte et d’impuissance. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Onze. Douze. Treize. Quatorze. Quinze. Seize. Dix-Sept. Dix-huit. Dix-neuf. Vingt. Vingt-et-un. Vingt-deux. Vingt-trois. Vingt-quatre. Vingt-cinq. Vingt-six. Vingt-sept. Vingt-huit. Vingt-neuf. Trente. Une. Deux. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Onze. Douze. Treize. Quatorze. Quinze. Seize. Dix-Sept. Dix-huit. Dix-neuf. Vingt. Vingt-et-un. Vingt-deux. Vingt-trois. Vingt-quatre. Vingt-cinq. Vingt-six. Vingt-sept. Vingt-huit. Vingt-neuf. Trente. Une. Deux.

Mieux vaut d'anciennes dettes que de vieilles rancunes

J'espère que tu es fier de toi. Tu as accompli ta mission et tu as mis une belle mauvaise ambiance dans la salle. Tina t'a donc demandé de t'asseoir et tu t'exécutes. Contrairement à toi, je ne tiens pas Strange en tant que responsable de ma mort, cela a toujours été mon fardeau personnel et à l'époque le docteur n'avait jamais été mis dans une situation de combat réel, c'est pour cela que c'est déjà un exploit d'être sorti vivant face à Kaecilius et ses adeptes. Cependant, j'ai moi-même du mal à le suivre par moment. Il devrait normalement se réjouir de ton silence imposé et de ta remise en place par la gardienne du sanctuaire de Hong Kong. Cela ne semble pas être le cas, bien au contraire. Il affirme que Tina n'a aucune autorité dans ce sanctuaire. Qu'il n'y a pas besoin que tu fasses équipe avec lui et que tes compétences peuvent être utilisées ailleurs si tu le souhaites. Minoru semble lever les yeux au ciel. Le spectacle est original de mon point de vue. Personne ne semble se comprendre et personne ne semble réellement vouloir se comprendre. Chacun reste sur ses positions. Je pense même que si j'avais été présent à ce moment-là, physiquement, ma présence n'aurait absolument rien changé

Enfin si, vu que si je n’étais pas mort, tu n’aurais jamais eu de tel rancœur envers le sorcier suprême. Enfin bon, ça c’est une autre histoire.

Selon le propriétaire de la cape de lévitation, tout a été dit. Tu ne cherches pas à lui répondre. Tu n'en as pas l'autorisation. Il faut que Tina et toi preniez le temps de réfléchir. C'est vite vu pour toi. Tu n'as pas à le supporter plus longtemps. Tu n'arrives d'ailleurs pas à comprendre pourquoi Wong place une telle confiance en cet arrogant personnage. Il sait pourtant qu'il a une mauvaise réputation auprès de beaucoup de maîtres de l'ordre. Les choses sont claires comme de l'eau de roche. Plus tu es loin de ce type et mieux tu te porteras. Tu ne comptes pas non plus poser tes affaires ici. Tu as déjà un appartement sur New-York et un centre d'aide dont tu dois t'occuper autant que possible. Lorsqu'il vous souhaite une bonne soirée et qu'il disparaît par un énième tour de passe-passe ton regard dévie vers Tina. Encore une fois, tu vas avoir droit à un passage de savon bien mérité. C'est pénible pour toi d'être dans ce genre de position. Tu estimes que tu n'es plus son apprenti, mais elle agit parfois comme si c'était toujours le cas.

« Les mots me manquent pour vous dire à quel point vous me faites honte… »

« J'ai toujours respecté vos décisions et j'ai fait l'effort de venir. Maintenant, forcé de constater que le courant ne passe pas entre nous deux. Il n'y a pas à insister. »

« Je ne me rappelle pas avoir formé un tel adulescent. » Tu lèves les yeux au ciel en constatant la remarque. « Que vous n'aimiez pas Strange est une chose, mais les intérêts de l'ordre et de la protection du monde passent au-dessus de votre petite querelle envers lui. Vous allez me faire le plaisir d'aller le voir et d'arranger les choses avec lui. »

Cela en est trop pour toi. Tu te relèves une dernière fois du siège et t'en va à ton tour de la pièce sous le regard sévère de la propriétaire du bâton de l'unité. Ton but premier est de quitter cet endroit infesté par l'arrogance et par un passé que tu n'as jamais réellement su dompter. Ce sentiment de malaise dans ce lieu, l'endroit de ma mort. C'était à partir de ce jour où ta vie de citoyen ordinaire a basculé dans le mysticisme et dans l'art vaudou. Cela me contrarie profondément de te voir comme cela mon frère. Seulement, te parler mentalement n'est pas tellement utile vu que tu as décidé de faire la sourde oreille. C'est pour cela que je fais une dernière tentative. Alors que tu viens presque te tenir vers la porte d'accueil en espérant la déverrouiller je viens t'apparaître entre toi et cette porte. Une silhouette fantomatique et brumeuse. Mon visage te semble brouillon et mes yeux te semblent perçants et dépossédés de leurs iris. Toi seul pouvait me voir à ce moment.

« Ma mort n’est pas de son fait et tu le sais très bien au fond de toi-même… »

« Je commence à en avoir assez que l'on me dise quoi faire, où me trouvez et avec qui travailler ! J'ai été suffisamment patient avec tout le monde. J'ai le droit aussi de ne pas me rendre malade avec des de telles personnes à l'attitude imbuvables. »

« Je ne te demande pas de le faire pour maître Minoru, pour moi ou encore moins pour ma mémoire… Fais-le pour toi et pour enterrer ces rancœurs ridicules. Cela prendra du temps et ne se fera pas du jour au lendemain, mais j'attends de toi à ce que tu prennes tes responsabilités. »

Après la dernière phrase que je viens de prononcer dans ton psychisme il n'a suffi que d'un seul clignement d'œil de ta part pour que je disparaisse totalement de ta vue. Tu accuses le coup et tu regardes derrière toi. Un soupire s'échappe de tes lèvres. Oui Jericho, les esprits ont tracés ton chemin bien avant ta naissance et tu dois désormais le suivre. En tant que futur Hougan, il faudra bien que tu prennes en maturité. Prendre tes responsabilités. C'est que tu décides de faire finalement contre toute attente. Retournant sur tes pas, tu viens alors remonter l'escalier du hall, puis le second escalier situé au niveau de la rotonde des passages et le dernier escalier situé qui mène au troisième étage. Arrivé au à cet étage, la lumière de la fenêtre sous les couleurs de l'ordre a pour réflexe de te faire plisser les yeux. Voilà une vue que je n'aurais jamais cru revoir. Je crois bien qu'il s'agissait là de mon endroit préféré du manoir, c'était là où j'étais le plus en paix avec moi-même. Tu aperçois donc la silhouette du docteur.

« C’était son endroit favori… » Dis-tu avec nonchalance tout en lui faisant face. « L’endroit où il était le plus en paix avec lui-même. »

Hé oh ! Ne profite pas de ce que je viens de dire pour lancer une conversation avec lui ! J’ai bon dos moi dans tout cela ! Ceci étant dit, c’est la première fois que tu abordes le sujet me concernant. Ta manière de l’aborder est également un peu plus sereine. Tu es donc disposé à parler sérieusement avec lui ? Voyons voir comment tu t’y prends au juste.

Minoru s’agace de mon autorité. Elle ne la comprend pas. D’où qu’elle ne la respecte pas lorsque je ne la mets pas en avant. Jamais n’aurait-elle pu travailler avec les Avengers et les Gardiens de la Galaxie contre Thanos. Stark et Quill avaient tous deux un plan meilleur que l’autre, de leur point de vue, et besoin d’être le chef. Plutôt que d’entrer dans ce jeu, j’ai créé la boucle temporelle. Je me suis assuré que notre ennemi ne puisse pas gagner, à défaut que l’on ne puisse pas perdre. Puis on a perdu. Encore et encore et encore et encore et encore… Si j’avais essayé de donner des ordres comme Stark et Quill, jamais je n’aurais réussi à faire les plans pour essayer d’arrêter Thanos. Plans qui n’ont pas tous échoués, contrairement à ce qu’il est aisé de penser. Il était possible de battre Thanos sur Titan. Qu’il s’agisse de faire appel à Charles Xavier ou seulement d’inviter la totalité des Avengers pour l’y confronter. Puis le Céleste de la Terre connaissait sa naissance et la planète elle-même disparaissait. Puis les Pierres d’Infinité attiraient ennemis plus dangereux encore que Thanos. Puis nous perdions, d’une manière ou d’une autre. La victoire à court terme entrainait une défaite à long terme. J’ai appris de chaque défaite, devenant meilleur dans les Arts Mystiques comme dans les stratagèmes employés, jusqu’à ce que mon mensonge porte ses fruits : Thanos a été défait et les Pierre d’Infinité aussi. Je n’ai jamais abandonné, même si j’ai consenti aux sacrifices de Romanoff et de Stark plutôt que de recommencer une nouvelle fois la boucle temporelle. Je n’ai jamais abandonné. Quatorze millions six cent cinq fois. La force brute ne marche pas toujours. Minoru ne sait pas employer autre chose. Peu étonnant que le Bâton de l’Unité l’ait choisie : il lui accorde les canalisations de ses adversaires ainsi la force brute de ceux-ci n’est jamais suffisante à l’arrêter. L’expérience, cependant, permet des utilisations subtiles. Les Zélotes n’ont pas massacré Minoru, Wong et les autres défenseurs du Sanctum d’Hong Kong alors qu’ils étaient en infériorité numérique simplement parce que Dormammu leur conférait de plus grands pouvoirs. Cela a néanmoins aidé, incontestablement. Je n’ai pas chassé Dormammu de la Terre en étant plus puissant que lui. Je l’ai fait car je l’ai piégé et que j’ai accepté de perdre à l’infini pour qu’il ne puisse jamais gagner. Minoru n’est pas capable de conceptualiser cela.

Sa fille ainée est morte et sa fille cadette la fuit à cause de son étroitesse d’esprit. Elle s’engouffre dans le travail pour que tout cela ait un sens. Elle fuit, encore et toujours. Sans le comprendre. Sans comprendre que nous avons, tous autant que nous sommes, quelque chose à fuir. C’est d’ailleurs ce pour quoi je ne lui reproche pas de le faire. C’est ainsi qu’elle trouve son équilibre. Tout comme je trouve le mien vis-à-vis du parallèle que je connais avec Jericho Drumm. Je compte. Je compte comme je le fais à chaque fois que je pense à mes derniers instants avec Donna. Si je n’avais pas arrêté le massage cardiaque… Si je n’avais pas abandonné…

Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Onze. Douze. Treize. Quatorze. Quinze. Seize. Dix-Sept. Dix-huit. Dix-neuf. Vingt. Vingt-et-un. Vingt-deux. Vingt-trois. Vingt-quatre. Vingt-cinq. Vingt-six. Vingt-sept. Vingt-huit. Vingt-neuf. Trente. J’arrête les compressions thoraciques. Je passe aux insufflations. Une. Deux. Donna est allongée sur le dos, stabilisée en respectant l’axe tête-coup-thorax, inconsciente. Elle ne respire pas. Je repasse aux compressions thoraciques. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Onze. Douze. Treize. Quatorze. Quinze. Seize. Dix-Sept. Dix-huit. Dix-neuf. Vingt. Vingt-et-un. Vingt-deux. Vingt-trois. Vingt-quatre. Vingt-cinq. Vingt-six. Vingt-sept. Vingt-huit. Vingt-neuf. Trente. Puis aux insufflations. Une. Deux. La piscine, c’est une activité estivale habituelle de notre famille. Donna est douée en natation. Elle l’a toujours été. Moi, beaucoup moins. Je la regardais depuis le bord, à lire sur un transat. Une crampe. Le temps que je le remarque. Elle a coulé. J’ai plongé. J’ai réussi à la ramener sur le bord. J’essaie de l’empêcher de partir. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Onze. Douze. Treize. Quatorze. Quinze. Seize. Dix-Sept. Dix-huit. Dix-neuf. Vingt. Vingt-et-un. Vingt-deux. Vingt-trois. Vingt-quatre. Vingt-cinq. Vingt-six. Vingt-sept. Vingt-huit. Vingt-neuf. Trente. J’arrête les compressions thoraciques. Je passe aux insufflations. Une. Deux. Elle a toujours eu confiance en moi. En ma capacité à améliorer les choses. Je peux le faire. Je peux la sauver. Nous sommes en 1987. J’ai 11 ans.

« C’était son endroit favori, commence un crétin avec un laisser-aller apathique alors qu’il monte les escaliers comme je lui ai interdit de le faire histoire d’être certain qu’il le ferait quand il serait prêt. L’endroit où il était le plus en paix avec lui-même.

- C’est le cœur de ce manoir comme de notre devoir, dis-je solennellement. Je m’y tiens souvent également. Pour trouver la paix avec ma charge. »

Inutile d’expliquer que c’est ici que la canalisation de magie tellurique que constitue le Sanctum se rassemble pour être projetée dans notre ciel et protéger cette partie du monde des entités qui voudraient s’y rendre depuis d’autres. Inutile de dire que la sensation de paix et d’harmonie est tant faite par cette connexion avec la Terre et la relique qu’est le Sanctuaire que part l’esthétique qui rappelle notre devoir et notre demeure. A dire vrai, si j’arrive à voir tout ce qu’il ne faut pas dire, je peine comme toujours à trouver ce qu’il faut dire. Il est probable que je gâche le moment, comme je pouvais le faire avec Grey lorsqu’elle est venue, mais je tâcherai de le gâcher utilement.

« Mon arrivée dans ce Sanctum s’est faite par la porte de Kamar-Taj. Kaecilius venait de détruire le Sanctum de Londres et de me projeter à travers elle. J’ai erré dans le hall. J’ai erré dans les étages. J’ai erré jusqu’ici. »

Le souvenir n’est pas particulièrement agréable, même si j’ai une fois de plus prouvé mon apprentissage rapide : découvrir les lieux alors que j’étais déboussolé m’a néanmoins permis de les utiliser à mon avantage pour y survivre.

« L’endroit était vide. Puis j’ai entendu l’arrivée des Zélotes. Je suis redescendu jusqu’au hall. J’ai été terrifié de voir le pouvoir de l’art noir, réarrangeant l’espace afin de forcer l’ouverture des portes. »

Je n’ai pas été le seul. Daniel Drumm aussi a fait un pas en arrière face à ce qui n’aurait dû pouvoir s’effectuer hors de la Dimension Miroir. Là était l’amplification de pouvoir offerte par Dormammu. S’il n’avait été seul, peut-être que Maître Drumm aurait eu une chance. Malheureusement, il l’a été. Je me tourne vers Jericho Drumm.

« Les Zélotes se sont avancés. Lui ont parlé. Maître Drumm a tenu sa position, dans les mots comme dans les gestes. J’ai hésité à intervenir. Un contre trois. Ils ont réussi à le blesser. J’ai réagi. Cela n’a pas empêché Kaecilius de l’achever. »

J’ignore comment le cadet s’est imaginé la mort de l’ainé. J’ignore combien de versions différentes il a créé par absence de connaissance de ce qui s’est passé. Peut-être savait-il déjà, si Wong lui en a parlé. Je témoigne à mon tour.

« Je vous présente mes condoléances et mes excuses, dis-je avec plus de douceur. Je comprends que vous détestiez ce lieu. Tout comme que vous m’en vouliez à moi. »

Refermant mon livre, je m’avance vers Drumm et regarde les escaliers derrière lui. Une fois à son côté, bien que lui faisant face, je le regarde du coin de l’œil.

« Maîre Minoru veut que vous trouviez la paix. Je peux m’assurer qu’elle vous la foute le temps que vous la cherchiez. »

J’hésite à ajouter que je ne vais pas critiquer ses talents de parents puisqu’ils témoignent pour eux-mêmes mais je me tais. Ce moment est à propos de Drumm, pas de Minoru. Ni de moi.

« Haïssez-moi si cela vous aide. Néanmoins, ne vous haïssez pas vous-même. Et, le Tribunal m’en soit témoin, ne vous sentez pas obligé de parler. »