« Aucune chasse ne vaut la chasse à l’homme, et ceux qui ont longtemps chassé des hommes armés, qui ont aimé ça… ne trouvent plus jamais saveur à autre chose. » Ernest Hemingway
Un cadavre derrière le comptoir de l’entrée. Un cadavre dans la chambre 27. Un cadavre sur le pallier. C’est toujours le même décor ensanglanté qui se dessine, les mêmes effluves de rouille et de fer qui s’élèvent dans l’air. Mais cela ne l’effleure guère, le caractère grave et effroyable de l’affaire ne parvient pas jusqu’à sa sensibilité, parce que celle-ci est présentement inexistante : il ne se rend pas vraiment compte qu’il est un meurtrier, pour lui, c’est la normalité. Ainsi, la première chose qui lui saute aux yeux lorsqu’il sort de la chambre où il vient de fracasser le crâne d’un homme contre le mur, au point de retapisser la chambre du sang de celui-ci, c’est qu’il en manque un, de cadavre.
Il manque son comparse mais, comme son cadavre n’est pas là, le Soldat suppose qu’il est toujours en vie, comme leur dernière cible. Imitant involontairement les gestes de son complice, il se met à suivre les traces de sang qui conduisent à l’extérieur, non sans brandir son arme devant lui au cas-où une nouvelle surprise surgit : s’ils ont préparé une potentielle attaque, peut-être ont-ils eu le temps de prévenir des renforts. Mais, personne. L’hôtel est vide.
Il suit donc les traces qui dessinent un chemin jusqu’à la porte arrière, ouverte ; il avait pris le temps de la refermer mais le blessé, dans l’urgence de sa survie et de la situation, n’a pas pris la peine de faire de même. La silhouette du Soldat s’extirpe alors du bâtiment pour emprunter le chemin glacé dans la neige, où le sang est peu à peu recouvert par les flocons qui tombent du ciel. Conduit jusqu’à l’orée de la forêt, et il s’y enfonce sans hésitation, progressant silencieusement dans la neige jusqu’à atteindre son coéquipier et le fugitif, au sol. Le Master l’a rattrapé et l’a intercepté… C’est une bonne chose. S’il avait pu formuler ce genre de pensées, le Soldat aurait probablement songé que le Master allait avoir une grande carrière au sein de leur organisation.
Arrivé à leur hauteur, le Soldat se place derrière un arbre et s’accroupit, écoutant leur échanges… Le Master le questionne, aidé par la pointe de son arme tourné vers l’agent. Il est malin, pas un vulgaire boucher qui se contente de tuer sans extraire des informations de sa victime. Et celle-ci, est précieuse. Mais pas bavarde. Le Soldat sort alors de sa cachette et, se dévoilant dans la fine lueur de la lune grise, qui scintille sur son bras métallique, il lâche d’une voix grave : « Peut-être que nos supérieurs sauront le rendre plus bavard. » Évidemment, c’est une menace à peine voilée, et l’agent doit le savoir. Il vaudrait mieux pour lui qu’on lui tire une balle dans la tête maintenant, entre ces arbres, au coeur de cette forêt car, s’il rejoint les locaux de l’hydre, il sera torturé jusqu’à son dernier souffle, non sans avoir été contraint de délivrer des informations qu’il souhaite garder pour lui. « Crois-moi, tu n’as pas envie de les rencontrer. » Ajoute-t-il en lançant un regard insistant sur leur victime, qu’il ne prend pas la peine de mettre en joug ; Master s’en charge très bien. « Alors ? » Il attend quelques secondes, sans quitter l’homme des yeux. Ce dernier, grelottant au sol, les pieds et les genoux dans la neige, tient sa plaie en gardant le menton baissé vers le sol. Il ne dit rien, et ne bouge pas. Il faut l’emporter pour le soigner, afin de le garder en vie le plus longtemps possible et… le torturer, moyennant informations. « On l’embarque. » Sonne finalement le Soldat en rangeant son arme, se rapprochant de l’agent au sol pour attraper son bras mais, au moment où il s’apprête à ordonner à Master de l’aider, des lumières apparaissent au loin… Les civils du village. Ils ont entendu quelque chose. « Rebat! » Le juron s’extirpe de sa bouche alors qu’il relâche le malheureux qui retombe dans la neige, dans un râle de douleur. Ce dernier, dans un dernier espoir, pousse un cri déchirant pour interpeller les riverains ; il est interrompu par le Soldat qui lui donne un coup de poing de son bras métallique, suffisamment féroce pour l’obliger à se taire mais… Trop tard. Les riverains se tournent déjà vers la forêt plongée dans l’obscurité. Ils se tournent vers eux, sans les voir. Pour l’instant.
THE FALCON & THE WINTER SOLDIER ✯ « they made you into a weapon and told you to find peace, but you can't because this is who you are, a product of war. chains are broken but are you truly free ? »
Le paradoxe immuable de la chaîne alimentaire. Savoir qui était le prédateur et qui était le gibier, qui était le chasseur et qui était la proie. Les rôles se sont inversés à plusieurs reprises dans cette mission, mais au final, les ennemis de l'hydre apprendront à connaître le véritable dominant. Dzyuba n'était pas très loquace et avait décidé d'honorer le camp qui est le sien en ne donnant aucune information. Tu respectes cela, il semblait être un homme de devoir. Malheureusement pour lui et ses compagnons, le piège qu'ils avaient tenté de tendre au soldat avait été réduit à néant. Que croyait-il ? Qu'un simple effet de surprise arriverait à rompre la force de frappe d'un assassin du niveau de Barnes ? C'est ridicule… Il doit s'en mordre les doigts actuellement. Tenant la cible en joue, ton coéquipier vient alors te rejoindre et commence à menacer l'agent du Shield. Ces paroles feraient réfléchir n'importe qui, mais Dzyuba semblait être un dur à cuir. Qu'importe, il va rompre sous la pression, comme tous les autres avant lui.
« Décidément, tu nous rends la tâche compliquée. »
Barnes souhaite l'embarquer. Oui, c'est comme cela qu'il faut procéder, mais cela va être épineux à gérer. Avoir un poids en plus va forcément vous ralentir. Le Cyborg s'approche de l'homme pour commencer à le relever et il semble d'ailleurs réclamer ton aide. Pour ce qui est de toi… Tu as un mauvais pressentiment. Tu plisses les yeux et tu pouvais alors observer des lumières au loin. Oh non, c'était ta crainte que les villageois s'en mêlent. Tu tournes ta tête de surprise lorsque tu entends l'impact du poing de Barnes contre la tête du malheureux. C'est tendu… Une lumière vient s'approcher… Un villageois débarque… Il se retourne… Puis rien. C'était comme si vous aviez disparu. L'homme pouvait cependant observer une trace de sang dans la neige ainsi que des traces de pas. Il fait signe à ses compagnons de venir pour enquêter sur ce qui se passe. Ils décident de prendre un petit temps pour discuter de la situation.
Ton regard se dirige vers l’homme à l’étoile rouge, puis tu te concentres à nouveau sur les hommes à votre recherche.
Vous aviez eu le temps de vous cacher derrière une bute, juste avant que ce type ne débarque pour inspecter les environs. C'était juste comme timing… Quelques secondes plus tard et vous auriez été faits comme des rats. La neige qui continuait à tomber avait légèrement effacé vos traces, mais s'ils sont malins ils peuvent encore remonter jusqu'à vous. Massacrer tout un village n'était pas la solution la plus sage qui soit. Même si Koureïka est plutôt reculé, cela risque d'attirer l'attention au moins au niveau des autorités russes. Non, le mieux à faire était d'attendre et d'observer. Après une longue discussion les villageois semblaient prendre la décision de se disperser. Ton incapacité à parler le russe te fait défaut en ce moment, tu ne piges rien de ce qu'ils se disent. Un dernier regard vers l'agent qui était inconscient et tu décides alors de parler en signe avec Barnes, afin d'éviter de vous faire repérer bêtement.
« Il faudrait ramper par là-bas. » C’était cette phrase que tu tentais d’exprimer par les gestes.
Tu espères qu’il va comprendre tout de suite ce que tu as à lui dire. Vous perdez déjà du temps. Sans attendre tu commences à ramper sur le ventre. C’était vraiment désagréable et la neige ne risquait pas d’aider au confort de la situation. Tu laisses le soin au soldat de prendre Dzyuba sous sa charge. C’est lui qui a pris la décision de l’emmener après-tout.
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Cette saleté d’agent américain les a considérablement retardé en refusant de coopérer, et voilà qu’ils sont piégés comme des rats. Puisqu’il n’était pas trop bavard sur ce terrain, le Soldat avait souhaité le ramener auprès de leurs supérieurs, certains que ces derniers trouveraient de quoi le faire parler… Mais voilà qui contrarie assurément ses plans. Qu’est-ce qu’ils foutent dehors par un froid et une heure pareils ?! Est-ce que l’un d’eux a découvert le gérant de l’hôtel dans une posture pour le moins macabre et a décidé d’alerter tous les autres ? Visiblement, oui. Tuer le village entier ne ferait qu’éveiller les soupçons, il fallait alors faire profil bas mais… La question de l’américain se pose. Que faire de lui ?
Les deux agents de l’hydre ont à peine le temps de se cacher derrière une bute, en ayant traîné le malheureux par le bras, avant que les villageois n’arrivent sur les lieux de leurs retrouvailles. Merde. Merde. Merde ! Accroupi, son arme serré contre lui, il surveille attentivement leurs gestes et déplacements tout en tendant l’oreille à leurs échanges : ils pensent à un vol ayant mal tourné, mais ils ne sont pas très futés puisque la caisse doit toujours être derrière le comptoir. Sauf si un villageois peu scrupuleux l’a prise pour tourner la situation à son avantage… Les sourcils froncés, l’oeil aux aguets, il retient autant que possible sa respiration pour éviter de produire de la buée, et ainsi se faire bêtement repérer.
C’est alors que Master suggère, par des signes, de ramper pour s’éloigner ; c’est une bonne idée, il lui faut le reconnaître, mais Master oublie un élément important. L’américain. Qu’est-ce qu’il compte en faire ? Sans lui donner de réponse, Master se met à ramper dans la neige, le laissant avec leur otage. Bon, sa mission est de l’éliminer, pas de le ramener vivant alors… C’est un quatrième cadavre qui se retrouve dans la neige, aux pieds de la bute leur ayant servi de cachette. Trimballer l’américain dans sa fuite aurait été trop compliqué, tant pis pour les informations. Le plus important pour l’instant était de s’enfuir sans se faire repérer.
Alors qu’il se met à ramper dans la même direction que Master, il entend les villageois qui établissement un plan pour tenter de retrouver les supposés assaillants : ils sont en train de former des groupes pour ratisser la foret. Ce serait plus simple s’il pouvait leur tirer une balle à chacun, le problème serait résolu en moins de cinq minutes. Comprenant qu’un petit groupe se rapproche d’eux, le Soldat se glisse rapidement derrière un arbre, contre lequel il adosse son dos et, tâtonnant de sa main robotique dans la neige, il en sort une pierre gelée — dont la froideur lui est étrangère, et il la lance de toutes ses forces de l’autre côté afin de les orienter vers une mauvaise direction. Le plan fonctionne à merveille, les villageois poussant des cris terribles en partant en courant vers la source de ce bruit, permettant au Soldat de rejoindre son comparse sans être inquiété. Mais ils s’enfoncent dans la forêt, bien loin de la camionnette les ayant conduit jusqu’ici… La rejoindre n’allait pas être une mince affaire maintenant.
Le danger éloigné provisoirement, le Soldat se redresse pour s’accroupir de nouveau, ne prenant par le risque d’être visible, même de loin. Mais les villageois sont suffisamment loin pour qu’il puisse se permettre de lui murmurer, d’une voix grave et basse, pour que lui seul puisse l’entendre : « Il faut attendre. Ils vont finir par abandonner les recherches. » De toute façon, il n’y avait pas vraiment d’autres choix, puisque la confrontation est inenvisageable. Malheureusement.
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Le sang froid de l'assassin à l'étoile rouge était pédagogique à observer. En effet, Barnes avait dû prendre plusieurs décisions en très peu de temps. Abandonner Dzyuba à une mort certaine au risque de perdre des informations précieuses, mais en contrepartie il se déplacerait sans attirer l'attention inutilement. Il avait également eu l'ingéniosité de détourner l'attention des chercheurs avec une pierre et enfin il avait privilégié la patience à la hâte en décidant d'attendre qu'ils partent. Hein ? C'est plus que du respect que tu es en train d'avoir envers le soldat… Et s'il s'agissait d'un exemple à suivre ? D'un modèle à avoir pour progresser au sein de l'organisation. Tu commences à tenir Barnes en très haute estime, mais tâche de faire attention. Père t'a bien rappelé que tu ne dois éprouver aucune émotion, autant pour tes ennemis que pour tes alliés. Cependant, tu ne pouvais pas t'empêcher d'avoir cette fierté de faire partie de la même mission que le soldat de l'hiver. Tu écoutes ce qu'il te dit et vous patientez. Après un long moment, tu n'entends plus les bruits de pas et les voix dans l'ombre de cette forêt. La situation semble pencher en votre faveur.
« La voie est libre… » Dis-tu en chuchotant. « Nous devons avancer vers le point de récupération, mais tâchons de rester sur nos gardes. »
Sans doute que les villageois n’avaient pas totalement abandonné les recherches. Cependant, ils étaient sans doute partis fouiner un peu plus loin. C’est votre chance. Les jambes fléchis et les sens à l’affut. Tu décides de te déplacer dans l’ombre de la nuit pour rejoindre le véhicule de rapatriement. Attendre n’était pas bête en soi, mais vous ne pouviez pas non plus restez là sans rien faire. S’il ne semblait pas craindre le froid, ce n’était pas le cas pour toi et rester dans ces conditions éternellement allait jouer sur ta santé. Tu continues à marcher et il suffisait d’un seul bruit étrange pour te figer sur place et observer. Un craquement banal… Comme l’on pouvait en entendre des centaines dans une forêt. Il faut continuer. Après une longue marche tu déplaçais silencieusement une branche et tu pouvais observer le véhicule qui vous attendait au loin. Bien il était temps de s’en allez de cet endroit sordide.
« Voilà notre taxi. »
Un coup d'œil en arrière pour savoir si le cyborg suivait bien. Il ne devait pas y avoir de soucis à se faire normalement. Il est dit que l'assassin est infatigable et cette marche qui t'a semblé être pénible doit sans aucun doute être une promenade de santé pour lui. Tu pouvais d'ailleurs te demander s'il mangeait et s'il buvait par moment. Le repos n'était sans doute pas une notion qu'il devait connaître. Enfin bon, ce n'est pas le moment de penser à cela. Tu t'apprêtes à sortir des bois pour rejoindre la camionnette, mais tu t'interromps d'instinct lorsque tu entends un nouveau craquement. Tu te retournes et tu pouvais apercevoir une femme qui était enceinte et qui tenait une lampe torche qui vous éclairait tous les deux. Elle semblait terroriser parce qu'elle venait de voir et la peur la paralysait. Son visage déformé par la crainte, elle tremblait comme une feuille. Misère, c'est donc ça ton baptême du feu ? Le monde est vraiment cruel par moment… Lentement, tu viens poser ton index sur ta bouche en signe de silence. Lentement, tu t'approches d'elle et tu viens l'enlacer, faisant mine de la rassurer. La peur avait totalement pris le dessus sur son instinct de survie et alors que tu viens lui offrir un semblant de câlin elle semble ne pas se rendre compte du danger qui la guettait.
« Chut… Ce n’est rien… Ce n’est rien… » De ta main droite, tu viens empoigner ton poignard discrètement de ton dos pour lui assener un coup sanglant dans le bassin, là où elle attendait l’enfant. Tu viens ensuite poser ton autre main sur sa bouche en étouffant des cris potentiels. « C’est fini… C’est fini… »
Un coup de couteau, deux coups de couteau et trois coups de couteau. Il n'en fallait pas plus pour que la malheureuse perde contact avec la réalité. Tu la rattrapes de justesse pour la poser délicatement dans la neige. Tu n'en as tiré aucune jouissance. Tu devais faire ce qui devait être fait pour le bon déroulement des opérations. Tu te relèves et tu observes une dernière fois le soldat qui avait sans doute contemplé la scène. Il pouvait voir une certaine similitude dans tes yeux, à ce moment, il pouvait voir son regard se refléter dans ton regard. Il faut avancer… Le véhicule n'est plus très loin.
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D’un point de vue extérieur, la situation pourrait presque paraître cocasse : les deux soldats se trouvaient à présent abaissés dans la neige froide, dissimulés par les branchages que la sombre forêt leur offrait, tandis que des faisceaux de lumière passaient parfois au-dessus de leurs têtes, les cherchant dans la nuit. Combien de temps restèrent-ils ainsi, prostrés et tapis sur le sol gelé ? Le Soldat n’eut pas vraiment la notion du temps, obnubilé par les éclats de voix et les lampes porches dressées en leur direction, jusqu’à ce que celles-ci s’éteignent progressivement, comme emportées par les secrets de la nuit. Ils étaient toujours là, ces villageois affamés qui couraient après le coupable, car le sang avait été ici versé et ils cherchaient le responsable, sans savoir qu’ils étaient, au pluriel, dissimulés dans les bosquets enneigés.
Enfin, alors qu’ils avaient été piégés misérablement sans aucune autre option que celle de ramper à même le sol pour ne pas se faire remarquer, la voix de Master se fit entendre dans un murmure discret : la voix était libre. Partageant cet avis, le Soldat tourna son menton en sa direction pour hocher son menton de haut en bas en signe d’approbation puis, suivant l’élan de son comparse, ils s’élancèrent calmement et prudemment vers leur position de repli. Genoux fléchis, yeux oscillant entre le paysage et le sol pour éviter de marcher sur quelque chose produisant bien plus de bruit que nécessaire ; le Soldat, qui ferme la marche, se retourne parfois pour surveiller les alentours et leurs arrières, s’assurant que personne ne les suit ou peut les repérer, quand bien même profitent-ils encore de l’obscurité des bois.
La marche n’eut pas duré bien longtemps à ses yeux mais, peut-être n’était-ce qu’une impression pour le Soldat, lui qui ne souffrait nullement des morsures du froid ? Ils étaient à quelques mètres seulement du véhicule qui les attendait mais… Un craquement discret se fit entendre au milieu du silence nocturne, alors que le Soldat de l’Hiver avait ralenti la cadence, s’assurant une dernière fois que personne n’était à leur poursuite. Une femme, au ventre rond comme le monde, se trouvait entre les deux hommes, mais elle n’en avait remarqué qu’un ; Master. Elle avait braqué sa lampe torche sur celui-ci mais, elle tremblait tellement que la lumière vacillait entre son visage et son torse… Elle n’avait pas seulement peur. Elle était terrifiée. Et elle avait de quoi.
Le Master avait pris les choses en mains, alors le Soldat s’était contenté de s’emparer du poignard accroché à sa ceinture, le gardant dans sa main pointé vers le bas, juste au cas-où. Mais il s’en sortait bien, il n’avait vraiment pas besoin qu’on le soutienne ou qu’on l’aide… Était-ce vraiment un débutant ? Il n’avait eu aucune hésitation, aucun tremblement, aucun sursaut de remord… Il venait pourtant de tuer une femme enceinte.
Leurs regards se croisèrent quelques secondes, et le Soldat eut l’impression de voir un agent accompli, fier de ce qu’il représente et fier de ses engagements. Un parfait petit soldat pour l’Hydre. En tous cas, il avait réussi la mission. « Ils nous attendent. » Dit-il en lançant un regard vers la femme enceinte, dont le corps allongé laissait entrevoir une flaque de sang sous ses hanches ; un instant, il ne put s’empêcher de se demander si le bébé était en vie, s’il survivait à sa mère quelques secondes ou minutes avant de s’éteindre à son tour puis, chassant ces pensées aussi vite qu’elles étaient venues, il entreprit de rejoindre l’arrière du véhicule, où il grimpa pour reprendre sa place initiale, attendant que Master le rejoigne pour qu'ils puissent rentrer au bercail.
Il connaissait déjà le programme : le retour se signerait pas un résumé de la mission, on lui posera quelques questions puis… Le froid, le vrai. Et le sommeil, qui vient avec oubli mais, cela, il ne s’en souvient pas. Il a oublié qu’il oubliait sans cesse, comme une page blanche trop souvent gommée. Et il lui faudra quelques années avant de s’en rendre compte.
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Cette conception de prendre une vie, voire plusieurs vies. C'était quelque chose que tu apprenais sur le terrain. Tu avais pris la vie de cet agent du Shield, puis cette femme qui portait un enfant et enfin l'enfant qui était en elle. Un acouphène vient s'emparer de tes oreilles. Tu étais ailleurs à ce moment-là et il fallut que le soldat de l'hiver vienne te reprendre à l'ordre. Oui, il fallait rejoindre le véhicule et sans un mot tu exécutes cette demande. Après avoir nettoyé ta lame sur les vêtements du cadavre sans vie tu commences à te déplacer en direction de la camionnette. Une fois arrivé à bon port, tu viens t'asseoir exactement à la même place où tu étais lors de l'allée et après un bruit de moteur ronflant le camion se déplace vers la base où vous avez eu le rapport de cette mission. Tu n'aurais pas su comment décrire ce sentiment que tu avais eu durant le trajet en question. Ton bras était en train de trembloter et ce n'était pas les secousses de la route qui étaient à l'origine de cela. Est-ce que tu étais réellement en train d'avoir des…
Remords ? Tu as des remords par rapport à ce qu’il s’est passé ?
De manière presque machinale ta main vient se poser sur ce bras tremblant en essayant d'étouffer les sentiments superflus que ton cœur avait. Père te l'avait pourtant appris. Tu ne dois avoir aucune émotion, aucun ressentiment par rapport à tes actes. Pour façonner ce monde que tu souhaites, ce monde où tout le monde serait à sa place et n'aurait qu'à simplement obéir pour être heureux il fallait faire des sacrifices pour sa confection. Alors… Dis-moi… Pourquoi diable, tu persistes à avoir ces sentiments inutiles de remords et de regrets qui inondent tout ton ésprit ? Tout cela doit te servir de leçon, cette journée doit te servir d'apprentissage. Tu dois faire bonne figure envers ton coéquipier qui n'a eu aucun état d'âme. Il est la voie à suivre. Il mènera sans aucun doute Hydra à un glorieux destin et tu pourras être de ceux qui ont eu l'honneur de participer à une mission avec lui. Certains ont pour modèle le Captain America, d'autres ont comme figure Iron Man. Mais toi… À ce moment-là c'était lui. Le soldat de l'hiver qui était…
Ton héros. Le modèle à suivre pour accomplir ce rêve qui est le tien et tu ne dois en aucun cas le décevoir.
Un monde égalitaire où tout le monde aurait sa place sans aucune discrimination. Une société sous obéissance absolue. Ce point de vue est l'objectif principal de ton parcours au sein de l'octopode. Une jeune carrière, certes, mais tu espères qu'elle sera le rouage d'un monde où tout le monde serait docile et sans arrière-pensées stupides. Avoir infiltré le Shield jusqu'à ses plus profondes racines est un succès retentissant en soi. Cependant, il ne va pas falloir s'en arrêter ici. Il faudra que le monde entier soi sous les tentacules de la pieuvre pour que cette société fonctionne de façon cohérente. Est-ce que tous ces morts en valaient la peine ? Bien sûr que oui ! N'espère pas avoir le moindre doute sur cette question. Il est impossible de faire des omelettes sans casser des œufs au passage et le bonheur de tout le monde dépend de cet objectif final. Toi et le soldat. Vous êtes des instruments légitimes pour qu'un monde meilleur puisse voir le jour. Un dernier regard vers ton compagnon et une dernière parole pour l'accompagner.
« Décidément je t'envie. Être privé de tes émotions parasites est une véritable bénédiction. »
Tu lui avais déjà dit cela à l'allée et tu lui répètes cette phrase au retour. Peut-être qu'il ne comprendra jamais le sens de tes propos. En tout cas, tu essayais de lui faire comprendre à ta manière, la chance qu'il avait. Le véhicule s'arrête. Il allait falloir faire le rapport de toute cette histoire. Cela viendra sans doute des années après, mais au niveau psychologique en tout cas un nouvel être venait de naitre.
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