Pendant qu'il fouillait, Magneto eut un sourire en écoutant l'interrogatoire de Rubis. Elle lui rappelait les méthodes qu'utilisait Emma Frost autrefois pour obtenir des informations. La voix doucereuse qui rendait la menace encore plus présente, l'attitude séductrice et dominatrice qui donnait à la fois une attirance perverse et un sentiment de mort imminente. Ou pire. Il ne fallut pas longtemps pour qu'il pointe une direction. Un feuillet sous d'autres feuillets.

Magneto prit le papier et l'ajouta au dossier. Il semblait complet. Mais quelque chose n'allait pas. Il n'était pas certain d'avoir saisi de quoi il s'agissait ou si c'était seulement son instinct qui lui disait qu'il avait été trompé. D'un geste rapide, il évacua les documents, crayons et bibelots du bureau le plus proche. Il y étala les plants, cherchant ce qui l'avait à ce point...

"Là !", s'exclama-t-il en montrant le coin inférieur droit du nouveau papier, "Le filigrane de l'université. Il est absent."

En effet, chaque feuillet avait un léger filigrane du logo de l'université en bas à droite de chaque feuille, à l'exception de ce nouveau feuillet sur lequel il était totalement absent. Le feuillet était faux. Et à en croire le regard d'incompréhension du chercheur et la vitesse à laquelle sa peau perdait de ses couleurs indiquait qu'il n'était pas coupable de cette falsification. Même si sa gorge refusait d'émettre le moindre son tant il était terrifié, ses lèvres formaient les mots "c'est impossible".

Magneto perdait patience. Cela faisait déjà trop longtemps qu'ils étaient là, et maintenant ils avaient un problème de faussaire. Presque tous les trombones des bureaux jaillirent soudainement de leur contenant pour venir entourer le chercheur, dressés comme autant d'aiguilles prêtes à le transpercer.

"Qu'est-ce que tu sais ? Qui a fait le coup ?"

Le chercheur était blanc comme un linge, incapable d'articuler le moindre mot, son regard passant par spasmes d'un trombone à l'autre dans une panique totale. À côté de lui, Dents-de-Sabre souriait de toutes ses dents. Ce fut la goutte de trop pour l'humain qui tourna de l'œil et s'évanouit aussitôt. Les trombones tombèrent tous au sol dans un discret concert de tintements.

"Réveillez-le, je veux savoir ce qu'il sait. Ce genre de truc n'aurait pas pu passer inaperçu pour toute l'équipe. Si on a de la chance, celui qui a fait le coup est encore ici, à faire la fête. Je dois savoir s'il soupçonne quelqu'un."

Mike Leyko. Ils avaient un nom. Et ils savaient où le trouver. Ils ignoraient à quoi ils ressemblaient et ne faisaient pas partie des têtes connues. Si l'idée de Rubis n'était pas mauvaise, ils risquaient quand même de provoquer trop de grabuge par rapport à ce qu'il voulait faire. Il aurait voulu que son intervention ne soit pas trop connue. Il opta donc pour une idée différente.

"Laissez-moi quelques minutes..."

Le mutant ferma les yeux. Son pouvoir ne lui permettait pas spécialement de ressentir quoi que ce soit, mais l'exercice qu'il s'apprêtait à exécuter demandait beaucoup de concentration. Sur les plafonds. Sur les murs. Sur les sols. De légers craquements se firent entendre, irréguliers mais de plus en plus présents. Les néons des plafonds clignotèrent légèrement. Et soudain, toutes les lumières, ordinateurs et autres appareils électriques s'éteignirent, ne les laissant éclairés que par la lumière déclinante de l'extérieur passant par les fenêtres.

"Allez-y, trouvez-le et récupérez ce qui m'appartient."

Magneto avançait d'un pas tranquille vers la sortie de la pièce, laissant le passage à son bras droit et à Rubis qui n'auraient sans doute aucun mal à attraper ce Mike et à obtenir ce qu'il avait subtilisé. Le blackout qu'il avait provoqué était localisé, mais il pouvait le faire durer quelques minutes.

Dans la salle de pause où avait lieu la petite fête, aucune fenêtre ne donnait sur l'extérieur et toute la pièce était plongée dans le noir, à l'exception des lumières des issues de secours. Bien sûr, l'événement avait un peu gâché l'humeur et les personnes présentes râlaient contre la société d'électricité tout en riant de la situation, inconscient de ce qui se déroulait réellement en coulisse.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le courage n'est pas un critère déterminant dans la sélection de chercheurs. Ceux-là, en particulier, n'étaient pas de ceux qui voyagent et vont sur le terrain. C'était avant tout des universitaires qui n'avaient jamais été dans une situation à risque. Aussi, se retrouvé plongé dans l'obscurité puis pointés avec une arme avait suffit à les paralyser de peur et de stupeur, leur faisant aussi oublié toute forme d'alarme qu'ils auraient pu donner. La menace qui suivit fut d'ailleurs terriblement efficace, puisqu'aucun ne tenta quoi que ce fût pour le moment.

Le fameux Mike fut amené malgré lui devant le chef de la Confrérie, mis de force à genoux pour rester bien en joue de l'arme. L'obscurité régnait mais l'éclairage fourni par les lumières de secours suffisaient à distinguer vaguement les traits de Magneto, jetant une lumière blafarde sur son visage grave. Le mutant s'accroupit doucement pour se mettre à la hauteur et posa une main ferme sur l'épaule du chercheur.

"Mike, Mike, Mike. Alors comme ça, on veut doubler ses collègues ?"

Le chercheur présentait une mine apeurée, visiblement incertain de la réponse qu'il devait donné. Magneto continua sur un ton faussement calme qui laissait présager une menace bien présente.

"Je n'ai rien contre ça tu sais. On fait ce qu'on peut, pas vrai ? Seulement tu t'es trompé d'acheteur, Mike. Et de moment. C'est vraiment pas de chance, hein ?

Mais t'as encore une chance Mike. Je vais te poser une question. Elle est simple, concise, et j'attends que sa réponse le soit tout autant. Si elle ne me satisfait pas, tu sais ce qu'il va se passer, Mike ?"

Le chercheur tremblait comme une feuille, cherchant à échapper au regard de Magneto par tous les moyens sans pour autant faire croire qu'il tentait de s'enfuir. La situation lui nouait la gorge. Perdant patience, Magneto saisit le menton du chercheur pour le forcer à lui faire face, plantant son regard d'acier dans le sien.

"Je me suis bien fait comprendre, Mike ?"

Son ton était toujours doucereux, mais une rudesse était apparue. Derrière le chercheur et Rubis, Dent-de-Sabre souriait de tous ses crocs en admirant le spectacle. Il aimait particulièrement ce côté de son chef. Et il se glissait déjà en direction de la porte pour empêcher toute fuite. Ou tout secours. En réponse à Magneto, le chercheur acquiesça promptement.

"Bien. Où sont les documents que tu as volé ?"

"Les- Les documents ? Quels-"

"A-A-A. Attention Mike, tu n'auras qu'une seule chance, réfléchis bien à ce que tu t'apprêtes à dire."

Mike se figea. Il s'apprêtait à mentir pour couvrir son méfait, mais réalisait soudain qu'il avait quand même un pistolet pointé sur lui et l'homme qui lui faisait face avait une poigne solide et un regard acéré. S'il lui mentait et qu'il le savait...

"Ils- Ils sont dans ma sacoche, au deuxième étage. Dans un feuillet vert. Il y a marqué "personnel" dessus. Me tuez pas s'il vous plaît."

Son ton était devenu plaintif, on aurait dit qu'il allait fondre en larmes. Ce serait d'ailleurs arrivé s'il n'avait pas aussi peur de mourir. Magneto relâcha la pression sur son menton et le chercheur tomba presque aussitôt à quatre pattes, pathétique, hoquetant pour retenir ses larmes. Le chef de la Confrérie se releva.

"Allons-y. Le blackout ne durera plus très longtemps."

"Inutile, ils ne sortiront pas d'ici tout de suite de toutes façons."

Alors qu'ils sortaient tous trois de la pièce, la porte se ferma et se verrouilla d'elle-même. Un bruit assez désagréable de métal indiqua d'ailleurs que le verrou aurait bien du mal à être ouvert par les moyens conventionnels. Sur leur trajet, la porte de la petite salle de pause eut le même comportement, enfermant les fêtards dans le noir.

Après ça, il ne leur fut pas difficile de retrouver les documents volés. Un rapide coup d'œil à la lampe-torche confirma la présence du filigrane attestant de leur authenticité. Ils avaient désormais tous les plans en main, il ne leur restait plus qu'à quitter les lieux rapidement avant qu'une des victimes n'ait la bonne idée d'appeler la police.

Après avoir confirmé à Rubis qu'ils avaient ce qu'ils étaient venus chercher, tous trois quittèrent les lieux d'un pas pressé, à plus forte raison que la lumière revint à ce moment-là. La voiture qui leur avait servi de planque un peu plus tôt leur servit aussi à s'échapper. Ils entendirent d'ailleurs les sirènes de police presque aussitôt après avoir quitté le campus. Quelqu'un les avait prévenu. Peu importait, il suffisaient que Magneto conduise normalement pour ne pas être gêné. La voiture fut abandonnée quelques kilomètres plus loin sur un parking dont les caméras s'étaient également mises à regarder ailleurs.

Ils durent prendre quelques détours pour se glisser hors de la ville et prendre le bateau qui les mènerait à Genosha, pour éviter le risque de se faire prendre. Il ne restait plus à Magneto qu'à donner les plans aux quelques scientifiques qui habitaient sur l'île, et ils pourraient le développer, résolvant un des problèmes les plus important pour la subsistance de sa communauté.