Dans la nuit du 28 au 29 septembre - Entrepôt de Ridgewalk
Le moment tant attendu est enfin arrivé. Après avoir passé de longues heures à tourner en rond dans mes appartements, j'ai enfin reçu le coup de téléphone tant désiré. La proie a mordu à l'appât que je lui ai envoyé. Les mercenaires l'ont attrapée dans leurs filets. Elle est en route pour l'abattoir…
Une fois l'appartement du pompier incendié, je suis allé faire mon rapport à mes supérieurs. La mission n'avait été qu'à moitié réussie : mon otage m'avait échappé. Encore. J'allais payer cher cette fuite… mais pas tout de suite. Ils avaient encore besoin de moi aujourd'hui… du moins, si mon petit moineau était capturé. Et il valait mieux pour moi qu'elle le soit, sinon la punition serait terrible… Mais tous nos efforts avaient fini par payer.
Je suis en route pour les entrepôts de Ridgewalk, en dehors de la ville. Ce voyage a un goût de liberté. Je quitte enfin cette cité puante et grossière, je pourrai bientôt rentrer chez moi. Dans le camion, je prends le temps de vérifier mon équipement. Une fois sur place, on me conduit dans les sous-sols, jusqu'à une petite pièce sans fenêtre tout au fond d'un couloir. Tout le matériel nécessaire pour cuisiner mon petit moineau est déjà sur place. Parfait.
Deux hommes entrent dans la salle, portant la mutante inconsciente. Ils l'installent sur un massif fauteuil en bois qui a des allures de chaise électrique, lui sanglent les poignets, les chevilles, l'abdomen. Valentina entre à son tour. Nous nous saluons sobrement, sans échanger plus qu'un regard et un hochement de tête. Sa capacité spéciale nous sera bien utile. Elle s'assied dans un coin de la pièce et attend. Je n'ai pas sa patience.
Je place mon masque de Guy Fawkes sur mon visage, saisis mon arc, encoche une flèche. Je ne compte pas la tuer tout de suite, bien sûr, mais je soigne la mise en scène de nos retrouvailles. Je veux que la première vision qu'elle ait à son réveil soit l'image qu'elle a eu de moi lors de notre première rencontre et qui, je l'espère, a hanté ses cauchemars.
« Réveillez-la. »
Un des deux hommes prend une bouteille d'eau, l'ouvre et la lui verse sur la tête. Elle émerge brusquement, ouvre les yeux, les pose sur moi qui suis placé juste en face d'elle, à seulement quelques mètres. Dès que je suis certain qu'elle me regarde bien, je tire ma flèche, qui frôle son visage et se plante dans le bois du dossier du fauteuil, à quelques centimètres de sa joue.
« Bonsoir mon petit moineau… Je t'ai manqué ? »
J'arbore un large sourire, qu'elle ne peut pas voir derrière le masque, mais qui doit s'entendre dans ma voix et se refléter dans mes yeux clairs qui brillent d'une joie sadique.
So let me fall, let me break Under everything unsaid Just let me die 'cause I can't take Living with what's in my head If I surrender, surrender To the monsters in me If I surrender, surrender To the monsters in me Will it set me free?
Dans la nuit du 28 au 29 septembre Entrepôt de Ridgewalk
Un bandage pare désormais ma jambe, un peu plus élaboré que celui que j’ai fais plus tôt durant le combat. S’il m’empêche de me vider de mon sang, celui-ci dessine malgré tout une marque rouge à travers les bandes blanches. J’ai menti … à Oscar, à Deadpool même. Je sais, je sens tout au fond de moi que je ne reviendrais pas de cela mais je leur ai caché… ils devaient s’en sortir, tous les deux, il le fallait. Au moins Oscar. Deadpool … il se fera probablement tuer par quelqu’un d’autre, un jour. Mais au moins mon ami est en sécurité. Et il pourra prévenir, prévenir les autres, prévenir peut-être Charles et les autres, protéger les nôtres, car c’était la dernière chose qui comptait pour moi …
On m’a livré. Le baron et l’homme en armure, que j’ai pris au début tous les deux pour des membres de l'organisation, m'ont livré, comme un colis, à ceux qui me pourchassent. Je les ai vu, les masques. Mais c’est trop tard, je ne peux plus m’enfuir. Je suis attachée, je suis maîtrisée et sans plus de cérémonie, deux d’entre elles montent dans le camion. J’ai un regard pour les deux qui m’ont vendue sans sourciller avant qu’on me pousse en avant et claque la porte sur eux. Sans ménagement, je suis attachée à un des montants du camion, là où d’autres s’installent assis sur les bancs. L’un d’entre eux s’approche pour me regarder, alors qu’on referme des menottes sur mes poignets, m’arrachant un cri de douleur. Je peux à peine les bouger. Putain ma tête tourne, ça va pas…
-Alors, petit oiseau, ça fait longtemps qu’on entends parler de toi, quelle joie d’enfin de pouvoir enfin te voir en chair, sang et os…
Petit oiseau ? Je me crispe quand il s’approche, se penchant face à moi. Il n’est pas l’Archer. Pas la même voix, ni la même posture. Aucun d’entre eux ne l’est. ll n’est pas là, mais combien sont-ils ? Par instant, mes yeux commencent à se troubler. Réfléchis, tu n’as pas beaucoup de temps… -Tu sais qu’on a retourné ton squat ? Il nous a fallu un peu de temps pour trouver ta planque et surtout ce que tu as pris mais on les a, ce que tu as embarqué sous notre nez et va falloir qu’on discute ensemble, toi moi et …
Il les a … ? Mon regard se tourne vers une des caisses ouvertes, qui parait déborder de papier divers, probablement tout ce qui couvraient mes crimes-board et sur lesquels trône au-dessus les carnets, ceux de Nathaniel… Un “non” m’échappe alors que je les observe, tentant de tirer sur mes chaines pour les reprendre mais sans résultat. Un grognement de douleur résonne alors que l’autre parle… parle de l’Archer … Mon regard se braque à nouveau sur celui devant moi, et si mes mains sont retenus, pas le reste de mon corps. Sans sommation, je lui décroche un coup de pied tourné, frappant de plein fouet la figure du connard face à moi, faisant voler son masque en travers du camion. Il tombe au sol, en partie sonné. Ses comparses s’approchent, je ne me laisse pas faire, malgré la douleur de ma jambe et l’épuisement de mon corps. Je tente surtout de faire fondre les chaînes. Le feu nait dans mes mains pour chauffer le métal. Je prends un coup, j’en redonne un, n’épargne rien, ni la mâchoire de l’une, ni l’entrejambe de l’autre. Je hurle, crie, je ne peux pas leur laisser ça, pas tout ce qu’il me reste de Nathaniel. J’aurais dû le laisser à Charles, j’aurais dû … tant de choses …
-Mais c’est une furie !! Putain sédates-moi ça et on décolle !
Je me débats encore, et encore, épuisant mes dernières forces dans les flammes et ma défense. Le métal chauffe, il commence à se modeler mais l’un de mes assaillants passe mon jeu de jambe. Un geste, l’aiguille traverse avec violence mon épiderme et le produit se répand. J’ai à peine le temps de prendre deux respirations que mes yeux se ferment, et que je sombre….
L’impact de l’eau me réveille avec une certaine brutalité . Tout se relance avec une telle violence dans mon corps que rien ne fonctionne proprement. Je m’étouffe en avalant de travers, mon crâne me fait terriblement mal et je ne vois presque rien. Si une forme, un visage, un masque, une flèche pointée droit sur moi… L’Archer… Je n’ai qu’à peine le temps de cligner des yeux que la flèche est décochée. Ma tête se tourne par réflexe à l'opposé, je sens le projectile frôler mon visage, j’entends la pointe transpercer le bois… le bois ? Je suis assise sur une chaise … assise ou plutôt attachée. Si je tente de me dégager, mes yeux se tournent sur l’homme face à moi. Son allure, sa gestuelle … même son odeur… « Bonsoir mon petit moineau… Je t'ai manqué ? »
Sa voix finit de faire voler en éclat le dernier doute qu’il pouvait me rester. -Toi …
Mon regard pourrait lui sembler injecter de sang. Je me débats sur la chaise, pour tenter de me défaire des liens mais trop serrés, trop bien attachés. Je crie, je rage, et alors, j’ouvre mes deux mains vers lui, prête à consumer mes dernières forces pour l’anéantir, lui qui a hanté mes jours et mes nuits à la manière d’un croque-mitaine, lui qui m’a tout pris, jusqu’à la moindre parcelle de ma vie, lui qui …
Mais rien n'apparaît. Je hurle plus fort, tirant, des lignes pourpres se dessinent sur mes poignets alors que je tente, encore et encore, de faire venir le feu qui me ronge mais rien… -Qu’est-ce que … raaaaaah !
Mes yeux tombent sur mes mains qui restent nues, aucune étincelle, aucune volutes de fumées, rien… et l’eau… sa température. Je la ressens, elle est froide.
-Qu’est-ce que tu m’as fait ?!!
Je sens les larmes monter à mes yeux, de rage, de désespoir, d’impuissance. J’ai l’impression d’être un chaton face à un molosse. Mon pouvoir, je n’y arrive plus, comme s’il n’était plus. Je ne me suis jamais sentie aussi nue et vulnérable qu’à cet instant-là, aussi impuissante, plus encore que le jour du massacre.
Elle me reconnaît. Elle ne prononce qu'un seul mot, très court, dans lequel elle met tout son mépris, toute sa haine. Puis elle se débat, se met à hurler. Ses cris de rage sonnent comme une douce mélodie à mes oreilles. Un frisson parcourt tout mon corps. Entendre les hurlements des monstres avant que je ne les abatte… Comme cela m'avait manqué.
Elle ouvre les mains, prête à me carboniser sur place. Durant un instant, le temps semble comme suspendu. J'attends, sachant déjà ce qui va se passer - ou plutôt, ce qui ne va pas se passer. Sa réaction est merveilleuse. Son désespoir est jouissif. Suite à sa question, je fais un pas en avant et me penche légèrement vers elle. Je ne me mets pas à sa portée, j'apprends de mes erreurs. Je lui réponds avec beaucoup de douceur, d'une voix chantante qui contraste fortement avec ses cris.
« Je t'ai coupé les ailes, petit moineau… »
Un peu de poésie dans ce monde de brutes. Si elle espérait une réponse claire et honnête, elle ne l'aura pas.
Je me redresse subitement, me mettant presque au garde-à-vous. Une voix parle dans mon oreillette. J'écoute les instructions. Je vais avoir plusieurs questions à lui poser. On me communique la première. Je claque alors dans mes mains, un coup sonore pour annoncer le véritable début du spectacle.
« Bien ! Nous allons discuter toi et moi. »
Je claque des doigts pour avoir l'attention des deux hommes qui sont restés avec nous et leur indique d'un simple geste une sorte de grande mallette. Ils l'ouvrent, en sortent ce qui ressemble à une batterie de voiture ou un groupe électrogène. L'un des deux l'installe sur une table proche du fauteuil de mon petit moineau, tandis que l'autre y branche des câbles, dont l'autre extrémité est munie d'électrodes. Tant bien que mal, il installe ces électrodes sur la mutante, un sur chaque tempe, un sur son thorax, un dernier sur son bras.
« Que sais-tu sur notre organisation ? »
Je n'attends pas qu'elle ouvre la bouche, je ne lui laisse pas l'occasion de proférer une injure ou un mensonge. Je donne tout de suite le ton en levant la main, donnant l'ordre silencieux d'activer la machine. Je compte en silence, laissant l'électricité parcourir son corps durant trois secondes, avant d'indiquer d'arrêter. Commençons en douceur.
« A chaque fois qu'il me sera nécessaire de répéter la question, ou que ta réponse ne me satisfera pas, j'augmenterai la durée du choc. »
Alors que je me tais, prêt à entendre ce qu'elle aura à me répondre - tout en supposant, voire même en espérant, qu'elle ne se montrera pas coopérative tout de suite - la lumière s'éteint soudainement dans la salle. Quelques instants de flottement se passent avant que je ne reçoive des informations dans mon oreillette. C'est une coupure de courant. Cela couvre toute la zone. Une intervention est en cours pour comprendre d'où cela vient. La sécurité du lieu est potentiellement compromise. Il n'y a pas de temps à perdre.
Sans faire le moindre commentaire, je sors mon téléphone de ma poche, active le mode lampe-torche et le place sur la table, afin d'avoir un peu de lumière. Cela donne à la pièce une atmosphère froide, un peu glauque. Puis je retire mon masque, pour y voir un peu mieux, et repose la première question comme si tout était normal et maîtrisé. La batterie devrait pouvoir tenir un bon moment sans avoir besoin d'être branchée, fort heureusement.
« Que sais-tu sur notre organisation ? »
Comme promis, je déclenche une nouvelle décharge, de quatre secondes cette fois. Je suis un homme de parole.
So let me fall, let me break Under everything unsaid Just let me die 'cause I can't take Living with what's in my head If I surrender, surrender To the monsters in me If I surrender, surrender To the monsters in me Will it set me free?
Dans la nuit du 28 au 29 septembre Entrepôt de Ridgewalk
Le jour de l’attaque a été celui qui a hanté mes jours depuis qu’il est arrivé. Celui qui m’a marqué, une blessure que je cache pour ne pas la voir, me rappeler sans cesse le macabre spectacle, le sang qui a couvert les murs, les corps sans vie et … Le jour de l’attaque a été le pire qui ait gravé mon esprit mais celui-ci, celui-ci qui risquait probablement d’être mon dernier risque d’être bien pire… Car je suis face à lui sans pouvoir me défendre. Blessée, épuisée, attachée et vulnérable, sans défense et sans pouvoirs, comme si on me les avait arrachés… Ce sentiment de manque et d’impuissance me fait hurler, intérieurement tout d’abord, puis mon cri gagne le monde extérieur jusqu’à lui. Oui car dans mon esprit, cela ne peut être que lui. Mais si moi je sombre, lui jubile. Je le sens, je le vois dans ses yeux. Il sait et il est ravi de son effet. Il s’avance, se penche… encore un peu que je t’envoie un bon coup de boule dans les dents… mais non il reste hors de portée. Mes dents mordent ma lèvre de frustration et pour tenter de retenir les larmes que je sens monter de couler de mes yeux. Je ne veux pas qu’il les voit, je ne veux pas qu’il se sente encore plus puissant de cela…
« Je t'ai coupé les ailes, petit moineau… »
Couper les ailes ? De quoi il parle ? Ce serait lui ? Il m’a pris mes pouvoirs, empêche ma mutation de fonctionner d’une manière ou d’une autre ? J’avais entendu parler de dispositifs pour cela, la rumeur parlait d’un collier notamment que certaines autorités auraient en leur possession mais eux aussi ? Mon corps se met à trembler, de froid, de peur également, mais surtout de fureur, d’une rage profonde et noire, qui est en train de bouillir dans mes veines. Je n’ai jamais haï aussi fort quelqu’un et j’ai l’impression que cela, cette haine que je ressens est sur le point de me dévorer, de me consommer. Je continue à me débattre. Ma jambe me relance, les lignes pourpres commencent à devenir plus profondes. Si je continue, je vais creuser des sillons à même ma peau… Et lui se redresse comme un automate mal réglé. Je redouble de détermination, essayant de profiter de cet instant où je ne semble plus être sa priorité. Un nouveau coup sur les liens, mais le seul résultat est une ligne de sang là où le cuir a entamé ma peau sur les mains et un cri à peine contenu, autant de rage désespérée que de douleur. Il claque des mains, me faisant sursauter. La distraction est passée, je suis toujours entre ses mains, littéralement comme un jouet dont il s’amuse.
« Bien ! Nous allons discuter toi et moi. »
Discuter, comment ça discuter ? Ses minions autour s’agitent sauf une jeune femme qui reste dans le coin… Je n’arrive pas bien à la voir, surtout avec ma vision qui se fait flou. Mais par contre, je vois ce qu’ils préparent. L’un d’eux s’approche de moi, je me tortille encore pour tenter de me libérer que pour échapper à ce que je vois arriver comme suite logique. Des électrodes, des câbles, un gros cube qui de loin ressemble salement à une batterie… La main de l’homme approche de mon visage, je me recule autant que possible malgré mes entraves, et lorsqu’il passe trop proche, je tente de le mordre. Il esquive, s’avance à nouveau, pose la première. Je plante mes dents dans sa chaire à la deuxième, acte qui entraîne un coup de poing, qui me sonne à moitié, en tout cas assez longtemps pour qu’il ai le temps de poser les trois autres à la hâte. Le sang emplit ma gorge, le goût de fer m’écoeure alors je relève les yeux vers l’Archer. A cet instant, j’aurais pu le tuer, sans la moindre hésitation.
« Que sais-tu sur notre organisation ? »
-V…
Je n’en ai même pas le temps, même pas de formuler la phrase dans mon esprit que celui-ci est brisé. À sa main levée, je sens le courant passé dans mon corps. Celui-ci se crispe tout entier, me faisant mal partout et en même temps. Mes yeux se ferment avec violence, les larmes dévalent mes joues sans retenue alors que je hurle puis serre les dents à m’en faire mal La surprise manque de me faire mordre la langue. Je ne sais combien de temps cela a duré. J’ai l’impression que cela a duré éternellement et en même temps à peine plus long qu’un clignement d'œil… Par contre, ce que je sais, c’est que mon corps tremble encore, parcourus de spasmes, de mes nerfs malmenés par l’électricité. Je respire lourdement. Ma tête tourne, ma vision est encore un peu plus trouble. Je n’y arriverai pas, je n’y survivrai pas … Je vais échouer. « À chaque fois qu'il me sera nécessaire de répéter la question, ou que ta réponse ne me satisfera pas, j'augmenterai la durée du choc. »
-Espèce de …
Mais à ce moment, la lumière disparaît. Pendant un instant, je ne comprends pas, ayant l’impression que cela vient de moi. Ma vue était déjà tellement … altérée alors j’ai cru durant un instant que c’était moi, seule, qui ne voyait plus. Mais dans le noir, je distingue les ombres, je vois des mouvements dans les ténèbres. Et il sort son téléphone qui m’éblouie et le pose sur une table, de manière que ça rayonne dans la pièce, d'une manière à créer une ambiance très étrange. Et il retire son masque. Aucun son, aucun bruit ne perce cet instant alors que je le fixe. Je note dans mon esprit absolument chaque élément de son visage. Tout se grave en moi, irrémédiablement, Tout comme je me souvenais parfaitement de son allure, de sa gestuelle, son odeur et sa voix, maintenant, je connais son visage et seule la mort m’arrachera cette image. Il s’approche et je tente encore de faire apparaître le feu mais rien, encore, mes mains restent désespérément vides de la moindre étincelle…
« Que sais-tu sur notre organisation ? »
-Que tant que je vivrais, je chercherais à te tuer, bata…
Et à nouveau, je sens le courant. Cela me brûle, me paralyse, me crispe. Je me cambre presque tant cela me submerge. Un nouvel hurlement, cette fois-ci impossible à retenir, m'échappe et résonne dans la pièce sombre. J’ai mal, partout en même temps. Je sens que la chair chauffée au niveau de mes tempes, sous chacune des électrodes, je sens ma chaire qui brûle à ce point de contact. Pour l’instant, l’odeur ne se fait pas encore senti mais sous peu, peut-être à la prochaine charge, ce sera le cas. Les larmes continuent de dégringoler de mes yeux, jusqu’à mes joues. Je suis blessée, faible, et je vais mourir ce soir, probablement de la main du premier homme que j’ai jamais voulu réellement tuer, de l’homme qui m’a enlevé celui que j’aimais.. Je retombe lourdement sur la chaise lorsque l'électricité se coupe, reprenant ma respiration avec avidité. Mon corps est meurtri et je ressens la douleur jusque dans la plus petite parcelle de mon corps. Je n’y arriverai pas, je n’y survivrais pas … Pardon Nathaniel, pour tout.
Elle tremble. De peur ? De rage ? A cause de l'eau qui lui a été versé sur la tête ? Peut-être les trois à la fois. Je me plais à le penser, en tout cas. Oh, si un regard pouvait tuer… Elle me hait, de toutes ses forces, de toute son âme damnée. Elle me détestera encore plus après quelques électrocutions. Elle se crispe, hurle, pleure, se débat. Tout cela est inutile. Ils veulent des réponses, et je finirai par les obtenir. Qu'importe le temps ou les moyens que cela prendra.
La coupure de courant est inquiétante, mais je n'ai pas le loisir de m'en préoccuper. La lumière crue de mon téléphone éclaire vaguement les lieux, emplissant la pièce d'une lueur lugubre qui convient parfaitement à la situation. Elle me fixe résolument lorsque je retire mon masque. Bien, petit moineau. Contemple le visage de la mort. Lorsque tu seras au Sheol, que ce visage te poursuive dans chaque recoin du monde souterrain, que tu le voies dans chaque ombre, jusqu'à ce que tu redeviennes poussière.
Sa réponse n'est pas convenable, évidemment. Tant qu'elle vivra… A-t-elle conscience que ce n'est sans doute qu'une question de minutes, peut-être d'heures si elle se montre coriace ? La décharge la fait hurler, plus fort que précédemment. J'attends. Il me faut une vraie réponse. Je suis prêt à lever la main pour donner le signal d'une décharge plus longue, lorsque la lumière revient dans la pièce. Je souris. Fausse alerte, sans doute.
Ou pas.
Une alarme résonne dans la base sous-terraine. Mon sourire s'efface. Je reste immobile, le visage de marbre, mais mes yeux se lèvent vers la caméra dans le coin de la pièce. Son voyant est éteint. Extérieurement, je reste impassible. J'écoute la voix dans mon oreillette. Mes muscles se tendent, presque imperceptiblement.
On me confirme une attaque à l'extérieur de l'entrepôt. On ne sait pas encore de qui elle vient. Des tirs ont été échangés, plusieurs gardes sont à terre, des civils donc ça n'a que peu d'importance. Il serait néanmoins trop risqué d'envoyer du monde à l'extérieur pour voir ce qui se passe. Je porte la main à mon oreillette, enclenchant le système pour pouvoir répondre, et ne prononce qu'un simple mot, d'une voix grave et neutre :
« Elian ? »
Elian n'est pas sur le site, il a été rappelé d'urgence à Londres. Nous n'avons donc pas notre téléporteur pour nous extraire en cas de problème. Damn. Les troupes sont en train de se coordonner pour répondre à l'attaque si jamais les assaillants parviennent à pénétrer dans le bunker. De mon côté, je dois rester ici avec Valentina et les deux hommes de main. L'interrogatoire est notre priorité.
Un des deux hommes me demande ce qui se passe, j'entends la panique dans sa voix. Je lève la main d'un geste impatient pour le faire taire, tandis que j'écoute les instructions. On me donne de nouvelles questions à poser, plus importantes. J'acquiesce. Puis je tourne la tête vers l'homme et lui réponds, toujours avec un flegme exemplaire :
« C'est un simple dysfonctionnement électrique. Lorsque le courant a été rétabli, ça a déclenché l'alarme. Ce sera réglé rapidement. »
Hors de question que ma proie comprenne qu'il se passe quelque chose, quoi que ce soit. Elle ne doit avoir aucun espoir. Elle n'a aucun moyen de m'échapper, cette fois. Elle va mourir dans cette pièce sinistre, attachée à ce fauteuil. Elle mourra de ma main, après m'avoir livré tous ses sales petits secrets.
« Reprenons. A vrai dire, je me fiche pas mal de savoir ce que tu as appris sur nous. En revanche, tu sais des choses qui nous intéressent beaucoup plus… Ces carnets que ton chef t'a confiés, par exemple. Nous pensons qu'ils contiennent des informations, cryptées, sur la localisation d'un laboratoire secret. Comme ton cher Nathaniel semblait beaucoup t'apprécier, il a dû t'en parler… Nouvelle question, donc. Où est le laboratoire ? »
Qui dit nouvelle question dit nouvelle décharge. Je lève la main, compte dans ma tête. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Je baisse la main. J'attends une réponse. J'espère qu'elle sera convaincante.
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Dans la nuit du 28 au 29 septembre Entrepôt de Ridgewalk
Que peut-on dire face à la mort …? Arya ne dit pas aujourd’hui. D’autres auraient dit qu’ils ne la craignaient pas. Deadpool … probablement un truc débile. Mais moi aujourd’hui, je crois que j’ai envie de l’accueillir. J’ai perdu tous les miens, j’ai perdu à la fois toutes mes racines et ce que j’avais reconstruit. Je n’avais pas la force de le refaire et surtout pas la force de craindre de re-perdre tout cela. Pas à nouveau.
Alors face à lui, qui analysait tout la rage et la colère que je n’ai jamais pu éprouvé, je ne crains pas la mort pour moi, je crains bien plus de mourir sans l’emmener avec moi. Il m’interroge mais je m’en fous, tout comme de la panne de courant. Je me fous de tout autour de nous… Il n’y a que lui, et son sourire que j’espère bien faire disparaître.
Il tente de me briser, encore. Le courant électrique malmène mon corps et mon esprit mais peu m’importe. Je dois tenir. Ils doivent le trouver… La lumière revient et son sourire également. Même si je devine le retour de la clarté, j’ai malgré tout un souci de vision, cela reste trouble, flou, au point ou je le vois surtout lui et lui seul. Une alarme par contre retentit. Et son sourire à lui de nouveau disparaît. Cela, il ne l’a pas prévu visiblement. J’ai envie de l’envoyer chier en lui balançant une crasse mais ma gorge reste sèche, presque aphone… Mais cela importe peu car en attendant, je le vois agir, je le vois faire et notamment porté la main à son oreille. Ah oui, il en a une… « Elian ? »
Qui ? De qui ou de quoi il parlait. Ma tête tourne, violemment. Je baisse les yeux pour la première fois, sentant ma tête bien trop lourde presque. Il ne faut pas que je sombre, je dois encore tenir. En fait non, je ne peux pas céder, pas maintenant… Je relève les yeux lorsque l’un de ses mains je dirais l’interroger, ce à quoi il lui réponds que d’un geste avant de compléter : « C'est un simple dysfonctionnement électrique. Lorsque le courant a été rétabli, ça a déclenché l'alarme. Ce sera réglé rapidement. »
J’ai un rire. Un rire qui m’échappe. Entre la nervosité, la panique et le désespoir en passant par un million d’autres nuances, je me mets à rire. Cela me fait mal, partout. Mais je n’arrive pas à m’arrêter. Cette impression de … je ne sais pas, chute, dégringolade s’accompagne de cette euphorie. Je ne sais même pas si je tente de me cacher derrière cela, ou qu’au contraire, c’est une manière de tout révéler. Il ne peut de toute façon plus rien m’arracher, à part ma vie car il m’a déjà pris l’Amour et l’Espoir. « Reprenons. A vrai dire, je me fiche pas mal de savoir ce que tu as appris sur nous. En revanche, tu sais des choses qui nous intéressent beaucoup plus… Ces carnets que ton chef t'a confiés, par exemple. Nous pensons qu'ils contiennent des informations, cryptées, sur la localisation d'un laboratoire secret. Comme ton cher Nathaniel semblait beaucoup t'apprécier, il a dû t'en parler… Nouvelle question, donc. Où est le laboratoire ? »
C’est à son tour de voir disparaître mon sourire. Car … je n’arrive pas à comprendre si je n’ai … justement rien compris de ce qu’il a dit, si mon cerveau commençait à dérailler (et clairement vu ma crise de rire, ça me semblait pas être la pire hypothèse du monde), ou si tout ce qu’il avait dit n’avait juste aucun sens. Parce qu' aucun de ses mots n’en ont pour moi. S’il veut me perdre, et bien, il a réussi. Je le fixe, sans réussir à parler, alors que ses mots se mélangent dans mon esprit. Laboratoire, cryptage, les carnets, ils les ont, son connard de sbire me l’a dit mais pourquoi …
Mais est-ce que c’est parce qu’il pense que je ne veux pas lui répondre ou que je tente de garder le secret en résistant … toujours est-il que j’ai qu’un instant avant qu’il n’active à nouveau la machine. Cette fois-ci, je me mords d’un geste la lèvre, avec violence. J’arrive à déverrouiller ma mâchoire et à nouveau, je crie. S’il est plus bref cette fois, il vient de plus loin. Mon corps se tend à nouveau et avec l’énergie du désespoir, je finis par contrôler à nouveau ma mâchoire et retenir, au prix de la crispation complète de mes dents et de ma respiration, mes cris. Je ne veux pas qu’il s’en délecte … A ce rythme, je ne vais pas tenir. -J’ai …
Je manque de m’étouffer et crache du sang qui se mêle à l’eau au sol. J’en perds trop… Et ça ne va pas aller en s’arrangeant. Mais il attend une réponse. N’importe laquelle. Je n’ai pourtant rien à lui dire mais, cela, il ne le sait pas…
-Je ne te dirais rien, et tu n’as plus rien pour m’atteindre car tu m’as déjà tout pris… Alors va te faire …
Je me remets à tousser, encore du pourpre qui passe mes lèvres. Là, là, ça sent pas bon du tout. Je me laisse tomber à moitié en arrière sur le fauteuil, respirant profondément.
Je ne sais pas ce qui se passe en haut, je ne sais pas de combien de temps je dispose. Tout ce que je peux espérer, c'est que nos forces armées suffisent à contrer l'attaque. J'obéis aux ordres. Je reste ici. Je m'occupe de mon petit moineau. Elle m'obsède depuis plusieurs mois, elle et son chef. J'obtiendrai les réponses que nous voulons, ensuite j'aurai ma revanche. Sur elle, et sur lui.
Mon coup de bluff sur le dysfonctionnement électrique déclenche chez elle une réaction aussi imprévue qu'étrange. Elle rit. Elle ne se moque pas de moi, comme je le pense de prime abord. Cela ressemble plus à un fou rire nerveux, un éclat de rire de dément qui part en vrille. Est-elle déjà en train de sombrer dans la folie ? Non pas que cela me déplaise, mais c'est trop tôt. J'ai encore besoin d'elle dans un état correct, elle ne me servira à rien si elle disjoncte.
J'attends, patiemment, je me retiens de la frapper pour interrompre sa crise. J'obéis aux ordres, je pose la question. Elle cesse de rire. Elle me fixe à nouveau, mais son regard me semble plus lointain. Je suis en train de la perdre. Il va falloir envisager de ralentir la cadence sur les électrocutions, ou elle va me claquer dans les pattes avant d'avoir révélé quoi que ce soit.
Je lance tout de même la décharge promise, puisque j'ai posé une question, mais tout en songeant que ce sera la dernière. Elle se mord la lèvre au point de se faire saigner. Je songe que cela nous fait un point commun, puisque je me suis moi-même mordu la lèvre jusqu'au sang quelques heures plus tôt, à cause de ce petit enfoiré de pompier. Je chasse bien vite cette pensée, me comparer à elle me dégoûte.
Elle tousse, crache du sang. Elle est déjà trop abimée. Il va falloir changer de tactique. Heureusement, elle m'en offre une sur un plateau. Je remarque au passage qu'à trois occasions elle a manqué de m'insulter, mais sans jamais aller au bout de sa démarche. La retenue britannique, peut-être. Elle tousse à nouveau du sang, a la respiration rauque, donne l'impression qu'elle est prête à s'évanouir. Je ne lui en laisse pas l'occasion. Pour répondre à sa remarque, tellement assurée que je lui ai déjà tout pris, je rétorque, ironique :
« Vraiment ? »
Je reprends mon téléphone d'une main, pianote dessus, trouve rapidement ce que je cherche. Je m'approche d'elle et, de mon autre main, je l'attrape par les cheveux et lui maintiens fermement la tête pour la forcer à me regarder, ou plutôt à regarder le téléphone. Sur l'écran, l'image d'un petit immeuble en flammes, sous le pont de Brooklyn.
« Tu ne reconnais peut-être pas le lieu, avec l'incendie ce n'est pas évident… Le loft d'un lieutenant pompier ravagé par les flammes, c'est une belle ironie, tu ne trouves pas ? »
J'observe sa réaction. Je m'assure qu'elle comprend de qui je parle avant de poursuivre. Elle n'est pas stupide, même en supposant qu'elle ne connaisse pas le lieu de vie de son ami le pompier, elle saura très vite à qui je fais allusion. Après tout, c'est le message de Fraser qui l'a conduite dans notre piège.
« Il est toujours en vie. Pour le moment. Je n'ai qu'un coup de fil à passer… »
Inutile d'en dire plus, son imagination fera le reste. Je la lâche et recule hors de sa portée, afin qu'elle ne soit pas tentée de faire une bêtise. Puis je repose la question, certain cette fois d'obtenir une vraie réponse.
So let me fall, let me break Under everything unsaid Just let me die 'cause I can't take Living with what's in my head If I surrender, surrender To the monsters in me If I surrender, surrender To the monsters in me Will it set me free?
Dans la nuit du 28 au 29 septembre Entrepôt de Ridgewalk
Oscar a cru que j’arriverais à m’en sortir. Deadpool aussi a dit qu’il tuerait Zemo si je venais à disparaitre. Etais-je la seule à comprendre que je ne survivrais pas une fois prise par eux ? Peut être bien…. Je me suis toujours battue mais là, je suis seule. Seule face à eux, et même ma nature m’a lâchée. Alors je baisse les armes face à lui. J’ai envie d’abandonner. A quoi me sert encore de lutter à vrai dire ? Ils ont les carnets, ils ont tout ce que Nathaniel m’a demandé de protéger. Je ne leur sers plus à rien. Je ne suis que celle qui a échouée. Et je suis fatiguée d’être seule… Alors je me laisse aller, me laissant tomber dans le fauteuil sans force. Le moindre mouvement me fait mal et j’ai envie que ça cesse, que la douleur cesse enfin. Je suis fatiguée, entièrement fatiguée. Je ne peux plus continuer seule, je veux juste fermer les yeux…
« Vraiment ? »
J’entends cette question de si loin que je me demande même s’il l’a vraiment prononcé. Pourtant, un sale frisson me prend, parcourt tout mon corps tout comme l’électricité l’a fait. Un frisson, un avertissement ? Un pressentiment. Sans avoir un 6ème sens à proprement parler, j’ai toujours été un côté animal sauvage comme aimait dire Nathaniel alors je sens souvent le vent tourné, surtout contre moi. Je ne l’ai pas senti assez tôt dans l'entrepôt mais là, maintenant, à ce seul mot, je sens, je sais que cela va tourner et je ne sens pas un vent venir mais pire, bien pire… Je le vois prendre son téléphone et le voit … je sais pas chercher quelque chose ? Il n’a rien, il ne peut plus rien me faire. Il n’a rien, il n’a rien… C’est ce que je me répète, fermant même un instant les yeux avant de sentir soudain qu’il arrête mes cheveux, ce qui m’arrache un cri de douleur et de surprise. Je rouvre les yeux sur lui alors qu’il me pousse à regarder vers le haut, vers lui et surtout l’écran. Je ne regarde qu’à peine celui-ci, crachant mes mots à la face de ce monstre d’assassin :
-Lâche-moi !
Mais il ne le fait pas, j’ai presque l’impression qu’il referme même plus sa poigne pour me forcer à regarder, lui, son écran. Putain l’image est floue, je ne comprends pas ce qu’il me montre. Je n’arrive plus à faire la focale je crois. Ma tête tourne encore, plus maintenant que je tente de me concentrer. A quoi ce cinglé joue encore …. Pourtant, avant même qu’il ouvre à nouveau la bouche, le frisson revient et je crois comprendre, pour me plonger plus encore dans le désespoir. Non … pas ça.
« Tu ne reconnais peut-être pas le lieu, avec l'incendie ce n'est pas évident… Le loft d'un lieutenant pompier ravagé par les flammes, c'est une belle ironie, tu ne trouves pas ? »
Mon cœur manque un battement et ma respiration est saccadée. Mon regard passe du sien à l’écran avec une panique certaine qui lit à l’intérieur. Non non non, ce n’est pas possible. Comment a-t-il fait? C’est pas possible, c’est… Un message de Samuel qui m’a mené à l'entrepôt. Cela m’achève. Je réalise qu’au milieu de tout cela, je l’ai oublié ce détail mais ce détail qui là me fait l’effet d’une montagne de domino qui s’effondre entièrement sur moi. Que tout s’écroule sous moi, que … J’ai échoué, entièrement.
-Non …
Mon murmure n’est pas une réponse à sa question, juste un mot que mon esprit ne peut plus tenir. Non … comme si ce simple mot avait le pouvoir de tout effacer, de tout occulter. Non, je ne veux pas, je ne veux pas. Je ne veux qu’il lui arrive quoiqu’il ce soit, je ne veux pas avoir encore ça sur la conscience, je ne peux plus… « Il est toujours en vie. Pour le moment. Je n'ai qu'un coup de fil à passer… »
-Tu mens, tu n’as rien, tu mens…
Je lâche un sale grognement quand il me relâche enfin. Mon cerveau bouillonne, au point de me faire mal, presque terriblement. Est-ce qu’il l’a vraiment trouvé ? Est-ce qu’ils l’ont ? Ou ont juste mis le feu à son appartement ? Et son téléphone, il a pu le perdre… non trop de coïncidence… mais s’ils l’ont trouvé, est-ce … est-ce qu’ils ne l’ont pas déjà tué tout simplement ? Son regard ne sait plus où se poser. J’ai mal, au corps, à l’esprit et mon coeur… il explose littéralement dans ma poitrine. Je n’aurais jamais dû le revoir, je n’aurais jamais dû. Les larmes reviennent aux coins de mes yeux, c’est ma faute, tout est ma faute.
« Où est le laboratoire ? »
Non … non … Je lui avais dit, je lui avais dit que je ne devais pas rester avec lui, que c’était dangereux, dès notre première rencontre. Je lui avais dit si souvent mais j’ai … baissé ma garde à ses côtés. J’ai cru, j’ai cru qu’il serait possible que je puisse .. je ne sais pas, être ordinaire, pouvoir être en paix, en sécurité, vivre normalement à ses côtés ? J’ai eu de l’espoir à ses côtés. Et c’est là mon erreur, je n’aurais jamais dû y croire.
-Je ne sais pas… Je ne sais pas où se trouve ce que vous cherchez
Mais aussitôt, je me reprends, tentant de me libérer à nouveau malgré la douleur :
-Je ne sais pas de quoi tu parles !! Nathaniel ne m’a jamais rien dit sur ça ! Laisse-le en dehors de ça. Il ne sait rien, il n’est personne, mais si lui arrive quoique ce soit, je te jure que je te brûlerai jusqu’à ce qu’il ne reste de toi que des cendres BATARD D'ASSASSIN !!
Je me débats à nouveau, prise d’une nouvelle énergie peut-être, ou bien en train de consumer celle du désespoir. On dirait que je bondis à moitié sur la chaise tant je me débats. Je ne tente même pas de me libérer pour moi, uniquement pour Samuel. Je veux le protéger, je ne veux pas que l’Archer lui fasse du mal, pas à lui non plus ! Je ne veux pas être responsable … non je ne veux juste pas qu’il lui soit arrivé quoique ce soit parce qu’il m’a tendu la main. Mais à son image s'ajoutent tous les autres dans mon esprit. Oscar, Doc, Jean, Charles, tous ceux que j’ai rencontrés et qui m’ont tendu la main. Je n’ai pris contact avec personne depuis des semaines, des mois même pour les protéger mais cela n’a probablement pas suffit. Pitié, par pitié, arrêtez cela, maintenant !
La torture physique ne me passionne pas. C'est toujours la même chose. Du sang et des larmes. Des corps brisés et des hurlements. Cela n'a rien de poétique. Ca en devient vite lassant. La torture psychologique, en revanche… oui, ça, ça a quelque chose de jouissif. Trouver le point de pression parfait, au moment parfait, et contempler le désespoir dans les yeux de sa victime… un petit goût de paradis.
Elle comprend. Elle panique. Mon coup de bluff fonctionne. Elle ne peut pas savoir que son abruti de petit copain m'a échappé. Le laisserait-elle hypothétiquement mourir ? L'amour est une faiblesse. Elle devrait le savoir, elle qui a perdu tous les siens. Elle n'aurait pas dû commettre la même erreur une seconde fois. S'attacher à d'autres personnes, alors qu'elle se savait traquée… C'est elle qui a mis Fraser en danger de mort.
Sa réaction m'amuse. Cela ressemble aux cinq étapes du deuil. D'abord le déni. Elle m'accuse de mentir, mais n'y croit pas elle-même. Puis la colère. De nouvelles menaces illusoires. Elle se débat comme une furie. Ca aussi, ça devient lassant. Je lève les yeux au ciel avant de me saisir d'un marteau et d'un clou et de les lui exhiber sous le nez en expliquant, toujours calmement :
« Arrête de gigoter ou je te crucifie au fauteuil. Si tu tiens à mourir en martyr, ça ne me pose pas de problème. »
Troisième étape, le marchandage. Mais elle n'a rien à proposer. Pourquoi laisserais-je partir le pompier ? Pourquoi me séparerais-je de mon seul point de pression ? Elle ne peut rien contre moi. Elle le sait, pourtant. Peut-être a-t-elle besoin d'une petite piqûre de rappel. Elle va au bout de son insulte cette fois, ce qui lui vaut une gifle retentissante, de la main qui ne tient pas le marteau, avant que je ne reprenne la parole.
« Ne joue pas avec moi, tu sais que tu vas perdre. Tu as déjà perdu. Tu crois sincèrement que j'hésiterais une seule seconde ? J'ai déjà tué les tiens, ne l'oublie pas. Sans le moindre remords. Tu veux sauver Fraser, alors dis-moi où est ce satané laboratoire ! »
Il ne manque plus que la dépression et l'acceptation. Quoique, pour la dépression, c'est discutable. Avec tout ce qu'elle vit, je pourrais la lui accorder. Il lui faut se résigner, à présent. Si elle conserve ne serait-ce qu'un tout petit espoir de sauver son ami, elle n'a pas d'autre choix que de me dire ce que je veux entendre.
So let me fall, let me break Under everything unsaid Just let me die 'cause I can't take Living with what's in my head If I surrender, surrender To the monsters in me If I surrender, surrender To the monsters in me Will it set me free?
Dans la nuit du 28 au 29 septembre Entrepôt de Ridgewalk
J’étais brisée. Je suis arrivée si fracassée que je n’avais plus le moindre espoir, que je voyais presque avec un certain soulagement l’idée de mourir sur cette chaise, après toute cette lutte, tous ses combats, tout ce que j’ai dû faire, tout ce que j’ai traversé … Oui, l’idée de mourir ne m’effrayait pas, loin de là.
Mais je refuse qu’une personne de plus souffre à cause de moi. Oscar s’est déjà fait fracasser ce soir, ça suffit. Et pas lui, pas Samuel. Il n’y est pour rien, rien du tout. Il … ne doit pas mourir. Alors je tente de me détacher, encore, en sachant très bien que cela est vain mais j’essaye. Et visiblement, cela rends dingue mon bourreau, l’Archer. Il s’empare même d’un marteau et d’un clou en me les mettant devant les yeux. C’est à moi qu’il espère faire peur là ?
« Arrête de gigoter ou je te crucifie au fauteuil. Si tu tiens à mourir en martyr, ça ne me pose pas de problème. »
Je le fixe avec mépris, rage et presque défi dans le regard. Je n’ai plus peur de mourir, je crois même que je préférais si j’avais la preuve et l’assurance que personne d’autres n’en pâtirait derrière. Mais je sais que ça ne sera pas le cas, loin de là. Et pourtant, j’essaye encore de me défendre, si ce n’est pas mon pouvoir, cela le sera par les mots. Mais sa réponse ne se fait pas attendre, sous la forme d’une grosse baffe qui me fait voir noir quelques instants. Putain, il a de la poigne ce bâtard… Je vais finir par perdre des dents là … Je crache le sang qui empli ma bouche par terre, pour ne pas m’étouffer avec. Putain cette odeur, ce gout, je sens que je vais gerber… je tuerai pour un verre d’eau.
« Ne joue pas avec moi, tu sais que tu vas perdre. Tu as déjà perdu. Tu crois sincèrement que j'hésiterais une seule seconde ? J'ai déjà tué les tiens, ne l'oublie pas. Sans le moindre remords. Tu veux sauver Fraser, alors dis-moi où est ce satané laboratoire ! »
Putain … putain. Je ne comprends pas de quoi il parle. Pourquoi il me parle d’un laboratoire ? Je passe en revue tous mes souvenirs, tout ce que j’arrive à obtenir de mon crâne surchargé, de mon esprit qui brûle… Les larmes me reviennent aux yeux, encore tandis que je le vois passer le sourire de Nathaniel, que j’entends son rire résonner à mes oreilles. -Putain, je ne sais pas de quoi tu parles. Laisse Samuel en dehors de ça, il n’a rien fait, c’est juste un homme gentil, il a rien à voir avec la Loge, rien du tout….
Je n’ai pas envie de supplier, et me mord la lèvre un instant. Putain pourquoi … pourquoi on me met encore à l’épreuve maintenant. Je n’arrive pas à me souvenir, non jamais Nathaniel ne m’a parlé d’un laboratoire mais il avait des secrets même si j’aimais à croire que j’étais l’une des rares avec qui il n’en avait presque pas. Mais au final … force de contaster qu’il en cachait toujours..
-Si vous avez ses carnets, je ne peux rien de plus. Nathaniel … ne m’a jamais parlé d’un truc du genre. Il avait ses secrets, et je n’étais qu’une de ses secondes. S’il ne l’a pas écrit, il l’a emmené dans la mort… Alors laisse Samuel, il n’a rien fait pour mériter ça …
Les larmes dévalent mes joues, et mes yeux se reposent sur le marteau qu’il a la main. Je ne sais pas pourquoi mais un rire m’échappe. Bien plus désespéré que joyeux. Putain j’suis vraiment en train de vriller. Je ne saurais dire si c’est le manque de sang ou peut être un brin de folie qui fait vriller mon crâne mais je ne peux m’empêcher de lui dire :
-Tu m’as déjà percé une main, avec les deux au moins, j’aurais plus à jeter l’autre mitaine…
Est-ce que j’ai déjà complètement craqué ? Je crois. Je crois que de toute façon, je n’ai pas d’illusions sur mon sort. La seule chose que je veux maintenant, c’est protéger Samuel, même si ça doit me coûter la vie. Je n’ai plus rien à perdre à part ça. Putain Nathaniel, qu’est-ce que tu as pu faire pour qu’on en arrive là …
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