Ola Tapas, le bar-restaurant recommandé par mademoiselle Alvarez pour notre rencontre, nous laisse un peu perplexes. Les carreaux sont un bon motif mais l’aspect arlequin fait, justement, arlequin. De plus, la dualité carrelage et bois répartie entre les murs et le mobilier avec un mélange au niveau du sol est bizarre, d’autant que les étagères qui sont également en bois sont d’un étrange jaune saturé qui ne s’accorde pas du tout avec celui, plus pale car moins éclairé, de la tapisserie rouge, bleue, blanche et jaune à motifs couverte d’une ombre de vache… ce qui est en soit étrange également. On sent l’effort de présentation, après tous les tabourets ont des liserés bleus comme les vagues qui parcourent le blanc du bar tandis qu’à leurs pieds se rejoignent carreaux de carrelages et lamelles de bois, mais il y a trop de couleurs à se répondre sous trop de luminosités et de textures. Tout nous semble dépareillé. Après, le pire reste le balcon de bouteilles blanches zébrées de rouge et de noir qui surplombe le bar, lesquelles nous donnent un peu l’impression d’une tentative d’hypnose lorsqu’on les regarde toutes en même temps. Dès la porte franchie, on penche donc nos trois têtes d’un même côté et perturbe donc les deux barmen qui entreprenaient de nous saluer. Peut-être que de voir triple les perturbe également ; c’était le cas pour le Lieutenant Fraser si l’on se souvient bien, premier et dernier tenancier de bar à nous avoir accueillies.
Nos bottes hautes noires à talon compensés montent jusqu’à nos genoux, enserrant la peau du bas de nos cuisses. Celle-ci disparait sous des jupes rouges à motifs noirs, lesquelles vont de paires avec nos vestes de tailleur portées en cape. Nos hauts à col bateau sont amples et du même noir que nos bottes, unissant par cette couleur sobre notre tenue. Trois colliers suivent la ligne du col pour ensuite laisser tomber, au niveau de nos poitrines, un pendentif en forme de diamant. Nos cheveux blonds sont comme à notre habitude, lisses sur le haut et bouclés sur le bas afin de couler autour de nos visages et de se bomber autour de nos gorges.
« Bonjour, salue-t-on à trois avec un sourire poli et un mouvement de tête. Nous avons rendez-vous avez mademoiselle Alvarez. »
On est à l’heure dans notre avance mais notre hôte n’est pas encore présente. Ses connaissances, même s’il semble qu’une bonne partie de New York appartienne à cette catégorie, nous indiquent cependant de choisir notre table en nous désignant le fond de la salle ; à côté de l’étagère, dessous la tapisserie à la vache noire ou dos aux fenêtres donnant sur la rue. On pince toutes trois les lèvres alors qu’un instant de réflexion commune se fait. Ensuite, on va se coincer dans l’angle du fond, deux d’entre nous occupant la partie accolée à l’étagère moche qui supporte un petit rond et une vigne et la troisième s’adossant, comme la seconde d’ailleurs, à la tapisserie qui n’est pas plus à nos goûts.
Vous savez qu’en s’asseyant déjà, vous vous coincez pour accueillir mademoiselle Alvarez, signale Phoebe. On pourra toujours se lever, ce n’est pas comme si on allait lui faire la bise, signale Céleste. Je trouve qu’on pourrait lui faire la bise considérant la dernière fois, signale Mindee. On ne parle pas de la dernière fois. Tu es gonflée Mindee. Pas autant que la dernière fois, justement !
Celle assise sur la chaise seule, côté de la salle et étagère, croise les bras. Celle dans le coin, au côté de l’étagère et dos à la tapisserie, regarde les deux autres avec un fin sourire. Celle à son côté, faisant dos seulement à la tapisserie, joint les mains sur la table et sourit avec amusement. On reste immobiles un instant, le temps d’une inspiration et d’une expiration, puis nos trois visages se fanent. Nos gorgent sont sèches à ce qui s’est passé hier comme ce qui va se passer aujourd’hui. Quelque chose s’est cassé en nous, à l’Institut, et on s’apprête à casser quelque chose en mademoiselle Alvarez. La fusillade contre l’Hydra était une partie de plaisir face à ces deux situations. Nos gorges sont serrées et sèches. Nos yeux sont entreclos et humides. On les ferme. On déglutit. On inspire. On se redresse. On les rouvre. On expire. On se fait face, à trois, graves.
C’est désagréable mais il faut en passer par là. Pour elle d’abord, pour lui ensuite. Je ne sais pas si c’est une bonne idée de l’inclure dans l’équation. On ne peut pas ne pas le faire, malheureusement, considère Phoebe. Elle a raison, mademoiselle Alvarez voudra l’aider alors autant donner des pistes pour cela et se tenir prêtes à en faire de même avec elle, considère Céleste. On joue un jeu dangereux, pour eux comme pour nous, considère Mindee. On n’intervient pas directement. Enfin, pour l’instant. Respecter les règles à la lettre pour les utiliser à son avantage. Par contre il va falloir garder la conversation sur lui, sinon mademoiselle Alvarez risque de vouloir savoir ce qui ne va pas chez nous. Au pire, on lui enverra une liste non-exhaustive ? J’aurai aimé trouver un jeu de mots comme le tien Céleste ! Cette situation ne peut pas bien se passer. Ce n’était pas un jeu de mots ! C’est pour ça que j’essaie de plaisanter…
Préférant attendre l’arrivée de celle qu’on invitera à manger considérant qu’elle va le faire littéralement comme métaphoriquement, on décline toute boisson mais demande les menus ; pour quatre. Nos sourires s’effacent dès que le barman a le dos tourné et l’on recommence nos échanges de regards et de pensées. Lorsque mademoiselle Alvarez arrive, on se lève de nos places et la salue toutes ensemble avant de lui faire coucou de la main à trois : ça évite la poignée de mains et les incompréhensions.
« Phoebe, commence celle assise côté salle et à côté de la place réservée à mademoiselle Alvarez.
- Céleste, poursuit celle assise dans le coin et en diagonale de mademoiselle Alvarez.
- Et Mindee, enchaine celle assise dos à la tapisserie et en face de mademoiselle Alvarez.
- Comment allez-vous ? Nous, c’est compliqué. »
On va attendre d’avoir commandé avant d’ouvrir les hostilités. Cependant, on n’arrive pas à savoir si on préfère que mademoiselle Alvarez aille bien, auquel cas on va tout gâcher, ou aille mal, auquel cas on va tout empirer.
Je lui souris et lui fais un grand signe de main avant d’attraper mon casque pour me rendre au garage. Il a encore la petite marque de ma rencontre avec Aaron. Il faudra peut être qu’effectivement j’aille le faire réviser un de ses jours … Une fois arrivé à ma moto, je positionne mon téléphone sur son support, prépare l’itinéraire. Ah, j’aurais peut être légèrement du retard. Bon, on va compter sur la gentillesse des filles. Je peux tenter de rattraper un peu le retard mais pas la peine de prendre une voiture pour cinq minutes …
Bon j’ai réussi à rattraper un peu le retard. Sans jouer des mécaniques sur la route, en slalommant entre les voitures, j’arrive presque à l’heure au rdv. Je retire mon casque, en repoussant la masse de mes cheveux en arrière. ça fait du bien de le retirer … Le trajet n’a pas été trop long mais il faut toujours chaud là-dessous. Je souris en observant la devanture. Cela fait un moment que je ne suis pas venue me ici pour me poser. Il arrive souvent qu’on fasse des commandes chez eux pour la caserne, ou pour l’hopital malgré la distance mais venir vraiment m’installer .. trop longtemps. J’ouvre la veste en cuir, révélant un t-shirt blanc tout simple que je porte sur un jean. Samuel m’aurait tué s’il m’avait vu monter juste comme ça, mais bon, parfois, je fais aussi des exceptions. Pas envie de toujours me prendre la tête … même si mentalement, je m’autoflagelle de mes bêtises … Bref, le casque à la main, j’entre dans le restaurant.
-¡Holà ! dis-je en entrant dans le restaurant.
L’un des serveur s’approche pour me prendre dans ses bras, commençant à me parler espagnol.
-Mì Corazon ! Comment tu vas ? Trop longtemps qu’on ne t’as pas vu, on te manquait ?
Je ris dans son étreinte et lui réponds toujours en espagnol :
-Bah bien sûr ! J’adore venir ici, cela faisait bien trop longtemps. Faut que je puisse convaincre les gars à la caserne de revenir ici mais ils sont sensibles les minions. En tout cas, passe le bonjour à Enrico, Anto m’a dit qu’il ne serait pas là aujourd’hui.
-Promis, je lui transmettrai, mais en attendant, tes amies sont là, dit-il en me montrant une table occupée par trois jeunes filles parfaitement identiques.
Je tourne mon regard vers elle et leur fais signe, finissant avec mon ami :
-Elles sont un peu terrifiantes tes copines, il me glisse, toujours en espagnol.
-Mais non, elles sont adorables, je te promets !
-Mouais, si tu le dis. Bon, rejoins les, je passerais prendre vos commandes ensuite. -Super, et tu peux nous amener une carafe aussi ? J’suis assoiffée.
Il hoche la tête et je le gratifie d’un sourire puis arrive jusqu’à la table de 4 où elles se sont déjà installées en angle autour de celui du mur. D’ailleurs, alors que je marches vers elle, je tente de deviner qui est qui mais j’ai bien peur de jouer plus à plouf plouf qu’autre chose. Lorsque je suis face à elle, elles se lèvent toutes ensemble pour me saluer, ce qui pour le coup encore une fois me surprend mais je sais qu’avec elles, la surprise est commune.
« Phoebe, Céleste, Et Mindee »
Je hoche la tête, reconnaissante par cette légère précision de leur part. J’avoue que sans cela, j’aurais probablement fait au moins une erreur. Pour commencer, j’aurais
- Comment allez-vous ? Nous, c’est compliqué. » -Bien, bien, je vais bien, un peu fatiguée mais ça va …. Et vous ? Qu’est-ce qui est compliqué ? Cela vient de ce que vous me disiez par message, par rapport à l’autre jour ? J’avoue n’avoir pas compris ce qu’il s’est passé avec vos vêtements mais vous n’avez pas été blessée hein…
Mon ami amène juste à ce moment-là une grande carafe bien fraîche et sert les 4 verres en me faisant un petit sourire. Je lui rends en lui disant simplement “Gracias” et il repart vers le comptoir. Sans attendre, je descends en une fois mon verre, bien trop heureuse d’enfin étancher ma soif.
-Aaah … désolé mais j’en mourrais d’envie depuis la fin du service et je me suis un peu pressée pour ne pas être trop en retard.
J’attends leur réponse, ne sachant pas trop à quoi m’attendre. Elles ont l’air d’avoir des mines un peu graves. Je commence à m'inquiéter. Il leur est arrivé quelque chose ?
L’accueil du serveur envers mademoiselle Alvarez, arrivée on ne sait combien de temps après nous, se fait avec un enthousiasme hispanophone. On comprend donc l’intention à défaut de le faire des mots. Il nous faudrait le traducteur d’un de leurs esprits pour cela et on ne se permet pas. Ainsi regarde-t-on simplement ce qui se passe, jusqu’à ce qu’un geste de la main nous implique. On répond au signe de notre invitée avec trois sourires identiques accompagnés d’un léger penchement de tête.
On ne mangera pas deux fois ici, sinon ils vont cracher dans nos plats. On ne mangera pas deux fois ici, considérant le mal qu’on va faire à mademoiselle Alvarez. On va tous manger deux fois ici, métaphoriquement parlant.
Nos présentations permettant à mademoiselle Alvarez de s’y retrouver pour l’instant tandis que nos explications, conséquentes de notre question, lui permettent de se perdre. Cependant, à répéter trois fois qu’elle va bien, elle échoue tant à nous convaincre qu’à se convaincre elle-même. La fatigue est donc plus lourde qu’elle ne semble, le fait d’aller en tient probablement plus au "faire aller". L’inquiétude, pour nous pas pour elle, la reprend immédiatement. Qu’est-ce qui est compliqué ? C’est compliqué, cela aussi. Quant à ce dont on parlait dans notre message et qu’elle n’a pas compris…
A mesure qu’elle parle, on perd nos sourires et devient légèrement plus graves. On l’écoute avec attention. On l’observe avec attention. On se sent un peu plus coupable de ce qui va se passer et, même si le fait que ça n’aille pas signifie que l’on ne va pas tout gâcher, on n’apprécie pas plus l’impression d’en rajouter à ses difficultés. On en vient à espérer qu’elles soient liées.
« Nous n’avons pas été blessées, assure-t-on à trois avec douceur. Nous sommes étonnamment résistantes, quand nous le voulons. »
Référence à la forme adamantine, évidemment, même si elle n’est pas forcément évidente. Se détournant un instant de mademoiselle Alvarez, on regarde le serveur apporter une grande carafe de notre boisson préférée et nous servir. On lui offre trois sourires de remerciements satisfaits.
« Gracias, commence mademoiselle Alvarez avant qu’on ne poursuive à trois.
- Gracias. »
On lui fait peur en disant cela, chose bien moins satisfaisante que précédemment mais qui nous rassure également : c’est une part de notre normalité. Celle de mademoiselle Alvarez nous rappelle aux deux tiers qu’elle peut avoir une sacrée descente.
« Aaah… désolé mais j’en mourrais d’envie depuis la fin du service et je me suis un peu pressée pour ne pas être trop en retard.
- En retard, interroge celle en face de mademoiselle Alvarez.
- Quel retard, interroge celle à côté de mademoiselle Alvarez.
- On n’a vu aucun retard. »
L’innocence même, en trois exemplaires. L’innocence un peu teintée par ses arrières pensées mais on fait de notre mieux. Un mieux guère plus convainquant que celui de mademoiselle Alvarez.
On lui gâche l’appétit tout de suite ? On s’abstient de lui en parler ? On tire à pile ou face ? Je ne suis pas pour commencer, sinon on va effectivement avoir le supplément salive humaine dans notre repas. Je suis pour commencer, sinon on n’osera jamais le faire. Je suis pour commencer, cependant je ne sais pas s’il faut y aller progressivement ou…
« Vous êtes au courant pour la fusillade à Bryant Park, reprend celle à côté de mademoiselle Alvarez, croisant les bras et s’adossant inconfortablement à l’étagère pour voir son interlocutrice comme la fenêtre et la rue derrière. Nous étions dedans. Nous avons essayé de capturer Helmut Zemo et l’Hydra s’en est mêlée. »
« Nous n’avons pas été blessées, poursuit celle en diagonale, s’avançant du buste. Il n’a pas été blessé. Les agents à sa poursuite ont été arrêtés. Il s’est enfui.
- Nous ne sommes plus après lui, précise celle en face. Néanmoins, nous avons ressenti l’entièreté de sa mémoire.
- Nous savons qui il est, conclue-t-on à trois, et nous pensons que vous devez le savoir aussi.
- Nous, commence celle à côté.
- Sommes, enchaine celle en face.
- Désolées, achève celle en diagonale.
- Vraiment. »
On se tait. On pince les lèvres. On baisse les yeux, un instant seulement car, au moindre mouvement, on observera mademoiselle Alvarez. On baisse les épaules et elles le restent cependant, comme si nos vestes stylisées étaient lourdes. On déglutit, attendant la réaction. La réponse. La difficulté.
Il n’est rien de plus agréable que de rejoindre un lieu dans lequel on se sent bien, un lieu familier où on a des souvenirs et des sourires … Après avoir pu discuter un peu avec un des serveurs, je rejoins les filles qui sont installées au fond de la salle et je m’attable à leur côté, les observant une à une. Encore une fois, toutes identiques mais pourtant uniques chacune à leur façon. Je leur parle mais leur sourire commence à disparaître et cela n’est pas pour me rassurer. « Nous n’avons pas été blessées, nous sommes étonnamment résistantes, quand nous le voulons. »
Nous sommes interrompues par mon ami, qui nous sert de l’eau. Ah tant mieux, ça commence à devenir urgent. Je le remercie, et les trois jeunes femmes font de même, manquant de faire sursauter mon ami. Je cache un léger sourire mutin avant de boire cul sec mon verre. Aaah j’avais tellement soif … - En retard - Quel retard - On n’a vu aucun retard. »
Je leur rends un petit sourire, même si je repense aux leurs qui ont disparu quelques instants avant, alors je me permets de revenir sur ce point. -Si vous allez bien, c’est le principal alors même s’il faudra peut être faire une session shopping pour remplacer vos vêtements perdus.
Je me ressers un nouveau verre et le porte à mes lèvres pour en reprendre déjà une gorgée. Aaah, cela fait vraiment du bien, ainsi que de les revoir. Depuis la soirée, j’avais peu de nouvelle de ses trois-là en plus.
On lui gâche l’appétit tout de suite ? On s’abstient de lui en parler ? On tire à pile ou face ? Je ne suis pas pour commencer, sinon on va effectivement avoir le supplément salive humaine dans notre repas. Je suis pour commencer, sinon on n’osera jamais le faire. Je suis pour commencer, cependant je ne sais pas s’il faut y aller progressivement ou… « Vous êtes au courant pour la fusillade à Bryant Park, Nous étions dedans. Nous avons essayé de capturer Helmut Zemo et l’Hydra s’en est mêlée. »
Si mes yeux se sont ouverts en grand lorsqu’elles me parlent de la fusillade, je crois qu’à la suite de leur phrase, la foudre m’est comme tombée dessus, me faisant louper un battement de cœur… Zemo … et Hydra … Les hommes qui lui ont fait du mal, qui le cherchaient, ce serait Hydra ? Je ne le connais que de nom, comme nombre de personnes, depuis que cette organisation a été mise au jour y a quelques années. Si je ne sais pas ce qu’ils font précisément, je ne sais qu’une chose, c’est qu’ils ne sont pas des gens qu’il est bon de fréquenter. Alors, ce serait eux, les ennemis dont Helmut me parlait avant de disparaître ?
-Quoi… ? je murmure, tenant toujours de la main droite sur mon verre.
Pourtant, j’ai bien entendu, et le nom résonne en moi dans un écho sans fin. Zemo. Cela ne peut pas être une autre personne, je doute que quiconque sur terre ne puisse avoir le même nom et prénom aussi singulier. Pourquoi la question résonne … pourquoi ? « Nous n’avons pas été blessées, Il n’a pas été blessé. Les agents à sa poursuite ont été arrêtés. Il s’est enfui. »
Mon regard tourne de l’une à l’autre. Un frisson commence à naître de mon cœur, se dispersant, se propageant dans tout mon corps au fur et à mesure des paroles… « Nous ne sommes plus après lui, Néanmoins, nous avons ressenti l’entièreté de sa mémoire. »
Sa mémoire … elles m’auraient vu à l’intérieur de celle-ci ? Cela faisait quoi - quelques jours qu’il avait disparu, qu’il était parti de chez moi ? Entre temps, il m’a donné des nouvelles et m’a même offert Goulash mais … c’était le lendemain de cet événement, de la fusillade, est-ce que tout cela est lié ?
«- Nous savons qui il est, et nous pensons que vous devez le savoir aussi.»
Je ne sais plus qui regarder alors qu’elle parle à trois à ce moment-là. Ma bouche est entrouverte mais les paroles se coincent.
«- Nous - Sommes - Désolée - Vraiment. »
Mon regard est perdu, même si je continue d’alterner entre les trois. Ma main qui tient le verre semble trembler légèrement Allez, respires, et essayes de mettre de l’ordre dans cet esprit qui part dans tous les sens… inspire …. et parle :
-Je …crois que j’ai du mal à vous suivre. Pourquoi? Pourquoi vouliez-vous capturer Helmut ? Il m’a dit que des gens étaient après lui mais pourquoi ne pas avoir voulu plutôt arrêté Hydra ? Et qu’est-ce que vous voulez dire par savoir qui est Helmut ?
Leur réactions m'inquiètent, j’ai l’impression qu’il me manque des pièces du puzzle. Elles ont l’air … coupable ? Ma main tient toujours le verre mais j’ai l’impression de perdre de la force au fur et à mesure.
-Qu’est-ce que je dois savoir qui vous mets dans un tel état ? je reprends une dernière fois avant de les regarder une à une - vous me faites un peu peur là …
Sans doute aurait-on du attendre. Sans doute aurait-on dû attendre que les plats soient commandés, qu’il y ait au moins une échappatoire. D’un côté pragmatique, cependant, il vaut mieux couper l’appétit avant afin de ne pas gaspiller ; quitte à mettre en danger le repas. Quand on pense que Phoebe ne souhaitait pas en parler à mademoiselle Alvarez, sa charge brutale n’en est que plus violente. On a fait un vote, elle l’a accepté. L’enjeu étant de faire accepter les choses à notre interlocutrice, également. Surtout, d’ailleurs. Elle est la première concernée.
Peu à peu, le verre qu’elle tient dans sa main tremble. Un peu. Toujours un peu plus. Les gouttes d’eau qui ont survécu à la réhydratation précédente deviennent de futures larmes. On aura beau faire des tentatives d’humour, on aura beau se faire inviter à une session shopping pour remplacer les pertes vestimentaires, on aura beau faire ce que l’on veut… cela ne changera rien. Crever l’abcès de la manière la plus directe qui soit, la plus violente, a le mérite de couper court à tout cela. Pas de suspens, pas de crescendo d’anxiété. Le résultat, directement.
Un résultat qui surprend et maintient en surprise Gabriela Alvarez. Elle a rempli son verre, elle a rempli ses larmes. Elle ne sait pas où poser les yeux. Sur qui. Elle ne sait pas où poser ses pensées. Sur quoi. Peut-être est-ce une erreur d’exprimer notre sentiment, notre désolation, car cela crée ce suspens qu’on voulait éviter. Suspens qui prend aux tripes, à la gorge et au cœur. Les difficultés respiratoires sont vues.
J’aurai dû laisser ma place à Mindee, se dit Phoebe, tu aurais été plus efficace. La posture d’angle nous bloque quoi qu’il arrive, lui dit Céleste, on n’aurait pas dû rester sur nos postures habituelles. On est dans la panade quoi qu’il arrive, leur dit Mindee, perdues pour perdues on fait avec les moyens du bord.
Pourquoi ? Pourquoi voulait-on capturer Helmut ?
On sait ce qu’il lui a dit, on se souvient ; pas aussi clairement que nos propres souvenirs mais tout de même.
Pourquoi ne pas avoir voulu plutôt arrêter Hydra ?
A côté, les bras croisés se resserrent légèrement et le visage devient impassible. En diagonale, la main tien le bras plus fermement et le visage s’adoucit. En face, les avant-bras posés sur la table supportent un peu plus le poids du buste et le visage sourit faiblement.
Qu’est-ce que l’on veut dire par savoir qui est Helmut ?
Mademoiselle Alvarez nous regarde. On se laisse regarder.
« Qu’est-ce que je dois savoir qui vous met dans un tel état ? Vous me faites un peu peur là… »
Trois nez, une inspiration unique.
« Nous avons stoppé Hydra, expose celle à côté, faisant son possible pour rester douce. Cependant nous les traquions pas eux. Pas plus que le SHIELD. Le Baron Helmut Zemo est recherché par les autorités depuis son évasion…
- Lors de son transfert de la prison allemande vers une de New York, reprend celle d’en face, avec amertume. Il y était détenu pour avoir commandité l’attentat de Vienne, en Autriche, en 2016…
- A l’encontre des dignitaires de Nations Unies venus signer les Accords de Sokovie, continue celle en diagonale, avec une profonde tristesse. Cela a mené les Avengers sur la piste de l’ami de l’un d’entre eux.
- Et les a encore plus divisés que les Accords suscités, renchaine la première, toujours aussi douce que possible. Si les Vengeurs se sont séparés et qu’une moitié a été classée renégate, c’est par l’action d’Helmut Zemo.
- Il a perdu sa famille durant la Bataille de Sokovie, renchaine la troisième, en diagonale, toujours triste. Sa condition de militaire d’élite et l’incapacité de faire son deuil…
- Impliquent qu’il fasse ce pourquoi il a été entrainé, renchaine la seconde, en face, toujours amère. Il ne sait pas faire autre chose mais fait beaucoup de mal, à lui comme à ses victimes, ce faisant.
- Helmut Zemo veut mourir en se vengeant de ceux qu’il considère responsables des morts de sa femme et de son fils, conclu-t-on à trois, nos trois tons se fondant en un seul, désolé. Il a échoué à mourir mais a réussi à briser les Vengeurs une fois et il aspire à recommencer. »
Un silence, quand bien même on sait qu’il ne doit pas durer. Pas de suspens. Pas d’imaginaire, ou tout du moins le moins possible ; car il est illusoire de croire que, sans être dans sa tête, on peut limiter les créations de l’esprit de Gabriela Alvarez. Cependant, l’une d’elle nous revient en mémoire.
Un geste, que l’on n’a pas compris. Un geste que l’on aurait peut-être dû faire beaucoup plus tôt. Evidemment, la situation et la signification n’est pas la même : il n’est plus enfantin, il n’est plus innocent. Il est bienveillant, cependant. Il demande un effort, cependant.
Celle à côté de Gabriela Alvarez décroise les bras et, alors que l’un s’accoude à la table, elle envoie l’autre chercher de la main l’une de celles qui enserrent le verre de larmes. Celle en face de Gabriela Alvarez décroise les doigts et, alors qu’elle se penche un peu plus en avant, elle envoie une main chercher l’autre de celles qui enserrent le verre de larmes.
Gabriela Alvarez nous a accompagné vers une expérience de son monde, non du notre. On l’accompagne dans une expérience de notre monde, non du sien. Elle était là. On est là.
« On essaie de respirer ensemble, demande celle en diagonale. S’il vous plait. »
Le contrôle du souffle, c’est le contrôle du cœur. Si on contrôle le souffle, on contrôle le cœur. Garder le contrôle du souffle, c’est garder le contrôle du cœur.
On était dans cette situation face à Charles Xavier le jour précédent. On sait que quelque chose s’est brisé en nous hier. Tout comme on sait que l’on brise quelque chose en Gabriela Alvarez aujourd’hui. L’important, c’est demain. Ce que l’on fera de cette brisure.
« On va vous aider. »
On parle à trois. On ne parle pas à nous. On lui laisse le temps, à présent.
Il n’y a personne d’autre que le personnel du restaurant et nous dans celui-ci. On en profite. Sinon, on devra s’assurer que Gabriela Alvarez ait un endroit tranquille pour pouvoir faire face ; chose qu’on peut créer, moyennant son autorisation.
The Stepford Cuckoos
Dernière édition par Stepford Cuckoos le Mer 30 Mar - 16:29, édité 1 fois
Non pas que j’avais d’immenses attentes à vrai dire. Je pensais que nous allions juste passer un bon moment toutes les 4, plus calmes que la première fois, mais juste un bon moment. Discuter, peut-être rire un peu, mais rien qui ne devienne … aussi dramatique que ce qui est en train de se produire là maintenant.
Je tremble ? Oui je crois. Parce que je ne comprends pas pourquoi elles me parlent de lui, comment même elles peuvent savoir que je ne le connais d’ailleurs. Et cela se produit alors que je les écoute. Alors que j’essaye de comprendre ce qu’elles me disent. Parce qu’il y a quelque chose, au moins une pièce du puzzle si ce n’est plus qu’il me manque … Alors, je leur demande …
« Nous avons stoppé Hydra. Cependant nous ne les traquions pas eux. Pas plus que le SHIELD. Le Baron Helmut Zemo est recherché par les autorités depuis son évasion…
-Son quoi … je répète alors que le mot explose dans mon esprit …
Évasion, elles ont dit “évasion” … Est-ce que je rêvais ou quoi ? Mon regard fixe celle à côté de moi, puis tourne vers celle qui est face à moi. -Lors de son transfert de la prison allemande vers une de New York. Il y était détenu pour avoir commandité l’attentat de Vienne, en Autriche, en 2016… - A l’encontre des dignitaires de Nations Unies venus signer les Accords de Sokovie, Cela a mené les Avengers sur la piste de l’ami de l’un d’entre eux. - Et les a encore plus divisés que les Accords suscités, Si les Vengeurs se sont séparés et qu’une moitié a été classée renégate, c’est par l’action d’Helmut Zemo.
Ma tête tourne de l’une à l’autre, sans même reprendre ma respiration, la bouche entrouverte. J’ai l’impression de subir une attaque, un assaut, un tir de mitraillette … et c’est loin d’être fini. Ma main continue à trembler, le verre me semble si lourde … ou c’est que je perds petit à petit ma force … - Il a perdu sa famille durant la Bataille de Sokovie. Sa condition de militaire d’élite et l’incapacité de faire son deuil… - Impliquent qu’il fasse ce pourquoi il a été entraîné. Il ne sait pas faire autre chose mais fait beaucoup de mal, à lui comme à ses victimes, ce faisant. - Helmut Zemo veut mourir en se vengeant de ceux qu’il considère responsables des morts de sa femme et de son fils. Il a échoué à mourir mais a réussi à briser les Vengeurs une fois et il aspire à recommencer. »
Un silence s’installe, un silence qui semble lourd. Moi je n’entends que mon cœur qui bats, résonnant jusque dans mes tempes….
-Non … je murmure.
Je tourne une dernière fois les yeux sur chacune des filles… Je crois que je suis perdue… entièrement.
-Non … Vous vous .. enfin ça ne peut pas être lui… Vous … vous vous trompez. Je …
Ma main tremble de plus en plus. J’ai l’impression de perdre de la force. Mon coeur bats de plus en plus fort.
-Vous me faites …
Une blague ? Non, elles sont trop sérieuses, et l’histoire. Les mots d’Helmut s’entrechoquent à ce que les filles viennent de me dire La sokovie, Ultron, et tout le reste …. ? A un instant, je manque de lâcher mon verre, mais en sentant la main de Phoebe sur la main, je sursaute, resserrant au contraire ma poigne sur le verre. Mon regard vers vers elle, puis Mindee qui fait de même, sur l’autre main. Je finis, sentant le poid commencer à me peser, par rapprocher ma main de la table et reposer le verre dessus. Je crois que j’ai de toute façon trop la gorge nouée pour cela. « On essaie de respirer ensemble,. S’il vous plait. »
Respirer … ?
-Je … non attendez, j’ai besoin de …
Ma tête me fait mal mais avant tout, j’ai besoin de réponse. J’ai l’impression que si je ne les ai pas, c’est comme ça que je vais perdre pied …
« On va vous aider. »
Ma bouche s’ouvre et se referme alors que je tente de parler, avant de finalement inspirer profondément. Respire Gaby, respire, il le faut… -Je … non …
Je relève enfin les yeux vers elles trois avant de m’exclamer : -Non non non ! Enfin non, ce n’est pas possible, juste impossible !
C’est rare que je hausse le ton mais pourtant là, j’ai l’impression que c’est le seul moyen que j’ai pour enfin réussir à parler tant ma gorge était serrée…
Je me retourne, et le serveur me regarde, surpris. Il me faut un gros effort et une nouvelle profonde inspiration pour réussir à lui faire signe que tout va bien avant de reprendre place, revenant vers les trois jeunes filles.
-Ecoutez … je ne comprends pas. Il y a forcément une erreur. Je … je ne sais pas d’ailleurs comment vous savez que je connais Helmut mais cela ne peut pas être la même personne. Il … ne peut pas être cette personne là dont vous me parlez, c’est impossible. Il doit y avoir une erreur, forcément. Ce n’est pas..
Doucement, je porte l’une de mes mains au visage, en respirant doucement.
-Ce ne peut pas être vrai hein? Mindee … Céleste ? Ce ne peut pas être lui … ça ne peut pas être … mon ami. Je ne comprends pas.
Eviter le crescendo était illusoire. On s’en aperçoit à mesure que l’on parle, à mesure que Gabriela Alvarez réagit. Tremblement. Choc. Hébètement. Affaiblissement. Le prélude. Puis il arrive enfin.
Le déni.
La première étape du deuil. Du deuil de l’image qu’elle s’est faite d’Helmut Zemo. On savait qu’elle en arriverait là. Tout comme on sait que la colère viendra et qu’elle sera une étape délicate ; une étape où notre rencontre risque de se terminer. Si l’on est assez douées pour en arriver là, la négociation nous aidera peut-être à éviter d’avoir à terminer ce deuil. Est-ce une bonne chose ? On l’ignore. On n’a cependant pas le cœur à pousser Gabriela Alvarez à travers la dépression afin d’atteindre l’acceptation. On n’a déjà pas le cœur à faire face à son déni. On le trouvera, cependant.
Le verre aurait pu être lâché, cela a été évité. Bien. Le sursaut n’aurait pu être évité et renvoie une fois encore à cet univers de différence entre mademoiselle Alvarez et nous. Malheureusement, Helmut Zemo appartient plus à notre univers qu’au sien. C’est notre univers qui l’a amené, blessé, dans le sien. Détailler n’apporterait cependant rien.
La colère arrive. Vive. Brutale. Encaissée sans surprise ni douleur. L’inquiétude est là, cependant. Toujours là.
Gabriela Alvarez se détourne. On anticipe qu’elle se lève, veuille partir. Les rares témoins sont alertés à présent. Elle congédie celui qui pourrait s’en mêler le premier, nous évitant d’avoir à le faire. Puis elle revient.
Elle négocie.
On l’écoute. On la voit ne pas comprendre. On sait qu’il n’y a pas d’erreur. On cligne doucement des yeux et baissent les épaules à son rejet. Peut-être Gabriela n’est-elle pas aussi avancée que ce que l’on pensait. Elle nous semble à nouveau dans le déni, non dans la négociation. Peut-être ne l’a-t-elle jamais quitté. En revanche, elle quitte l’une de nos mains. On la laisse faire.
A son côté, la concernée se redresse sur sa chaise et reprend sa main. Elle l’accompagne du regard jusqu’à sa propre cuisse avant de remonter les yeux vers mademoiselle Alvarez. En face et en diagonale de celle-ci, les deux interpelées ne savent pas quoi dire. Quoi faire. L’une a encore la main sur celle de Gabriela Alvarez, l’autre à ses deux mains sous la table malgré l’avancement de son buste.
Ami, répète avec amertume Phoebe. On ne sait pas ce que c’est, comme évaluer, interroge Céleste. En regardant les dégâts, nuance Mindee. On fait les dégâts. On n’est pas ses amies. On n’aurait pas dû venir. Vouloir bien faire… Amène souvent à nuire… on le sait par le travail. C’est trop personnel. Oui. On ne peut pas rester sans rien dire. Je ne m’en charge pas cette fois, la franchise qu’on peut avoir entre nous ne se partage pas. Disons qu’il faut y être habitué pour la partager, nous on n’a pas de barrière de base. La vraie question, c’est pour mademoiselle Alvarez. Oui. Oui. On est d’accord.
« On est désolées, répète celle en diagonale avant que celle d’en face ne reprenne.
- Croyez bien qu’on ne vous dirait pas cela si c’était faux. »
Celle à côté regarde la scène avec ces mêmes tristesses et amertumes qui nous sont communes.
« Vous avez vu la partie brisée, reprend-t-on à trois. Nous avons regardé l’entièreté. »
Comment Charles Xavier a-t-il fait lorsque l’on était au plus mal ? Il nous a montré qu’il comprenait. Qu’il compatissait. Non, qu’il éprouvait de l’empathie. Comment le faire de notre côté ? Les choses sont tellement plus simples avec les télépathes.
« Il n’est pas aussi mauvais que certains peuvent le décrire, reprend celle en diagonale. Cependant, il n’est pas bon non plus.
- Peut-être qu’avec le début d’amitié qu’il éprouve pour vous, la dette de vie qu’il a envers vous, vous pourrez le faire changer, ajoute celle d’en face.
- On sait ce que s’est que de regarder les incohérences et de devoir se poser les questions qu’on ne voulait pas se poser, partage celle à côté. N’essayez pas de comprendre…
- Trouvez des ancres. Votre affection, elle est vraie. Partagée. Qui il est… »
La voix de celle en diagonale se meurt alors que les deux autres lui adressent un regard douloureux.
Qui il est ne change rien, accuse Phoebe. On parle d’eux, non de nous, force Céleste. N’est-ce pas cela le point, comprendre, demande Mindee. Comment la comprendre sans télépathie alors qu’on ne se comprend pas nous-mêmes ? C’est pas en se perdant qu’on s’y retrouve ! Céleste…
Après un instant de surprise, celles du côté et d’en face reviennent à Gabriela Alvarez.
« Qui il est ne dicte pas ce que vous ressentez pour lui, déclare la première en baissant les yeux à nouveau avant que la seconde ne serre la main qu’elle tient.
- Focalisez-vous sur cela. »
La troisième, en diagonale, s’abstient de rajouter des remerciements pour la respiration. Elle regarde néanmoins Gabriela Alvarez avec un espoir inquiet, chose qui est toujours une progression par rapport à précédemment.
The Stepford Cuckoos
Dernière édition par Stepford Cuckoos le Mer 30 Mar - 16:29, édité 1 fois
J’ai l’impression… que le monde s’écroule. L’image d’un château des cartes qui dégringole s’impose à mon esprit. Sûrement pour cela que mes réactions sont aussi… spontanées ? Décousues ? Au point de finir même par me hausser de manière presque violente le ton, plus que je ne l’ai rarement fais dans ma vie. Si besoin que ça surprends le serveur et les gens présents, que je rassure d’un signe de tête avant de me retourner vers elle, essayant de comprendre, comprendre ce qu’il se passe, comprendre à quel moment je me suis trompée, à quel moment j’ai été aussi peu attentive pour ne pas voir ce qu’il se passait sous mes yeux. Mes yeux passent de l’une à l’autre, après avoir passé une main sur mon visage. Mais je me heurte un instant au silence avant qu’elle ne reprenne
« On est désolées, commence Céleste avant que Mindee ne reprenne - Croyez bien qu’on ne vous dirait pas cela si c’était faux. »
Je tourne la tête vers Phoebe qui ne semble pas plus à l’aise que ses sœurs face à moi. Je ne sais pas ce que j’attends. Si elles m’annonçaient là maintenant que tout était faux, je ne les croirais pas de toute façon, pas entièrement « Vous avez vu la partie brisée, nous avons regardé l’entièreté. »
L’entièreté ? Je tourne les yeux vers les deux autres et attends la suite, comme si je me doutais qu’il y a une suite à ce qu’elles viennent de dire, ce qui effectivement arrive :
« Il n’est pas aussi mauvais que certains peuvent le décrire, cependant, il n’est pas bon non plus. - Peut-être qu’avec le début d’amitié qu’il éprouve pour vous, la dette de vie qu’il a envers vous, vous pourrez le faire changer. - On sait ce que s’est que de regarder les incohérences et de devoir se poser les questions qu’on ne voulait pas se poser. N’essayez pas de comprendre… - Trouvez des ancres. Votre affection, elle est vraie. Partagée. Qui il est… »
Les mots des jeunes femmes résonnent dans mon esprit tandis qu’ils s’éteignent dans leur gorge. Je les regarde, un peu perdue entre ce qu’elles viennent de me dire et le regard qu’elles se partagent. Le faire changer… Est-ce que je le pourrais ? Il peut changer, de cela, j’en suis sûre. La haine ne peut pas l’avoir entièrement consumée sinon il n’aurait pas autant de tristesse dans son regard. Il peut changer… Il le peut, j’en suis sûre…
« Qui il est ne dicte pas ce que vous ressentez pour lui, dit Phoebe tandis que Mindee me resserre la main en ajoutant : Focalisez-vous sur cela. »
Ce que je ressens pour lui… de la confusion à l’instant. Il a été quelqu’un que j’ai sauvé, quelqu’un pour qui je me suis battue et pour qui je défierais encore la mort s’il était blessé et maintenant j’apprenais qu’il était …
-Vous avez ressenti l’entièreté de sa mémoire, c’est ce que vous m’avez dit ? Vous avez vu ce qu’il s’est passé non ? Ce qu’il lui est arrivé à lui ? Lorsque je l’ai soigné ?
Et le reste ? Le moment où je me suis mise à califourchon sur lui pour lui administrer l’adrénaline. Ou ce moment où je suis resté dormir à ses côtés ? Le câlin que je lui ai donné lorsqu’il pleurait plus fort encore que le jeu d’eau de la douche. Tous ses moments qui me font penser qu’il y a un espoir, que Helmut Zemo n’est pas une cause perdue.
-Je ne le laisserai pas mourir… je murmure tout d’abord, autant pour moi que pour les autres. Il y doit y avoir un moyen, il a toujours un espoir en lui, j’en suis sûre. Il est en danger à l’heure actuelle à l’extérieur. Il me disait être en danger seulement Hydra… enfin je ne sais que ce que les infos en disent, mais vu l’état dans lequel il a atterri chez moi, il n’est pas en sécurité seul dehors alors…
Alors quoi ? Je devrais aider à sa capture ? Pour qu’il soit en sécurité ? Ma main repasse dans mes cheveux, tandis que je me triture le cerveau avec violent :
-Qu’est-ce qu’il faut faire, qu’est-ce que je dois faire ?
Parce que je ne resterais pas sans rien faire, je ne le peux pas. Qu’est-ce qu’une pompière et interne à mi-temps peut faire pour empêcher de nuire le Baron Zemo … Lui proposer un nouveau goulasch à la maison ?
Mademoiselle Alvarez se perd dans les informations jusqu’à ce qu’on lui donne une ancre, un espoir. C’est un élément aussi puissant que dangereux, on le sait. Au moins offre-t-il la possibilité de l’accompagner, de la guider, plutôt que de s’opposer à elle dans ce qu’elle nourrit envers Helmut Zemo. Lorsqu’elle nous demande si l’on se souvient de ce qui s’est passé entre eux, on acquiesce : on se souvient de ce dont lui se souvenait, une action parcellaire du fait de son état comme du fonctionnement de la mémoire humaine mais suffisante à comprendre ce qui s’est passé et ce qui importe réellement.
Gabriela Alvarez ne laissera pas Helmut Zemo mourir. On le sait. Elle l’a déjà fait et le ferait pour n’importe qui. Néanmoins, les graines de l’espoir commencent à germer et elle se perd à nouveau, seule cette fois. Puisque nous ne sommes pas en opposition, on espère pouvoir être prises en guise de tutrices. Néanmoins, on en reste à la regarder et à l’écouter pour l’instant, afin d’aller à son rythme. Helmut Zemo est en danger et est un danger à l’extérieur, on acquiesce à trois. L’HYDRA n’est pas le seul problème même si elle est le plus gros. Cela étant, on est surprises que les médias aient finalement parlé de l’évasion du Baron Zemo, là où l’information nous a semblé devoir rester secrète lors de notre entrevue avec le SHIELD.
« Qu’est-ce qu’il faut faire, qu’est-ce que je dois faire ? »
On en est là où l’on espérait l’être. Pouvoir accompagner mademoiselle Alvarez dans sa négociation afin qu’elle se mette en danger le moins possible.
« Quand le SHIELD nous a interrogées, déclare-t-on à trois, neutres, nous avons été sincères avec ses agents.
- Toutes les actions d’Helmut Zemo sont traçables, simplifie Phoebe. On a tout donné, depuis les comptes à Madripoor jusqu’au numéro de téléphone.
- Ce n’est qu’une question de temps avant que le SHIELD ne l’attrape, explicite Mindee. Lorsque cela sera fait. Allez le voir en cellule.
- Allez l’accompagner pour qu’il accepte la possibilité d’une nouvelle vie, demande Céleste. Qu’il ne s’enferme pas dans le mutisme et qu’il essaie d’aménager sa peine pour se réinsérer. »
On espérait que l’arrestation d’Helmut Zemo serait faite avant qu’on ne vienne voir mademoiselle Alvarez. Néanmoins, nos contacts avec le SHIELD sont trop épars pour qu’on sache que qu’il fait ; chose aggravée par notre choix d’aller à l’Institut plutôt que dans l’organisation. Choix dont on s’occupera des conséquences plus tard, ayant déjà nos propres problèmes passés à gérer et ne comptant sur personne d’autre que nous trois pour nous aider à y réfléchir.
« Il a fait de son premier emprisonnement un mouroir muet, dit-on à trois avec l’amertume sincère que cela nous procure. Sans doute serez-vous capable de l’aider à ce que le second soit le début de sa seconde chance. »
Retarde-t-on la dépression et l’acceptation à ainsi accepter la négociation ? C’est très probable. On le réalise en disant cela. On n’a pas de plan, seulement une intention. Peut-être n’est-on pas qualifiées ou en état pour correctement gérer cette situation. On fait de notre mieux. En espérant que cela suffise.
Le SHIELD n’a pas intérêt à tarder dans son arrestation, songe Phoebe. Même si le Baron Zemo transfert son argent, il suffira de suivre les virements, songe Céleste. Et s’il change de téléphone, chaque contact avec mademoiselle Alvarez permettra de remonter jusqu’à lui, songe Mindee. Il est piégé. Il est plus en sécurité en prison qu’à l’extérieur, de toute façon. Oui, mais qui sait ce que le SHIELD peut avoir comme agenda pour lui.
Celle d’en face n’a pas lâchée la main de mademoiselle Alvarez tandis que celle à son côté n’a pas reproposée la sienne, croisant les bras, et que celle en diagonale se tient d’une main l’autre bras. Quoiqu’attristées par la situation, on est également résolues. On veut aider et on peut aider, on en est persuadées. On espère que notre renforcement positif aidera mademoiselle Alvarez dans sa quête d’Helmut Zemo comme celui-ci dans sa reconstruction, là où il est tant porté sur la destruction.
Dans le Bronx, on côtoie autant des gens bien que des criminels et parfois, la nuance est mince entre ses deux statues. J’ai vécu mon enfance là-bas, à voir des gens débarqués chez Abuelita pour être aidé, soigné, ou encore conseillé. Il n’y a jamais de personnes entièrement noires, on se retrouve souvent confronté à des nuances de gris… qu’on peut ramener proche du blanc. Je l’ai déjà vu faire et je sens que cela est possible, encore une fois ! Et ce que je dis aux triplées qui m’écoutent. Cependant, je n’arrive pas à savoir ce à quoi elles peuvent bien penser. Me prennent-elles pour une naïve jeune femme ? Probablement, au moins un peu, mais peu importe. Je leur parle doucement, et surtout leur demander quoi faire ? Si ça ne tenait que de moi, là tout de suite, j’attraperais mon téléphone et l’appellerai pour le retrouver. Mais non, pas immédiatement, pas maintenant… Les jeunes femmes répondent alors à mes questions, les trois en même temps au début :
« Quand le SHIELD nous a interrogées, nous avons été sincères avec ses agents.
- Toutes les actions d’Helmut Zemo sont traçables/ On a tout donné, depuis les comptes à Madripoor jusqu’au numéro de téléphone.»
Les mots de Phoebe m’arrachent un frisson. Son numéro de téléphone, donc ils peuvent probablement me retrouver aussi. Je n’ai jamais eu de souci avec les autorités, n’importe lesquelles. Alors je ne peux m’empêcher d’être un peu … inquiète à l’idée de potentiellement attiré l’attention de l’une d’entre elle, surtout le SHIELD.
« Ce n’est qu’une question de temps avant que le SHIELD ne l’attrape. Lorsque cela sera fait. Allez le voir en cellule, reprend Céleste
- Allez l’accompagner pour qu’il accepte la possibilité d’une nouvelle vie. Qu’il ne s’enferme pas dans le mutisme et qu’il essaie d’aménager sa peine pour se réinsérer. » -Et s’il ne se laisse pas faire. S’il leur a déjà échappé une fois, il n’acceptera peut-être pas de retourner en prison, aussi aménagée soit elle. Et s’il résiste ? Jusqu’où ira le SHIELD pour le récupérer ?
Je ne voulais pas le revoir comme je l’ai déjà vu, couvert de sang et aux portes de la mort. Je ne le laisserai pas mourir, pas une nouvelle fois. « Il a fait de son premier emprisonnement un mouroir muet, Sans doute serez-vous capable de l’aider à ce que le second soit le début de sa seconde chance. »
En entendant cela, je baisse les yeux vers mes mains, vers celle de Mindee également. Mes pensées vont dans tous les sens. Je revois Helmut face à moi, son visage, son sourire. Non, je m’en fais la promesse, je ne le laisserai pas mourir, je ne le laisserai pas partir. Je ferais ce qu’il faut pour l’aider. Cette promesse silencieuse s’inscrit dans mon esprit, propre à moi-même. Je doute que les filles lisent mon esprit à l’heure actuelle, même si je les sais capables de cela. Il faut que je lui parle, qu’il s’explique, qu’il... Il faut que je sache… je dois entendre cela de sa bouche.
-Si cela m’est permis, je le ferais, j’irai le voir. Je jure que je l’aiderai. Je ne l’ai pas soigné pour le, le laisser mourir sur le trottoir, que ce soit entre les mains d’Hydra ou d’autres. Je … je refuse de servir d’appât pour l’attraper, cela, je ne le pourrais pas, vraiment. Je ne pourrais pas lui mentir ainsi. Mais si je peux aider à ce que cela se passe en douceur ou l’aider, je le ferais. Enfin si le SHIELD accepte d’une pompière ordinaire de Brooklyn puisse le faire.
J’inspire doucement et ajoute, pour les rassurer un peu, les pauvres qui ont eu la charge de m’annoncer tout cela :
-Merci … de m’avoir dit la vérité. Je me doute que cela n’a pas dû être facile et … Merci, réellement.
Je resserre légèrement les doigts de Mindee entre les miens avant de lui rendre sa main. J’ai l’impression d’être épuisée dans un sens, quant à mon appétit, il s’est fait la malle. Je tourne la tête vers le serveur qui nous regarde encore, toujours inquiet. Je lui accorde un léger sourire puis reviens vers les filles :
-J’ai plus très faim. Si vous voulez manger, je vous en prie, c’est délicieux en plus ici, mais je crois que moi, je vais me contenter d’un café.
Je repousse mes cheveux en arrière d’une main et passe la seconde sur mon front, comme une manière de changer mes idées, camoufler peut être le capharnaüm de mon esprit je dirais. Tout tourne encore dans mon esprit, les mots des Cuckoos s’entrechoquent avec les visions d’Helmut, des moments où je me trouvais avec lui. Il y a un espoir, je le sais et je m’y accroche, plus que tout, probablement au-delà de la raison. Mais il faut cette lueur d’espoir pour ne pas sombrer vu tout ce qu’il s’est passé. J’en ai besoin.
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