Il faisait tout juste nuit ce soir-là. La lune, pleine, s’était levée il y a une heure à peine. Et depuis le coucher du soleil je me trouvais ma dans chambre. Face à mon miroir, en tenue de sport. Avec des vêtements si près du corps je ne pouvais pas vraiment cacher ma grossesse plus longtemps. Il était temps de prendre mon courage à deux mains et d’aller annoncer la nouvelle à mon cher frère. Soulevant mon haut, j’observais mon ventre sous tous les angles, me surprenant à le caresser de temps en temps. Je me sentais parfaitement ridicule mais cela m’était venu naturellement … Les deux mains posées sur mon ventre rebondi sans artifices pour le cacher je grimaçais un peu. La tête tournée vers mon lit, je soupirais en voyant les petits bodys que j’avais acheté avec de noté : « Tu vas être tonton ». C’était trop cliché. On se serait cru dans une série à l’eau de rose ou un mauvais téléfilm. Repoussant cette idée mentalement… Je pris une très profonde inspiration, reposant mon haut sur mon ventre. Je mutais pour une robe très près du corps de couleur bleue comme ma peau sous ma forme naturelle. Observant mon reflet dans le miroir de ma chambre, j’hochais la tête comme pour me motiver moi même non sans modifier la forme de la robe pour la rendre plus ample sur le ventre et ainsi dissimuler mes rondeurs.
Sans faire de bruit, je me faufilais jusqu’à la cuisine, pour y chercher de quoi manger j’appelais mon frère mentalement. Avec toutes les forces dont je pouvais faire preuve en cette douce soirée de juillet. Je savais que vu l’heure ce dernier ne risquait pas de dormir. J’espérais vraiment qu’il allait capter mon appel et venir me rejoindre rapidement. Mon plan B dans l’immédiat c’était de déclencher l’alarme incendie… Mais niveau discrétion on pouvait faire mieux je le savais.
Oh Charles s’il te plait … Rejoins moi dans la cuisine… Pensais-je et sans m’en rendre compte je formulais mes pensées à voix haute.
Le cœur remplit d’espoir je me hissais sur la pointe des pieds pour sortir deux tasses du placard, ainsi que du chocolat en poudre… Il ne me manquait plus que le lait. J’ouvris la porte du frigo, me retrouvant cachée de moitié par cette dernière je cherchais le lait lorsque j’entendis entrer dans la pièce le petit son caractéristique du fauteuil de mon frère. La tête tournée dans sa direction, mutant à nouveau pour que ma robe soit près du corps, je repartais à la chasse à la brique de lait.
- Je vais nous faire des chocolats froids comme il fait chaud.
Oui je m’attendais à des questions notamment sur la raison de ma soudaine convocation. Il était évident que je ne t’avais pas juste demandé de venir pour prendre un chocolat chaud avec moi.
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Charles était un scientifique. S'il gardait l'esprit ouvert sur de nombreux points, notamment les vies extra-terrestres et les possibilités quantiques de voyages spatio-temporels, il n'avait jamais porté crédit aux croyances astrologiques, comme la répercussion de la position des planètes sur l'état d'esprit des individus, ou l'influence de la pleine lune sur l'humeur ou le sommeil. De toute façon, Charles n'avait pas besoin de l'aide de l'astre lunaire pour être d'humeur maussade ou pour peiner à trouver le sommeil.
En journée il tâchait de s'occuper le corps et l'esprit le plus possible. Il était excessivement actif dans le Manoir depuis la dernière intervention tragique de la Sorcière Sombre. Il avait mené de nombreuses recherches pour améliorer le quotidien des élèves, que ce soit par le recrutement de nouveaux professeurs, des commandes d'équipements tout neufs, des recherches de partenariats ponctuels… Il passait également beaucoup de temps en salle des dangers à programmer de nouvelles simulations, il avait aussi taillé les haies du labyrinthe dans le parc, avait briqué la petite cuisine de fond en comble et avait passé deux jours à trier les livres de la bibliothèque.
Mais lorsque la nuit tombait et que venait l'heure de se coucher… Lorsqu'il se retrouvait seul avec lui-même, avec pour seul compagnon son esprit qui ne sommeillait jamais vraiment… Alors les sombres pensées revenaient et tournaient en boucle dans sa tête. Il retardait donc au maximum le moment où il lui faudrait s'allonger, seul dans sa chambre, pour espérer dormir quelques heures sans trop faire de mauvais rêves.
En cette soirée du 9 juillet, il se trouvait dans sa salle de classe, à réfléchir à une nouvelle manière d'organiser l'espace, lorsqu'il perçut l'appel de Raven. Elle cherchait à le joindre par télépathie… elle voulait qu'il vienne la voir. Le cœur du professeur manqua un battement avant de s'accélérer brutalement. Il se mit immédiatement en chemin et rejoignit rapidement la cuisine, pour y trouver Raven en train de fouiller dans le frigidaire.
« Tu vas nous… faire des chocolats ? »
Il avait repris les paroles de sa sœur, d'un ton perplexe où perlait l'inquiétude qui se lisait clairement sur son visage. Ils n'avaient jamais été très cuisine et chocolat chaud dans la famille. Raven avait clairement quelque chose à lui annoncer. Plusieurs théories se ruèrent dans son esprit : était-ce Jean ? Est-ce qu'il lui était arrivé malheur ? Était-ce Erik ? Hank ? Ou Wanda ?
« Qu'est-ce qui se passe Raven ? »
Il lui était très difficile de rester calme et de contenir ses émotions. Tout son corps était tendu, il avait le souffle court, il sentait ses mains devenir moites et devinait que son regard devait refléter la peur qui grandissait en lui.
Ma petite manœuvre n’était pas passée inaperçue … Mais visiblement tu ne faisais pas le lien entre notre rencontre il y a tant d’années, dans cette même cuisine, où j’avais pris l’apparence de ta mère, prétextant être venue faire des chocolats chauds. Mais tous savait que ma ruse n’avait pas tenue l’espace d’une demi-seconde. Quelles étaient mes chances, en même temps de tomber sur un télépathe ?
-Oui. Des chocolats. Comme il y a bien longtemps lorsque je suis arrivée dans ta vie…
Je me redressais toujours cachée par le frigo, seule ma tête dépassant de la porte du frigidaire sur le côté histoire de te regarder pour la première fois depuis ton arrivée. Et vu ta tête tu étais vraiment inquiet de ce que j’allais pouvoir te dire. Les sourcils froncés je secouais la tête comme pour te rassurer, murmurant juste :
-Personne n’est mort rassure toi Charles…
Cela me semblait une justification nécessaire au regard de ton état actuel trahissant toute ton angoisse et ton anxiété. Retournant pour fouiller dans le frigo, je saisis enfin la brique de lait. Inspirant profondément je tentais de calmer les battements de mon cœur. C’était maintenant ou jamais. J’en profitais pour muter discrètement, alors cachée par la porte du réfrigérateur, bénie soit-elle ! Effaçant l’ampleur de ma robe pour la remplacer par un tissu près du corps qui épousait à la perfection mon petit ventre clairement plus rebondi qu’à l’ordinaire. La brique cachant mon ventre je finis par refermer le frigo, non sans être clairement fébrile.
-Tu as toujours été comme un frère pour moi, ma famille... Comme un père pour Jean. Je … J’espère que tu resteras toujours celui que tu es, aimant, attentionné et … présent. Avec la nouvelle génération.
Lâchais-je un peu comme une bombe, avançant lentement vers toi, l’énorme brique cachant toujours mon ventre. Mes dents virent naturellement agrippées ma lèvre inférieure signe de mon stress apparent. J’ignorai si tu allais comprendre le message du premier coup sans plus ample explication de ma part, ou bien sans lire dans mes pensées… Ce que j’espérais vraiment que tu n’allais pas faire. Tu me l’avais promis…
Le regard plongé dans tes yeux je cherchais à lire tes sentiments comme si c’était moi qui possédais ce don. Arrivée presque à toi, je tendis le bras pour poser la brique de lait sur le plan de travail ignorant si tu allais remarquer mon ventre ou non.
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'il avait l'impression de l'entendre. Qu'allait donc lui annoncer Raven ? Et comment pouvait-elle rester si calme, alors qu'une catastrophe s'était produite ? Car il devait s'être passé quelque chose de grave, de catastrophique, pour qu'elle l'ait appelé de cette façon. Elle n'aurait pas osé jouer avec lui, pas avec tout ce qui se passait en ce moment, la blague aurait été trop douteuse. Lorsqu'elle évoqua leur première rencontre, il répondit d'une voix faible, serrée par l'angoisse :
« J'ai saisi la référence, et c'est bien ce qui m'inquiète… »
Si cette mise en scène était sensée l'attendrir ou le rassurer, c'était malheureusement raté. Il comprenait l'intention, mais il était trop sur les nerfs depuis une dizaine de jours pour que cela fonctionne. Il ne voulait pas être ménagé, il voulait connaître la vérité, aussi dure soit-elle à encaisser.
Lorsqu'elle lui annonça, à voix basse comme pour conjurer le sort, que personne n'était mort, il sentit le poids dans sa poitrine s'alléger, mais non pas disparaître. Il demeura silencieux, suspendu aux lèvres de sa sœur, attendant que tombe le couperet. Un évènement n'avait nul besoin d'impliquer la mort d'un être cher pour être tragique, il ne le savait que trop bien.
Il ne quittait pas des yeux ceux de sa sœur, essayant d'y discerner une émotion qui lui permettrait de la comprendre. Elle finit par commencer à se livrer, mais elle tournait toujours autour du pot. Le fait qu'elle parle de leur lien fraternel ne faisait que renforcer son inquiétude. Qu'avait-elle à lui dire ? Pourquoi parler de Jean ? Et surtout, pourquoi parler de celui qu'il serait à l'avenir, comme si elle ne serait pas là pour le voir ? Il sentit un vide dans le creux de son estomac. Est-ce que c'était ça ? Elle allait lui annoncer son départ ? Mais pourquoi ? Et pourquoi maintenant ?
« Raven, tu sais à quel point je t'aime… Explique-moi ce qui se passe, je t'en prie. Tu me fais peur. »
Les personnes à qui il pouvait se confier avec autant d'honnêteté sur ses propres sentiments se comptaient sur les doigts d'une main, et encore, elles n'y avaient pas le droit souvent. Mais Charles était à fleur de peau depuis un moment, et lorsqu'il s'agissait des gens qu'il aimait, il était encore plus sensible. Et visiblement incapable de saisir correctement le sous-entendu…
Ma mise en scène n’avait qu’un seul but, essayer de lui remémorer de bons souvenirs et le lien qui nous unissait tous les deux, encore plus fort que les liens du sang, ceux de l’amour. Comment pouvais-tu être si fin psychologue avec les autres sans même avoir besoin d’utiliser tes pouvoirs et avec moi ne jamais rien comprendre ? C’était mystère qui je pense n’aurai jamais de résolutions. Pourquoi pour une fois ne pouvais-tu pas exceptionnellement violer mon esprit pour savoir sans que j’ai besoin de le dire ce qu’il se passait ?
- Je t’aime aussi Charles.
Tes mots avaient eu le don de me faire hausser les sourcils sous la surprise. Les aveux d’amour de ta part était vraiment rares et je me sentais très privilégiée d’y avoir le droit là tout de suite. Le silence flottait dans la pièce pendant de longues secondes alors que je profitais de ce petit moment d’amour. J’en avais désespérément besoin.
- Mais comment fais-tu pour être aussi perspicace avec tout le monde sauf avec moi mon frère ?
Une petite grimace vint fleurir à mes lèvres alors que je remplissais nos tasses de poudre chocolatée, tout simplement pour m’occuper les mains. Je n’aurai jamais pensé devoir dire les mots. Les fameux mots, et surtout pas à mon frère télépathe. Mais visiblement c’était nécessaire. Ma poitrine se souleva pour inspirer une grande goulée d’air, qui j’espèrerais allait me donner du courage, puis je me tournais pour te faire face, reculant tout de même de quelques pas sans trop savoir pourquoi. Mes yeux cherchèrent les tiens, et alors, timidement, je dis, non sans joindre une expression faciale inquiète.
- Charles, je suis enceinte.
Les mots étaient dits, prononcés, tout ce que l’on voulait. Maintenant ne restait plus qu’à attendre le terrible verdict de mon frère. Allais-je devoir aller dormir sous les ponts ?
Bon oui les ponts j’exagérais. J’avais tout de même quelques amis … Bien que beaucoup se trouve à l’Institut. Rocket ? Non. Impossible. Car cela impliquait de devoir aller au Milano, et de dormir je ne savais où. Et très certainement d’entendre Peter fricoter avec une autre. C’était encore trop frais pour moi. Je n’étais pas prête à revoir Peter. Même si … J’allais devoir lui annoncer un jour ou l’autre. Il en était de même pour Erik. Wanda était actuellement injoignable, et … Bucky pourrait peut-être m’accueillir quelques jours ? Son canapé avait l’air plutôt confortable d’ailleurs… Et j’étais sûre qu’il ne me repousserait pas. Après tout il était au courant de toute l’histoire de ne m’avait pas jugé.
En tout cas, je n'osais te regarder mon regard se perdant sur le sol de la cuisine la tête légèrement baissée, honteuse.
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
"Je t'aime aussi Charles"... Ces quelques mots le touchèrent bien plus qu'il ne l'aurait songé. C'était pourtant une évidence. Mais après tout ce qu'ils avaient traversé dernièrement, après toutes les épreuves, les disputes, les quiproquos, leurs détresses mutuelles… ces simples mots, si francs et si purs, lui faisaient du bien. Il sentit les larmes lui monter aux yeux, et songea qu'il avait vraiment besoin de repos si une seule phrase de sa sœur suffisait à lui donner envie de pleurer.
Heureusement, Raven reprit la parole, et sa remarque lui fit cette fois échapper un rire. C'était une bonne question. Sans doute était-ce lié à cette promesse qu'il lui avait faite de ne jamais lire son esprit, car de facto il s'efforçait aussi de ne pas suranalyser les paroles, faits et gestes de sa petite sœur. C'était aussi lié au fait qu'il était trop émotionnellement attaché à elle pour pouvoir raisonner correctement. Ou aussi car il ne cherchait pas à savoir ce qu'elle avait derrière la tête, par peur d'être déçu, puisqu'elle faisait partie des rares à ne pas le placer sur un piédestal. Mais tout cela, il ne pouvait pas le lui dire, alors il resta silencieux.
L'attitude de Raven avait eu le mérite de le détendre légèrement. Elle avait quelque chose d'important à lui dire, c'était certain, mais ce ne devait pas être aussi grave qu'il le présumait. Et s'il se montrait trop inquiet, son angoisse risquait de peser sur elle et elle n'oserait peut-être pas se confier à lui. Il prit donc son mal en patience et l'observa verser la poudre dans les tasses, et il ne bougea pas lorsqu'elle recula et le regarda enfin. Lorsqu'elle lui fit enfin sa révélation, la première réaction de Charles fut une intense surprise.
« Tu... »
Incapable sur le coup de redire les mots qu'elle venait de prononcer, il resta figé quelques instants, la bouche entrouverte en cul-de-poule, ses yeux clairs ronds comme des billes, les sourcils si hauts qu'ils avaient l'air de vouloir fuir sur son crâne. Après plusieurs secondes d'ébahissement, une foule de questions se rua dans son esprit, tant qu'il eut du mal à y faire le tri. La seule qui finit par franchir ses lèvres fut la suivante, prononcée sur un ton éberlué et un peu plus aigu que d'habitude :
« Tu… » Oh. Non…. Cela commençait mal…. Et vu l’expression de ton visage je ne savais absolument pas quoi en déduire. Moi qui habituellement était si forte pour t’analyser j’étais pétrifiée moi-même par ma propre peur de l’avoir dit à haute voix. Après tout … Les personnes au courant se comptaient sur les doigts d’une main. T’avais-je déçu ? Allais-tu me crier dessus et dire que j’étais irresponsable ?
Les épaules encore plus relevées je tentais de me cacher comme je pouvais jusqu’à ce que je trouve enfin le courage de lever la tête vers toi pour y lire tes sentiments. Il était si rare que tu les laisses transparaitre de la sorte. Même ta voix trahissait ta surprise.
Quand à la réponse « Je vais être tonton ? » elle eut au moins le mérite de me faire sourire un peu et d’activer un hochement de la tête plutôt vigoureux de ma part. Mon secret été révélé, le voile était levé… Tu étais au courant de tout ou presque… Ne restait que la … question de la paternité.
-Oui…
Murmurais-je d’une petite voix en avançant vers toi, les lèvres pincées, ayant totalement abandonné mon histoire de préparation de chocolat chaud, de brique de lait et autre. Un pas ou deux me séparait de toi dorénavant, alors que… hésitante je venais prendre ta main dans mienne pour entrelacer nos doigts ensemble. Signe d’une tendre ultime chez moi.
-Deux fois ?
Osais-je dire pas très sure de moi quand au choc de savoir que tu n’allais pas devenir une fois tonton mais bel et bien deux fois alors que dans le creux de mon ventre je portais la vie … En double. Lentement, et avançant d’un pas, je tirais ta main pour venir la poser sur mon ventre, espérant que, tout comme Jean l’avait fait tu puisses ressentir quelque chose … Un frémissement ? Non. Une conscience ? Je n’en savais encore rien. A vrai dire, je ne savais pas vraiment comment cela fonctionnait…
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Raven, enceinte… Sa petite sœur, enceinte… Il avait du mal à y croire. C'était tellement improbable. Ils étaient pourtant professeurs dans un Institut, ils prenaient soin de jeunes tous les jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept… Mais des bébés… Mais donner la vie… Sa sœur, sa petite sœur, allait devenir mère. Il allait devenir tonton. Et qu'importe qu'ils ne soient pas liés par le sang. Ca n'avait jamais eu d'importance.
Bien évidemment, il se posait beaucoup de questions… Depuis quand était-elle enceinte ? Depuis quand le savait-elle ? Qui était au courant ? Est-ce qu'elle allait bien ? Est-ce qu'Erik était au courant ? L'enfant hériterait-il des pouvoirs de son père ou de sa mère, ou de tout autre chose ? Raven allait-elle toujours vouloir s'occuper des X-Men ? C'était potentiellement dangereux. Était-ce une fille ou un garçon ? N'était-ce pas trop tôt pour le savoir ? Comment allait-elle faire pour le suivi médical pendant la grossesse et après l'accouchement ? Est-ce qu'elle accoucherait à l'Institut ? Grands dieux, Hank, comment allait-il prendre la nouvelle ?
Toutes ces questions lui faisaient tourner la tête. Il fallait qu'il reste concentré, il ne devait pas céder à la tentation d'inonder la pauvre Raven de ces milliers de questions. Elle devait avoir déjà tant à gérer… Rien que cette annonce devait avoir été très compliquée pour elle. Il lui sourit lorsqu'elle s'approcha de lui et lui prit tendrement la main. Mais lorsqu'elle annonça la seconde nouvelle, le visage de Charles fut à nouveau marqué par la surprise.
« Deux fois ?? »
Des jumeaux… Médusé, il se laissa faire lorsqu'elle tira sa main vers elle et la posa sur son ventre. Il releva les yeux vers le visage de sa sœur et comprit qu'elle souhaitait qu'il perçoive ses enfants par lui-même. Était-ce seulement possible, à ce stade si peu avancé de leur existence ? Il n'en avait jamais fait l'expérience. Curieux, il ferma les yeux et se concentra sur le contact entre sa main et le ventre de Raven…
La première chose qu'il perçut fut les battements de cœur. Des battements rapides, irréguliers, doubles. Puis il discerna deux placentas, deux cordons. Puis deux petites formes, si petites, de quelques centimètres. Deux grosses têtes. Quatre petits pieds. Quatre petits bras. Des doigts et des orteils, pas encore complètement formés. Des toutes petites oreilles. Des tout petits nez. Des yeux, fermés. Deux petits corps fragiles, recroquevillés, endormis. Pas encore de consciences véritablement, mais deux présences.
Charles sentit de nouveau les larmes lui monter aux yeux et menacer de franchir ses paupières closes. Il sentit une douce chaleur envahir son corps. Il se sentait submergé par une émotion qu'il n'était plus habitué à ressentir, surtout ces derniers temps. Gardant les yeux fermés et la main posée sur le ventre de Raven, ses lèvres s'étirèrent en un sourire émerveillé alors qu'il commentait à voix basse, comme s'il ne voulait pas déranger les bébés :
« Je les sens… Je les vois… Oh, Raven… C'est merveilleux… Ils sont là, ils vivent, ils grandissent en toi… »
Murmurais-je d’une petite voix pas vraiment très très sûre de ce que j’annonçais… Même si … Tu avais l’air d’être content. Emu, heureux, et peut-être un peu paniqué également. Alors si toi tu l’étais, tu n’avais sans doute aucun mal à imaginer ma situation actuelle. Je savais bien que j’étais trop vieille pour avoir des enfants… Que l’on parlait même de grossesse gériatrique. Oui. Le mot m’enchantait vraiment lorsque je l’avais lu pour la première fois. Et que c’était risqué, mais … Je n’étais pas comme toutes les autres non ? Mon corps pouvait subir cette épreuve n’est-ce pas ?
Mes yeux plongés dans les tiens je cherchais à y lire des réponses. Des … Peut-être que Jean c’était trompée et que je n’étais pas enceinte mais j’en doutais vraiment. J’avais trop de symptômes.
Ma main chaude posée sur mon ventre, tes doigts sur ma peau. Je scrutais ton visage jusqu’à voir les larmes charger tes yeux, bien vite fermés pour ne pas te laisser aller alors que de mon côté des larmes rouler sur mes joues heureuse de partager enfin cette nouvelle avec toi. C’était comme si un poids en moins se trouvait sur mes épaules. Tu étais mon frère. Tu étais ma famille. Tu étais mon tout. Tu devais être au courant.
C’était trop d’émotions pour moi. Je fondais en larmes en venant m’assoir sur tes genoux de travers, en passant mes bras autour de ton cou, laissant ta main contre mon ventre venant pleurer dans le creux de ton cou.
-Je suis désolée Charles. Je ne pensais même pas pouvoir … Ca m’était jamais arrivé…
Je fermais les yeux, serrant mes doigts derrière ta nuque ayant besoin d’un calin de réconfort de la part de mon frère. Je savais que ce n’était pas une période facile pour toi, et que j’allais surement te rajouter des tracas et des ennuis.
-Tu n’avais pas besoin que je t’ajoute cela comme souci mais je ne pouvais pas le garder secret plus longtemps…
Je serrais ta chemise immaculée d’une main, en me faisant toute petite contre toi, comme si je cherchais à redevenir les deux jeunes enfants innocents et insouciants que nous étions lorsque nous nous étions connus dans cette même cuisine.
-Je ne sais pas si je vais réussir toute seule Charles …
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Charles se sentait pris de vertige, mais dans le bon sens du terme. En percevant ces deux embryons de vie dans le ventre de Raven, il avait l'impression de flotter sur un petit nuage. C'était comme si tous ses soucis, tous ses ennuis qui le tourmentaient tant jour et nuit s'étaient subitement évaporés, et qu'il ne restait plus qu'une seule pensée, incroyable et fabuleuse : sa petite sœur allait devenir mère.
Cet instant de rêverie se dissipa néanmoins lorsqu'il entendit Raven fondre en larmes et qu'elle vint se lover contre lui, en bredouillant qu'elle était désolée. Quoi ? Mais pourquoi ? Il prit subitement conscience que dans toutes les questions qui lui étaient venues à l'esprit, il en était une qu'il ne s'était pas posée : est-ce qu'elle était heureuse d'être enceinte ?
Il la serra fort contre lui, alors qu'il réfléchissait aux mots justes pour la réconforter. Les paroles qui sortaient de la bouche de sa sœur trahissaient un profond mal-être qui lui paraissait pourtant absurde. Pourquoi cela serait-il un souci ? Tendrement, il passa sa main dans ses longs cheveux blonds et lui répondit avec beaucoup de douceur :
« Mais qu'est-ce que tu racontes, voyons… C'est une merveilleuse nouvelle… »
Enfin, ça l'était de son point de vue. Mais elle, qu'est-ce qu'elle en pensait ? Il avait peur de la réponse, et pourtant il allait bien falloir qu'il lui pose la question. Comme il ne se voyait absolument pas lui demander de but en blanc si elle comptait les garder, car c'était une possibilité qu'il n'avait pas même envisagée de prime abord, il préféra opter pour une approche plus réconfortante.
« Ecoute Raven, je comprends que ça puisse t'effrayer… Mais tu n'es pas seule, je suis là. Dis-moi, qu'est-ce qui t'inquiète ? »
Il avait bien quelques idées sur la question, mais il préférait ne pas présumer des craintes de Raven. Après tout, c'était elle qui portait cette responsabilité, c'était sa vie qui allait être complètement chamboulée d'ici quelques mois. Il se plaçait donc en confident attentionné, et se tenait prêt à dissiper ses inquiétudes.
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