[Terminé] Faire un tour sur la grande roue

Vendredi 7 Juin – Bar WRH

J’étais de service ce soir mais j’aurais largement préféré ne pas venir. J’avais eu une mission pour Hydra relativement compliqué qui m’avait pris deux jours et j’étais clairement trop fatiguer pour faire quoi que ce soit. Mais visiblement, ce n’était pas au goût de tous puisque Charlie ne me laissa pas le choix et m’imposa de travailler. Comme souvent, j’avais acquiescé en silence avant de m’habiller pour le service. Après à peine 2h de va et vient entre le bar et les tables pour prendre et distribuer les commandes, je me place à côté d’un homme qui attend également sa commande au bar. Reconnaissant Ezekiel, un client fidèle que je trouve sympa et drôle, je lui souris poliment avant de reprendre ma place pour recevoir ma commande.

Ezekiel est un jeune homme qui avait tenté une fois de me séduire en faisant une blague légèrement douteuse. La blague passé, je l’avais gentiment remis à sa place, précisant qu’il ne se passerait rien entre nous et il l’avait très bien compris. Mais il avait ce don bien à lui. Ce petit don de me faire sourire, même une seconde, en me disant quelques mots quand je travaillais. C’était toujours plaisant de pouvoir sourire sincèrement même si cela ne durait que quelques instants dans ma journée. Alors lorsque je croisais son regard, je lui adresse dans la foulée un signe de tête pour lui dire bonsoir.

Je repars à mes occupations et le temps file plus rapidement que je ne l’aurais cru mais je suis de plus en plus fatiguée et agacée par les remarques déplacées des clients et les tentatives de me toucher les fesses ou les seins. Cet endroit me fait vraiment flipper par moment, j’ai l’impression d’être de la chair à pâté pour des hommes en chien, ne cherchant que les faveurs d’une femme pour la nuit.
Il est presque 0h30 lorsque mon service se termine. Je me dirige vers le bar pour signaler mon départ à la barmaid qui m’y autorise. Mais un client trop oppressant ne l’entend pas de cette oreille, il m’attrape par le bras et me colle contre lui. Il sent l’alcool et la transpiration et je ne peux réprimer une expression de dégout lorsqu’il est proche de moi. Visiblement cela ne lui plait pas. Je le repousse gentiment parce que la politique de la maison n’autorise pas à frapper les clients mais ce n’est clairement pas l’envie qui m’en manque.

Finalement c’est le videur du bar qui m’en débarrasse et j’en suis soulagée. Alors que la barmaid me sert un verre de jus de fruits avant que je parte, je sens une présence à mes côtés. Alors que je me retourne, je vois qu’Ezekiel a la main sur mon épaule et qu’il s’apprête à me parler.

La présence d’Ezekiel me conforte dans l’idée que je dois donner une mauvaise image de moi-même. Je savais que j’étais quand même une personne forte mais par moment je me sens si faible, si futile et si naive. Je n’aimais pas voir celle que je pouvais devenir lorsque l’on ne me laissait pas être moi-même. Les règles de Charlie au bar font que je ne peux pas rembarrer les personnes qui le méritent et les règles d’Hydra m’ont inculqué d’être belle mais silencieuse, ce qu’avec le temps je suis devenue, telle une poupée de chiffon que l’on aurait façonnée au fil du temps. Je ne me reconnais pas vraiment dans la personne que je suis et je semble alors perdue lorsque je constate que la main d’Ezekiel est sur mon épaule. Il me demande si tout va bien mais, lorsque je relève les yeux vers lui, je sens bien que je ne serais pas honnête avec lui en lui répondant que je vais bien. A la place je reste donc silencieuse en souriant faiblement. Le surnom de petit oiseau qu’il m’accorde me donne le sentiment d’être apprécié d’une part et d’être une fois de plus vu comme une personne faible d’autre part.

Mes yeux restent sur cet homme qui semble s’inquiéter de mon état alors que la barmaid s’avance vers nous pour parler à ma place :

“Elle n’a pas eu la meilleure des soirées disons cela comme ça.”

A ses mots, je baisse les yeux sur le comptoir et mon verre. Mon sourire s’efface de mon visage alors que je repense à ces derniers jours… Rares sont finalement les bonnes journées et les bonnes soirées… La dernière remonte à mes retrouvailles avec Bucky et finalement cela fait déjà une vingtaine de jours. Rares sont les bons moments dans ma vie mais peut-être que je suis destinée à avoir ce genre d’existence… Faiblement je  n’ose plus regarder Ezekiel en répondant :

“Rares sont les bons moments…”

Je n’avais rien de plus à ajouter et puis même si Ezekiel avait ce petit don pour me redonner le sourire, il lui faudrait une bonne dose de bonne humeur et de joie pour réussir cet exploit pour la soirée. Après plusieurs secondes, je relève les yeux vers Ezekiel, il semble vraiment s’inquiéter pour moi et je me dis qu’il faudrait que je le rassure. Plongeant mon regard dans le sien, je pose, dans le même temps, ma main sur la sienne alors que mes pensées se verbalisent :

“J’ai connu pire ne t’en fais pas.”

La compassion que pouvait ressentir Ezekiel à mon égard était à la fois apaisante et appréciable. Il était toujours prévenant avec moi mais aujourd’hui il était légèrement plus. A la fois inquiet et attendrissant, il continuait de me regarder et cela même si je lui avais dit que j’avais déjà vu pire comme situation. Je ne sais pas pourquoi mais j’imaginais que dans son esprit il se creusait les méninges pour trouver une solution et me faire retrouver le sourire. A cette pensée, je baissais les yeux un instant pour songer que ma soirée ne se terminerait peut-être pas ainsi, seule et déprimée. Peut-être qu’Ezekiel était là justement pour me changer les idées et rendre ma soirée plus belle que jamais. Je ne savais pas pourquoi j’avais ce genre de pensées mais elles étaient rassurantes.

Finalement nous étions restés ainsi l’un à côté de l’autre en silence avant que cela soit lui qui brise la glace en laissant planer le doute. Il se redressa et je le suivit du regard alors qu’il me prenait la main avec délicatesse comme si j’étais faite de porcelaine. Naturellement je croisais mes doigts au siens alors que son regard plongeait dans le mien. Il me demandait de lui faire confiance. Pour toute réponse, un sourire se forma sur mes lèvres alors que ma tête oscillait doucement de haut en bas pour lui signifier que oui je lui faisais confiance.

Est-ce que j’étais méfiante au fond de moi? Bien sûr que oui. Avec le métier que je faisais et l’organisation à laquelle j’étais rattachée j’étais bien obligée d’être méfiante de tout le monde et de craindre des agissements de chacun… Pourtant Ezekiel était une des rares personnes avec lesquelles je me sentais bien. Un des rares qui avait réussi à m’apprivoiser.

Les secondes suivantes, nous n’étions plus dans le bar du Bronx mais au beau milieu d’une fête foraine. Entre la surprise et l’inconfort de mon estomac je ne savais pas vraiment comment réagir. Alors qu’Ezekiel lâchait doucement ma main, elle se posa directement sur mon ventre pour tenter de l’apaiser alors que mes yeux en prenaient plein la vue.

Des lumières de toutes les couleurs, un bruit festif de fête foraine avec des enfants qui courent partout, une odeur de nourriture qui n’avait rien de saine mais qui donne terriblement envie , j’eus la confirmation de notre destination à travers les lèvres de celui qui m’avait amené ici. Nous étions à Paris. La ville des lumières portait tellement bien son nom ici et maintenant. Mes yeux s’écarquillaient alors que mes lèvres s’étiraient tant la surprise fut belle. Progressivement, mes mains se rejoignaient pour se placer devant ma bouche l’une contre l’autre. Comme si je priais silencieusement pour que cela soit vraiment en train de se produire.

L’espace d’une seconde, je songeai à Hydra qui allait sûrement perdre ma trace pendant quelques heures mais tant pis, je m’en fichais royalement. La joie revint à mon esprit et je croisais alors le regard d’Ezekiel qui avait l’air d’attendre une quelconque réaction de ma part. La seconde suivante, je sautillais sur place, un petit cri d’excitation confirmant ma joie alors que je sautais dans les bras de celui qui m’avait permis de voyager en un éclair.

“Merciiiii…”

Mes bras frêles s’enroulaient alors autour de son cou mais je ne restais pas longtemps accrochée à lui. Progressivement je me replaçais devant lui en gardant une main sur son épaule comme pour me tenir en cas de chute.
Regardant autour de nous, je voulais aussitôt commencer les hostilités. Baissant ma main de son épaule à sa propre main, je croisais mes doigts entre les siens avant de partir en direction d’un manège à sensation. Mais alors que nous étions dans la file d’attente, je songeais à un problème de taille :

“Tu as de l’argent de ce pays pour payer les attractions?”

Je le savais pertinemment, Ezekiel était un voleur hors pair et si argent il avait, il n’avait probablement pas été obtenu de façon honnête. Même si je voudrais cesser toute activité criminelle, ce soir je m’en fichais totalement.

Lorsque parfois je réfléchis à ce qu’est ma vie passée, actuelle et future, je ne vois que très peu de lumière. Par le passé, j’ai toujours été enfermée et disciplinée par Hydra. Actuellement, je suis entre deux feux et j’ignore si je verrais le bout de tout cela. Mon futur est sombre et incertain, une part de moi songe au fait qu’Hydra ne me laissera jamais en paix, je ne pourrais jamais être totalement libre. Alors ce genre de surprises, ce genre d'aventures, cela met un peu de lumière, un peu de liberté dans toute cette vie morne et dangereuse.

Si Ezekiel semblait en proie au doute quant à ma réaction, je l’ai tout de suite soutenu en le remerciant chaleureusement avant de lui répondre avec un immense sourire lorsqu’il me demandait mon avis pour confirmer sa bonne décision. Je n’avais nul besoin de lui redire encore et encore que j’étais ravie parce que j’étais certaine que cela se verrait sur mon visage enthousiaste et émerveillé par toute cette agitation et ces couleurs. Une véritable fête foraine… C’était le genre de chose que je n'avais vu que de loin et qui me faisait rêver. Sans le savoir Ezekiel venait de le réaliser. C’était sûrement pour cela que j’étais si excitée à l’idée d’être ici. Dans la ferveur de l’instant, je l’avais donc entraîné dans la file d’un des manèges avant de me rendre compte que nous n’avions pas le bon argent. Ma remarque fut pertinente mais il semblait avoir une idée. Je le laissais agir alors qu’il s’éloignait.

Le temps où je me suis retrouvée toute seule, j’ai pris tout de même le temps de prendre mon téléphone pour voir si jamais un message où un appel. Aucun des deux et je soupirais de soulagement en fermant un instant les yeux pour respirer et songer au fait que j’allais peut-être pouvoir profiter de ma soirée. La tête légèrement en arrière, je sentis à nouveau une présence derrière moi. Alors que je rouvre les yeux en regardant autour de moi, je constate qu’Ezekiel est revenu et mon sourire compliqua s’agrandit alors que je vois la rose qui se pose dans ma main. Mon regard alterna entre la fleur qui avait pris possession de ma main et le visage fier et heureux d’Ezekiel.

“Merci beaucoup.”

Je fermais à nouveau les yeux un instant en humant l’odeur de la rose - à défaut de sentir sa douceur sous mes doigts - et puis j’entendis la question de celui qui m’avait offert ce voyage express. Je reste silencieuse encore quelques secondes pour profiter du moment. Je ne voulais pas lui mentir mais il ne m’était pas possible non plus de lui dire toute la vérité alors je me contenta de tourner autour du pot :

“A Paris? Non je suis déjà venue mais en revanche je n’ai pas eu le temps de visiter. Par contre c’est ma première fête foraine…”

A la fois fière d’être là et honteuse de n’avoir encore jamais fait ce genre d’activités je baissais doucement la tête en gardant mon sourire légèrement triste. Et puis je lui confessais avec tranquillité :

“Tu ne sais pas à quel point être ici peut me changer les idées… Merci vraiment...”

La file d’attente avançait rapidement et finalement je me retrouvais bien vite dans le manège avec Eze à mes côtés. Le harnais s’abaissait alors que mon stress montait. Une douce euphorie s’emparait alors de moi lorsque le manège commençait à s’élever et que mes pieds se retrouvaient dans le vide. Voulant regarder Ezekiel à côté de moi je me rendis alors compte que ma main trouva la sienne rapidement pour avoir un soutien :

“Euh je t’ai dit que c’était également mon premier manège à sensation?”

Je n'eus pas le loisirs d'entendre la réponse d'Eze que le manège tournoyait déjà... Mes yeux s'écarquillaient, accueillant cette sensation nouvelle qui me plaisait en même temps qu'elle me terrifiait.

Comment se sentir à l’aise lorsque l’on avoue à quelqu’un que l’on a jamais vraiment eu une vie correcte jusqu’à présent? Je n’étais pas fière de moi lorsque je disais donc à Eze que je n’avais jamais vraiment été dans une fête foraine, ni même en voyage de loisirs. Je ne savais pas vraiment de quoi j’avais honte mais c’était le sentiment que je ressentais. Alors que je baissais les yeux, mon voyageur express saisit alors mon menton pour me relever le visage et le diriger vers lui. Je plongeai alors mon regard dans le sien, penaude mais il me rassura instantanément. Il semblait ravi d’être à mes côtés et je ressentais sa sincérité, ce qui me fit retrouver un sourire timide.

J’étais en bonne compagnie à ses côtés certes, mais une part de moi songeait à ce que j’allais retrouver en revenant sur la Grosse Pomme. Je ne devais pas me faire d’illusions, ce genre de vie et ce genre de divertissement serait et resterait toujours passager. Si j'avais un peu d’espoir depuis que j’avais revu Bucky, je n’étais pas certaine que cela changerait quoi que ce soit pour l’instant. Surtout que j’avais eu des échos comme quoi une des Avengers était passée à l’ennemi ; Hydra est une source d’informations incroyable. J’imaginais facilement que Barnes avait d’autres affaires plus urgentes et je ne voulais pas être un fardeau pour lui. Alors je continuais mon bonhomme de chemin, restant tantôt réservée et timide pour passer le plus inaperçue possible et étant tantôt rebelle et revêche quant aux missions d’Hydra que je refusais de faire.

En cet instant, en ce lieu, je restais silencieuse jusqu’à ce que l’on s’installe dans le manège. Je ne me voyais pas lui raconter toute ma vie, tout comme je ne savais rien de la sienne. Si l’on aurait pu décrire notre relation, nous étions jusqu’à présent deux inconnus l’un pour l’autre. Pourtant, je retrouvais bien rapidement la main d’Eze comme pour me rassurer. Ce geste n’était aucunement intéressé hormis chercher en ce contact un peu de réconfort. Ses doigts s'entremêlent aux miens me firent sourire doucement avant d’avouer mon baptême de manège à sensation…

Je n’aurais pas pu déterminer avec exactitude quelle fut la durée de l’attraction. J’en avais savouré chaque seconde, le sourire aux lèvres et ma main serrant celle de celui qui à coup sûr était en train de devenir peu à peu un ami plutôt qu’un inconnu. Le manège s’arrêta progressivement et je retrouvais mes esprits alors que ma main crispais tenait encore celle d’Ezéchiel. Le sourire euphorique aux lèvres, j’eus un petit rire quand le jeune homme fit la remarque par rapport à sa chaussure.

Une fois revenue sur la terre ferme, je m’arrêtais quelques instants pour observer la foule alors que ma tête tournait encore un peu. Ezéchiel me demandait alors la suite du programme mais je l’ignorais tout simplement. Et puis une attraction m'intriguait alors. Au milieu de tous ces manèges colorés et bruyants, il y avait une sorte de maison un peu glaude et sombre. La devanture à l’apparence malveillante me fit avoir un léger frisson avant de demander avec curiosité :

“Qu’est-ce que c’est que cette attraction? Si cela en est vraiment une.”

A la fois intriguée et curieuse, je jetais sur la fausse maison “hantée” un regard étrange comme si j’allais être surprise une fois à l’intérieur. Mais autant me laisser guider par celui qui m’avait amener ici :

“Tu crois qu’on peux y aller?”