[Terminé] Houston, we have a problem × ft. Raven & Jean

Enceinte. Le mot tant redouté avait été finalement lancé à défaut de pouvoir masquer la vérité qu’il contenait, quand bien même il révulsait d’horreur la principale concernée : le déni filait dans ses yeux comme une maladie incurable, dont elle ne voulait pas se débarrasser. Peut-être était-ce plus confortable de croire que le test de grossesse se trompait sur les rondeurs cachés de son ventre abritant la vie ? Jean, quelque peu dépassée par le désespoir de sa réaction exacerbée par l’irrationalité, s’était contentée de la regarder sans même savoir quoi faire pour l’aider. Devait-elle l’encourager dans son déni ? Lui marteler la vérité jusqu’à ne puisse plus la nier ?

« Raven… »

Avait-elle murmuré tandis que sa professeure, piquée au vif par une angoisse sans précédent, détruisait le carton de tests de grossesse en laissant apparaître des auréoles bleutées sur tout son corps, signe qu’elle perdait le contrôle. Et comment ne pas perdre le contrôle ? Par vagues, Jean entrevoyait presque les sentiments furibonds qui secouaient le coeur de la blonde et, pour ne pas se laisser envahir à son tour par l’angoisse, la rouquine avait fermé les yeux quelques secondes tout en soufflant lentement par la bouche, essayant ainsi de rester la plus calme des deux. Il fallait qu’elle reste calme et lucide pour aider Raven, rien d’autre ne comptait en cet instant.
Mordillant le coin de sa lèvre, la télépathe avait un instant hésité à s’introduire dans l’esprit de son amie pour la calmer, mais l’élan, dans pareille situation, paraissait bien cruelle : elle souffrait déjà suffisamment pour qu’on lui évite d’être en plus une marionnette entre les doigts d’une jeune fille. Préférant alors s’activer à l’aider dans sa tâche, Jean avait déchiré quelques cartons pour lui tendre les tests contenus à l’intérieur, se disant qu’il lui faudrait peut-être ça pour comprendre que c’était bel et bien la vérité… Il n’y avait aucun moyen d’échapper à la présente vérité, mais l’avenir de cette grossesse inattendue lui appartenait pleinement.

Tandis que la jolie blonde s’échappait dans la salle de bain dans un vacarme irrité, Jean s’était assise au bord du lit en soupirant à nouveau, pétrie d’une nervosité qui ne lui appartenait pas. Les mains posées sur les cuisses, l’esprit cogitant à une allure phénoménale, elle avait patiemment attendu que Raven ressorte de la salle de bain avec tous les nouveaux tests de grossesse, qui s’échouèrent à côté du premier.

Il fallait attendre.
Et attendre n’avait jamais été plus compliqué qu’en cet instant.

N’osant s’approcher de la silhouette frêle qui faisait les cent pas face à elle, Jean avait croqué sa lèvre inférieure tout en pressant ses mains sur le rebord du lit, ses yeux jetant des oeillades inquiètes vers les tests qui étaient presque à ses pieds. Ainsi, elle serait peut-être la première voir la vérité… Et elle devait réfléchir à comment l’annoncer à Raven. Elle craignait le pire.
Peut-être pour patienter, Raven s’était mise à parler en expliquant qu’il y avait deux possibilités pour le père de son enfant : Erik et Peter. Peter Quill, le gardien de la galaxie, celui qu’elle avait rencontré quelques semaines auparavant en retrouvant Raven… Elle comprenait mieux, à présent, pourquoi il avait participé à son sauvetage. Et quand bien même elle ne le connaissait pas, la rouquine espérait secrètement qu’il soit le véritable père de cet enfant, et non pas Magnéto. N’importe qui était une meilleure option que ce mutant qui prétend vouloir aider ses semblables tout en donnant une piètre image d’eux.

« Je vois… C’est pour ça qu’il est venu nous aider à te ramener à la raison. »

Réfléchissant à voix haute, Jean lui avait adressé un sourire portant une tendresse infinie, qui n’affichait aucun jugement : quand bien même Raven ignorait qui était le véritable père de son enfant, la rouquine ne lui allouait aucune image mauvaise ou débauchée, car elle était libre de faire ce qui lui plaisait avec qui elle voulait. Pour la jeune femme, Raven était toujours un modèle et une femme honorable, et ses histoires d’amour ne pouvaient la desservir.
Se levant finalement du lit, Jean avait fait quelques pas vers la blonde pour prendre ses mains dans les siennes, lui disant alors :

« Tu n’as aucune raison d’avoir honte, Raven. Je ne te juge pas, et je ne le ferai jamais. Tâchons de faire les choses dans le bon ordre, sinon tu vas te sentir dépassée et… Dans ton état, le stress n’est pas bon… »

Lançant un regard dans son dos, Jean avait aperçu, non sans effroi, que tous les tests affichaient le même résultat : Raven était indéniablement enceinte, le doute n’était plus permis. Mais comment lui dire ? Il n’y avait pas d’autres choix. Il fallait qu’elle prenne conscience de la situation et Jean comptait être là pour la soutenir si elle en avait besoin.
Lâchant l’une de ses mains, Jean s’était décalée sur le côté pour lui laisser le loisir de voir les tests de grossesses qui décriaient une vérité absolue : son ventre portait la vie.
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« Je suis amoureuse de lui Jean »

Voilà un aveu qui sonnait comme une faiblesse, comme une ombre interdite venue voiler la courbe de ses lèvres tremblantes ; Raven confessait un sentiment doucereux telle une formule de péché coupable et, un instant, Jean avait légèrement froncé ses sourcils tout en penchant son menton sur le côté, intriguée. L’amour, elle n’en connaissait que le nom : l’orpheline avait perdu ses parents trop tôt pour se souvenir de leur étreinte aimante, et la jeune adulte qu’elle était à présent n’avait jamais expérimenté cet amour passionnel qui lie deux êtres se découvrant et s’apprivoisant au gré du temps, alors elle en avait une vision assez trouble. Mais si elle ne pouvait pas prétendre comprendre parfaitement ce qu’éprouvait son professeur d’histoire, au moins savait-elle que l’amour n’est jamais honteux : les sentiments ne se contrôlent pas, et ils ne peuvent en rien être l’objet d’une quelconque accusation.
Prenant les mains de Raven dans les siennes, comme pour lui témoigner une nouvelle fois son soutien indéfectible, la rousse avait mordillé le coin de sa lèvre avant de prendre enfin la parole, d’une voix qui se voulait douce et rassurante :

« Et je pense qu’il t’aime aussi, sinon il ne serait pas venu pour t’aider… »

Mais si ce point était largement évident, le véritable problème potentiel n’échappait pas non plus à la jeune innocente qu’elle était : Peter était-il le père de l’enfant ? Ou s’agissait-il d’Erik ? Sans même sonder l’esprit de la belle à la peau bleue, Jean savait que Raven se posait également cette question, tout en redoutant ardemment la réponse.

Un peu maladroitement, d’une volonté toujours affectueuse de lui porter remède, la rouquine avait repris la parole en parlant à toute vitesse, en espérant peut-être que ses mots trouvent écho dans l’esprit de la jolie blonde pour l’apaiser et lui redonner un peu d’espoir pour l’avenir :

« Tu n’as pas à avoir honte de ce qu’il s’est passé avec Erik ! Tu n’étais pas toi-même et tout le monde le sait, même Peter… Il était présent, il a vu comme ton esprit avait été gangréné par la Sorcière Rouge. Alors même si… Même si c’est Magnéto le père, il comprendra, j’en suis sûre… »

En était-elle vraiment sûre ? Avec l’innocence de ses dix-neuf ans, Jean l’était. Avec la naïveté de son esprit encore tapissé par la bienveillance et la tolérance, Jean pensait sincèrement que Peter essuierait l’infidélité de Raven en comprenant les circonstances entourant ses agissements ; il n’y avait pas de responsable dans cette histoire, personne à blâmer. Seulement des victimes.

Lui adressant un léger sourire chaleureux suite à ces mots, Jean l’avait néanmoins perdu lorsqu’elle avait entendu Raven lui demander de confirmer sa grossesse… Elle n’avait jamais fait une chose pareille ! En était-elle seulement capable ? Pouvait-elle ressentir la présence d’un foetus dans le ventre d’une autre personne ? Ses lèvres s’espaçant de quelques degrés sans qu’elle ne prenne la parole, elle l’avait laissée guider sa main jusqu’à ce que sa paume recouvre son nombril à travers le tissu de son t-shirt, un peu désarçonnée par cette demande.

« Euh… Je ne sais pas si… »

Malgré ses nombreuses réticences, face à la mine désespérée et suppliante de celle qui était presque une grande soeur pour elle, Jean n’avait pu s’en détourner. Elle n’était pas sûre d’être en capacité de pressentir la vie dans son berceau originel, mais acceptait au moins d’essayer pour aider la belle blonde : hochant légèrement son menton de haut en bas, la rouquine avait soufflé par la bouche avant de fermer les yeux, ses sourcils se crispant alors dans une expression de concentration intense.

De sa paume à ses oreilles, les bruits autour d’elle disparurent presque aussitôt : elle n’entendait plus les voitures au-dehors, ni les voix portant en contre-bas sur le parking, et encore moins la respiration altérée de Raven. C’était étrange. Elle entendit d’abord un coeur affolé, dont les battements intrépides donnaient l’impression qu’on martelait un tambour prêt à rompre puis, croisant quelques bulles et sons indéchiffrables, elle découvrit la présence tant redoutée… Cachés, blottis dans le sein d’une vie qui s’éveille à peine, comme une fleur sur le point d’éclore, ils étaient là. Elle ressentait leur présence secrète, leur conscience endormie, le sursaut de leur coeur en train de se former et la ligne recroquevillée de leurs corps inachevés.
Sans qu’elle ne s’en rende compte, un sourire béat s’était formé sur ses lèvres et, lorsqu’elle ouvrit les yeux, une larme avait perlé de ses longs cils pour glisser le long de sa joue pâle, tant elle était saisie d’une émotion aussi émouvante que puissante. Parfois, sa mutation était une véritable bénédiction.

« Oui, tu es enceinte Raven… Ils sont là, ils sont en train de grandir, c’est magnifique ce qui se passe en toi… »

Elle avait parlé avec un coeur inouïe de tendresse, sans même se rendre compte qu’elle délivrait une information cruciale sur la grossesse de Raven…
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Des sentiments inégales se soulevaient dans le coeur de la belle blonde, qui oscillait entre le déni et l’angoisse ; drôle d’achèvement pour cette femme à l’allure affirmée, au caractère féroce et à l’esprit affuté. Elle était indéniablement de ceux qui surpassent le commun des mortels, qui jouissent d’une vie frivole sous les regards envieux, car la liberté était une force dont elle s’était armée, et qui dictait sa vie sans faux-semblant : un modèle assurément, une admirable personne qui se retrouvait piétinée par les jouxtes du destin, et dont les courbes s’étiolaient sous l’oeil attentif de son élève, devenue amie. Elle la tenait par la main comme pour l’empêcher de sombrer, soutenait son regard en lui murmurant, dans un silence tendre, des mots qu’elle ne pouvait pas encore entendre : tout ira bien, c’est certain, fais-moi confiance, je tiens ta main. Mais l’entendais-tu ?

La paternité de l’enfant se posant comme un mystère que même l’esprit de Jean ne pouvait résoudre, la rouquine avait pressé ses lèvres l’une contre l’autre tout en hochant promptement son menton de gauche à droite, désireuse de faire taire les ignobles pensées tortueuses qui semaient le trouble dans l’esprit de la belle blonde :

« Bien sûr que si ! Sinon pourquoi serait-il venu, ce jour-là ? Il t’aime, c’est certain… Fais lui confiance, il saura faire la part des choses même si… »

Même s’il n’est pas le père semblait être une sentence bien trop cruelle à prononcer, si bien que l’innocente avait gardé le silence, se contentant d’arquer l’un de ses sourcils comme pour faire diversion et paraître certaine des mots qu’elle venait de prononcer. Elle, ne pouvait pas se permettre de vaciller, elle était le pilier qui maintenant la malheureuse sur ses deux jambes, quand bien même celle-ci avait failli vaciller en apprenant qu’elle portait deux berceaux à peine éveillés : d’une voix à peine audible, tandis que des larmes éperdues glissaient sur ses joues aussi tristement que l’écume se dépose sur le sable blanc, Raven avait posé la question qui l’effrayait tant : des jumeaux ? Est-ce que cela changeait réellement la situation ? Est-ce que cette grossesse était davantage un drame maintenant qu’il y avait deux âmes à chérir dans la grotte de son ventre encore plat ? Jean, tout en se maudissant intérieurement pour avoir trahi cette information cruciale aussi tôt, avait mordu le coin de sa lèvre tout en jetant un rapide coup d’oeil vers la main pétrie que son amie tenait, ne mimant point une expression de douleur quant à l’étreinte crispée de celle-ci. Il n’y avait nullement besoin d’en rajouter ; Raven était bien assez attaquée par les remous de son angoisse affamée.

Après quelques secondes d’un silence lourd, la jeune femme avait enfin délié sa langue pour avouer une vérité déjà énoncée, qui ne faisait que confirmer les nouvelles craintes de la blonde :

« Oui… Oui, Raven. Tu vas avoir des jumeaux… »

Sans même entendre les dernières syllabes, la malheureuse avait pu sentir que ses jambes se dérobaient à son équilibre pour la faire chuter sous le poids de l’émotion, manquant de justesse de se cogner contre la table de chevet ; d’un geste mécanique de la main, Jean avait déplacé le meuble en question de quelques degrés pour lui éviter de se blesser contre le rebord de celui-ci, l’autre tenant toujours celle de Raven. À son tour affolée, la rousse s’était agenouillée près de son amie en ouvrant de grands yeux, ces derniers ne cessant de parcourir son corps comme pour s’assurer qu’elle ne souffrait d’aucun mal.

« Mon dieu, Raven ! Est-ce que tout va bien ? Tu t’es blessée ? Tu veux quelque chose à boire ? »

Pensant que quelque chose de sucrée lui ferait du bien, la jeune femme s’était levée d’un bond pour foncer vers le mini-bar, décapsulant une canette de soda à la vitesse de l’éclair pour la ramener vers la blonde, le visage réellement soucieux. Il fallait espérer que ce ne soit rien de grave…
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Son coeur s’affolait à tout rompre dans sa poitrine, signe que l’affection qu’elle portait à cette femme, son aînée de plus de vingt ans, était semblable à celle de deux soeurs liées par un fil indestructible : en la voyant ouvrir les yeux, bien que de manière vague, Jean avait soufflé avec soulagement tout en souriant lentement, peut-être pour se rassurer elle-même sur l’état de son amie. Raven était toujours consciente et indemne, du moins, la table de chevet sur le chemin de sa chute avait été suffisamment éloignée de son crâne pour ne pas lui causer de blessures supplémentaires, en plus de la plaie mentale qu’elle portait en cet instant ; le choc de sa grossesse inattendue, et gémellaire de surcroit, lui affublait une telle angoisse que Jean se sentait elle-même stressée par toute cette histoire, qui ne la concernait que trop peu mais qu’elles allaient devoir porter ensemble à présent.

L’ayant quittée quelques instants pour aller chercher un soda dans le mini-bar de la petite chambre d’hôtel, la rouquine était rapidement revenue auprès de la blonde en décapsulant le soda sucré, lui tendant la canette pour qu’elle en boive quelques gorgées, au cas où le sucre dans son sang venait encore à baisser. Jean n’était pas spécialement portée sur la médecine mais c’était une notion élémentaire qu’elle connaissait fort bien et, peut-être espérait-elle que cette boisson douce lui permettrait de se remettre un peu de ses émotions, qu’on devinait vives.

Ne se doutant pas un seul instant des cheminements tortueux qui se dessinaient dans l’ombre de son esprit, quant à l’avenir de ces enfants encore sommeillants dans son ventre plat, qui mais allait très certainement s’arrondir de jour en jour… Seulement si elle décidait de les garder… Est-ce qu’elle comptait le faire ? Est-ce qu’elle souhaitait avorter ? Les confier à une autre famille ? Quoique Raven décide, Jean était bien décidée à l’accompagner et à la soutenir.
Étant restée également silencieuse tout ce temps, ce fut seulement lorsque Raven ouvrit de nouveau la bouche que Jean redressa son menton en se positionnant face à elle, assise en tailleur sur le grand tapis qui bordait les pieds du grand lit soigneusement fait. Comme elle s’y attendait, Raven lui demandait de garder le secret et plus particulièrement avec Charles… Pourquoi la blonde ne voulait pas confier cette nouvelle si importante à celui qui était son frère ? Craignait-elle qu’il réagisse mal au fait qu’elle soit enceinte ? Les lèvres entrouvertes mais muettes, la rouquine avait finalement vaguement haussé ses épaules tout en hochant son visage de haut en bas, lui répondant enfin d’une voix claire :

« Je ferai ce que tu veux, Raven… Je ne lui dirai rien, je te le promets. Tu peux compter sur moi. »

Devait-elle encore lui démontrer qu’elle était digne de confiance ? Mais si Jean ne comptait pas révéler ce grand secret à Charles, la télépathe songeait toutefois à rassurer Raven sur la potentielle réaction de celui-ci, en affirmant, d’une voix plus hésitante :

« Mais, tu sais… Je ne pense pas qu’il réagirait mal. Au contraire. Peut-être voudrait-il t’aider, et il le ferait sans doute mieux que moi… »

Après tout, Jean n’était pas réellement la complice idéale, elle qui ne connaissait rien des grandes choses de la vie, qui n’avait aucune expérience amoureuse et qui venait à peine de terminer ses études à l’Institut. Tordant sa bouche dans un demi sourire qui avait des allures de grimace, elle avait apporté une main dans ses cheveux roux pour les repousser en arrière, en essayant de faire un peu le tri dans ses pensées. Il fallait vraiment qu’elle se calme.

Après quelques minutes de silence, Jean avait posé son regard sur Raven tout en reprenant la parole, véritablement inquiète de l’état de celle-ci :

« Si jamais tu as besoin de quelque chose, n’hésite pas… Je suis là pour toi. Et je serai là chaque fois que tu auras besoin de moi. »
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