TARD DANS LA NUIT DU 16 MAI 2024 AVEC HECTOR MESSNER

Sur toute cette désolation régnait une suprême rage mêlée à de la lassitude : juste une nuit vermeille qui commençait et un morne jour de plus qui finissait. Sans but, sans saveur, sans couleur. Glissant sa main abîmée aux jointures sous son nez éraflé, il avait essuyé le sang perfide qui coulait de sa narine tout en déglutissant avec grande difficulté, car son adversaire avait tantôt essayé de l'étrangler... Il en garderait probablement de vilaines marques durant quelques jours, mais rien de suffisant pour le faire renoncer à ces combats de rue clandestins. Un vertige avait pourtant asséné son esprit avant qu'il ne pose ses yeux hagards sur l'homme qu'il venait d'affronter, et qui se trouvait dans un état encore plus lamentable que lui. Il avait regardé les gueules cassées autour de lui, en sachant pertinemment que la sienne était pareille, sinon pire. Des figures vidées de leur sang, des mines pincées, enragées, paumées.

Ils étaient environ une vingtaine à s'être rassemblés dans ce hangar désaffecté du Bronx, et pour ces affrontements improvisés, il n'y avait ni confidence ni lois : personne ne donnait son véritable nom, et personne ne le demandait. Il n'y avait pas de règles, pas de limites, pas de barrière à ne pas franchir, tous les coups étaient permis pour arriver à l'ultime but : être le dernier à tenir debout.

Alors qu'il reprenait lentement ses esprits en étant assis au sol contre un mur défraîchi du vieil hangar, un autre duo s'affrontait au milieu du cercle que les participants formaient ; ici, ils étaient tous blessés, certains étaient même couverts de bleus mais continuaient de revenir au milieu du ring comme si leur vie en dépendait. C'était plutôt l'inverse en réalité, mais cogner était comme une drogue pour la plupart, si bien qu'ils revenaient sans cesse même s'ils perdaient à chaque fois, comme l'homme qu'Ezekiel venait de laminer. Ceci dit, cette nuit, il ne l'avait pas vraiment ménagé non plus... Pliant ses genoux, il avait machinalement levé ses yeux vers le plafond aux néons blafards tout en reniflant discrètement, zieutant parfois la scène de combat lorsque des effusions de voix ou des applaudissements résonnaient dans le hangar... Il avait un peu de mal à respirer, mais il ne pouvait pas vraiment se plaindre puisqu'il l'avait cherché.


« Salut l'nouveau ! »

Intrigué par ce qu'il venait d'entendre, Ezekiel avait rapidement balayé la grande salle du regard pour poser les yeux sur le grand gaillard qui s'approchait, étant aussi massif que grand. Celui-là paraissait sacrément costaud mais il n'avait pas vraiment la tête de celui qui se bute à cogner les autres durant ses soirées de libre... Fronçant légèrement ses sourcils, le mutant s'était relevé en raclant discrètement sa gorge, se rapprochant alors du fameux nouveau pour lui tendre une main curieusement amicale, se présentant comme il était coutume de le faire dans ce groupe.

« Tu peux m'appeler Orion, bienvenue. »
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TARD DANS LA NUIT DU 16 MAI 2024 AVEC HECTOR MESSNER

Après quelques secondes de ce qui semblait être de l’hésitation, l’homme de muscles et de barbe avait fini par accepter sa main tendue, la serrant avec une force moindre comme s’il avait cru bon de le ménager devant son aspect ensanglanté ; après ce qu’il venait d’encaisser, ce n’était pas des doigts bruts qui allaient le faire couiner, mais le geste eut pour effet de lui décrocher un sourire, plutôt douloureux. Le coin de sa lèvre inférieure étant déjà comblée d’une auréole rougeâtre et bleutée, si bien que cet hématome donnait un aspect bien étrange à son sourire presque enfantin, il donnait l’impression d’être un gosse un peu perdu dans l’arène, celui-là.

Hector, disait-il ? C’était bien la première fois qu’un participant à ces combats clandestins donnait son vrai prénom au lieu d’un pseudonyme assurant son anonymat, et celui qui se faisait appeler Orion avait légèrement arqué l’un de ses sourcils, comme s’il en avait été surpris. Une fois présenté, l’homme qui le surplombait aisément de quelques centimètres souligna la beauté du combat qui venait de s’achever, quand bien même les deux participants en étaient ressortis couverts de sang ; le leur et celui de leur adversaire. Haussant légèrement ses épaules d’un air désinvolte, Orion avait posé ses deux mains sur ses hanches en grimaçant légèrement, ses yeux parcourant brièvement la vaste salle désaffectée avant de revenir sur le brun, assez impressionné de sa carrure imposante et de ses muscles, qui mettraient à terre le plus féroce des combattants ici présents.

« Oh, il ne faut pas les sous-estimer… Surtout Styckers, là-bas. Il a une bonne droite. Mais il ne cogne pas assez vite. »

Alors qu’il lançait ces quelques mots sur le ton de la confidence en affichant de nouveau un sourire espiègle, un homme était passé à côté d’Orion en lui déposant dans les mains une poche de glace et une bouteille d’eau, pour lesquels il remercia d’un léger hochement de tête. Maintenant, restait à savoir où il allait appliquer la glace… C’est qu’il avait des bleus et des éraflures un peu partout ! Choisissant finalement de soulager la blessure près de ses lèvres avec les glaçons empaquetés dans un sachet plastique, il avait observé le combat qui se déroulait quelques mètres plus loin durant une infime seconde, avant de revenir auprès de son interlocuteur, curieux de savoir s’il comptait se lancer dans l’aventure des coups et blessures ou non.

« Alors, tu sais déjà qui tu vas affronter ? »

Arquant l’un de ses sourcils avec intérêt, il ne quittait pas Hector du regard, ne voyant même pas les sirènes bleus et rouges qui sifflaient dans son dos, signe qu’une patrouille de police venait dans le coin.
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TARD DANS LA NUIT DU 16 MAI 2024 AVEC HECTOR MESSNER

Difficile de croire que l’homme aux muscles aguerris faisait presque ses premiers pas dans cette arène de sang et de sueur ; il ne paraissait point surpris de leurs gueules cassées, et encore moins effarés des agissements auxquels ces inconnus venus de divers horizons s’adonnaient, et que beaucoup considéraient comme étant des idioties brutales. Avaient-ils tort ? Celui qui se faisait appeler Orion n’aurait pas eu l’audace de les contredire, car il n’avait pas la prétention d’accomplir un acte particulièrement éloquent en cette nuit étoilée. Mais il se défoulait, et il avait viscéralement besoin de se vider la tête, de penser à autre chose, de cogner pour extrader toute la rage et toute la colère qu’il pouvait éprouver. Ce n’était presque pas visible, en premier lieu. Avec sa gueule de gamin, ses yeux malicieux et sa bouche rieuse, il a l’air d’un emmerdeur de première qu’on adore détester : la carapace est immense, épaisse, trop pour être percée peut-être. Mais si on gratte un peu l’écorce, que se cache-t-il sous le masque d’indifférence et d’arrogance ? Personne ne le savait.

Mais l’homme qui se tenait devant lui, plein d’assurance et fort de ses atouts, ne lui semblait pas être de ceux qui s’embarrassent d’armure pour ne pas s’accrocher aux autres. Il observait le combat d’un œil intéressé mais sérieusement insensible, prouvant qu’il était coutumier de ce genre de spectacle ; un ancien combattant ? Un militaire à la retraite ? Un policier qui s’ébat dans des tourbillons plus douteux lorsqu’il n’est pas en service ? Si la question n’apparaissait pas avec précision, au moins avait-il compris que le fameux Hector n’était pas de ceux qui se laissent intimider, et qu’il est préférable de ne pas contrarier. Même ce bon vieux Strykers, arrogant et nerveux à souhait, n’avait pas réellement réagi lorsque l’étranger s’était permis de lui donner un conseil… Ou de lui faire la leçon, si on se plaçait du point de vue du blond au crâne rasé. Ce dernier, quelque peu vexé de recevoir de l’aide de la part d’un illustre inconnu, lui avait lancé un regard mauvais avant de détourner les yeux, sans nul doute intimidé par la montagne de muscles qu’il était. Ce pauvre Strykers n’était plus en état de combattre, au point qu’Hector aurait pu le briser en une seule poigne !

Un rire discret passant la barrière de ses lèvres, Orion avait planté ses premières dents dans sa lèvre inférieure avant de reprendre la parole, haussant mollement ses épaules comme pour excuser l’attitude bougonne de son ancien adversaire.

« Ne fais pas attention à lui ! Complexe d’infériorité… »

Remontant la poche de glaçons jusqu’à sa tempe percée d’une blessure sanglante, le brun avait lancé une oeillade curieuse autour de lui, attendant de savoir quel combattant allait devoir affronter le titan aux muscles épais et à la grandeur remarquable… Titan qui n’eut malheureusement pas le temps de désigner sa cible.
Bien trop tôt, une voix grave se mit à crier à travers l’entrepôt désaffecté qu’une patrouille de police s’était engouffrée tout près, et qu’il fallait décamper au plus vite. Ils n’avaient donc rien d’autre à faire ?! Reculant machinalement d’un pas tout en regardant autour de lui, Orion s’était déplacé sur le côté pour attraper un sac à dos à la toile déchirée posé par terre, qu’il accrocha à son épaule avant de grimacer de douleur. Un homme —il n’avait pas vraiment eu le temps de voir qui précisément, l’avait bousculé dans sa fuite en lui donnant un mauvais coup à l’épaule, qui était déjà en piteux état. Secouant son visage de gauche à droite, ses yeux se posèrent au hasard sur Hector, qui n’effectuait aucun mouvement de fuite. L’idiot ! Est-ce qu’il comptait affronter les autorités et finir derrière les barreaux pour le reste de la nuit ? Peut-être ne savait-il pas réellement ce qu’il risquait… Alors que la voix d’un policier avait résonné dans l’entrepôt, Orion avait grogné d’agacement avant de se rapprocher de l’homme qui le surplombait d’une bonne tête au moins, empoignant son bras sans lui laisser le temps de réagir afin de se téléporter au-dehors, étant bien trop fatigué mentalement et amoché physiquement pour pouvoir effectuer une téléportation digne de ce nom.

« Ma tête… »

Se retrouvant alors dans le parc jouxtant l’entrepôt abandonné, Orion s’était reculé de quelques pas en apportant une main fébrile jusqu’à son front, sa téléportation ayant creusé dans ses dernières forces pour les extraire de la situation périlleuse dans laquelle ils s’étaient trouvés. D’ordinaire, la téléportation lui occasionne aucun malaise mais, en cet instant, il est pris d’un vertige qui l’oblige à appuyer sa main contre un lampadaire cassé, qui n’éclaire heureusement pas leur silhouette dissimulée dans l’obscurité. Pour Hector, le voyage qui n’a duré que quelques secondes fut sans nul doute l’un des plus éprouvants : l’impression d’avoir été secoué dans une machine à laver, d’être aspiré dans un tourbillon frénétique qui fait valser le corps dans tous les sens, ne lui laissant aucun repère, et surtout pas celui du temps.
Dans le ciel, la lumière des sirènes de police se reflétait contre les murs des immeubles autour d’eux, signe que les agents n’étaient pas très loin. Frottant brièvement ses paupières à l’aide d’une seule main, le jeune homme avait froissé son visage pour tenter de retrouver des couleurs, bien que ses blessures le trahissaient inévitablement… Mais ce n’était pas la peine de condamner le visiteur éphémère, qui n’avait nullement mérité d’être embarqué par la police, lui.

« Tu peux partir si tu veux… Ils n’auront aucune preuve que t’étais présent, contrairement à moi. »
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TARD DANS LA NUIT DU 16 MAI 2024 AVEC HECTOR MESSNER

En dépit du fait que cette téléportation ne l’avait que trop peu éloigné du bâtiment désaffecté à présent envahi à tous les étages par les forces de police, Orion se sentait vidé de toute son énergie, comme s’il venait d’accomplir un exploit sportif tout à fait cuisant. Le combat rudement mené l’avait déjà considérablement éprouvé, et cet effort supplémentaire ne l’aidait pas à garder toute sa lucidité, si bien qu’il eût l’impression que de gros nuages noirs venaient obstruer sa vue… Essoufflé, la vue brouillée par quelques vertiges prompts à le faire tomber, il s’était miraculeusement rattrapé au tronc d’un arbre qui les protégeait par son ombre massive, contre lequel il avait appuyé son avant-bras. Passant brièvement sa main blafarde contre ses yeux cernés de sang et de fatigue, il avait néanmoins levé un regard mutin vers Hector, qui s’étonnait, avec grande légitimité, du voyage inattendu qu’il venait de faire en sa compagnie.

D’ailleurs, il s’en sortait plutôt bien pour une première fois… Si c’était bien sa première téléportation. La plupart des personnes subissant ce transfert terrestre finissant par avoir un malaise avec nausées et étourdissements, c’était presque un miracle qu’il puisse encore tenir debout, s’exprimer et réfléchir, les trois en même temps !
À la fois admiratif et amusé des questions posées par Hector, Orion avait mollement haussé ses épaules tout en se redressant, un léger sourire s’étant formé sur ses lèvres ; un rictus presque fier et affirmé, car le mutant ne dissimulait que trop rarement sa véritable nature… Au détriment de sa sécurité, parfois. Il fallait espérer que la montagne de muscles ne soit pas un fervent opposant aux porteurs du gène X, car le malheureux combattant clandestin n’était plus en état de se battre, ni de se défendre.

« C’est moi, oui » avait-il dit dans un souffle éteint, au prisme d’un effort considérable. S’éloignant enfin de l’arbre, car tenant suffisamment debout pour se passer d’un appui, Orion avait rapidement regardé autour de lui avant de reprendre la parole, réfléchissant à toute vitesse sur la meilleure façon de se sortir de cette situation. « Malheureusement pour nous, et plus particulièrement pour moi, je ne peux pas le refaire pour nous éloigner encore plus de cet endroit… Je n’ai plus d’énergie. »

Si l’aveu avait été nécessaire, clamant sans détour qu’il ne pourrait pas s’extirper du parc pour s’enfuir dans un simple bond géographique, ce n’était pas le cas d’Hector : rien de son apparence ne permettait de le relier aux affrontements illégaux qui se déroulaient la nuit. Pas une seule trace de sang sur ses vêtements, pas une seule égratignure au visage, il se fondait parfaitement dans le paysage urbain, et n’aurait donc aucun mal à se faufiler devant une patrouille de police en feignant de rentrer chez lui. Quant à Orion… Les choses s’annonçaient déjà plus compliquées, mais dire qu’il n’en avait pas l’habitude aurait été un honteux mensonge.
Hector démontrait, quant à lui, une âme généreuse en s’empressant de le questionner à ce propos, comme si le sort du jeune combattant l’importait ; assez surpris de ne pas le voir détaler sans attendre, Orion avait arqué l’un de ses sourcils avant de hausser ses épaules une nouvelle fois, bien que le geste était toujours aussi douloureux.

« Aucune idée… Je pense attendre que ça se calme, qu’ils déguerpissent… Ils ne vont pas rester là toute la nuit, si ? »

Repoussant quelques boucles de son front pour dégager sa vision, Orion avait jeté des regards inquiets vers les patrouilles de police, qui étaient toujours immobiles devant l’immeuble abandonné. Un soupir passant la barrière de ses lèvres, le joueur d’échecs avait fait quelques pas pour se rapprocher du petit muret, se laissant tomber dans l’herbe afin d’appuyer son dos endolori contre ce dernier. Depuis leur position, on entendait à présent des hurlements de colère, ceux des combattants ayant été capturés par les officiers de police, et qui devaient se débattre pour leur échapper… Mordillant l’intérieur de sa joue, Orion avait attendu quelques secondes avant de prendre la parole, sa voix amusée se faufilant entre les hurlements déchaînés :

« Je crois qu’on est partis juste à temps… »
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TARD DANS LA NUIT DU 16 MAI 2024 AVEC HECTOR MESSNER

Devant l’absence de réaction d’Hector, qui avait à peine haussé ses sourcils en entendant qu’il était responsable de leur téléportation pour le moins inattendue mais grandement salvatrice, Orion n’avait pu s’empêcher de se questionner : puisque l’inconnu ne paraissait même pas surpris de découvrir la vérité, vérité qui aurait dû le conduire à poser mille et une questions, Ezekiel se demandait s’il n’était pas lui-même un mutant, ou alors proche de l’un d’eux… De toute évidence, il était au courant de leur existence et bien habitué à côtoyer leurs pouvoirs particuliers. Était-ce réellement le détail le plus important de cet instant ? Pour d’autres personnes, probablement pas mais, pour Ezekiel, oui.
D’une voix désinvolte, mais néanmoins profondément curieuse, Ezekiel avait pris la parole en haussant l’un des sourcils, ses paupières se plissant comme s’il démontrait un élan plutôt intrigué.

« Je crois que c’est le moment où tu me poses plein de questions et que je te réponds ‘on verra ça plus tard’ en prenant ma grosse voix ? »

Mais Hector enchaîna bien rapidement la conversation sur les forces de police dispersées autour d’eux comme une meute féroce aux aguets, avec une aisance toute particulièrement à ce propos ; visiblement, il connaissait fort bien la façon d’agir de ces derniers, si bien qu’on aurait presque pu penser qu’il était l’un d’eux… Ou qu’il l’avait été.  S’il arpentait les combats de rue clandestins mais essayait d’échapper à la police comme les autres, c’est qu’il n’était pas un agent infiltré… En même temps, il avait la carrure pour… Difficile d’échapper à un colosse de cette envergure, même avec toute la bonne volonté du monde. Mais alors pourquoi était-il désireux de l’aider ? S’agissait-il d’un piège ?
Les sourcils légèrement froncés par toutes les interrogations douteuses qui passaient dans son esprit affaibli, Ezekiel avait fait claquer sa langue contre son palais avant de hausser vaguement ses épaules encore endolories, ayant bien moins de connaissances sur le sujet que son interlocuteur. Les flics, il les évitait autant que possible et avait réussi à les maintenir à distance jusqu’ici : son casier judiciaire étant encore vierge, il n’avait aucune envie de le voir se remplir ce soir. Sa carrière de joueur d’échecs professionnel en prendrait un sacré coup c’était certain, et il s’agissait là d’une tare qu’il ne pouvait se permettre. Surtout pas maintenant.

« D’accord, d’accord… Puisque tu sembles bien connaître leur manière de fonctionner, je t’écoute : qu’est-ce que je peux faire ? »

Il avait dit « je » et pas « on » parce qu’il pensait qu’Hector allait déguerpir à la vitesse de l’éclair à la moindre occasion, mais il n’en fut rien. Bien au contraire.
Alors qu’Ezekiel était assis par terre en reprenant son souffle, permettant à ses jambes engourdies de se reposer un peu, il avait vu la main d’Hector se tendre vers lui, lui confiant une épaisse veste en cuir sombre. Dans quel but ? S’était-il demandé. D’abord hésitant —principalement parce qu’il craignait d’abîmer le vêtement de cette montagne de muscles avec tout le sang qu’il portait sur lui, Ezekiel s’était finalement empressé d’enfiler la veste chaude, toujours un peu perplexe quant aux idées de son vis-à-vis. Enfin, ce dernier se mit à lui annoncer qu’il avait peut-être une idée pour le sortir de cette impasse, mais qu’il faudrait lui faire aveuglement confiance… Les seules personnes ayant sa confiance étant son grand-père et Remy, Ezekiel s’était tout d’abord secrètement méfié, le toisant quelques secondes sans rien dire. Mais au fond… Avait-il réellement le choix ? S’il ne faisait rien, il risquait d’être débusqué par la police et traîné au poste de police pour la nuit, au moins… Peut-être valait-il mieux lui faire confiance pour cette fois, tenter sa chance malgré les risques.

« Deal. »

Se hissant sur ses jambes avec une agilité étonnante pour son état, Ezekiel avait enfoui ses mains dans les poches de la veste bien trop grande pour lui (si bien qu’elle lui flottât sur les épaules et aux hanches) en posant ses yeux sur le visage d’Hector, visiblement enjoué à l’idée de défier les autorités, une nouvelle fois.

« Qu’est-ce que je dois faire ? » Avait-il demandé, impatient comme un enfant.
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