"Au malheureux le sommeil est doux, mais terrible est le réveil !" Pamphile Lemay
M’entendre moi-même me traiter de vieux me faisait vraiment bizarre. Du point de vu de mon état civil, je n’étais pas si vieux que ça, surtout que j’avais passé cinq années à dormir dans un coin de l’espace-temps. Mais Clint avait raison, c’était notre boulot qui nous rendaient vieux. Ce travail pour lequel on avait tant donné. Du temps, de la sueur, des larmes, de la joie, de la tristesse. Ce boulot qui nous avait fait voir le meilleur et le pire en nous-même. J’acquiesçais d’un signe de tête approbateur en buvant une autre gorgée de ma bière.
Mais je voulais voir les choses désormais autrement. J’étais en vie et finalement, malgré les divers tourments que je pouvais avoir, j’étais content de pouvoir toujours respirer et profiter des petits instants que la vie m’offrait. Alors je demandais à Clint de me promettre en quelque sorte de m’aider à profiter de ces petits instants. Si je le sentais frileux d’une certaine manière, je savais que ce n’était pas contre moi. Peut-être qu’il voulait tout simplement protéger sa famille et c’était tout à fait normal. Je crois que dans sa position, j’aurais fait la même chose. Je lui souris alors en disant :
« T’en fais pas va. J’vais pas te mettre la pression. C’est juste que j’aime bien passer du temps avec toi et pour moi profiter de la vie c’est aussi profiter des moments simples avec des personnes que j’apprécie. »
Voilà que je faisais dans les sentiments maintenant. J’eus un léger rire au diverses bêtises que je venais de dire avant de me rependre en portant la bouteille à mes lèvres :
« ‘Fin t’as compris quoi… »
J’enclenchais dans la foulée sur toute l’histoire avec Elena. J’avais arrêté de la chercher depuis bien trop longtemps maintenant. Et il fallait que je sache… Mais Clint me rapella à l’ordre, de façon subtile certes, mais à l’ordre quand même. Je n’étais pas en état. Il fallait d’abord que je prenne soin de moi et je retrouve la santé. Même si c’était difficile à encaisser il avait raison. Sans toutes mes capacités, je serais bien incapable de retrouver sereinement ma fille et surtout de la protéger si besoin. Je souris doucement en répondant :
« Ouais c’est sûr, il n’est pas encore né celui-là mais j’vais rapidement me remettre sur pied et on la retrouvera. Il le faut. »
Je terminais ma bière d’une traite avant de me renfoncer dans les oreillers du lit d’hôpital. Non pas que j’étais vraiment fatigué mais je savais qu’il fallait que je me repose.
« Allez bel Avenger, la belle au bois dormant devrait se reposer un peu. Après on va se faire engueuler parce que t’as apporté de l’alcool ici. »
Un rire léger m’échappa. Clint était vraiment une personne en or. Je savais que je ne serais jamais déçu de sa personne. Peu importe ce qu’il pourrait dire ou faire, c’était quelqu’un de fiable.
Je m'inquiétais pour lui, même si je voulais pas le montrer. Il s'en était sorti, mais il s'en était fallu de peu. J'avais vraiment eu peur pour lui, sur ce coup-là. J'avais beau essayer de toujours séparer le professionnel et le personnel, j'avais beau tâcher de ne pas trop m'impliquer émotionnellement dans le boulot, parce que je savais que dans ce job on côtoyait la mort tous les jours, c'était pas simple à faire. Au fil du temps, des missions et des conversations, Aaron était devenu plus qu'un partenaire, il était devenu un ami.
L'un comme l'autre on était pas très doués pour exprimer nos sentiments. On se ressemblait sur beaucoup de points. Il s'y efforça quand même, un peu maladroitement, mais ce qu'il me dit me toucha. Je n'insistai pas trop pour ne pas le mettre mal à l'aise, mais je lui souris et lui répondis quand même :
« On aura des occasions de profiter, t'en fais pas pour ça. »
C'était ma façon de lui dire que son amitié comptait pour moi aussi, et que je comptais pas le lâcher. Il allait en baver, d'après ce que m'avait dit l'infirmière il aurait besoin de pas mal de rééducation. Mais il s'en sortirait. C'était ça l'important. Et une fois qu'il serait remis sur pieds, on pourrait partir chercher sa fille. Je le lui avais promis. Et puis mine de rien, j'avais hâte d'y aller. Un monde où le tir à l'arc était le "sport national" comme l'avait dit Lùthien, un peu que j'allais pas louper ça !
« On ira sur Alfheim dès que possible. »
Aaron termina sa bière. J'avais à peine touché à la mienne, signe que je me faisais quand même du mouron. Mais j'étais content d'être passé le voir, content de savoir que ma visite lui avait fait du bien. Il s'allongea en riant de nouveau, reprenant la blague de la belle au bois dormant, plaisantant sur l'alcool que j'avais clandestinement ramené. Je récupérai sa bouteille vide pour ne pas laisser de preuve et rétorquai en montrant le sac que je lui avais apporté :
« Un conseil, évite de montrer ce sac aux toubibs, y'a les p'tites sœurs dedans. Je t'ai aussi ramené des fringues et des affaires de toilette. Désolé, j'ai oublié le magasine porno... »
On échangea un nouveau rire, puis je posai ma main sur son épaule pour lui signifier sans besoin de parole que je serai là pour lui. Maintenant qu'il était réveillé, je comptais bien passer le voir régulièrement, pour le soutenir dans sa rémission. Je lui dis donc une simple dernière phrase avant de le laisser se reposer :
« On s'revoit bientôt. »
Codage par Never Utopia
Signature par Malice
[Terminé] Dormir et rêver ou s'éveiller et vivre [pv Clint]