"Au malheureux le sommeil est doux, mais terrible est le réveil !" Pamphile Lemay
4 Avril 2024 – Héliporteur du SHIELD - Soins intensifs
Ouvrir les yeux et prendre le temps de se réveiller aux côtés de celle que j’aime. Voilà ce que je ressasse depuis des jours et des jours. J’ai un sentiment intense de déjà vu mais comme chaque fois, je l’oublie assez rapidement pour profiter de ma Clara à mes côtés. Comme chaque fois, elle se tourne vers moi et comme chaque fois elle m’embrasse en me disant qu’elle est ravie que je sois avec elle mais que je n’ai rien à faire ici. Mais c’est où ici ? Et dès que je me redresse, je me vois dans mon lit à mon appartement de Brooklyn. Alors je me tourne vers elle et je lui demande pourquoi elle dit cela. Toujours les mêmes réactions, les mêmes mots en boucle depuis un moment il me semble déjà mais je veux rester avec elle. Je suis bien là. Clara se redresse comme à chaque fois et me dit que ce n’est pas ma place. Que je ne peux pas rester. Je ne comprends pas encore et encore. Je me lève, me regarde dans le miroir et alors je comprends. Mon reflet est celui d’un homme au teint pâle avec les yeux fermés, allongé dans un lit d’hôpital. Je regarde ma tendre Clara et lui demande si je suis mort. Elle me sourit tendrement en se levant et se rapproche de moi. Je la regarde désemparé. Elle m’explique que je suis dans le coma, que je dois vivre, que je dois continuer sans elle, que je dois retrouver notre fille et qu’elle m’aime de ton son être mais qu’elle ne doit pas me garder à ses côtés.
Ces derniers mots changent de cette boucle qui sous mes yeux se brise. La fenêtre de notre appartement devient une ouverture d’un blanc immaculé. Clara s’y dirige et je tente de la suivre car je ne veux pas la laisser. Elle me repousse loin de cet halo lumineux. Elle m’embrasse et me dit de passer à autre chose, de vivre ma vie sans elle. Je ne comprends pas et je hurle alors que tout s’éloigne de moi. Je me retrouve dans le noir total. J’entends des voix. J’ouvre les yeux mais ne voit rien. Je comprends ce que l’on me demande mais je n’arrive visiblement pas à répondre aux ordres. L’on semble me dire que c’est normal que cela peut prendre du temps. On m’informe que je me réveille d’un coma de près de deux mois. Deux putains de mois que je vis et revis ces moments avec Clara. J’ai envie de pleurer, j’ai envie de hurler mais je suis bloqué dans ce corps qui ne répond pas. L’on me dit de me reposer et je comprends que je n’ai pas d’autre choix que d’attendre.
Je rouvre les yeux à nouveau et cette fois-ci, tout devient plus clair peu à peu. Je comprends de mieux en mieux les paroles des médecins autour de moi, je réagis à leurs demandes. D’après leurs informations, six heures ce sont écoulées depuis mon premier réveil. Il faut du temps à mon corps et à mon cerveau, me disent-ils. Ils me posent des questions mais je semble incapable de parler. Pourtant mes mains et mes pieds bougent. Le langage me manque et je voudrais simplement sortir d’ici. Sortir de ce cauchemar.
Je me réveille encore après une nuit de sommeil normal cette fois, je réponds aux questions. L’on m’explique toute l’histoire avec le chasseur de têtes, tout ce qu’il s’est passé. Je suis depuis sur l'héliporteur du SHIELD. L'on m'explique ce que le Shield et les Avengers ont faits. Les Avengers…. Je pense aussitôt à Clint. Un de mes plus fidèles collègue et ami. Je demande si l’on peut l’appeler, j’aimerais le voir. L’infirmière me sourit et me dit qu’elle s’en charge… Je repense alors à tout ce que j’ai pu vivre. Je ne veux pas oublier Clara, ces moments avec elle. Étaient-ils vrais ou totalement inventés par mon esprit? J’en sais rien et je m’en fous, elle était là avec moi. Et pourtant une phrase qu’elle a dit me revient en tête. *Refais ta vie. Tu mérites d’être heureux et d’avoir quelqu’un à tes côtés. Ne restes pas seul.* Je souris à cette pensée. Elle en a de bonnes elle, sérieusement, comment je vais faire ça? Comment je pourrais passer à autre chose? Je songe alors à tout cela en regardant l’heure. Il est tard, très tard, presque 22h. Mais je n’ai pas la moindre envie de dormir. J’ai bien assez dormi pour l’instant…
« T'aurais dû m'appeler, j'serais v'nu tout d'suite... »
Posé dans mon lit au QG des Avengers, l'ordinateur sur les genoux, j'écoutais Laura me raconter ses déboires de la journée. Nataniel, notre petit dernier, s'était cassé le bras ce matin en tombant d'un arbre dans lequel il s'était amusé à grimper. Laura avait passé la journée aux urgences avec lui, dans l'hôpital le plus proche de la maison, qui se situait bien à une heure de route en voiture. A ma remarque, elle rétorqua qu'elle n'avait pas voulu me déranger alors que de toute façon je n'aurais rien pu y changer. Certes, mais j'aurais aimé être là pour lui... Concilier vie professionnelle et familiale était loin d'être facile.
« Ouais... Bon, d'façon je rentre demain soir. Ah, attends, y'a mon téléphone qui sonne... »
Je mis la conversation en mute pour répondre. L'appel venait du S.H.I.E.L.D., du département médical. Je croisai les doigts pour que ce soit une bonne nouvelle... et Dieu merci, ce fut le cas ! Aaron était sorti du coma. Il se portait à merveille et avait demandé à me voir. Je pris aussitôt les coordonnées actuelles de l'Héliporteur et annonçai que j'arrivais de suite. J'expliquai rapidement la situation à Laura, lui souhaitai une bonne nuit et m'habillai en vitesse. J'attrapai le sac que j'avais prévu pour lui et je filai au hangar pour monter dans le Budapest, mon jet personnel. Vingt minutes après l'appel, j'étais dans les couloirs du département médical. Après un échange rapide avec l'infirmière de garde, j'entrai dans la chambre d'Aaron, un grand sourire aux lèvres.
« Alors la belle au bois dormant, t'es rev'nu d'entre les morts ? »
Le soir où on l'avait récupéré, je n'avais pas pu être avec lui, ayant moi-même subi quelques blessures. Par contre j'avais insisté pour le voir rapidement, afin de constater son état par moi-même. Par la suite, je n'étais pas retourné le voir. Je ne faisais pas partie de ces gens qui causaient aux personnes dans le coma. J'estimais que ça ne servait à rien, qu'un mec dans le coma c'était comme un mec qui dormait profondément, il pouvait rien percevoir du monde extérieur. Par contre j'appelais une fois par semaine depuis, pour prendre des nouvelles. Jusqu'à présent, ça n'avait rien donné. J'avais peu d'espoir... c'est pourquoi j'étais si heureux de le voir éveillé.
"Au malheureux le sommeil est doux, mais terrible est le réveil !" Pamphile Lemay
J’étais dans le brouillard mais je savais que je n’étais plus endormi. J’avais assez dormi alors je réfléchissais. J’essayais de bouger un peu dans mon lit mais c’était pas hyper. Je maitrisais le mouvement de mes mains mais pour mes jambes c’était pas encore ça. Je faisais mon maximum pour me redresser alors que mes yeux se posaient sur la chambre. J’étais seul dans cette pièce. Il y avait surement eu des fleurs ou quelque chose du genre parce qu’il y avait des vases vides sur la table devant mon lit. Il y avait des cartes mais elles étaient trop éloignées pour que je puisse les atteindre. Je tournais la tête vers la table de chevet pour y voir ma montre, le pendentif que j’avais donné à ma fille et que Lùthien m’avait donné par la suite. Je tendis le bras pour l’atteindre alors qu’on frappait à la porte.
Je vis le visage de Clint, le sourire aux lèvres. Il avait fait vite. Enfin c’était l’impression que j’avais. Je lui souris à mon tour alors qu’il me donna le surnom d’une princesse endormie. Clint et moi c’était une grande histoire d’amitié sur fond de moqueries et de plaisanteries :
« Ben ouais beau prince j’attendais ton baiser. »
J’étais encore allongé et je m’installais plus confortablement afin de me redresser pour pouvoir mieux le voir et lui parler.
« Paraît que j’ai dormi un moment ? Ça va de ton côté ? Je suis sûr que j’t’ai manqué vieux frère. »
Cela me faisait tellement plaisir que cela soit lui ma première visite mais cela j’me garderais bien de lui dire. Les effusions de sentiments c’était pas mon truc, et pas le sien non plus.
Je ris de bon cœur à sa réplique. Il avait plutôt bonne mine pour un type qui avait frôlé la mort et venait de passer presque deux mois dans le coma. Aaron était un dur à cuire, mais il m'avait quand même flanqué la frousse. Je savais pas exactement ce que ce cinglé de Hammond lui avait fait subir, en tout cas il avait dû en baver. Et je me disais que si on était arrivés ne serait-ce qu'un jour plus tard…
Je savais même pas s'il était au courant des détails, de comment il avait été sauvé. Il était déjà inconscient quand on l'avait sorti du bunker. Et j'avais bien failli ne pas en ressortir moi-même. Pendant qu'il faisait l'effort de se redresser, je pris place sur une chaise près de son lit. Il avait une bonne tête, mais il avait pas l'air sorti d'affaire pour autant.
« Oh la routine, des vilains à tuer, des gentils à sauver, des amis à dépanner… »
Pour illustrer ces derniers mots, j'ouvris le sac que j'avais amené pour lui, qui contenait des fringues, des affaires de toilette, mais surtout un pack de bières trappistes importées de Belgique. J'en sortis deux et en posai une sur la tablette de son lit. Les médecins ne seraient sûrement pas d'accord, mais une petite bière n'avait jamais fait de mal à personne, et ça lui remonterait le moral.
« Et toi, comment tu t'sens ? »
Je gardais le sourire, mais mon ton était déjà plus sérieux. J'étais quand même inquiet pour lui. Se faire blesser ou tuer dans le cadre de nos missions, ça faisait partie du job, on était préparés à ça. Mais se faire torturer par un psychopathe juste parce qu'on avait un ADN différent de la majorité… c'était une autre histoire. L'humanité avait encore de sacrés progrès à faire.
"Au malheureux le sommeil est doux, mais terrible est le réveil !" Pamphile Lemay
La référence aux princesses prisonnières me fit sourire doucement et intérieurement. Je reconnaissais bien là mon ami et je j’avais l’impression de ne pas tellement avoir disparu durant des mois à la simple conversation que nous avions mais cette impression se dissipa bien trop rapidement quand Clin évoqua mon sauvetage en même temps que les autres mutants. A dire vrai, je n’avais rien vu de ce dit sauvetage. J’étais déjà dans les vapes avant même qu’ils interviennent. Mes derniers souvenirs étaient pour ce docteur et ancien du SHIELD qui me torturait pour son bon plaisir. Mon regard se teinta alors d’un voile de tristesse à la simple pensée de ce que j’avais pu vivre là-bas :
« Ouais j’avoue, sur ce coup-là tu as bien géré ton coup. J’ai vraiment cru que j’allais mourir là-bas. »
Et puis je changeai de sujet pour revenir à mon cas de sommeil prolongé et de savoir aussi comment allait Clint. Alors que je m’installais de mon côté, Clint lui prit une chaise pour venir à mon chevet. Je devais avoir une sale tête mais j’essayais de ne pas trop y penser. Et puis je faisais en sorte de garder le sourire. Je savais déjà que ma barbe et mes cheveux avaient poussés un peu… Je m’occuperais de ça à la première heure demain pour me rendre plus beau gosse que ce cher Hawkeye. Ce dernier évoqua la routine qi faisait sa vie mais le voir ouvrir le sac me fit comprendre que je lui avait manqué un peu quand même. A la vision de la bière qu’il posa sur la table de chevet, je ne pus m’empêcher de sourire en lâchant :
« J’adore ce genre de dépannage … Merci mec. »
Le ton de Clint devint plus sérieux lorsqu’il me demanda à son tour comment j’allais. Je le quittai des yeux un instant songeant à ce que j’avais pu ressentir, vivre ou éprouver mais j’étais pas du genre à m’apitoyer alors j’allais droit au but :
« Je me sens faible mais content d’être en vie. Après j’ai cru comprendre que le taré qui s’en ai pris à moi et Earwen est mort donc bon cela me convient bien comme fin de l’histoire. Earwen est en bonne santé de ce qu’on m’a dit donc ça me fait plaisir… Par contre… »
Je ne savais pas comment en parler mais il fallait bien que ça sorte et Clint serait peut-etre le plus à même d’entendre ce que j’avais à dire… Enfin, il ne partirait pas en courant en me prenant pour un fou furieux :
« J’ai l’impression d’avoir rêvé pendant des jours… En fait c’était des mois mais pour moi c’est plusieurs jours à revivre la même chose. Je… J’ai vu Clara et j’étais bien avec elle. A la fin, c’est elle qui m’a dit de partir et que je devais vivre ma vie… J’sais pas trop où j’étais mais j’ai vu Clara. »
J'étais pas sûr qu'il ait très envie de reparler en détail et dès son réveil de tout ce qui s'était passé là-bas. J'y tenais pas spécialement non plus, je voulais pas qu'il s'inquiète. Pourtant y'en avait des choses à dire. Ca avait été une sacrée mission, une de celles que j'oublierai jamais. Mais Aaron passa vite à autre chose, me demandant comment j'allais, prenant des nouvelles, sans doute pour rattraper le temps qu'il avait perdu.
J'étais resté assez vague dans mes réponses. Il s'était rien passé d'extraordinaire. Enfin, plusieurs aliens alliés avaient débarqué sur terre, mais rien qui le concerne en tout cas. Je voulais surtout savoir comment lui se sentait. Il évoqua le psychopathe qui l'avait torturé, content qu'il soit mort, et parla aussi d'Earwen, soulagé qu'elle se porte bien. Je m'apprêtais à répondre quand il émit un "Par contre". Alors je ne dis rien et l'écoutai.
Il me parla de ses rêves. De sa femme morte, qu'il avait retrouvée pendant qu'il était dans le coma. De ce qu'elle lui avait dit. Y'a quelques années, j'aurais été dubitatif, j'aurais sans doute pensé que ce n'étaient que des rêves. Mais on avait vu tant de choses incroyables depuis qu'on pouvait être sûrs de rien. Je restai songeur quelques instants. Mon regard se posa, comme souvent quand je pensais à Laura et à ce que j'avais fait après sa mort, sur le tatouage qui ornait tout mon bras gauche.
« J'suis sans doute pas l'mieux placé pour te dire comment surmonter le deuil de ta femme Aaron. Et j'suis pas non plus hyper calé en métaphysique… mais on a vécu tellement de trucs dingues… J'ai côtoyé des dieux, j'en ai même combattu. Alors ptet que t'étais vraiment avec Clara. Et si elle t'a dit d'aller de l'avant et de continuer ta vie… ben tu devrais l'écouter. »
C'était jamais évident de dire à un mec qui avait perdu l'amour de sa vie de laisser le passé derrière lui et d'envisager de refaire sa vie, parce que ça donnait l'impression de la trahir ou de vouloir l'oublier. Mais si Clara lui avait dit ça, qu'elle ait vraiment été là ou non d'ailleurs, c'est qu'il était prêt à avancer. C'est tout ce que je lui souhaitais en tout cas.
"Au malheureux le sommeil est doux, mais terrible est le réveil !" Pamphile Lemay
Si parler de Clara me faisait à la fois du bien et du mal, je savais qu’il fallait que j’en parle. Et puis Clint il avait plus ou moins vécu la même chose que moi. Lui aussi il avait tout perdu avec le snap de Thanos. Et il avait choisi de justement ne pas refaire sa vie… Et sa Laura était revenue… Est-ce que j’avais été trop utopiste de penser que ma Clara reviendrait également ? Peut-être… Laura avait été snappé c’était un phénomène surnaturel alors que ma Clara avait été tuée par des humains. Finalement c’était la dure réalité et je me voilais peut-être la face depuis trop longtemps…
Les mots de Clara résonnait en moi alors même que je parlais à Clint *Refais ta vie. Tu mérites d’être heureux et d’avoir quelqu’un à tes côtés. Ne restes pas seul.* Devais-je vraiment me résoudre à passer à autre chose ? En étais-je seulement capable ? Tellement de question sans réponses et finalement Clint reprit la parole m’obligeant à me sortir de mes pensées pour l’écouter. Ses mots étaient justes même s’il ne se sentait pas forcément à sa place pour me répondre. Si j’avais vraiment été en contact avec elle alors je devrais surement l’écouter…
Je mis un temps pour analyser ce que mon ami me disait et en même temps pour réfléchir à tout cela. Finalement sans rien dire je me tournais vers la bière qu’il avait posée sur ma table de chevet. C’était pas indiqué dans ma convalescence mais clairement j’en avais rien à faire. Je l’ouvris en faisant un clin d’œil de remerciement à Clint au passage et en but une gorgée mais je restais toujours silencieux et songeur. En même temps, je pouvais pas ajouter grand-chose de plus… Et puis finalement les mots vinrent tous seuls :
« Je crois que j’aurais l’impression de la trahir de la tromper si je refaisais ma vie… J’en sais rien. C’est une chose d’accepter qu’elle soit morte, s’en ai une autre de passer à autre chose… Continuer ma vie ça je pense que je peux mais la refaire avec une autre femme… franchement j’en sais rien… »
Je comprenais tout à fait ce qu'il voulait dire. Quand j'avais perdu Laura, à aucun moment je n'avais imaginé refaire ma vie avec quelqu'un d'autre. Je ne pouvais pas concevoir ma vie sans elle. Je m'étais plongé dans les tueries, me forgeant une nouvelle mission, estimant que maintenant ce serait ça ma vie. Sans elle et les enfants, sans ma raison principale de vivre, je n'étais plus qu'un tueur, une machine destinée à faire le ménage. Dans le fond, je n'avais jamais vraiment accepté sa mort.
Le cas de Aaron était bien sûr différent, Clara n'avait pas été une victime aléatoire du projet d'un dieu fou, elle avait été tuée par un homme, pour des raisons absurdes et injustes, et on ne pouvait plus rien y faire. A part éventuellement traquer l'ordure qui avait fait ça. Mais Aaron n'avait pas l'air d'être dans cette optique, et tant mieux pour lui. Il était prêt à accepter la mort de sa femme. C'était déjà une putain d'étape. Quant au reste…
« Y'a rien qui t'oblige à refaire ta vie avec une autre. T'as vécu quoi, dix ans avec Clara, vous avez construit votre avenir ensemble, vous avez eu Elena… Ca se balaie pas d'un coup. Ptet qu'un jour tu rencontreras quelqu'un, et tu pourras passer à autre chose sans te sentir coupable. Ou peut-être pas. C'est pas ça l'important. »
On nous bassinait sans cesse avec l'amour, à faire culpabiliser les célibataires, à nous faire croire qu'il n'y avait que ça d'important dans la vie. Mais chaque vie était différente, chaque vie avait son importance. La recette du bonheur n'était pas nécessairement la même pour tout le monde.
« Ecoute, t'es passé à deux doigts d'la mort, c'est normal que ça te fasse réfléchir sur ta vie. Mais faut pas non plus qu'tu te mettes la pression. T'es encore jeune, t'as le temps… Putain ça y est, je parle comme un vieux… Arrête-moi. »
Je lâchai un petit rire et ouvris à mon tour ma bouteille de bière pour en boire une grande gorgée. C'était le genre de conversation pesante, mais sans doute nécessaire pour Aaron, alors s'il avait besoin de parler, j'étais là pour l'écouter. Même si j'estimais ne pas être la personne idéale pour le conseiller.
"Au malheureux le sommeil est doux, mais terrible est le réveil !" Pamphile Lemay
Finalement avec le recul j’avais été très entouré par rapport à Clara. Quand j’étais revenu, j’avais fuit durant des mois mais par la suite, j’ai été suivi par le doc’ et puis y’avait eu Clint et Moira qui étaient présents. J’avais toujours l’impression d’être seul mais en réalité je ne l’étais pas. Contrairement à Clint lorsqu’il s’est retrouvé tout seul après le snap. Je l’écoutais alors me parler des quelques options qui s’offraient à moi pour ma vie à venir.
Parce que oui, j’avais une vie à venir… C’était le truc à retenir dans tout ça. Moi qui avais cru que je finirais ma vie dans une sorte de bunker piégé, j’avais finalement encore une chance de vivre ma vie. Et Clara m’avait justement conseillé de faire ça. Clint reprit la parole et il vit juste. Je le regardais alors qu’il me disait que refaire ma vie ne voulait pas forcément dire me remettre avec quelqu’un. Pour l’ami qui se trouvait devant moi, il ne fallait pas que je me mette la pression. Il fallait juste que je fasse les choses à mon rythme. Cela avait un air de déjà vu mais c’était la vérité. Je devais prendre le temps pour tout remettre à plat et refaire ma vie pas à pas.
Comme à son habitude, Clint termina par une boutade qui me fit sourire :
« On est des vieux tous les deux mon pote »
Je gardais mon sourire quelques secondes encore avant de reprendre une gorgée de bière. Je posais mon regard sur la bouteille en songeant à un truc qu’on aimait tous les deux Clint et moi :
« Promets-moi un truc, dès que je suis sur pied, on se fera un bon barbeuc. Et je veux connaitre ta femme et tes gosses. »
Et puis je songeais un instant à ma fille :
« Et faut qu’on parte chercher Elena si vraiment elle est dans le monde de Lùthien. Il faut que je sache si j’ai toujours une fille qui attend son père quelque part. »
"On est des vieux tous les deux" ? Il me faisait marrer… Il avait quoi, 32, 33 ans ? J'allais sur mes quarante, et même si j'avais pas à me plaindre de ma forme physique, je n'avais plus la même fougue qu'à vingt ans. Je comprenais ce qu'il voulait dire. On avait tous les deux vécu des épreuves qui nous avaient fait vieillir plus vite qu'on aurait dû. C'était le lot des agents secrets.
« On vieillit vite dans c'boulot. »
Aaron resta silencieux quelques instants, mais il gardait le sourire. C'était une force de la nature, il se rétablirait vite. D'ailleurs il me parla déjà de ses projets pour quand il serait sur pied. Faire un barbecue, rencontrer ma famille, retrouver sa fille… Je lui adressai un sourire encourageant et répondis, sans trop m'avancer :
« On verra c'qu'on peut faire. »
En ce qui concernait Laura et les enfants, je voulais pas lui dire non, mais je pouvais rien lui promettre non plus. J'étais toujours frileux à l'idée de leur faire rencontrer des collègues. J'aimais pas mélanger ma vie professionnelle et ma vie privée. Ma famille c'était ma bulle de paix et de sérénité, et en les préservant de la vie que je menais avec le S.H.I.E.L.D. et les Avengers, je me protégeais aussi.
« Pour le moment faut qu'tu prennes soin de toi, "Mirage". Tu reviens d'loin, mais t'es un coriace. Il est pas arrivé celui qui parviendra à t'descendre. »
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