Evaluer la menace

D'une démarche à la fois grâcieuse et téméraire, la jeune femme s'avança dans la ruelle que cernaient deux immeubles en briques rouges datant sans doute des années quarante. C'était là le genre de constructions typiques de cette période dans la ville de New York. Si à l'origine, ce genre de bâtisses avaient pu être considérées comme respectables, le manque d'entretien, la négligence des autorités dans le quartier et l'œuvre du temps, avaient tôt fait d'en faire un endroit aussi insalubre que peu recommandable ... voire dangereux. Car même en pleine après midi, certaines ruelles du Bronx restaient des lieux à éviter. Pourtant, sans la moindre hésitation dans son attitude, la jeune femme s'engouffra dans l'ombre des deux immeubles, le son de ses escarpins noirs résonnant entre les murs sur l'asphalte irrégulière et généreusement criblée de nids de poule qui revêtait cette ruelle. Au sol, les détritus en tout genre ne manquaient pas de contribuer au décor, ajoutant à l'ambiance déjà peu avenante des lieux, une odeur d'ordures ménagères à même de soulever les cœurs. Affublée d'une veste de tailleur et d'une jupe crayon, le tout d'un vert sombre, l'inconsciente continuait d'avancer, sa chevelure blonde retombant sur ses épaules et dans son dos, évitant sans difficulté et avec une beauté qui tranchait avec l'endroit, de marcher dans les flaques d'eau dont la surface était irisées par les hydrocarbures qui la souillaient.

Au loin, dans la pénombre de la ruelle, trois silhouettes se détachèrent du mur, comme si les individus jusqu'alors adossés à la bâtisse, venaient de se redresser à l'approche de la jeune femme. D'une démarche presque patibulaire, ils finirent par venir à la rencontre de cette dernière.

"Bonjour, messieurs, les salua la jeune femme d'une voix légère et guillerette. N'est-ce pas là une excellente journée pour les affaires ?"

Une question purement rhétorique et qui n'appelait pas véritablement de réponse. D'ailleurs, mis à part quelques grognements approbateurs, il n'y eut aucune réponse véritable.

"Très bien ... j'imagine que si vous êtes là, c'est que vous êtes parvenus à mettre la main sur ce que je vous ai demandé."

Cette fois-ci, la jeune femme espérait une réponse, mais le silence qui suivit lui fit hausser un sourcil d'incertitude.

"N'est-ce pas ?, insista-telle, d'une voix qui avait gagné un brin d'autorité.

- A dire vrai, ouais, on a la marchandise ... par contre, le prix a changé, ma belle."

Une annonce fâcheuse, qui fit aussitôt disparaître le sourire charmant et avenant qui ornait jusqu'alors les lèvres rosées de la jeune femme. A la place, la commanditaire affichait à présent un masque bien moins amical et rayonnant. Non, c'était même tout le contraire : une moue de déception et de désapprobation. Ainsi donc, ces crétins pensaient pouvoir revenir aussi facilement sur les termes du contrat ?

"Voilà qui n'est pas très raisonnable ..., commenta la jeune femme sur un ton bien plus sec que le précédent. Une décision, j'en ai bien peur, qui va nous conduire à de graves déconvenues."

Une menace ? Effectivement. Se sentant sans doute en position de force, les trois malfrats se rapprochèrent de quelques pas de la jeune femme, sortant des lames dont l'acier fit naître le temps d'un bref instant, un éclat au milieu de la pénombre.

"Qui c'est qui parlait de déconvenues ?"

L'injonction tonna dans la ruelle, semblant faire frémir les briques rouges qui l'encadraient. Cette voix forte et autoritaire saisit de surprise la magicienne, ainsi que les malfrats, tous quatre loin de s'attendre à être ainsi dérangés. Il était de notoriété publique que s'immiscer dans les affaires qui avaient cours dans les recoins obscures du Bronx, n'était jamais pertinent. Et pourtant, cela n'avait pas empêché le nouveau venu d'intervenir.

Affichant toujours cette froide assurance qui était la sienne, Amora se tourna en direction du trouble fête, ignorant pour un temps les trois crétins qui la menaçaient de leurs couteaux, afin de porter sur lui son regard émeraude des plus perçants. L'individu, dont la silhouette se dessinait à contre jour dans l'encadrement de la ruelle, était de toute évidence d'une stature plus imposante que la moyenne ... beaucoup plus imposante, tant en taille qu'en largeur d'épaules. Pour autant, elle n'aurait pas été capable d'en dire plus à son sujet, d'une part car la luminosité de la ruelle ne lui permettait pas de distinguer plus que cela à cette distance, mais également parce qu'il était enveloppé dans une longue cape.

Sans grande surprise, l'Ase sentit les trois gusses gagner en nervosité face à ce nouvel adversaire potentiel. Si quelques instants plus tôt, ils semblaient bien déterminés à vouloir user sur elle de leur supériorité numérique et soit disant masculine, à présent, ils semblaient bien plus hésitants. Pour preuve, malgré une invective à l'intention du type à la cape, sans doute dans l'espoir de l'intimider et de le dissuader de poursuivre, il n'en restait pas moins qu'ils n'avaient pour le moment pas fait un pas de plus en direction de la blonde ou du nouveau venu. De son côté, ce dernier semblait plus déterminé que jamais de se mêler de ce qui ne le regardait pas, car contrairement aux brigands de seconde catégorie avec lesquels Amora était en affaire, lui, n'hésita pas plus longtemps et s'avança dans la ruelle, se rapprochant du petit groupe.

"Ecoute, Trésor, tu ne devrais pas te mêler de ça, lui conseilla l'Ase d'une voix charmante et un brin sarcastique. Je suis suffisamment grande pour me débroui-"

La phrase resta inachevée ... comme en suspens, alors que le regard de la magicienne redoublait d'intensité en fixant l'homme en approche. Qu'est-ce que ... Remontant le long de sa nuque jusqu'à la base de son crâne, Amora pouvait percevoir un fourmillement se répandre sous sa peau. Une sensation familière et qu'elle n'avait aucune difficulté à identifier. Pour autant, jamais elle n'aurait pensé la ressentir dans un endroit pareil ... jamais elle n'aurait imaginer trouver la source d'un tel phénomène en cette journée. La magie, et plus précisément, l'énergie magique propre à Asgard. Ce type en était imprégné.

Le trouble ressenti par la blonde avait-il achevé de faire grimper la tension ambiante ? Ou bien la bêtise des midgardiens était-elle supérieure à leur instinct de survie ? Amora n'aurait su le dire. Quoi qu'il en fut, deux des trois délinquants se lancèrent à la rencontre de l'homme à la cape, lame à la main, alors que le troisième, de son côté, sortait une arme à feu de derrière lui, pour la pointer en direction de l'Enchanteresse.

"On les fume !"

Avec un soupir d'exaspération, Amora leva les yeux vers le ciel. Pourquoi fallait-il toujours que les choses soient compliquées ?

Comme Amora l'avait pressenti, chez le nouveau venu, les apparences étaient trompeuses, et les deux agresseurs l'apprirent à leur dépend. Le craquement des phalanges du premier d'entre eux, se fit entendre dans toute la ruelle, le son remontant le long des murs de briques grâce à l'acoustique offerte par ceux-là. La mâchoire du gaillard était assez robuste pour encaisser le coup de poing du midgardien, et se permettre au passage, de lui briser les os de la main.

Tombant à genoux tout en se tenant le poignet sous l'effet de la douleur, ce premier adversaire se retrouvait déjà hors combat après une première attaque, gémissant et larmoyant sous l'effet de cette souffrance inattendue. Pour autant, cet imprévu ne retint pas le second adversaire, qui lui opta pour une attaque au couteau. Peine perdue. Et si cette fois-ci, ce ne fut pas le son d'une fracture qui remonta le long de la brique rouge, ce fut celui de l'acier brisé lorsque la lame se sépara du manche au moment de l'impact, pour venir ensuite retomber sur le sol crasseux. Point de douleur sur le visage de l'homme encapuchonné. De la stupeur sur celui du brigand.

D'un seul coup, le nouveau venu se débarrassa de ce second adversaire, l'envoyant valser dans les airs sans aucune difficulté, tout en lui faisant sauter quelques dents au passage. Tous les signes convergeaient en direction de l'hypothèse de la magicienne avec cette résistance et cette force surhumaine. Une fois libre, l'homme retira sa capuche, révélant alors une chevelure blonde, ainsi qu'une barbe et un regard de la couleur de l'acier. Quant à son armure, elle était de toute évidence de facture asgardienne. Au dessus de la ruelle, le ciel se chargea de nuages menaçants, tandis que le grondement du tonnerre exacerba un peu plus l'ambiance dramatique de ce qui était en train de se jouer dans cette petite ruelle.

Derrière elle, Amora pouvait entendre les tremblements du dernier malfrat à travers les cliquetis nerveux de son arme. De toute évidence, face à la rouste que venaient de prendre ses camarades, il se sentait bien moins en position de force devant ce nouvel adversaire peu commun. Et d'une certaine façon, la magicienne comprenait parfaitement les craintes du mortel. Elle-même, ayant plus ou moins compris à qui elle avait à faire, sentait une forme d'angoisse monter en elle. S'il était bien celui qu'elle soupçonnait, alors les enjeux seraient bien différents que face à trois imbéciles mal renseignés. Face à lui, sa physiologie asgardienne ne lui offrait plus aucun avantage. Physiquement, il la surclassait, et de loin. Quant à sa magie ... elle savait depuis longtemps qu'elle ne pouvait plus compter dessus, et ce ne serait pas les quelques illusions fragiles qu'elle était à peine en mesure d'élaborer qui pourraient leurrer un gaillard comme lui ... pas avec la famille qu'il avait.

D'une voix impérieuse et investie de la puissance du tonnerre, l'homme enjoua le criminel de seconde zone à déposer les armes et à renoncer à toute tentative d'en venir aux mains ... le menaçant d'une façon qui fit hausser un sourcil à la jeune Ase. Le son de l'arme à feu touchant l'asphalte, indiqua à Amora qu'une décision avait été prise ... une décision des plus sages sans doute. Finalement, le son de pas précipités s'éloignant d'elle dans son dos, lui indiquèrent que cette négociation était sans doute terminée. Ne restaient donc plus que la magicienne, le 'héros' du jour, un malfrat inconscient étendu au sol la bouche en sang, et un autre, recroquevillé sur lui-même le long du mur, tout en chouinant et en serrant sa main brisée contre lui. Les choses se joueraient donc à présent entre les deux asgardiens. Tachant de dissimuler ses craintes, Amora se para de ce sourire dont elle avait le secret, l'un de ses multiples masques, celui du charme et de l'innocence, le tout saupoudré d'une pincée d'insolence si séduisante et provocante. Délicatement, elle croisa les bras sous sa poitrine, adoptant une attitude décontractée. Mais malgré tout, elle restait sur le qui vive, même si ses options étaient bien minces dans l'éventualité où l'homme en face d'elle voudrait en découdre avec elle aussi.

"Ou je sors le mien ? Vraiment ?, lança l'Ase d'une voix amusée en reprenant les propos du géant. Que voilà là une formulation des plus ... incongrues. Surtout devant une dame."

Toujours dans l'idée de dissimulée ses peurs vis à vis de ce qui allait suivre, la magicienne s'efforça de plonger son regard aux iris verts dans ceux d'acier du guerrier. Au coin de ses lèvres, le début d'un sourire se laissa deviner.

La menace des trois criminels neutralisée, l'obscurité dans la ruelle sembla s'adoucir, alors qu'en même temps, le ciel s'éclaircissait. Bientôt, le grondement du tonnerre ne fut plus qu'un lointain souvenir. Pour autant, celui qui était de toute évidence à l'origine de ce phénomène météorologique se tenait toujours debout face à l'asgardienne, continuant de la fixer avec détermination, son regard d'acier perçant sans difficulté la pénombre des lieux. Même la tentative d'Amora pour déstabiliser ce nouvel interlocuteur n'obtint pas le résultat escompté. C'était comme s'il se montrait totalement hermétique à la présence de l'Ase. A la place, il conservait cette mine grave et sérieuse, presque dure et courroucée, posant sur elle un regard qui lui arracha un frisson d'inquiétude. Lorsque d'un bras puissant, il brandit un index accusateur dans sa direction, elle ne put réprimer un discret sursaut, et surtout, se montra incapable de rester sur place, se surprenant à faire un pas en arrière malgré elle. Quant à la façon dont il l'interpella ... elle ne laissa aucun doute sur le fait qu'il était parfaitement conscient de la nature de l'Ase. Pour autant, avait-il conscience qu'à cette heure-ci, elle était à présent presque entièrement privée de ses pouvoirs. Déterminée à ne pas lui montrer sa peur, Amora se força à se ressaisir, se redressant tout en relevant le menton avec fierté, le fixant à son tour de son regard émeraude dans une attitude pleine de défi. Il était hors de question qu'elle apparaisse comme affaiblie ... vulnérable ... et encore moins face à lui.

"Fils d'Odin", répondit-elle avec froideur, ne cherchant pas un seul instant à dissimuler la rancoeur qu'elle éprouvait pour ce nom.

Lorsqu'il ouvrit la main, écartant les doigts, sans avoir pour autant abaissé son bras, Amora eut l'impression que déglutir était devenue une véritable torture tant sa gorge s'était resserrée sous l'effet de l'inquiétude. Pour autant, cette fois-ci, elle parvint à ne pas reculer, gardant toujours la tête haute dans une attitudes des plus nobles et fière. Mais rien. Là où elle s'était attendue à endurer la morsure de la foudre, ou bien les effets d'une quelconque magie châtieuse, il n'en fut rien. Tout au plus percevait-elle une lointaine note aigüe ... une note qui semblait gagner en intensité ... comme si son origine se rapprochait. Et soudain, traversant la ruelle, une imposante hache crépitante d'énergie, vint se loger entre les doigts de Thor. Face à une telle image, l'Enchanteresse ne put dissimuler sa surprise, perdant un peu de son aplomb et fronçant légèrement les sourcils d'incompréhension. Qu'était donc cette arme ? Où était le marteau des légendes ? Elle ne s'était tout de même pas trompée quant à l'identité de l'homme qui se tenait en face d'elle.

Mais lorsque ce dernier brandit d'un geste rapide et précis, le fer de son arme en direction de l'Ase, et que des éclairs crépitèrent depuis la lame jusqu'au manche de bois, pour ensuite remonter le long du bras de son propriétaire, alors, les derniers doutes d'Amora furent dissipés. Ce fut le moment que choisit Thor pour annoncer que tous deux devaient avoir une discussion. A cette idée, la lèvre supérieure de la magicienne s'ourla dans un mouvement désapprobateur. Et bien qu'elle savait ne pas avoir le choix, cette perspective ne l'enchantait guère ... car la dernière fois qu'elle avait eu une discussion avec le Trône d'Asgard, elle n'avait plus revu la lumière du soleil durant cinq décennies, tout en se voyant être dépossédée de son bien le plus précieux.

Ses intentions révélées, Thor abaissa son arme, avant de se mettre en marche en direction de l'Ase aux cheveux d'or. Sa démarche était à l'image de sa détermination, et dans son regard sévère, Amora comprit que rien ne pourrait le faire changer d'avis. En le voyant se rapprocher d'elle, la magicienne sentit la panique la gagner. Pour autant, elle se trouva incapable de fuir, comme paralysée sur place. Mais de toute façon qu'aurait-elle pu faire ? Dépourvue de sa magie, elle n'était pas en mesure d'invoquer un sortilège suffisamment puissant pour pouvoir repousser le prince, ou encore de prendre la fuite par la voie des airs. Et même alors, elle n'avait aucun doute sur le fait qu'il était très certainement en mesure de la poursuivre.

"Si nous devons parler, j'espère que cette fois-ci, j'aurai la chance de pouvoir m'exprimer pour me défendre, contrairement à la dernière fois !", cracha-t-elle alors que le prince fondait sur elle.

La première réponse du prince face à cette réflexion de la part la magicienne, fut une profonde inspiration, aussitôt suivie d'une longue expiration, expression de sa profonde désapprobation, voire d'une certaine forme d'agacement, vis à vis de l'opinion déjà faite d'Amora à son sujet. Et à présent qu'il se tenait juste à côté d'elle, l'Ase à la chevelure d'or pouvait parfaitement distinguer les traits du Dieu du Tonnerre. Son visage royal lui paraissait sévère et grave, tout autant que le regard qu'il portait sur elle. Quant au charisme qu'il dégageait, il apparaissait à présent évident à la jeune asgardienne que les rumeurs n'exagéraient en rien cet aspect du personnage. Alors, se penchant en avant afin de se mettre à sa hauteur pour lui murmurer à l'oreille, Thor lui conseilla de ne pas le condamner à l'avance pour des actions entreprises par son père, et pour lesquelles il n'était en rien responsable. Alors qu'il s'était penché vers elle, Amora avait retenu son souffle, redoutant quelque peu les projets du prince à son égard. Lorsqu'il se redressa, elle resta figée, incapable de faire autre chose que le fixer. Se pouvait-il qu'il soit différent d'Odin ? Qu'il soit moins prompte que son père à la condamner ? Voire, qu'il soit, à l'instar du SHIELD, prêt à lui laisser une seconde chance ?

Quelques secondes, Thor sembla étudier du regard son interlocutrice. De son côté, Amora s'efforça de faire abstraction de l'aura de noblesse qui entourait le prince, afin de garder bonne figure. Dans un même temps, elle ne pouvait s'empêcher de s'attarder sur les énergies d'Asgard qu'elle ressentait en sa présence. Etait-ce cette arme qui dégageait cette magie ? Après tout, tout comme Mjölnir, cette hache devait avoir été enchantée, et par conséquent, renfermer le même pouvoir qui avait autrefois circulait à travers le royaume d'Odin.

Les propos du prince arrachèrent alors la magicienne de ses réflexions, alors qu'il lui indiquait que seuls les ennemis d'Asgard avaient à le craindre. Puis, frappant le sol avec l'extrémité du manche de son arme, il fut soudain frappé par un éclair. Face au flash lumineux, Amora détourna un instant le regard. Lorsque de nouveau elle fut en mesure de poser ses iris émeraude sur Thor, il avait changé de vêtements, troquant sa tenue de combat pour quelque chose de plus ... midgardien. A présent, il portait un jeans, un sweat et un manteau. Tout ce qu'il y avait de plus conventionnel et discret. Poursuivant sur la lancée de ses précédentes paroles, le fils d'Odin demanda à son interlocutrice si elle devait par conséquent le craindre.

Par le passé, le Père de Toutes Choses avait semble-t-il estimé que oui, vu qu'il percevait Amora comme une menace pour Asgard. Alors que répondre ? Avait-elle seulement nui à Asgard une seule fois dans la vie ? Elle en doutait. Pourquoi aurait-elle souhaité du mal à sa terre natale, alors que cette dernière était la source de sa magie ? Tout ceci n'avait aucun sens.

A présent, le visage de Thor était bien plus détendu. Son regard se faisait bien moins sévère, voire avenant. Quant à son arme, à présent qu'elle avait la forme d'un parapluie, et sans son armure, le prince apparaissait comme bien moins hostile. Aussi, l'Ase s'accorda la possibilité de reprendre une respiration plus décontractée.

"Je ne suis en rien une ennemie d'Asgard, répondit-elle d'une voix posée. D'ailleurs, je crois ne jamais l'avoir été. Pour autant, j'ignore toujours si je dois vous craindre ... j'imagine que la suite de cette rencontre me permettra d'être fixée. "

Une réponse formulée avec le plus grand naturel, sans tentative de ménager l'éventuelle susceptibilité du prince, et misant davantage sur un avis honnête et énoncé sans détour. Quant au vouvoiement, bien que Thor l'ait tutoyée, Amora savait être en train de s'adresser au prince héritier. Or, elle ignorait tout du point de vue du Dieu du Tonnerre au sujet du protocole royal.

Déjà, le prince s'était éloigné de quelques pas, semblant chercher à réajuster sa tenue, qu'il n'avait de toute évidence pas l'habitude de porter. Il souhaitait que l'Ase le conduise dans un endroit où on leur servirait un bon café. Face à cette requête des plus étranges, la magicienne haussa un sourcil, se demandant si elle avait bien compris. Et de toute évidence, il l'attendait, comme en attestait le regard qu'il lança derrière lui, en direction de la jeune Ase. D'un pas calme, et quelque peu prudent, Amora s'avança donc dans sa direction, ne tardant pas à se retrouver à sa hauteur, et à poursuivre vers l'avenue qui se trouvait de l'autre côté de la ruelle.

"Je ne connais pas vraiment ce quartier ... je ne suis que de passage, indiqua-t-elle, encore quelque peu troublée par la demande, autant que par la magie asgardienne qui flottait dans l'air. Mais on devrait bien pouvoir trouver quelque chose qui fera l'affaire."

Dépassant les deux malfrats blessés et abandonnés par leur comparse, l'Ase renonça définitivement au contrat qu'elle était venue conclure avec eux.

*   *   *

Se tenant devant la porte d'entrée d'un dinner, Amora avait le visage relevé, fixant l'enseigne du commerce, les bras croisés devant elle : Tom's. Cet endroit avait tout du dinner américain. Est-ce qu'ils y servaient du café ? Sans doute. Etait-il bon ? Elle l'ignorait ... n'ayant jamais mis la pied dans ce genre d'endroit. Pourquoi un tel choix ? Ici, l'Ase espérait qu'ils seraient au calme, histoire d'avoir cette fameuse conversation.

"Très bien, Votre Majesté, j'espère que nous trouverons votre bonheur ici."