Le lycée semblait désert. Pas un élève, pas un professeur, ni qui que ce soit dans la cour ni dans les couloirs. Tout le monde avait été rassemblé dans le gymnase, comme lors des exercices de confinement anti-terroriste. Il ne restait qu'une surveillante à l'accueil, attendant l'arrivée des policiers, et la proviseur dans son bureau, se rongeant les sangs, passant des coups de fil.

Susan Murray était une femme passionnée par son travail, au caractère fort mais juste. Elle dirigeait son établissement d'une main de fer dans un gant de velours. En trente ans de carrière, elle avait vu passer des milliers d'élèves, des centaines de professeurs, et avait géré des dizaines de crises, y compris durant les années sombres. Mais jamais un événement comme celui d'aujourd'hui ne s'était encore produit dans son lycée. Tout s'était passé si vite... Elle peinait encore à réaliser ce qui était arrivé.

Lorsqu'on frappa à la porte de son bureau, elle se leva d'un bond, raide comme un piquet, et indiqua d'une voix autoritaire que l'on pouvait entrer. Elle fut néanmoins surprise de voir débarquer les Baskerville. Déjà ? La police n'était même pas encore arrivée...
Très professionnelle, elle s'avança vers eux, leur administra une poignée de main ferme, et leur désigna les deux sièges devant son bureau.

" Bonjour. Je ne m'attendais pas à vous voir si vite... Je vous en prie, asseyez-vous. "

Loin d'elle l'idée de faire attendre deux parents inquiets, mais vu ce qu'elle avait à leur dire, il valait mieux qu'ils soient assis. Elle reprit place dans son fauteuil face à eux et posa les yeux sur le dossier ouvert sur le bureau, celui d'Earwen Baskerville.

La principale n'avait pas pensé que ce serait à elle d'expliquer la situation aux deux adultes. Elle avait compté sur l'arrivée des policiers bien avant eux, ces hommes qui étaient sans doute formés à annoncer ce genre de terrible nouvelle. Elle ne savait pas comment s'y prendre. Comment expliquer à deux parents que leur fille avait disparu, enlevée en pleine journée par un homme volant au beau milieu de la cour du lycée ?

Toujours est-il qu'elle était bien forcée de le faire. Il aurait été inhumain de faire patienter les Baskerville, d'autant plus que la femme semblait déjà au bord de la crise de nerf.
Plaçant ses coudes sur le bureau, elle croisa les doigts et les posa sous son menton. Elle poussa un profond soupir, cherchant ses mots, et regarda la mère Baskerville avec un regard empli de compassion.

" Votre fille se trouvait dans la cour lorsqu'un homme en armure est arrivé depuis le ciel, l'a attrapée et est reparti en volant avec elle. Je n'ai pas d'explication pour le moment, mais j'ai contacté la p... oui ? "

Elle avait été interrompue par de nouveaux coups sur sa porte. La surveillante de l'accueil entra de nouveau, le regard un peu perdu, et lui annonça que les policiers étaient arrivés, et qu'un inspecteur souhaitait lui parler.
Légèrement agacée par le manque d'initiative de la surveillante, la proviseur répondit d'une voix un peu sèche :

" Eh bien oui, amenez-le ici ! "

Elle était néanmoins soulagée de l'arrivée des policiers. Peut-être sauraient-ils expliquer ce qui s'était passé, et sauraient-ils également comment gérer les deux parents.

Lorsque le central reçut un appel d'un lycée annonçant qu'un homme volant en armure avait kidnappé une étudiante, la police sut immédiatement à qui confier le cas. Ce n'était pas le premier au cours de ces dernières semaines malheureusement.
L'inspecteur Garfield soupira en apprenant que cette fois, le chasseur s'en prenait à une adolescente. Il se rendit sur le champ au lycée sportif et culturel situé en bordure de l'île.

Des collègues du secteur de Staten Island étaient arrivés avant lui et avaient pris les renseignements nécessaires. Une fois mis au parfum, l'inspecteur demanda à voir la proviseur et les parents de l'adolescente kidnappée. On le conduisit jusqu'à un bureau où une femme hystérique, aux côtés d'un homme inquiet, hurlait sur une autre femme, assise derrière le bureau. Les déductions se firent rapidement, et l'inspecteur s'approcha doucement de la femme blonde pour tenter de la calmer. Mais son mari lui recommanda vivement de n'en rien faire, avertissant qu'il allait s'y brûler... L'inspecteur leva un sourcil dubitatif, et retint son geste.

Il referma la porte du bureau derrière lui, et sortit son badge pour le montrer au couple. Il s'adressa à eux d'une voix douce mais ferme, professionnelle, mais compatissante.

[HENRY GARFIELD] " Monsieur et madame Baskerville je présume ? Je suis l'inspecteur Henry Garfield, je suis en charge de cette affaire. Puis-je vous poser quelques questions ? "

Il posa également son regard sur la proviseur, l'incluant dans cette demande rhétorique. Celle-ci acquiesça en silence, d'un geste simple et précis de la tête, visiblement réconfortée par l'arrivée des forces de l'ordre. Ils allaient sans doute pouvoir tirer cette abracadabrante histoire au clair. En attendant que l'inspecteur pose ses questions, elle reporta son attention sur le dossier d'Earwen Baskerville, et plus particulièrement sur les renseignements concernant ses parents, puisque le père avait parlé de contacter leurs employeurs. La demande étant curieuse, elle regarda ce qu'ils faisaient comme travail. Fronçant les sourcils d'incompréhension, elle ne put s'empêcher de demander :

[SUSAN MURRAY] " Qu'est-ce que c'est le "bureau de Stratégie Habileté Intervention Exécution et Logistique Défensive" ? "

Lorsque la principale évoqua le bureau au nom à rallonge pour lequel les Baskerville travaillaient, l'inspecteur fronça les sourcils un bref instant, et demanda poliment à voir le dossier. Il le parcourut rapidement, laissant le père s'isoler pour passer son coup de fil. Il n'eut aucune réaction lorsque la mère évoqua le secret professionnel. En revanche, il releva les yeux vers elle lorsqu'elle affirma que sa fille était tout à fait normale. Il garda un visage neutre, mais plissa très légèrement les yeux, comme si cette remarque ne lui convenait pas.

Lorsque le père revint et que la mère, semblant soudain réaliser quelque chose, lui intima d'appeler l'école de Cirth - sans doute leur second enfant - l'inspecteur tendit la main vers le père comme pour lui faire stopper son éventuel geste, et lui dit sur un ton qui se voulait rassurant :

" Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Votre deuxième... enfant est en sécurité. "

Ne sachant pas si "Cirth" était un prénom masculin ou féminin, il avait préféré ne pas prendre de risque, et utiliser un nom commun neutre. Il se tourna vers la proviseur, toujours assise dans son fauteuil, posa un instant ses yeux sur la plaque de son bureau indiquant son nom, et lui demanda avec toute la politesse et la diplomatie requises :

" Madame Murray, vous pouvez vaquer à vos occupations, je prends en charge monsieur et madame Baskerville, ne vous inquiétez pas. "

Pas dupe, la principale se raidit, et répondit d'une voix soudain bien froide :

[SUSAN MURRAY] " Vous me mettez à la porte de mon propre bureau, inspecteur ?
[HENRY GARFIELD] " En effet madame. Votre présence n'est pas requise durant un interrogatoire de police. Et je pense en revanche que vos collègues et élèves vont avoir besoin de vous. "

Elle le fusilla du regard, avant de se lever d'un bond, et de sortir du bureau d'une démarche très digne malgré l'humiliation qu'elle estimait subir sur son territoire. Elle ne manqua néanmoins pas de claquer la porte derrière elle. L'inspecteur eut un bref sourire, avant de retrouver tout son sérieux et de s'adresser aux Baskerville, à présent qu'ils étaient seuls.

" Je vous prie de m'excuser pour cet usage de mon autorité policière, mais j'estime que la manœuvre était nécessaire. Bien... "

Comme la place était libre, il s'assit dans le fauteuil de la proviseur, prenant place en face du couple. Il disposa ses doigts en cloche devant sa bouche et les observa quelques instants, avant de finalement révéler :

" Je connais vos employeurs, bien évidemment. Cela étant dit, cette enquête ne les concerne en rien, elle a été confiée à la police de New-York. Vous êtes ici en temps que parents d'une enfant kidnappée, et non en temps qu'agents du S.H.I.E.L.D.
Au vu des informations recueillies, nous pensons que votre fille a été enlevée par celui que la presse surnomme le Chasseur de Têtes. Je vous promets de faire tout mon possible pour la retrouver. Mais pour cela je vais avoir besoin de votre pleine et franche coopération. Sommes-nous d'accord ? "

Une fois qu’il eut obtenu l’approbation des deux agents, il posa enfin la question qu’il avait en tête depuis le départ, la plus importante, celle qui lui permettrait de confirmer ses théories :

" Est-ce que votre fille est une mutante ? "

Lorsque la mère lui posa des questions sur son fils, demandant si la police s'occupait de lui, l'inspecteur se rendit compte qu'elle avait mal compris ses mots, qui pouvaient en effet être interprétés de la sorte. Mais il n'en était rien. La raison qui le poussait à penser que leur fils était en sécurité était toute autre.

" Non, je voulais dire par là qu'il ne court aucun danger. L'attaque ne vise pas vos enfants en particulier. "

Il restait vague pour le moment, car il ne pouvait développer précisément sa pensée tant que la proviseur serait dans le bureau. Son départ fut donc un soulagement, tant pour lui que pour le couple.

Si les Baskerville avaient été des gens "normaux", l'inspecteur ne leur aurait pas révélé tant d'éléments, mais en tant qu'agents du S.H.I.E.L.D. ils étaient à même de comprendre plus de choses.
Garfield apprécia d'ailleurs leur professionnalisme, ils accueillirent ses révélations avec bien plus de calme et de self-control que des civils.

La réponse de la mère fut bien trop vague pour que l'inspecteur s'en contente. Elle enchaîna néanmoins avec une question, et comme il avait le sentiment qu'elle voulait aller quelque part avec cette demande, il se résolut à lui répondre.

" Qu'il s'agit d'une agence internationale de renseignement et d'intervention sur tout ce qui concerne les menaces extra-terrestres et super-naturelles. Cela dit, mon affaire n'entre officiellement pas dans cette catégorie, du moins pour le moment.
Pour en revenir à vos enfants, votre fils ne sera pas directement impliqué. Le Chasseur de Têtes ne s'attaque pas spécifiquement à des membres du S.H.I.E.L.D., mais à des mutants. C'est une information confidentielle, cela n'a pas encore filtré dans la presse, nous tenons à éviter un effet de panique. Mais les faits sont là : toutes les victimes retrouvées jusqu'à présent partagent le même gène mutant. D'où ma précédente question, et la nécessité d'une réponse précise. "