[Terminé] Quand aider est une seconde nature

Dimanche. Le lendemain de la Babyshower de Raven et la veille de la rentrée scolaire ; elle aurait pu restée paisiblement au Manoir pour se reposer et être en forme pour la longue journée qui l’attend demain mais, stressée comme à son habitude, la belle rousse avait eu la bonne idée de vouloir trouver une nouvelle tenue pour sa rentrée, comme si un nouveau pull allait faciliter son intégration au sein de sa nouvelle promo…
Enfin, comme personne n’avait eu le coeur de la contredire, elle s’était préparée en quatrième vitesse avant de prendre sa voiture pour quitter le Manoir, armée de son bonnet, d’une écharpe épaisse enroulée autour de sa gorge et d’un petit sac-à-dos  contenant un kit de survie : un sachet individuel contenant des cookies, une petite bouteille de jus de pomme et son porte-monnaie. Le plus important étant, bien sûr, le premier élément.

Malgré la neige — et le drôle d’éclairage clignotant sur son tableau de bord, la rousse arrive à New-York en milieu de matinée, se garant sur le grand parking d’un centre commercial étant non loin du BronxCare Hospital. C’est une longue journée shopping qui l’attend, en solitaire cette fois, alors elle décide d’aller d’abord se chercher une boisson chaude pour se donner du courage, et la force d’arpenter les rayons des nombreux magasins qu’elle pense visiter aujourd’hui mais…

Alors qu’elle se dirige vers un café dans une rue un peu plus éloignée du centre commercial, ses yeux croisent le visage d’un jeune homme ayant la tempe en sang, qui se balance d’avant en arrière sur les marches d’un escalier, en grelottant de froid. N’ayant pas le coeur de détourner le regard avec indifférence, elle ne peut continuer son chemin et fait quelques pas vers lui, prudente, ne voulant pas non plus finir dans le même état que lui. « Monsieur ? Est-ce que ça va ? » Question stupide. Il est en sang, en t-shirt avec ce froid terrible, et il semble être mentalement ailleurs. Se penchant alors en avant, elle enlève son écharpe épaisse pour l’enrouler autour de ses épaules tout en essayant calmement de l’interpeller du regard, finissant par capter son attention : il écarquille légèrement les yeux en agrippant le tissu chaud pour l’enrouler autour de ses épaules et le haut de son buste, sans cesser de grelotter. « Monsieur, venez… » L’aidant à se relever, la rousse l’entraîne dans le café le plus proche et l’installe à une table avant de commander une panoplie de boissons chaudes et de petites choses à grignoter, puisque l’heure n’est pas encore au service salé, entamant doucement mais sûrement une discussion.

Elle apprend ainsi qu’il s’appelle Jon, et qu’il est un vétéran ; comme beaucoup d’entre eux, il a fini à la rue sans trop savoir comment, sans l’avoir anticipé, sans savoir comment s’en sortir. Touchée par son discours, elle l’écoute longuement parler, sans broncher, sans trop oser de questions pour ne pas le brusquer ; finalement, après presque deux heures de conversation, elle lui propose de le suivre, car elle connait un endroit qui pourra l’aider. Elle lui demande de lui faire confiance et, voyant peut-être une façon de sortir de cette misère qui finira par le tuer — si le froid ne le fait pas avant, Jon accepte de la suivre.

Ainsi, tous deux, peu après midi, arrivent devant le Jack’s Refuge, dont Soraya lui avait tant parlé ; en bien, évidemment. Poussant la porte, Jean la tient pour que Jon puisse passer à son tour, mais lui se met dans un coin pour se faire oublier quand elle s’avance en baladant son regard de gauche à droite, à la recherche d’une jeune fille qu’elle connait bien, qu’elle aime infiniment et qu’elle sait être dotée d’un coeur pur, suffisamment pour accueillir ce vétéran qui a désespérément besoin d’aide…

Jetant un regard bienveillant envers la silhouette chétive et craintive qui s’est logée dans un coin de mur pour se faire oublier, Jean lui adresse un sourire qui se veut rassurant avant d’être happée par une voix familière, qu’elle n’avait plus entendu depuis bien trop longtemps : Soraya. Accueillant son amie avec plaisir entre ses bras, la rousse se laisse gagner par un sourire immense, l’entourant avec tendresse pour profiter de son étreinte durant quelques instants précieux, avant de se reculer en gardant son sourire. « Je vais bien, et toi ? » Observant le visage de son ami en arborant un sourire franc et suave, elle hoche vivement son menton de haut en bas avant de dire, d’une voix claire : « Trop longtemps même ! On a des tas de choses ose dire. » Peut-être trop la concernant, d’ailleurs.

Mais ayant presque oublié la raison de sa visite, elle hoche brièvement ses sourcils quand Soraya lui demande ce qui l’amène… Se décalant de quelques degrés, elle tourne le menton vers Jon, qui les observe d’un oeil craintif sans oser parler, meurtri par le froid. « Je suis tombé sur lui tout à l’heure… Il a besoin d’aide. » Pressant ses lèvres l’une contre l’autre, elle fait un pas vers le fameux Jon pour l’inviter à se rapprocher d’elles et être inclus dans la conversation qui le concerne, sans perdre son sourire doucereux. « C’est un vétéran et je lui ai laissé entendre que le Refuge pourrait l’aider… » Elle espère que oui parce que, si la réponse est négative, que faire de Jon ? Comment l’aider ?

Soraya étant bien plus habituée à gérer ce genre de situation difficile, Jean s’éloigne finalement de quelques pas pour les laisser parler, en profitant pour se délester de sa veste chaude. La tenant par-dessus son bras, elle attend de savoir si Jon va pouvoir trouver une place ici, avant de retrouver sa place dans la société. N’est-ce pas ce que tous les hommes et toutes les femmes méritent ? Soraya est comme elle : profondément humaniste, alors elle ne doute pas du fait que son amie saura ouvrir son coeur, et tendre sa main.

Après leur étreinte, comme elle s’y était attendue, Soraya n’a aucune hésitation quant à la marche à suivre avec Jon : sans pitié aucune dans le regard, la belle brune s’avance d’un pas calme vers le malheureux qui, peut-être par honte, souhaite se faire oublier, essayant de disparaître dans un pan de mur en se laissant doucement réchauffer par l’atmosphère chaleureuse qui règne ici. Soraya, sans nul doute aguerrie de ses années passées ici, est parfaite dans son rôle d’hôtesse : elle le vouvoie, pose un regard serein sur l’homme miséreux qu’il est, sans jugement ni répulsion, l’encourageant à la suivre.


Les trois passent alors dans une pièce où il peut s’attabler et, visiblement gêné, il tourne son menton vers la jeune femme pour lui sourire avec un peu de maladresse, toujours replié sur lui-même ; à cette vision déchirante, elle presse ses lèvres l’une contre l’autre en retenant un petit soupir, sentant son coeur se déchirer. Combien sont-ils, en cet instant, à souffrir du froid au-dehors ? Beaucoup trop.

« Je veux bien un café, merci… » Répond-t-il à sa bienfaitrice sans la quitter des yeux, Jean lui octroyant un dernier sourire chaleureux avant d’emboiter le pas à son ami, tout en gardant un oeil mental sur leur invité : juste au cas-où il décide de partir. « Comment tu l'as rencontré? Tu sais si il a de la famille ou quelqu'un qui l'attendrai quelque part? » Une première grimace se forme sur le visage de la rousse tandis qu’elle s’empare d’une assiette généreusement garnie, ayant hâte de la déposer devant Jon. « Je l’ai vu dans la rue, il avait l’air frigorifié… Il m’a fait tellement de peine, je n’ai pas pu faire comme si je ne l’avais pas vu. » La tristesse emplit sa voix tandis qu’elle lève un regard complice vers Soraya, avant de dire : « Il m’a dit qu’il n’avait personne. Mais maintenant, il nous a nous ! » Un petit sourire ornant ses lèvres, bien qu’elle pense toujours à ceux qui n’ont personne pur les sauver, elle poursuit : « On devrait prendre une boisson aussi, non ? Pour l’accompagner. Ce serait plus convivial. » Elle ne gratte pas un chocolat chaud… Ou peut-être que si, mais c’est pour la bonne cause !

Mis en confiance par la douceur et l’humanité avec laquelle Soraya l’aborde, Jon se laisse volontiers guidé dans la petite pièce à côté, peut-être rassuré de ne pas être considéré comme un miséreux et de conserver sa dignité, sans nul doute la seule chose qu’il lui reste et à laquelle il s’agrippe, avec raison.

Laissons son amie faire les premiers gestes et paroles pour le mettre en confiance, la rousse se contente de lui envoyer un sourire emplit de douceur, avant de suivre Soraya : prudente, elle garde un œil télépathique dans la pièce adjacente, juste pour s’assurer qu’il reste là. S’il retourne dans la rue, il va mourir de froid et il est hors de question qu’elle l’abandonne à son triste sort, alors que Soraya est là pour l’aider.

D’ailleurs, celle-ci lui assure que Lynda et elle feront tout leur possible pour l’aider : cela rassure Jean qui, bien qu’elle n’en doutait pas, soupir en abaissant ses épaules et souriant d’un air largement plus détendu. « Si je peux être utile, n’hésite pas. » En quoi elle peut être utile ? Bonne question. Elle a quand même aidé Erik à reconstruire le manoir, alors qui sait, elle pourrait aider pour faire quelques travaux au refuge.

Pour ne pas que Jon se sente seule et nécessiteux, elle suggère de prendre également des boissons pour elles : Soraya accepte et Jean s’empresse de demander son chocolat chaud, la remerciant d’un sourire. Lorsque tout est prêt, la rousse retourne dans la pièce où Jon, soufflant sur ses mains pour les réchauffer, les accueille d’un regard craintif, néanmoins accompagné par un sourire emplit de gratitude. « On a pas été trop longues ? » demande-t-elle en prenant place à côté de Jon et en face de Soraya, en affichant un sourire qui se veut tendre. « Pas du tout. » répond-t-il en souriant à Soraya, ses mains se mettant autour de sa tasse chaude tandis que la conversation s’engage. « C’est quoi, ici, exactement ? » Demande-t-il en buvant une gorgée de son café ; Jean de son côté, ne sachant pas ce qu’il faut dire ou ne pas dire, laisse Soraya lui répondre.

Un sourire se dessine sur ses lèvres quand elle entend que Soraya la tiendra informée de l’évolution de situation de Jon ; elle est bien plus jeune que lui mais, vu les circonstances, elle se sent presque responsable de l’homme qu’elle a accompagné jusqu’ici. « Il faut que je vois avec Charles, » dit-elle tout d’abord en hochant son menton de haut en bas, se doutant bien que son père ne rechignerait pas à œuvrer positivement pour le refuge de Lynda, et aider ceux qui en ont le plus besoin. « Mais cela ne devrait pas poser problème. Vous avez besoin d’autres choses ici ? » À titre personnel, elle ne possède pas suffisamment de richesses pour les partager de manière significative, mais elle fait rapidement le listing des bienfaiteurs de son entourage, notamment Charles et Lucy, même si le fait qu’elle ait décliné sa proposition de rendez-vous galant n’aidera peut-être pas à plaider cette cause… Quoique. Elle est sûre que la belle rousse saura faire la part des choses.

Un peu perdu dans ses pensées, elle lève son menton en entendant la proposition de Soraya et, véritablement enjouée à l’idée de donner du temps pour aider autrui, surtout en compagnie d’une amie aussi précieuse, elle n’hésite pas un seul instant à hocher son menton, d’une manière plus vive, disant alors : « Tu me donneras les papiers ! » Et puis, ne serait-ce pas l’occasion parfaite pour approfondir sa relation avec Lynda ?

Plateau bien garni, elles retournent à la table où Jon les attend, et s’empresse d’entourer sa boisson chaude de ses mains afin de les raviver, elles qui ont été si souvent raidies par le froid. Tandis que la rousse boit une fine gorgée de son chocolat chaud, Jon demande timidement quelle est la nature de cet endroit : Soraya, prenant le temps de choisir ses mains avec délicatesse, lui répond néanmoins avec douceur et prudence, pour ne pas qu’il se sente plus honteux qu’il ne l’est déjà ; Jean regarde son amie avec un doux sourire, admirant grandement cette intelligence de coeur qui est la sienne.

Jon, quant à lui, hoche son menton de haut en bas tout en lui souriant aussi mais d’une manière plus mesuré et, ne voulant peut-être pas se sentir comme un boulet : « Je…Je peux me rendre utile. Je ne veux pas servir à rien. Je peux cuisiner, faire le ménage… » Il a sa dignité et ne veut pas avoir l’impression de dépendre entièrement d’autrui : la rousse peut le comprendre et c’est pourquoi elle se hasarde à demander, sans quitter Soraya des yeux : « La cuisine, ce serait peut-être une bonne idée… » Cela peut profiter à tous et, surtout, c’est un secteur qui engage, au vue des nombreux restaurants ouverts sur New-York.