[Terminé] I think I am a better ghost than I am a human being

Derrière la baie vitrée renforcée, il contemple les lumières de la ville trompant l’obscurité de la nuit : privée de sa beauté naturelle, le ciel ne laisse entrevoir aucune de ses étoiles endormies, camouflées par les veilleuses colorées s’échappant des fenêtres des nombreux buildings étalés à l’infini comme une mer  remuant de béton, allant du rouge à l’orangée, entravées par des silhouettes qui évoluent dans un décor qui lui semble appartenir à une autre réalité.

Les lumières de la ville se répercutent sur la baie qui borde ses rives, s’étirant à l’infini sur les remous des vagues paisibles, sur lesquels des visages se dessinent dans son esprit ; il pense tout d’abord à Sam, Raven et les jumeaux, puis Clint et Wanda, et bien sûr les autres Avengers qu’il laisse derrière lui, pour une durée indéterminée. Les évènements s’étaient enchainés à une vitesse monstre, ne lui laissant pas véritablement le temps de réaliser qu’il devrait quitter New-York et tous ceux qu’il aime, pour se fondre dans la masse humaine d’une autre capitale, où il serait davantage en sécurité.

En sécurité, oui. Mais il aurait préféré une autre solution.

Un soupir s’extirpe de ses lèvres tandis qu’il lance une oeillade à sa montre, maintenant qu’il n’a plus de téléphone : il est presque 4h du matin. Plissant légèrement ses yeux, il observe, au loin, la Liberation Tower qui semble le narguer de son nom, tandis que son chien qui, langue pendante, se positionne sous la climatisation située au-dessus de la porte d’entrée, cherche un peu de fraicheur après la découverte de ce climat aride et chaud.
En se retournant vers son vieux matou, Bucky ne peut s’empêcher d’émettre les contours d’un sourire avant de balayer le modeste appartement d’un regard circulaire ; la décoration est simple mais confortable, et le foyer est composé de tout le nécessaire pour vivre : une cuisine, une chambre, une salle de bain ainsi qu’un petit salon avec une télévision. On l’a déjà informé du système de sécurité de l’immeuble et de l’appartement, mais aussi prévenu qu’une personne viendrait déposer des courses une fois par semaine, et qu’il devait éviter au possible de sortir : avec un chien pour lui tenir compagnie — car il avait été hors de question qu’il parte sans lui, il était évident qu’il devrait abuser de cette règle au moins trois fois par jour.

« Je te remercie. » dit-il sobrement à la personne de confiance qu’il avait contacté pour cette planque imposée, et qui se retourne vers lui pour lui signifier que Rocket, parti en repérage dans le bâtiment pour s’assurer qu’ils n’avaient pas été suivi, ne devrait plus tarder à le rejoindre. Il connaissait Omar depuis des années, depuis qu’il avait fui HYDRA et trouvé refuge en Roumanie, et quand bien même les deux hommes ne se côtoyaient pas autant qu’ils le voudraient, ils persistaient entre eux une confiance et une amitié mutuelles, qui facilitaient grandement la délicate situation. Omar précisant qu’il va faire le tour du secteur, Bucky hoche son visage puis s’installe sur l’un des tabourets bordant le comptoir de la cuisine, le coude appuyé sur le dit comptoir ; un énième soupir s’extirpe de ses lèvres tandis qu’il reporte son attention sur la baie, perdu dans le vague de ses pensées moroses. Il avait hâte que Rocket revienne de sa patrouille, car être seul dans cet appartement vide lui foutait le cafard.

Après le départ de son ami, qui s’éclipse pour le laisser seul avec ses pensées, il ne peut s’empêcher d’émettre un soupir de désolement. Car elles sont bien moroses, ses pensées. Et Bucky bouillonne silencieusement d’une injustice héritée de son passée de Soldat. Il est un combattant, quand une guerre approche, quand l’heure de la confrontation sonne, il ne fuit pas, il fait face à son destin et affronte l’ennemi en le regardant dans les yeux.

Alors, fuir New-York avait été contre-nature, mais il l’avait fait pour la survie de ses amis : Raven, qui a eu la bienveillance et la générosité de l’accueillir à son appartement malgré le fait qu’elle porte la vie, ainsi que Sam et Rocket, tout aussi conscient du danger mais ne manquant guère de solidarité à son égard. Oui, mais à quel prix ? Il ne supporterait pas de perdre quelqu’un d’autre. Pas encore. Pas comme ça. Pas à cause d’eux.

Le voilà donc éloigné des siens, et bien loin de la ville où il a réussi à trouvé un semblant d’équilibre. Un nouveau soupir s’extirpe de ses lèvres tandis que ses yeux se perdent au-dehors, sur les reflets du lac qui scintille sous les lumières du ciel endormi. "RAS, tout est sous contrôle." Ne l’ayant pas entendu entrer, Bucky se retourne vers Rocket en pivotant sur son tabouret, son index commençant à tapoter sur la surface du comptoir en bois, le suivant des yeux lorsqu’il vient s’installer face à lui, sur le dit comptoir. « J’aurais aimé qu’il y ait une autre solution. » Admet-il en tournant le menton pour observer de nouveau le lac paisible, un peu honteux mais se doutant, au fond, que Rocket ne devait nullement avoir des pensées négatives à son égard.

Lorsque ce dernier se met à parler sur le ton de la confidence, il pose un regard emplit de curiosité sur lui, ne pouvant retenir ses lèvres d’afficher un sourire à la fois amusé et admiratif, qui est loin d’être surprit cependant. Son meilleur ami est un as des bidouilles, un ingénieur doué qui mérite davantage de reconnaissance, de son humble avis tout fait objectif. « C’est légal ? » Demande-t-il premièrement sur le ton de la plaisanterie, plus par souci de détendre l’atmosphère dans un moment aussi pénible que par réelle envie de plaisanter. Secouant légèrement son menton sur le côté, il poursuit d’un ton plus sérieux : « Je n’ai pas peur de la solitude, mais de ne pas avoir de vos nouvelles, oui. Essaie de m’en donner, d’accord ? Autant que tu peux. » Prenant une petite pause pour racler sa gorge, n’étant que trop peu habitué à ces élans émotifs, même en présence de la personne en qui il a le plus confiance, il marmonne finalement, en le regardant dans les yeux : « Merci de ce que tu fais pour moi, Rocket. »

L’instant de séparation approche, tous deux le savent mais ne veulent pas y penser : c’est pourtant la meilleure solution pour préparer ce plan contre HYDRA, qui viserait à utiliser Bucky comme appât. Qui y participera ? Probablement Sam. Bucky ne doute pas du fait que son ami, héritier de Steve, ne refusera pas l’appel que le Gardien et lui allaient lui lancer sous peu.

Considérant la question de Rocket quelques secondes, Bucky souhaite se montrer rassurant, ne voulant pas inquiéter celui qu’il considère comme un frère. Affichant alors son plus beau sourire de circonstance, au demeurant très convainquant, il avait affirmé avec aplomb : « Bien sûr. Tout ira bien pour moi, ne t’en fais pas. » Ce n’est pas pour lui que Bucky s’inquiète, car s’il doit mourir dans cet immeuble, il n’en portera avec lui aucune personne qu’il aime. S’il doit perdre Rocket… « Mais toi » Dit-il en le regardant dans les yeux, visiblement très soucieux de l’avenir, « Fais attention à toi. Tu sais qu’ils n’hésiteront pas. » Pas besoin de les nommer. Rocket sait très bien de qui il parle.

Les coeurs sont lourds, ce soir, et Bucky ne doute pas un seul instant du fait que c’est autant difficile pour lui que pour Rocket ; à sa place, il ignore comment il réagirait, de devoir le quitter à l’autre bout du monde dans un appartement certes confortable, mais dans lequel il va devoir se retrouver seul. La solitude ne l’effraye pas, mais dire qu’il ne redoute pas d’être en tête-à-tête avec ses pensées et ses inquiétudes serait mentir. Heureusement, Rocket a installé un téléphone pas tout à fait légal, mais ô combien salvateur pour cette situation. Un léger rire emportant ses lèvres, il se secoue légèrement son menton de gauche à droite en disant, d’un ton sincère : « Tes capacités m’étonneront toujours, tu sais ! » Puis, mimant un faux-air sérieux que Rocket peut aisément percer, il poursuit sur une voix amusée : « Tu devrais user de toutes tes capacités pour devenir millionnaire. » L’humour ; une façon, comme une autre, d’essayer de dédramatiser la situation, de rendre l’atmosphère plus légère.

« Je ne pense pas que quelqu’un trouvera tes bidouillages. » dit-il en tournant son menton vers le lac, avant de revenir auprès de Rocket pour le jauger quelques secondes, d’un air plus sérieux, avant de lui demander de lui donner des nouvelles régulièrement ; principalement des personnes avec il a été en contact récemment, et Raven en tête de liste car amoindrie par sa condition de femme enceinte. « S’il y a le moindre souci, tu m’appelles, d’accord ? » Rocket est la personne en qui il a le plus confiance, alors il n’a pas vraiment besoin que son ami, son frère, lui promette quoique ce soit pour le croire, mais il a besoin de l’entendre, surtout. Un petit sourire amusé naissant sur ses lèvres, il rétorque alors au sujet de Groot : « D’ailleurs, il est où ? Faudrait peut-être que je m’achète un truc comme lui, pour passer le temps. » Est-ce qu’il saurait même s’en servir avant d’avoir envie de la balancer contre le mur parce qu’il n’y comprend pas ? Faut espérer que la notice explique bien…

L’amitié de Rocket est précieuse, et pour rien au monde il ne voudrait la perdre. Aussi, c’est une amitié qui se passe de mots la plupart du temps mais qui, ce soir, a besoin de s’exprimer : ils échangent alors un regard complice, avant que Bucky se lève en disant « Tu veux boire quelque chose ? » comme s’il était chez lui, se dirigeant même vers le frigo pour l’ouvrir afin de découvrir les premières courses qu’on avait fait pour lui. « Tu aimes le… jus de pomme ? » Il aurait préféré une bière.

Revenant auprès de Rocket, il reprend sa place pour l’écouter parler avec attention, s’étonnant un peu de la première information, et n’ayant pas envie de s’éterniser sur la suite. HYDRA lui a pris suffisamment : il veut profiter de cette dernière conversation en tête-à-tête avec son meilleur ami, avant leur séparation. « Ton psy est en prison ? » Il fronce légèrement ses sourcils en plissant son petit nez, curieux, il faut le dire, d’en apprendre plus à ce sujet. « Qu’est-ce qu’il a fait pour se retrouver en prison ? » Curiosité quand tu nous tiens…

Dans la bouche du Gardien, ô combien talentueux, son physique revient sans cesse comme un pan désavantageux de sa personnalité ; Bucky a bien conscience que cela ne doit pas être facile au quotidien, sachant fort bien à quel point le monde peut être cruel mais, lui, ne voit pas sa différence comme quelque chose de mauvais, bien au contraire. Pour ainsi dire, Bucky oublie souvent que son meilleur ami est poilu, physique plus proche de l’animal que de l’humain : il voit Rocket comme une personne entière, avec ses qualités et ses travers, et l’aime ainsi. « Et tu es doué pour ça. » Dit-il avec sincérité en appuyant son menton dans la paume de sa main, véritablement admiratif des prouesses de son frère. « Ce n’est pas trop risqué que tu me rendes visite ? S’ils comprennent que tu sais où je me cache, ils pourraient te tomber dessus… » s’inquiète-t-il en fronçant légèrement ses sourcils, ne voulant absolument pas être responsable d’une quelconque blessure apposée sur le corps de Rocket ; sans compter que ce dernier sort à peine d’une longue convalescence.

La conversation prend un tournant plus joyeux lorsqu’ils évoquent Groot et sa passion pour les consoles de jeux, si bien que Bucky partage volontiers le rire de son ami. « Il m’expliquera comment ça marche, hein ? » Il a l’air d’un vieux à parler ainsi mais, à bien y réfléchir, il a plus de cent ans… Cent ans ! « Qu’est-ce que je suis vieux… » Secouant son menton dans un petit rire, il passe sa main dans ses cheveux pour les repousser en arrière, avant de se lever de son tabouret pour rejoindre le frigo, où il manque l’élément le plus important dans une cuisine : des bières ! N’ayant rien d’autre à se mettre sous la dent que du jus de pomme, c’est ce qu’il sert à son invité, avant de se servir également. « Voilà une raison de plus d’attendre ta prochaine visite avec impatience ! » Plaisante-t-il en venant trinquer au jus-de-pomme, reprenant sa place sur le tabouret tout en arborant un air plus sérieux.

Le psy de Rocket est derrière les barreaux. Cela ne prête pas vraiment au rire — quoique, mais c’est surtout l’incompréhension qui prime dans le regard du Soldat, qui ne peut s’empêcher de poser des questions. Prenant le fameux journal que Rocket lui tend, Bucky le parcourt rapidement des yeux en fronçant ses sourcils, relevant un regard perplexe vers son ami : « Le Sugpen ? C’est pas la drogue qui rendait fou les mutants ? » Il se passe tellement de trucs qu’il peut confondre. Refermant le journal, il le pose à côté de Rocket en reprenant la parole, intrigué cette fois : « On sait pourquoi il a fait ça ? » Il se doute que c’est pour une expérience douteuse. Comme toujours.

Rocket est humble, ne s’attribuant nullement le seul mérite de son statut héroïque ; avec un petit sourire aux lèvres, Bucky hoche son menton de haut en bas en disant, ayant à coeur de souligner les capacités et le potentiel de son meilleur ami : « Vous êtes une bonne équipe parce que vous avez tous plus ou moins vos spécialités, mais ça n’enlève rien au fait que toi, même seul, tu es doué pour ça. » Rocket déprécie grandement sa personne, peut-être moins depuis que sa relation avec June lui apprend l’amour-propre… D’ailleurs, il ne peut s’empêcher de se demander si leur couple est désormais officiel, mais il décide d’attendre encore un peu, ne voulant pas mettre tout de suite les pieds dans le plat sur un sujet aussi sensible. Pour l’heure, ils évoquent surtout les dangers que ces visites impliquent ; si Bucky s’en inquiète à juste titre, son premier souhait étant de ne pas mettre en danger ses proches, Rocket, lui, se veut plus rassurant. « J’espère… » Souffle-t-il en frottant l’arrière de son crâne, n’émettant aucun doute sur les capacités de Rocket mais craignant plutôt de faire face à une attaque qui les dépasse.

Bien que cette peur ne s’éloigne pas totalement de son esprit, il se laisse volontiers happer par le nouveau sujet de conversation, qui se trouve être également la passion de Groot : un nouveau sourire vient naître sur ses lèvres tandis qu’il songe à l’arbuste, qu’il considère être comme un grand enfant. « Je compte sur toi pour venir m’en décrocher si c’est le cas ! » Tournant son menton vers Captain, qui dort paisiblement sur le canapé, il rajoute avec un air amusé : « De toute façon, lui n’oubliera pas de me rappeler les balades. » Un petit rire passant la barrière de ses lèvres, accentué par les paroles de son ami quant à son état. « Je suis ravi d’apprendre que je ne ressemble pas à une vieille chose.  » Mais au fond, il l’est peut-être : plus de cent ans au compteurs, quand même.

Après le partage — plus ou moins apprécié, du jus de pomme, à défaut d’avoir une bière à servir à son invité, ils abordent un fait divers qui a le don de capter totalement l’attention du Soldat, le détournant ainsi de ses mauvaises pensées : « C’est une histoire de dingue. » déclare-t-il en reposant calmement le journal, les sourcils relevés. « Je suis désolé pour toi, t’avais l’air de lui faire vraiment confiance… » Une trahison qui doit lui faire bien évidemment du mal, et qui entache sans nul doute sa confiance envers les thérapeutes. « Je veux bien garder le journal, même si j’ai porté de la lecture, ça me fera toujours un truc en plus. »

Se raclant discrètement la gorge, quitte à continuer sur les sujets qui peuvent fâcher, il demande, avec une hésitation palpable, ayant peur de la réaction de son ami : « Et sinon, avec June…? »