Hold me down

La semaine avait été longue, Azilys avait enchaînées les gardes, allant même jusqu’à remplacer une collègue absente. Elle se sentait un peu coupable d’avoir été si souvent absente elle même durant les derniers mois, entre son escapade en Europe durant l’été et les divers petite mésaventures qui lui étaient arrivées durant l’automne. Alors, en ce dimanche de décembre, elle avait rattrapée son manque de sommeil.

Finalement, ce rythme lui convenait. Les journées étaient trop denses pour qu’elle ait le temps de s’inquiéter pour Helmut ou des conséquences à long termes de leur relations. Et pendant ses moments de liberté, elle était tellement épuisée qu’elle tombait comme une masse.
Elle avait ouvert un œil dans l’après-midi, et tout de suite, rien qu’à la luminosité qui régnait dans son appartement, elle avait compris. L’hiver avait lancé son premier assaut, saupoudrant la ville d’un manteau blanc. Elle avait sourit, sentant monter en elle une joie enfantine et décidé de profiter des quelques heures qui restait avant la nuit pour aller se balader à Central Park.

Le parc sous la neige ressemblait à un paysage de conte de fées. Les gens qui s’y promenait ou y faisait leur jogging était toujours plus avenant les jours de neige. Un café avalé vite fait, elle enfila son manteau, enroula une épaisse écharpe autour de son cou et sorti de l’immeuble.

Elle remarqua à peine la jolie blonde qui passait sur le trottoir avec son gobelet de café et ses sacs. Les deux pieds dans la neige pas encore trop salie, le nez au vent, elle était déjà dans son monde.

Un cri mêlé de surprise et de douleur la ramena brutalement à l’instant présent. Tournant la tête, elle vit un gobelet au milieu d’une flaque brune tachant la neige et surtout, une jeune femme, penché en avant, recroquevillée sur elle même, les mains posées sur son ventre rond.

Azilys fronça les sourcils, tout en dirigeant ses pas vers la passante. Elle s’accroupit à coté d’elle, et aussitôt une onde d’inquiétude la heurta.

« Je m’appelle Azilys. Je suis infirmière. Je peux vous aider ? Vous voulez que j’appelle quelqu’un ? Vous pouvez m’expliquer ce qui vous arrive et à quel stade vous en êtes ? » Demanda-t-elle calmement, retrouvant son attitude professionnelle, listant dans sa tête les causes possibles du mal être de la future maman par ordre de gravité.

7ème mois, des jumeaux. Probablement des contraction de Braxton-Hicks. C’était tout à fait normal, mais il fallait absolument que la jeune femme se calme, qu’elle arrête de paniquer. Le stress ne fairait qu’amplifier le phénomène. L’air de rien, l’infirmière remarqua le saignement qui souillait le pantalon blanc de la jeune femme. Ça, c’était moins bon, et nécessiterait probablement un examen médical plus précis, mais ce n’était pas non plus alarmant en soit.

Ce qui inquiétait plus la jeune femme, était plutôt la réaction de la futur mère quand elle s’était présenté comme infirmière. Elle pensait la rassurer, mais il n’en était rien. A voir sa réaction de recul,  et le sentiment de panique qui percuta Lys, elle semblait avoir une certaine méfiance envers le corps médical. Lys aurait voulu dire que s’était bien surprenant, malheureusement, elle savait que ce n’était pas le cas. Même à l’hôpital, il n’était pas rare de voir arriver aux urgences des femmes méfiantes envers les gynécologues. Il fallait dire que certains avaient la douceur d’un tractopelle, la patience d’un nid de guêpes, et la capacité d’écoute et l’empathie d’une fourchette. Elle soupira discrètement, avant de s’accroupir pour être à la hauteur de la jeune femme et glisser un bras sous le sien pour la soutenir, et l'aider à se redresser.

« Oui, ça va passer. Il n’est pas rare au cours du dernier trimestre d’avoir des contractions. C’est normal, elles sont là pour préparer votre corps. » la rassura-t-elle d’une voix douce. « Il faut juste que vous vous calmiez et que vous vous reposiez quelques minutes, de préférence dans un endroit plus chaud et plus confortable que ce trottoir enneigé. » dit-elle d’un ton badin.

« Et il faut soigner cette brûlure. » dit-elle en désignant la main de la jeune femme. « Si vous voulez, je peux m’en occuper, j’ai ce qu’il faut chez moi. Vous pourrez vous réchauffer avec un chocolat chaud ou un thé. Je peux appeler quelqu’un pour venir vous chercher ? »

Elle avait tellement l’habitude de ramener des inconnus chez elle pour les soigner ses derniers temps, qu’elle avait spontanément proposé à la jeune femme de l’accueillir. Elle réalisa que la jolie blonde pouvait nourrir quelques inquiétudes tout à fait compréhensible à l’idée de suivre une inconnue chez elle. Elle lui sourit gentiment.

« Si vous préférez, il y a un café au coin de la rue, je peux vous y accompagner et vous pourrez y attendre votre taxi. » proposa-t-elle « Leur chocolat est moins bon que le mien, mais c’est un lieu public. » ajouta-t-elle avec un clin d’oeil complice.

Même si elle n’avait pas été doué de télépathie, Lys aurait été submergé par la panique qui se dégageait de la jeune femme. Là, elle avait même un peu de mal à gérer, elle ressentait presque physiquement la souffrance de la future maman. Si elle avait du expliquer ce qu’elle ressentait, elle aurait pu dire que c’était comme être trop près d’un incendie, et de se prendre les vagues de chaleur brûlante de plein fouet.

Elle ne savait pas ce que cette pauvre jeune femme avait vécu, mais clairement, elle était terrifiée à l’idée d’avoir à faire à un membre du personnel soignant. Lys regretta de s’être présentée comme infirmière, cette information, au lieu de la rassurait semblait avoir ajouter à son stress.

Elle refusa d’appeler quelqu’un. L’idée même de le faire semblait la perturber encore plus. D’un autre coté, Azilys savait qu’à cette instant, elle n’était pas vraiment en état de réfléchir. Elle était dans la réaction la plus primaire qui puisse exister, son cerveau reptilien avait pris le dessus.

Finalement, elle sembla se calmer très légèrement, et commencer à envisager l’idée d’aller se reposer quelques minutes au chaud, même si elle était encore réticente.

« Non, non, ne vous inquiétez pas. Rien d’important. Je voulais juste aller prendre l'air au parc. » répondit-elle pour la rassurer.

Une nouvelle contraction fit se crisper la jeune femme. Lys fronça un peu les sourcils en réalisant que la rambarde en fer venait de se déformer sous sa main serrée. Elle réalisa que celle qu’elle avait pris pour une fragile jeune femme était probablement beaucoup plus que ça. Et par là même, elle cru comprendre sa défiance envers les médecins et tout ce qui pouvait se rapprocher de près ou de loin à un hôpital. Si à une certaine période, les hôpitaux étaient interdits aux mutants non recensés, d’autres mutants avaient eu à subir des traitements abominables de la part de personnages qui n’aurait jamais du être qualifiés de « médecins ».

L’infirmière sentit une vague de colère embraser son cœur, doublé d’une vague de compassion pour la jeune femme. Elle voulait la rassurer. Lui faire comprendre qu’elle ne risquait rien de sa part. Qu’elle comprenait ses réserves et ses inquiétudes.

Elle se baissa pour être à hauteur de son visage et cherche à capter son regard.

« Oui, je suis sure. » dit-elle d’un ton doux. Elle pris une petit quantité de neige dans sa main, et utilisa son pouvoir pour lui faire prendre la forme d’un flocon géant. « Vous ne craignez rien de moi. Je crois que nous nous ressemblons plus que ce que nous pensons. » chuchota-t-elle avant de se relever et de glisser son bras sous celui de la future maman.

« Allez, il ne faut pas rester dans le froid, et il faut soigner cette main. » dit-elle en aidant la jeune femme à se redresser lentement. « Je m’appelle Azilys, mes amis m’appellent Lys. Et vous ? Comment dois-je vous appeler ? »

Raven, puisque c’est ainsi qu’elle se présenta sembla s’apaiser un peu en découvrant la nature de Lys. On a toujours tendance à faire plus facilement confiance en quelqu’un avec qui on partage un point commun, surtout un point commun aussi peu commun, même si, objectivement, c’est parfaitement idiot. Quoi qu’il en soit, la jeune femme cessa de s’enfuir, Lys perçu même une petite pointe de soulagement autour d’elle. Elle accepta l’aide de l’infirmière pour se redresser et faire les quelques pas qui les séparaient de l’entrée de l’immeuble d’Azilys. *La vache, elle pèse son poids la gamine !* s’exclama la petite voix, surprise. Il est vrai que Lys ne s’était pas attendu à ça tant Raven était fine, mais elle savait qu’il ne fallait pas se fier aux apparences, certaines personnes pouvaient avoir une musculature et une ossature très dense.

Le mur du hall était ornée d’un grand miroir. Lys n’avait jamais vraiment compris pourquoi les constructeurs avaient l’habitude d’ajouter ce genre d’accessoires dans les halls d’immeubles, peut être pour permettre au gens de vérifier une dernière fois qu’ils n’avaient pas oublié de s’habiller avant de sortir dans la rue ? Une pensée ridicule, comme il lui en passait parfois dans la tête quand elle se trouvait dans une situation de stress, comme si son esprit s’offrait quelques secondes de récréation entre deux décisions plus difficiles.

Son ébauche de sourire s’évanouit avant même d’avoir eu le temps d’éclore. Raven aussi avait jeté un coup d’oeil dans le miroir, et elle n’avait pas pu manquer l’auréole écarlate qui s’était formée sur son pantalon immaculé. A nouveau la panique fit vibrer l’air autour d’elle avant d’atteindre l’esprit empathique de Lys. Elle dut faire un gros effort de concentration pour tenter tant bien que mal de former un bouclier mental bancal et éviter d’être submerger par une terreur qui n’était pas la sienne.

Lys la pris doucement par le coude pour l’inciter à se tourner vers elle. Elle comprenait parfaitement son inquiétude, non seulement de par sa profession où elle était amenée à croiser des femmes enceintes paniquée par des saignements bénins, et par sa télépathie capricieuse qui, malgré le semblant de protection mentale qu’elle s’était bricolé, lui faisait vivre en direct live les émotions de la jeune femme.

« Non. Tu n’es pas en train de les perdre. » répondit-elle d’une fois douce et apaisante. « Il n’est pas rare que quelques saignements puissent survenir à ce stade de la grossesse, en même temps que les contractions de  Braxton-Hicks. ». Elle lui sourit et lui frotta doucement le bras. « C’est impressionnant, je te l’accorde, parce que le tissus diffuse le sang et que ça ressors beaucoup sur le blanc, mais ce ne sont que quelques gouttes. Ce n’est pas une hémorragie. On va prendre l’ascenseur, et une fois chez moi, tu vas t’allonger et te reposer pendant que je soignerai ta mains. » dit-elle en la guidant d’une main douce mais ferme vers la cabine avant d’appuyer sur le bouton de son étage.

Azilys en avait vu de futures mamans paniquées, elle avait l’habitude et elle savait les rassurer. Mais, il était rare qu’elles refusent catégoriquement de rencontrer un médecin pour valider ce que l’infirmière leur avait affirmé. Elle eu un pincement au coeur. Raven semblait être bien seule pour affronter la situation.

Dans l’ascenseur la jeune femme s’inquiéta encore, demandant un nouvelle confirmation de l’état de santé de ses bébés. Lys eut alors une idée. Quelque chose qu’elle n’avait pas encore tenté avec son nouveau don, et dont elle ne savait pas si ça pouvait marcher sur des êtres encore à naitre, mais après tout, pourquoi pas. Et puis là, seule dans une cage de ferraille avec elle, elle ne serait pas perturbée par les pensées vagabondes d’éventuels passants.

Elle se concentra un instant, s’efforçant de rejeter les émotions de la maman pour se concentrer uniquement sur les autres qui lui parvenait. Elle vacilla légèrement, et sourit quand elle les trouva enfin. Elles étaient tenue, à peine des murmures, juste des sensations, des sensations qui l’apaisèrent. Le confort d’un cocon, et la sécurité d’être ensemble.

« Ils vont bien. » affirma-t-elle

La porte de l’ascenseur s’ouvrit à l’étage de Lys. Elle ouvrait sa porte lorsque Raven posa sa main blessée sur son ventre soufflant d’un air soulagé qu’elle les sentait.

L’infirmière ouvrit sa porte en grand et la guida à l’intérieur, vers le canapé qui avait vu déjà passé tant de naufragés. Elle sourit en repensant à Helmut qui y était resté plusieurs jours, à Rocket qui y avait soigné sa gueule de bois.

« On va commencer par soigner ta main. » dit-elle en invitant Raven à s’installer « Allonge toi, et détend toi. Je vais t’apporter une infusion, ça te fera du bien. » Conclu-t-elle en se dirigeant vers la cuisine pour préparer la boissons, avant d’aller chercher sa trousse de premiers secours avant de revenir vers Raven en souriant.