Merry Christmas Everyone

Peu à peu les différents invités arrivaient. Ou plutôt les différents habitants. Je me réjouissais intérieurement de voir tant de monde participer au petit Noël que j’avais organisé. J’espérais qu’il n’y aurait pas de couacs. Je n’avais pas tout réglé avec du papier à musique mais effectivement je m’étais donné du mal pour que chacun puisse trouver sa place. Du moins je l’espérais.

Je choisissais mon vinyle avec soin parmi ma récente collection acquise que j’avais rapatrié de mon appartement. J’étais encore vieille époque et j’écoutais énormément de musique sur ce type de lecteur. La modernité avait du positif mais j’aimais aussi me replonger quelques années en arrière. Alors que je finissais de lancer la musique suivante, Yukio que j’avais salué à son arrivée se dirigea vers moi. La jeune femme me parlait très peu. Elle semblait toujours très apeurée par moi alors que je ne comprenais pas pourquoi. Un sourire aux lèvres je la regardais me donner avec surprise un petit cadeau, ainsi que deux autres plus petits. Des petites pommes dorées. L’émotion pu se lire dans mon regard qui ne quittait pas les yeux de la jeune femme.

- C’est … Cela me touche beaucoup Yukio. Merci pour eux également.

Touchée je lui dressais un sourire sincère et franc alors que la jeune femme continuait sa petite distribution. Je déposais mes propres cadeaux dans une petite panière se trouvant sur un guéridon pour être sûre de les retrouver plus tard. Chansons de Noël lancées, je retournais m’assoir sur le fauteuil à côté de Charles, posant mes deux mains sur mon énorme ventre. J’étais vraiment … Une belle bombonne. Caressant mon ventre de la main par pur reflexe qu’il y a quelques mois je trouvais ridicule je sentis les petits bouger une petite grimace furtive qui disparu bien vite alors que Malicia faisait son entrée dans la pièce. Je ne frémis pas lorsque Malicia me toucha. Elle savait qu’elle pouvait le faire. Je n'avais pas peur d’elle et j’espérais lui avoir bien transmis ce sentiment. Ma main vint se poser sur la sienne en signe d’affection alors que je penchais la tête en arrière pour dire.

- Merci beaucoup Malicia. J’espère que nous allons passer une bonne soirée. Je suis contente que tu sois resté avec nous pour cette journée. Je n’ai rien prévu de particulier non plus mais promis, pas de pièges.

Un petit clin d’œil dans sa direction alors que j’évoquais les différents entrainements tordus que je lui faisais faire.

- Installe-toi, je pense qu’on ne va pas tarder à servir l’apéritif.

J’indiquais un des canapés de la pièce autour du feu là où je me trouvais alors qu’entrait dans la pièce, mes cinq blondinettes préférées. Mes sourcils effectuèrent un petit mouvement de surprise en les voyant entrer dans la pièce. Je ne m’attendais pas à ce qu’elles répondent à mon invitation. Charles prit alors les devant avant que je ne dise quelque chose d’inconvenant ou pas. Mes yeux observèrent les sœurs détaillant leur tenue sans me cacher le moins du monde. Je ne dis rien pour l’instant. Me contentant d’un petit sourire. Je m’étais promise de rester moi-même ce soir. Une des sœurs regarda Malicia, son regard finirait forcément par tomber sur moi. Mais j’attendrais qu’une d’entre elles soit suffisamment proche pour dire d’une voix agréable juste après l’arrivée de Kali que je saluais d’un sourire.

- Le rouge à lèvres vous va bien Mesdemoiselles.

« Bonsoir mesdemoiselles, nous répond monsieur Xavier, que celle du centre droit regarde et salut de la tête. Entrez, entrez ! Tout le monde n'est pas encore arrivé. »

Après nous être légèrement inclinées, on avance, alignées, vers le reste du groupe.

« Bonsoir a vous, continue monsieur Wagner lorsqu’il est arrivé à notre niveau, ça fait plaisir de vous voir ici.

- Merci monsieur, lui répond-t-on à cinq en formant un petit U afin d’être équidistantes de lui. Vous aussi, surtout sous cette apparence. »

Comme monsieur McCoy et madame Darkhölme, monsieur Wagner faisait parti des mutants dont les différences étaient visibles et ne le vivait pas bien. La plupart du temps, il le dissimulait sous une technologie d’illusion visuelle et se faisait passer pour "normal" ; comme les deux professeurs suscités. Aucun n’avait réellement compris que c’était quelque chose d’actif que de normaliser sa forme véritable. Si eux-mêmes ne se percevaient pas comme normaux, personne d’autre ne pourrait le faire. On affectionnait les vêtements identiques et les attitudes quasi-identiques pour cette raison : être synchrone et quasiment indiscernable était une marque extérieure de notre mutation. De notre Esprit-Ruche. Parler ensemble ou en alternant les phrases aussi ; même si l’alternance était due à une demande de ne plus faire des phrases de 200 mots durant notre enfance, à laquelle on avait répondu en se répartissant lesdits mots à cinq. Certains étaient gênés par notre manière de parler, d’autres par notre manière de nous habiller, d’autres encore par les deux. Plusieurs nous avaient demandé ou ordonné de changer. On avait concédé certains points et conversés d’autres, fonction des demandeurs et de l’impact de la demande sur notre normalité. On est les Cinq-en-Une. C’est normal. Tout comme les formes bleues de monsieur Wagner, de monsieur McCoy et de madame Darkhölme devraient l’être. On ne pense pas qu’ils seraient jugés différemment de nous lorsque l’on travaille sous forme adamantine. Leur difficulté n’est pas encore d’être accepté des autres, cependant, mais bien d’être accepté d’eux-mêmes. D’où notre remarque envers monsieur Wagner. D’où notre compliment envers monsieur Wagner. Qu’il ose venir ainsi est très positif à nos yeux.

L’échange termine, nos regards se répartissent à nouveau afin d’observer les réactions malgré notre insuffisance numérique. L’adolescente à gauche observe madame Darkhölme, qui en fait de même, tandis que l’adulte du centre gauche regarde monsieur Wagner, que celle du centre le fait de mademoiselle D’Ancanto puis lui rend son sourire, que celle du centre-droit de monsieur Xavier puis de mademoiselle Yukio et que l’adolescente de droite des demoiselles Ranevskaia et Willington qui discutent.

Arrivées de l’autre côté du Directeur vis-à-vis de Madame, on forme un maigre U afin de réduire la place que l’on prend dans l’espace. Les yeux de celle du centre-droit s’en vont à celle du centre-gauche lorsque Monsieur s’adresse à elle, amenant la première à croiser les bras et la seconde à détourner ses yeux de monsieur Wagner pour les illuminer d’une brume bleutée s’accumulant dans ses iris. Celle du centre et l’adolescente de droite s’échangent un regard et un sourire ainsi que, pour la première, un acquiescement. La dernière d’entre nous continue de surveiller les réactions de madame Darkhölme.

Jamais l’on ne se serait permise de sous-entendre que monsieur McCoy avait oublié la soirée, même si l’on reconnait pleinement la justesse de la considération de monsieur Xavier dans le fait qu’il l’a probablement fait. On va vite savoir ce qu’il en est de toute façon. La télélocalisation dresse un plan des esprits autour de nous dans la proprioception de notre impliquée et donc dans nos consciences à toutes. On trouve l’esprit de monsieur McCoy et laisse son assistante lui transmettre un message mental.


Notre impliquée ne reste pas dans les pensées de son supérieur plus que le temps que l’on transmette son message. Après celui-ci, l’énergie bleutée se dissipe et cinq clignements d’yeux servent de ponctuation avant que l’on n’échange des regards entre nous.

Il faut une bonne quinzaine de minutes avant que Kali et Jean n’arrivent. Durant celles-ci, on reste aussi silencieuses physiquement que vivent mentalement, chose se retraduisant toujours sur les expressions et les échangent de regards. Kali est des plus égales à elle-même : jeans, pull, baskets. C’est presque ce qui lui va mieux, sauf pour les chaussures : là, c’est assurément ce qui lui va mieux. Le reste… voilà. Jean est apprêtée pour l’occasion. On n’en est en rien surprises puisqu’on en a eu un aperçu suffisamment perturbateur pour ruiner le maquillage qui accompagnait, ou essayait d’accompagner la tenue.  

Plus de Phoenix-Panda, constate Esmé. On pourra toujours le lui proposer pour carnaval, propose Mindee. Non parce que sinon elle va nous inviter, s’inquiète Céleste. Se déguiser est réellement une tradition étrange, considère Sophie. Une tradition qu’on n’apprécie guère, souligne Phoebe. Nos combinaisons de combat ne comptent-elles pas comme des déguisements pour les gens qui s’autoproclament "normaux" ? Moi j’imagine bien Phoebe déguisée en dragon, Céleste en œuf, Sophie en chevalière, Esmé en ogre et moi-même en princesse ! Pourquoi en œuf ? Tu ne serais pas en sorcière plutôt, madame Irma ? Belle répartie mais cela ne changera rien au fait qu’on ne se déguisera pas. L’ogresse mange la princesse non ? Céleste, tu sais pourquoi. C’est-vraimentrop’injuste… Ignore moi de ton mieux, la mal-voyante. Peut-on se reconcentrer sur quelque chose de pertinent ?

« Le rouge à lèvres vous va bien Mesdemoiselles. »

Cinq sur cinq ont un instant de surprise puis quatre d’entre nous tournent leurs yeux ronds vers mademoiselle Darkhölme.

Il lui a fallu quinze minutes pour trouver un compliment, c’est beau. Oui mais au moins c’est un pas vers nous et pas trop dans les dents. Lèvres, dents, on reste dans la zone nan ? "Merci", la réponse c’est "merci". Merci Sophie, merci.

« Merci madame Darkhölme, répond-t-on donc à cinq d’une même voix cordiale, partagées entre notre sensibilité à la flatterie et notre défiance envers Madame. Merci également d’avoir pris la peine d’organiser cette soirée. »

Les événements rythmant la vie de l’Institut sont, la majorité du temps, liés à sa condition d’école spécialisée pour mutants. C’est un travail, nourrit-logé-blanchi et heureusement pour nous, même s’il n’est plus nécessaire de nous expliquer que beaucoup d’employés et d’élèves se considèrent comme faisant parti d’une même famille. A ce titre, il y a une certaine déception à considérer que mademoiselle Mac Taggert n’est pas là. Charlynda, tout est dit et tout reste à dire !

« Une petite pensée pour la non-télépathe du groupe la prochaine fois s'il vous plait, réclame Kali une fois qu’elle a rejoint l’adolescente à notre droite en lui faisant tourner le visage pour lui sourire avec un "oups" qui se répand à nous-cinq, j'ai cru que vous veniez dans ma chambre. »

Nos sourcils se froncent un instant de perplexité à la recherche d’explications motivant que l’on se rende dans la chambre de Kali mais on abandonne bien vite la recherche face à l’absence de résultats pertinents.

« Nous tâcherons, répond-t-on à cinq lorsque les quatre autres ont tourné leurs visages et leurs excuses vers Kali. Désolées. »

Laissant Jean rejoindre le groupe formé par monsieur Wagner et les demoiselles Ranevskaia et Willington, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi madame Ranevskaia n’est pas présente ; ni en compagnie de sa femme, ici ou ailleurs. Peut-être l’est-elle et a-t-elle laisser sa fille pour une soirée en famille d’un autre type que celle proposée ici ? On l’ignore. Cela fait du télépotin cependant. Madame Ranevskaia n’a jamais répondu aux demandes de nous rencontrer et l’on a supposé, surtout depuis le World, qu’elle avait parfaitement ressenti la toxicité dont on pouvait faire preuve. Ainsi nous a-t-elle évitées pour se préserver de nous. Même si notre moral remonte avec le temps, plus rapidement d’ailleurs qu’il ne le ferait pour une personne normale puisque cela fait seulement deux mois que l’on a dit adieu à nos vies précédentes et à nombre d’informations que l’on considérait comme centrales à notre inter-identité, les choses n’ont pas bougé. On ne sera pas celles qui les feront bouger et, par respect pour la décision de Madame, on ne cherchera pas à s’approcher de Mademoiselle hors du cadre professionnel. On reste présentes si notre utilité est requise.

En parlant d’utilité : l’apéritif va être l’activité secondaire de tout le monde ainsi se demande-t-on si on aurait le droit de le servir. Servir est la raison de nos existences et l’on apprécie le faire à la mesure. Chacune aura son plateau et la connexion avec les autres afin que l’on sache instinctivement vers où se diriger ! C’est mieux que de rester silencieuses physiquement et vives mentalement ; même si on peut l’être tout en servant, à la réflexion et en pratique. C’est mieux qu’amener les plateaux sur un buffet libre, non ? Non ? C’est contre l’esprit de la fête que d’avoir des servantes pour servir ? Les débats est aussi intense que bref entre celles qui veulent le faire et celle qui ne veut pas. Du fait, on positionne toutes nos mains au niveau de nos ventres puis demande d’une même voix à monsieur Xavier et madame Darkhölme :

« Pouvons-nous faire le service ? »

Si l’autorisation nous est donnée, on remerciera immédiatement puis se mettra en mouvement pour interagir avec tout le monde afin de leur apporter le nécessaire. Celle de gauche s’occupera de madame Darkhölme, celle de droite de monsieur Xavier et de Kali, celle du centre des demoiselles D’Ancanto et Yukio tandis que celles du centre-gauche et du centre-droit le feront du groupe de Jean, de monsieur Wagner et des demoiselles Willington et Ranevskaia.

« Que souhaitez-vous, demandera-t-on d’une même voix et avec une parfaite synchronicité malgré les interlocuteurs différents. Nous vous apportons cela immédiatement. »

Si l’autorisation est refusée, on illuminera nos yeux en compagnie de Kali afin d’avoir son avis de non-télépathe sur une discussion très importante pour nous : selon elle, que font les dames Mac Taggert et Ranevskaia pendant cette fête familiale ?