Le commentaire légal puis le frottement nasal de Parker n’échappent pas à Fury. Aucun commentaire ni aucune réaction ne s’en suit. Lorsqu’il est question de vouloir aider mais de ne pas avoir la prétention de remplacer la police, un sourire se dessine sur les lèvres du Directeur du SHIELD. Puis vient le murmure pensif.
Alternant le regard entre la route et le rétroviseur intérieur de surveillance de Parker, Fury laisse la réflexion se faire en silence. Ils en ont encore pour entre 35 et 42 minutes de route, d’après le GPS. La prochaine étape est de quitter le George Washington Bridge pour prendre la Route 4 West et suivre la direction Orange Turnpike. Après le fleuve Hudson et l’Hudson Park, le pont donne sur une nouvelle zone urbaine où seuls des carrés de verdure subsistent entre les nombreuses routes et les bâtiments.
« Ce serait, finit par reprendre Parker avant d’hésiter et d’amener l’œil de Fury sur le rétroviseur qui permet de voir le visage son interlocuteur… une bonne occasion ouais. De faire bosser tous les Avengers ensemble. Les anciens comme les nouveaux. Ça pourrait être une journée intéressante. »
Le sourire de Fury revient mais il ne dit rien. Il laisse le temps avec une tranquillité satisfaite.
« En plus, au QG, on aurait largement de quoi faire niveau espace et infrastructures. »
Tout comme la voiture, l’idée fait son chemin. Un chemin long et tortueux accompagné d’autres véhicules et idées qu’il faut parfois doubler ou laisser passer. Un chemin plus ou moins rapide. Un chemin que l’on choisit d’arpenter ou à qui l’on préfère d’autres routes, qu’elles soient plus ou moins longues voire plus ou moins tortueuses.
Parker n’a pas envie de changer d’héritage. Son défunt mentor lui a fait confiance. "Et…"
L’œil de Fury s’en va vers le rétroviseur intérieur et lui permet de voir que Parker le fixe dans son silence.
« J’ai comme dans l’idée que si on me pensait vraiment pas capable d’assumer cet héritage, reprend Spiderman en ramenant un sourire qui dévoile les dents chez un Fury qui s’accoude à sa portière et dodeline de la tête, on aurait trouvé moyen de m’arracher tout ça des mains.
- Ou on ne vous l’aurait pas fait suivre en premier lieu, hasarde le Directeur du SHIELD. Mais on l’a fait. »
Fury est tranquille à cette conclusion, même s’il s’abstient de rajouter quelque chose d’autre.
« Je pense que oui, conclut Parker, conduisant Fury à acquiescer. Qu’il est à ma taille. Vous en pensez quoi vous ?
- Que le futur nous le dira. »
C’est énoncé avec la même tranquillité que précédemment. Cela précède une pause le temps que l’œil de Fury ne regarde à nouveau le reflet de Parker.
« On vous a laissé EDITH malgré la débâcle avec Mysterio, rappelle le Directeur du SHIELD en s’assombrissant. Beck a trompé tout le monde. Cependant, nous avons tous appris de nos erreurs. »
Le second bras de Fury quitte la portière pour revenir au volant. Derrière lui, Smerdyakov a un sourire dans sa barbe.
« Vous savez qu’il vaut mieux qu’EDITH soit entre vos mains, quitte à ce qu’elle ne soit pas utilisée. Je pense que vous pouvez l’utiliser pour améliorer vos alliés, à défaut de nuire à d’éventuels ennemis. »
Le Directeur du SHIELD prend une grande inspiration nasale avant de poursuivre.
« Vous l’avez dit vous-mêmes : vous voulez aider. Pas vaincre. Pas protéger. Aider. »
Une pause alors que Fury sourit.
« C’est une motivation plus noble et moins dangereuse que les deux autres, dans ce qu’elle peut vous amener à faire. Mais je vais vous laisser réfléchir aux différences philosophiques que les trois notions impliquent. »
En une demi-douzaine de minutes, les arbres entourent de nouveau la triple-voix en sens unique et celle-ci s’éloigne de l’Interstate 95 comme un pont, désormais à double sens et surplombant des quartiers pavillonaires. Le véhicule emprunte ensuite la NJ-17 vers le nord et continue de traverser la banlieue américaine du New Jersey durant pratiquement trente minutes.
Je sais, je sais, je parle trop. C’est pas un scoop hein, qu’on soit d’accord. Et j’ai tendance à m’emballer dès qu’un sujet m’intéresse ou que je me sens pas trop intimidé. Bon Nick Fury est du genre intimidant, je vais pas prétendre le contraire. Mais là, c’est différent. Je saurais pas expliquer pourquoi, juste qu’il me pose des questions qui prouvent qu’il s’intéresse vraiment à moi, à ma vie. A ce que je compte en faire. Et j’ai envie de croire que c’est pas uniquement parce que j’ai en ma possession une des technologies les plus dangereuses que la terre puisse porter.
Sans compter que ce qu’il me dit me fait sacrément réfléchir. Pas comme si je le faisais jamais en temps normal, mais sur des sujets sur lesquels je plancherais pas forcément tout seul. Faut dire que là, c’est genre un projet énorme, enfin à mes yeux en tout cas. Un simple entrainement aux yeux de certains, mais une façon pour moi de m’impliquer un peu plus dans la vie des Avengers et aussi d’apprendre à utiliser cet héritage à ma façon.
Je continue de tapoter des doigts sur mon genou droit, essayant de rester aussi tranquille que possible, sans grand succès. « Je pourrais en parler avec Sam. Je pense que ce serait cool de préparer un weekend entrainement comme ça après les fêtes. Et ça me laisserait le temps d’apprivoiser un peu plus mes … lunettes. » Dont je sens paradoxalement le poids dans la poche de ma veste en cet instant précis. Je finis par tourner la tête à la réponse de Fury, toussant un rire sans même m’en rendre compte. « Ouais, vu comme ça… je peux pas dire qu’on a été sympa avec moi donc. Ou parler d’avoir eu de la chance. » Soufflé d’un ton presque malicieux, hochant la tête comme pour ponctuer mes propos. « Autant repartir sur cette base alors. » Bon, je grimace quand même au reste, ayant une vague envie de disparaitre dans mon siège alors que je regarde partout sauf en direction du directeur du SHIELD. Dire que je suis pas fier de ce qui s’est passé est un euphémisme, mais c’est presque rassurant de voir que j’ai pas été le seul à me faire avoir. « C’est important ouais. D’appendre de ses erreurs. » Et de plus confier E.D.I.T.H à quelqu’un juste parce que je me sens pas les épaules de la gérer.
Je m’attendais quand même pas au reste. Et j’en oublie cette envie de disparaitre pour tourner plus franchement la tête en direction de Fury, scotché par ce qu’il me raconte. J’ouvre la bouche une fois, puis une autre, sans trop savoir quoi répondre en fait. Et je bats des cils, levant un index devant moi, comme pour me raccrocher à quelque chose. « Je compte pas nuire à qui que ce soit. » Bon, ça c’est une évidence que j’avais même pas besoin d’énoncer à haute voix en vérité. Et je fais ce qu’il me dit, à savoir essayer de réfléchir aux différences philosophiques entre ces trois idées. Vaincre, c’est assez simple pour moi de le dissocier des deux autres. Et je souffle, songeur. « Vaincre c’est vouloir l’ascendant sur d’autres. Etre le plus fort. C’est pas ce que je cherche. » Surtout que je suis réaliste, j’ai croisé assez de monde, malgré mon jeune âge, pour savoir que c’est impossible en plus. Il y aura toujours plus fort, plus ambitieux que moi. « J’ai plus de mal… avec le fait de vouloir protéger qui serait… dangereux. » Un froncement de sourcils, alors que la route continue de défiler sous nos yeux. « C’est parce que les gens se pensent plus aptes à le faire ? Du genre supérieurs ? C’est là où ça peut déraper ? » Regard interrogatif lancé en direction de Fury, alors que je me demande comme lui, peut voir les choses. Il a vachement plus d’expérience, de vécu que moi. Et il est surtout bien moins naïf que je le suis. Ouais, je sais, ça c’est pas difficile, d’accord.
Fury a noté le geste de canalisation de Parker, lequel occupe un doigt sur les dix qui le faisaient précédemment en essayant de fouiller. Il note également les mots. Les noms. Les situations à venir. Ses lèvres se plissent lorsqu’il est question d’en parler "avec Sam". De "préparer un weekend entraînement". De "se laisser le temps d’apprivoiser un peu plus EDITH". Ainsi que lorsque Parker conclut :
« Ouais, vu comme ça… je peux pas dire qu’on a été sympa avec moi donc. Ou parler d’avoir eu de la chance. »
Si le ton de Parker est presque malicieux, l’expression de Fury est clairement connivente. Quant à repartir sur la base, le Directeur du SHIELD acquiesce tout simplement. Certes, cela s’accompagne d’une fuite visuelle mais cela reste positif. La conduite est tranquille comme le paysage, si l’on omet les autres voitures.
Le fait qu’il soit important d’apprendre de ses erreurs est admis par le jeune homme et conduit son ainé à reprendre en impassibilité, laissant le temps à l’enseignement transmis et répété d’être réellement intégré. Tant de choses à dire mais heureusement le temps pour le faire.
Tant de réactions et pas forcément le temps pour les regarder en toute sécurité. Pourtant, l’œil se tourne régulièrement vers le rétroviseur intérieur et l’image de Parker qu’il revoit. C’est une sorte de triangle fait avec une habitude certaine. Parker confirme ne pas vouloir nuire "à qui que ce soit" après avoir fait le poisson puis levé un doigt en guise de soutien d’affirmation. Puisque c’était sa thèse, le Directeur du SHIELD se contente d’acquiescer à nouveau. De laisser la réflexion se faire au rythme de celui qui réfléchit.
« Vaincre c’est vouloir l’ascendant sur d’autres, conclut Parker avec vélocité. Etre le plus fort. C’est pas ce que je cherche.
- En effet. »
La confirmation nonchalante de Fury s’accompagne d’un regard à Parker. Pas à son reflet, continuant de dissimuler la moitié du visage du borgne. Non, un véritable regard où les visages se font face, même si pas entièrement, et où il est aisé de lire ce que le Directeur du SHIELD exprime. C’est bref puisqu’il en retourne à la route et sa conduite.
« J’ai plus de mal… avec le fait de vouloir protéger qui serait… dangereux. »
Face à la route et alors qu’il double une voiture, le Directeur du SHIELD s’assombrit.
« C’est parce que les gens se pensent plus aptes à le faire ? Du genre supérieurs ? C’est là où ça peut déraper ?
- Vos craintes peuvent s’appliquer également à ceux qui aident. »
Fury penche la tête sur le côté, accordant un regard et une expression de compréhension à Parker.
« Vous questionner sur ces points est sage. Ne cessez jamais de le faire. »
Une pause alors que Fury recommence à regarder la route.
« De plus, où la protection s’arrête-t-elle, interroge-t-il simplement. Insight et Ultron sont nés pour la protection. »
Le Projet Insight était en deux parties. La première consistait à l’utilisation d’un ordinateur quantique afin de repérer les menaces potentielles dans le futur ; ordinateur capable de prévoir dès 2013 que Stephen Strange deviendrait Sorcier Suprême, chose effectivement arrivée en 2017. La seconde partie était un trio d’Héliporteurs capables de neutraliser lesdites menaces potentielles ; en les bombardant, un million à la fois. De quoi arrêter une invasion planétaire comme celle de Thanos, si elle n’avait pas été compromise par l’Hydra afin d’essayer d’éliminer les 20 millions de personnes qui auraient pu nuire à l’organisation en 2014.
Ultron était le résultat de la collaboration entre Tony Stark et Bruce Banner afin de créer une intelligence artificielle capable de contrôler l’Iron Legion et de mettre "une ceinture d’armures autour du monde". Dans sa volonté d’accomplir sa programmation, Ultron avait décidé que les humains étaient l’ultime menace pour le monde et pour eux-mêmes et que l’unique moyen de stopper cela était de les exterminer.
Fury lâche un lourd soupir.
« Peut-on protéger les individus des autres ? Doit-on les protéger d’eux-mêmes ? Comment les protéger de nous-même ? »
Durant un instant, il est possible de voir que le Directeur du SHIELD a soixante-dix ans.
« Comme tout bouclier, le SHIELD est une arme destinée à protéger. C’est pour cela qu’il ne doit avoir EDITH. »
Fury regarde dans son rétroviseur intérieur. Plus que Parker, c’est Smerdyakov, l’agent assis sur la banquette arrière, qu’il fixe. Celui-ci acquiesce sobrement et sombrement. Il a compris.
« C’est une question d’équilibre. Essayer d’être les plus aptes à le faire sans céder à l’orgueil, c’est une solution. L’orgueil est un péché capital et ces choses sont vraiment dangereuses. »
Comme pour confirmer cette déclaration, un véhicule double celui du Directeur du SHIELD dans un vrombissement de moteur puissant. Elle est clairement de luxe et trace tout droit sur la file la plus à droite, ne ralentissant pas si elle ne doit pas le faire par présence d’un obstacle devant elle ; obstacle qu’elle peut chercher à contourner plus qu’à patienter, d’ailleurs. Fury raffermi sa prise sur son volant.
« Et si vous trouvez l’équilibre parfait, c’est que vous péchez par orgueil. »
Les décors de la NJ-17 sont majoritairement les mêmes : des banlieues arborées à perte de vue une fois les équipements autoroutiers, comme les barrières et les stations essences, dépassées. Les échangeurs permettent de connaitre le nom des villes traversées ainsi que des attractions locales, pour la plupart de grands magasins, et s’accompagnent le plus souvent de panneaux publicitaires. S’en est ainsi jusqu’au croisement avec l’Interstate 287, bien plus au nor, où toute la partie gauche de la route est couverte d’une dense forêt vallonée. Ringwood State Park d’abord puis, une fois revenu dans l’état de New York un peu avant le croisement avec l’Interstate 87, Harriman State Park. Là où se trouve Lake Sebage et l’Avengers Facility. La fin du voyage.
L’espace d’un instant, je suis un peu plongé dans mes pensées, imaginant ce que je pourrais faire avec E.D.I.T.H, les drones, les Avengers et tout et tout. Et j’espère pas trop me fourvoyer dans mon idée, même si j’ai l’impression de percevoir l’assentiment de Fury. Ou alors, c’est juste dans ma tête mais, dans le fond, ça me va bien. Et puis, il serait plus que temps que cette IA arrête de prendre la poussière. Ca fait des mois maintenant, faut que j’arrive à dépasser tout ça. J’en suis capable. Je sais que j’en suis capable.
Et, pendant une seconde, j’ai presque l’impression de voir Tony face à moi, de le voir esquisser un sourire, comme s’il approuvait ce que j’ai en tête. C’est ptet le cas, même si j’ai un doute sur le fait qu’un tel exercice l’aurait amusé. Mais, au moins, j’utilise son héritage, ça ce serait cool. J’imagine.
Le reste des paroles de Fury me plonge dans une intense réflexion. J’avoue, je m’attendais pas vraiment à ça en montant dans la voiture. Je m’attendais plus à me faire sermonner pour un truc que j’aurais pas fait. Ou mal fait. Mais c’est tout le contraire au final. J’ai un rire silencieux quand il confirme qu’en effet, je cherche pas à être le plus fort. « Ca pourrait presque être vexant vous savez. » Soufflé d’un ton malicieux, même si je garde un sérieux inhabituel. J’ai un froncement de sourcils à ses précisions, oubliant même de tapoter des doigts sur mon genou. « … je vois. Vouloir aider, c’est se sentir plus compétent que les autres pour le faire. » J’ai une nouvelle hésitation, alors qu’il évoque Insight et Ultron.
Mais je préfère garder le silence, alors qu’il précise son propos. Forcément, ça engendre à peu près un milliard de questions dans mon esprit – sans aucune exagération, ce serait pas mon genre. « Mais si on a des… capacités. Comme les miennes par exemple. A quel moment c’est de l’orgueil de vouloir les mettre au service des autres ? C’est pas pire de vouloir les garder pour soi ? » J’imagine que mon interrogation peut être particulièrement naïve, mais pour une fois, je peux me retrancher un peu sur mon jeune âge ? Ou un truc du genre quoi.
Mon regard de perd à voir la voiture qui nous double. « Encore un qui est trop pressé pour son bien… » Un soupir avant de reprendre, non sans tourner la tête vers Fury, réalisant que lui conduit avec une aisance qui me laisse rêveur. Faut dire que, sorti du vélo, je suis encore jamais monté au volant d’une voiture. Pas trop envie en fait. Faudrait ptet que je m’y mette. Un jour. Quand j’aurais les moyens de me payer une caisse dans la foulée par exemple. Donc plus de crédit étudiant. Donc… bref. Pas maintenant quoi. Et vu que j’ai un peu zappé les cours de conduite au lycée bah… « Donc faut chercher l’équilibre sans jamais réussir à le trouver complètement ? C’est l’idée ? » Pire qu’un sage sur sa montagne là. J’ajoute, alors que mon attention se perd un instant à admirer le paysage. « J’aime bien cet endroit. On a l’impression d’être à l’autre bout du monde alors qu’on est pas si loin de New-York en vrai. » Pourquoi je parle de ça ? Aucune idée. Pet parce que j’ai l’impression d’y être un peu chez moi. Pas autant que chez tante May hein, mais… ouais, j’aime bien.
La fait de ne pas chercher à être le plus fort "pourrait presque être vexant" ? Fury hausse une épaule sans lâcher du regard la route. Un fin sourire conclut ce geste. Ainsi qu’un silence. Le Directeur du SHIELD continue ensuite ce qu’il avait prévu de dire et commenter. Jusqu’à ce que son expression s’assombrisse.
« Je vois, conclut Parker après une hésitation qui se répand dans tout son corps. Vouloir aider, c’est se sentir plus compétent que les autres pour le faire.
- Vraiment, interroge immédiatement Fury, grave. N’est-ce pas là une expression d’orgueil ? »
L’orgueil, ils en parlaient à l’instant. Parker avait énoncé que vaincre était vouloir l’ascendant sur les autres, trouvant que cela pouvait être vexant de se voir confirmer que ce n’était pas ce qu’il cherchait. Pas vexant pourtant. Un compliment. Parker avait également explicité qu’il avait plus de mal avec la perception de la volonté de protection comme dangereuse. "C’est parce que les gens se pensent plus aptes à le faire ? Du genre supérieurs ? C’est là où ça peut déraper," avait-il demandé avant que Fury ne lui signal que ces questionnements pouvaient s’appliquer aussi à ceux qui aident, non uniquement à ceux qui protègent. La conclusion avait été qu’il fallait trouver un équilibre. "Essayer d’être les plus aptes à le faire sans céder à l’orgueil, c’est une solution. L’orgueil est un péché capital et ces choses sont vraiment dangereuses".
« Mais si on a des… capacités. Comme les miennes par exemple. A quel moment c’est de l’orgueil de vouloir les mettre au service des autres ? C’est pas pire de vouloir les garder pour soi ?
- "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités", cite Fury avec un accord visible. Ce n’est pas de l’orgueil que de mettre ses capacités au service des autres. C’est la bonne chose à faire. La prise de responsabilité. L’orgueil arrive quand on se pense supérieur. Quand on cesse de se questionner. »
Comme lorsqu’on se dit que l’on peut doubler tout le monde sans respecter les limitations de vitesse et sans besoin particulier par confiance qu’on est trop bon conducteur pour être un danger. Est-ce réellement une question d’être pressé ? C’est en tout cas une question de "trop pour son bien". Ainsi que de "trop pour le bien des autres".
« Donc faut chercher l’équilibre sans jamais réussir à le trouver complètement, demande Parker suite à la conclusion sur l’équilibre, faisant sourire Fury. C’est l’idée ?
- Selon moi, oui, confirme Fury alors que son sourire se fait plus amusé, mais peut-être ai-je tort. Je n’ai cependant toujours pas trouvé d’argument qui me fasse penser autrement. »
Parker aime bien les forêts vallonnées de Ringwood State Park, New Jersey. Il a l’impression d’être "à l’autre bout du monde". Le sourire de Fury se maintient alors que son œil vient regarder le reflet du jeune homme dans le rétroviseur intérieur.
« J’aime le découpage de New York pour cela, ricane le directeur du SHIELD. L’Etat de New York ressemble plus au New Jersey et du Connecticut qu’à New York City et Long Island, pourtant beaucoup de monde s’arrête à ce goulot d’étranglement. »
Une pause réflexive.
« C’était une bonne idée de Stark de relocaliser les Avengers ici. Dommage que les lieux ne leurs servent désormais qu’à se croiser et non à vivre ensemble. »
Le visage de Fury reste pensif alors que son œil regarde loin, dans l’espace et probablement dans le temps.
« Helmut Zemo a brisé les Avengers, il y a huit ans. Ils se sont peut-être réassemblés durant les Années Sombres mais les décès de Romanoff et de Stark, ainsi que le départ de Rogers… chaque survivant est reparti faire sa vie de son côté. »
Ce n’est pas un reproche. Il y a de la tristesse, cependant. De l’inquiétude, également.
« Les Avengers ont besoin de se retrouver. De redevenir une équipe, non une somme d’individus. Ils ont besoin d’un cœur et d’un leader. Stark et Romanoff étaient leurs cœurs. Rogers et Stark étaient leurs leaders. »
Le soupir qui s’en suit est presque douloureux. Puis le visage de Fury se relève, l’arrière de sa tête touchant l’appuie-tête.
« Je ne vous demande pas de les remplacer. Cependant, si vous voulez réellement récupérer l’héritage de Stark… donnez-leur des raisons d’être ensemble. L’entrainement est pratique pour cela. »
Après avoir placé son clignotant, Fury se déporte vers la voie de droite où il a été précédemment doublé et entreprend de quitter l’I287 pour prendre la petite double voie qui ne tarde pas à longer l’I87. Elle la rejoint le temps de franchir Hillburn, ville abritant clairement plus d’arbres que d’habitants, puis s’en sépare afin de rejoindre la NY-17. Deux voies de chaque côté, à nouveau, mais surtout des arbres. Des deux côtés. Quelques maisons suburbaines au niveau de de Sloatsburg, chacune avec un jardin deux à trois fois plus grand que la bâtisse, puis la Seven Lakes Dr et c’est la route qui s’aventure dans la forêt vallonnée jusqu’à ce qu’elle arrive au Lake Sebago. A l’Avengers Facility.
« Je ne serais pas loin, si vous avez besoin de moi. »
Ce n’est pas un secret que l’Avengers Facility est une large base où les employés des Avengers et de Stark Industries côtoient ceux du SHIELD chargés de la liaison entre les organisations ; au premier rang desquels Clint Barton, Avenger et Agent de niveau 8 en charge de la base comme de la coopération avec les Avengers. Vivre à New York City n’empêche pas Hawkeye de faire quotidiennement l’aller-retour dans le cadre de ses travails ; même si ceux-ci l’appellent régulièrement ailleurs.
« De plus, vous aurez bientôt de nouveaux membres à accueillir. »
Un coup d’œil dans le rétroviseur, alors que le garde du corps – ou je sais pas vraiment ses fonctions, mais on va dire que c’est ça hein – a l’air aussi perplexe que moi de voir la tournure de la discussion. Fury me fait plus l’effet d’un mentor que du type qui pourrait me mettre au fond d’une geôle dans le 15 sous-sol et c’est… bizarre. Mais du bon bizarre en vrai. J’ai jamais songé à avoir ce type de discussion avec lui amis au final, il a vécu et vu tellement de trucs que son point de vue est hyper intéressant. Et, surtout, il a l’air de savoir prendre ce recul qui manque souvent à un paquet de monde.
Nouveau hochement de tête à ses paroles, alors que j’ai un froncement de sourcils pensif. « Je pense aussi qu’il faut accepter que des fois, on peut pas aider tout le monde surtout. Entre ceux qui veulent pas et… basiquement, le fait qu’on puisse pas être partout en même temps bah… » Bon, c’est pas vraiment de l’orgueil d’essayer malgré tout d’aider les gens sans exception. Mais de croire qu’on est le seul à pouvoir le faire là, c’est encore autre chose. « Toujours se questionner donc. Et se remettre en question. » Pour un peu, j’ai l’impression qu’il me fait le B.A-BA du parfait super-héros. En même temps, vu mon intronisation à l’arrache chez les Avengers, ça peut se comprendre.
Une brève inspiration quand on arrive à la même conclusion. Ca me rassure de voir que, au moins à ses yeux, je suis pas totalement à côté de la plaque. Même si j’avoue que c’est un peu effrayant de voir les responsabilités auxquelles je peux être confronté. Oh, je sais bien que je pourrais dire non merci et repartir vivre ma petite vie. Mais il a raison. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Et je dois pas l’oublier.
Je lui rends un sourire quand on parle des alentours et je laisse filer un silence alors que je l’observe avec attention quand il parle d’Helmut Zemo. Mon cœur se serre à son soupir et je fixe le vide un instant, me demandant si c’était à ça que Tony pensait. A l’idée que j’essaie de faire battre de nouveau le cœur des Avengers. Ouais, ouais, ça file le vertige ce genre de trucs, surtout pour quelqu’un comme moi. « Des raisons d’être ensemble qui soient pas juste d’éviter une énième fin du monde. » Mais je me demande si on pourrait vraiment arriver de nouveau à ça. A être cette famille qu’il évoque. A avancer de front, sans être des individualités. Faut dire qu’ils ont tous des sacrées personnalités, c’est aussi ce qui les rend aussi… impressionnants.
Et, alors que le bâtiment des Avengers se dessine au loin, je lance une œillade à Fury, non sans esquisser un autre sourire, peut-être un peu moins gamin que d’habitude. « J’avais aucun doute là-dessus. Que vous serez jamais loin si on a besoin. » Une espèce d’ange-gardien qui veille sur moi… Et me fait flipper quand c’est nécessaire. C’est bien le sentiment que j’ai vis-à-vis de Nick Fury. J’arque quand même un sourcil surpris au reste. « Des nouveaux membres ? Sérieux ? Trop cool ! » Ouais, autant pour l’instant de maturité hein. Mais bon, il commence à bien me connaitre non ? Sans compter que, agrandir la famille, ça peut aussi aider à ce que tout le monde trouve sa place, d’une façon ou d’une autre. Et puis, j’ai compris maintenant que je peux aider à resserrer les liens. Je ferais tout pour en tout cas.
« Je pense aussi qu’il faut accepter que des fois, on peut pas aider tout le monde surtout, tâche de se convaincre Parker plus qu’il ne tâche de convaincre Fury. Entre ceux qui veulent pas et… basiquement, le fait qu’on puisse pas être partout en même temps bah…
- Ne pas culpabiliser du fait que l’on ne puisse tout réussir, synthétise le Directeur du SHIELD en tâchant de compléter, et d’encourager, Spiderman. C’est difficile mais nécessaire, je le pense également. »
Toujours se questionner et se remettre en question. Oui.
Trouver des raisons d’être ensemble qui ne soient pas juste d’éviter une énième fin du monde. Oui.
Fury fait silence. Laisse Parker aller à son rythme.
Ils arrivent à la fin de cette discussion. De ce voyage. De cette transition entre la vie civile de Peter Parker et la vie héroïque de Spiderman. Cela peut être une double-vie, surtout lorsque les identités sont séparées ; à l’inverse de Tony Stark, s’étant dévoilé Ironman dès la première conférence de presse. Chaque côté, qu’il s’agisse de l’identité secrète ou publique, a ses avantages et ses inconvénients. Fury n’a rien à dire là-dessus.
Il acquiesce néanmoins face au sourire plus adulte du jeune homme. Il sourit également face au suspens qu’il vient de créer.
La voiture s’arrête.
« Bonne journée, dit-il simplement pour inviter son invité à s’en aller, monsieur Parker. »
Il attend que celui-ci soit sortir de la voiture pour abaisser la vitre et se pencher en avant afin de mettre en évidence la partie droite de son visage ; et l’œil unique qui s’y trouve.
« Et n’oubliez pas, je vous ai à l’œil. »
Cet avertissement donné et cette promesse faite, Fury se réinstalle confortablement dans son siège.
« Activation de l’interface en langage naturel Stark, demande-t-il à l’ordinateur de bord afin que celui-ci se manifester. Activation du déplacement aérien et du pilotage automatique. Destination : Bureaux du SHIELD de Manhattan. »
Après avoir confirmé, l’ordinateur commence à activer les systèmes dignes d’un film de science-fiction qui se trouvent dissimulés au sein du SUV. Des répulseurs Stark logés entre les essieux se manifestent afin de faire décoller la voiture du sol puis d’autres s’échappent de trappes situées à l’arrière du véhicule afin de le propulser à la verticale.
Le trajet de retour n’a pas besoin de tant de temps que l’aller. Fury se tourne vers son agent afin de faire un débriefing qui sera bien plus rapide.
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