[Terminé] La grenade

Faire un suivi de grossesse n’était pas dans les habitudes de la médecin mais dans le cas présent, elle s’était naturellement portée volontaire et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que Raven est une mutante très reconnue des années 60/70 et qu’elle n’avait pas besoin d’un élan supplémentaire de médiatisation. Deuxième parce que justement elle était une mutante et que ces derniers mois, les mutants étaient bien trop mis en avant dans les faits divers, les disparitions et les meurtres. Troisièmement parce que cette grossesse était déjà compliquée pour Raven sans que quiconque ait à en rajouter une couche. Alors oui, malgré les altercations passées entre elles, Lynda avait proposé ses connaissances et son expérience à la sœur de Charles parce que dans ses moments-là il est malgré tout préférable d’avoir une amie plutôt que des jugements.

Chaque examen se déroulait dans un profond respect mutuel pour l’une comme pour l’autre. Lynda proposait tous les examens qu’il était indiqué pour une grossesse, libre à Raven de les accepter ou non. Chaque choix était respecté par la médecin et chaque fois, Lynda conseillait Raven avec calme et surtout sans le moindre jugement. D’une certaine manière, Lynda voyait alors en cette future mère une profonde détresse et elle voulait qu’elle puisse se projeter dans cette future vie de maman avec un minimum de sérénité. Alors quand arrive l’instant de l’échographie et de la prise de tension, Lynda s’inquiétait d’un rythme cardiaque élevé et d’un stress visible chez sa patiente.

Cependant, les raisons de ce stress n’arrivant pas tout de suite, Lynda se contenta de faire l’examen tant attendu par Raven qui lui permettait de voir ses futurs enfants. Une fois l’échographie terminée, Lynda passait le morceau d’essuie-tout pour retirer l’excédent de gel lorsque Raven s’exprima … enfin. Lynda releva les yeux du ventre de Raven à son visage, stoppant son geste. Si elle semblait confuse, elle garda son calme et termina d’essuyer son ventre avant de lui répondre :

« Tu … Tu en est certaine ? C’est pour toi que tu le fais ou c'est  pour les pères potentiels ? »

Inquiète comme elle pouvait l’être pour une amie, Lynda entreprit de prendre la main de Raven dans la sienne avant de reprendre d’une voix douce :

« Quoi que je te donne comme date, tu es et tu seras une merveilleuse mère, ne laisses personne te dire le contraire Raven. »

Faire face à ses angoisses était une tâche des plus difficiles, et Lynda ne pouvait que comprendre cette douleur ressentie par cela qui avait été son ennemie. Désormais en statuquo, les deux femmes n’étaient pas vraiment les meilleures amies du monde mais pour Lynda, il n’y avait plus vraiment d’animosité envers la sœur de Charles. Comment lui en vouloir sachant qu’elle n’était pas vraiment elle-même, envahit par la jalousie et la volonté de destruction de la sorcière sombre.

Cependant pour autant, elle avait demandé à Raven de ne pas faire d’actions ou de requêtes de façon impulsive. Si la future mère désirait savoir la date de conception, il fallait que cela soit une demande réfléchie et pour elle qui plus est. Une fois la vérification demandée avec délicatesse, Lynda acquiesça d’une signe de tête pour en observant le moniteur du rythme cardiaque. Elle ne regarda à nouveau Raven que lorsque celle-ci était littéralement en train de broyée la main du médecin. Un léger sourire bienveillant sur les lèvres, elle récupéra ses phalanges et se frotta la main en ajoutant quelques mots :

« Bien, je te laisse te rhabiller, je vais faire le calcul. »

La médecin se retourna et alla jusqu’au bureau ou le dossier de Raven se trouvait. Elle ouvrit alors les différents clichés qu’elle avait pris des jumeaux avec les différentes mesures et se rapporta à un petit tableau et à un calculateur de grossesse en carton. L’outil était certes assez précaire de prime abord mais il avait le mérite d’être relativement précis. Lynda pris quelques notes et observa son calculateur. Après quelques minutes de recherches qui devaient très certainement paraître comme une éternité pour Raven, Lynda releva la tête avec une date qu’elle dit du bout des lèvres :

« Comme ce sont des jumeaux, j’ai préféré vérifier deux fois mais la date qui ressort est la même pour mes deux calculs. Cela serait le 26 mai 2024… A 24 heures près mais est-ce que cela te donne une identité ? »

Annoncer à une personne qu’elle attend un enfant peut être à la fois une source de grande joie, mais également une source de peine. Cela vaut pour n’importe quelle décision ou annonce qui concerne une grossesse ou son déroulement. Lynda le sait bien. Si elle est toujours heureuse de ce genre de nouvelle, il arrive parfois que les femmes qu’elle rencontre ne soient pas du même avis. La vie de chacune n’appartient qu’à elles et de ce fait, leurs choix et leurs émotions aussi.  

Dans le cas de Raven, Lynda avait surtout ressenti le stress de cette future mère qui ne se sentait pas prête et qui appréhendait les conséquences de sa grossesse. Pourtant, du point de vue de Lynda, tout ce qu’elle avait mis en place et toutes ses actions prouvaient bien qu’elle était sur la bonne voie, qu’elle ne voulait que le bonheur de ses enfants.

Pour la future mère, le temps était venu de savoir enfin la date de conception et par extension l’identité du père et Lynda lui avait précisé qu’elle était capable de faire ce genre de calcul, ce qu’elle fit à la demande de Raven.

L’annonce de la date fut faite et Lynda observa la sœur de son compagnon et se leva aussitôt lorsqu’elle comprit que cette date parlait très fortement à Raven. S’approchant de Raven, elle posa sa main sur la sienne tandis qu’elle serait fermement les accoudoirs. Lynda fit preuve d’une profonde empathie en entendant les mots de Raven :

« Je ne sais pas de qui tu parles, mais personne ne te fera de mal. Personne n’a le droit de te juger lorsqu’il s’agit de tes enfants Raven. »

Lynda baissa la tête pour croiser le regard de Raven alors que celle-ci réalisait qui était le père de ses enfants et même si elle sembla prononcer son prénom, celui-ci resta inaudible pour la médecin qui de toute manière n’était peut-être pas le mieux placer pour l’apprendre.

« Tu… Tu n’es pas forcée de m’en parler… Mais sache, Raven, que j’aurai toujours une oreille attentive pour toi. »

Passant une main sur son épaule, elle tenta surtout de calmer la future mère puisque le stress et les angoisses ne sont jamais bons pour les bébés.

Erik… Erik Lehnsherr… Aoutch ! Lynda sentit son cœur se serrait dans sa poitrine. Intérieurement, elle repensa à ce que Charles avait pu lui dire sur Erik, mais aussi et surtout son ressenti vis-à-vis de ce qu’il avait fait. Il était un pro-mutant de toute évidence comme Charles ou même Lynda mais dans une variante tout à fait extrême allant même jusqu’à la dominance par la peur.

Cependant, les pleurs de Raven l’affectent bien plus que l’annonce en elle-même. Lynda ne savait qu’elle n’avait aucun droit de jugement et à vrai dire ce n’était pas son genre, mais surtout, elle voulait être présence pour la femme en détresse qu’elle avait devant elle. Raven avait son caractère, c’était un fait, mais elle était aussi et surtout une femme qui avait souffert et que la vie n’avait que très peu épargnée. Rien que pour cela, Lynda, se devait de changer sa casquette de médecin pour prendre celle d’une amie.

S’asseyant aux côtés de Raven, sur un tabouret pour être à sa hauteur, Lynda conserva sa main sur l’épaule de Raven, désormais recouverte de la main de cette dernière, cherchant désespérément un soutien. Le regard de Lynda ne quitta pas le visage de Raven même si celle-ci se concentrait sur sa respiration pour retrouver un semblant de calme :

« Ne t’en fais pas Raven… ça va aller… »

Oui, cela devrait aller… Même si le père des bébés était un homme en perpétuel conflit avec Charles et même l’institut… Cela devrait aller… Même si Raven savait qu’elle devrait faire face aux différents hommes de sa vie pour leur annoncer le pot aux roses. Lorsque Raven reprit la parole, Lynda hochait la tête entre chaque mot, comme si, par empathie naturelle, elle ressentait chaque mot de Raven au plus profond d’elle. Lorsqu’elle eut terminé, Lynda sourit doucement et pencha la tête pour croiser le regard de Raven et l’accrocher :

« Bien entendu que je te laisse lui annoncer… Et je vais le gérer par la suite. Ne t’en fais pas, Raven. Il comprendra… Il acceptera… Parce qu’il t’aime… Tu le sais… Charles tient à toi et cela ne changera jamais ça… J’en suis certaine. »

Oui, Lynda osait les affirmations parce qu’elle connaissait l’amour que Charles avait pour sa sœur de cœur, et cela, malgré tous les conflits et divergences passées. Charles a toujours eu et aurait toujours de l’amour fraternel pour Raven. Aux yeux de Lynda, ce lien était indestructible.

Conseiller, aider, soutenir, respecter, et surtout être présente. C’était ce en quoi Lynda croyait et encore plus maintenant qu’elle était en présence d’une femme qui avait besoin de tout cela. Raven était une grande fille comme l’on pourrait dire vulgairement. Elle savait que faire le plus souvent, mais parfois, elle pouvait se sentir dépassée et c’était ce qui se passait avec la grossesse et cela, Lynda l’avait bien compris. Raven avait peur, elle était tétanisée à l’idée de mal faire les choses et de ne pas être à la hauteur. Ce que Lynda se garda bien de dire, c’est qu’aucune mère n’est parfaite aux yeux du monde. Elle n’est parfaite que dans les yeux de ses enfants si elle leur donne de l’amour et du soin. Et pour cela, Lynda était persuadée que Raven s’en sortirait à merveille.

Elle prit soin d’aider Raven avec les dates, puis avec les questions concernant les procédures, mais surtout, elle prit soin d’être à l’écoute pour la sœur de Charles qui semblait en panique à l’idée de parler du géniteur, à la fois à Charles, mais également au géniteur en lui-même. À la parole de Raven sur le fait qu’elle gardait espoir que tout allait bien se passer, Lynda sourit doucement à la future mère. Certes, ce qu’elle s’apprêtait à vivre dans les prochains jours serait intense, mais une fois passé ces instants, Lynda n’avait pas de doute sur le fait que le calme reviendrait dans sa vie. Charles accepterait et si ce n’était pas le cas, Lynda s’engageait à l’aider et à défendre la cause de Raven. Elle avait déjà tant de culpabilité en elle, il était inutile d’en ajouter davantage.

Cependant, les remerciements et la reconnaissance de Raven, cela, Lynda ne s’y attendait pas vraiment. Enfin, elle se doutait que Raven la remercierait, mais pas forcément avec autant de profondeur et de gentillesse.

« Merci… Cela me touche… Mais tu sais… Je tiens beaucoup à Charles, il est normal que je prenne soin autant de ses proches, comme si… vous étiez de ma famille… Et surtout que je voudrais qu’on puisse devenir… Amies… toutes les deux… Enfin, si tu le souhaites Raven. »

Être amies. Voilà un terme qu’elle ne s’attendait elle-même pas à employer en parlant de Raven et pourtant, elle pensait profondément tout ce qu’elle venait de dire. Malgré tout ce qu’il avait pu se passer entre elles, Lynda désirait enterrer la hache de guerre et repartir sur des bonnes bases. Elle posa un instant son regard sur celle qui était désormais une belle-sœur – même si Charles et Lynda n’étaient pas mariés – concilia les faits comme quoi, elle était contente de les connaître, tous les proches de Charles, tous les gens de l’Institut, cette grande famille dont elle se sentait en faire partie peu à peu…

HRP: