Erik avait beaucoup travaillé ces derniers temps pour la remise en état de Genosha comme véritable lieu de vie plutôt que comme squat non cartographié. Même si cet énorme chantier lui prenait beaucoup de temps, il n'avait ni oublié ses plans, ni la nécessité de recruter de la main d'œuvre. Aussi avait-il gardé des contacts sur New York, des sympathisants ou des confréristes infiltrés dont le rôle était de lui relayer toute information concernant les mutants.
C'est grâce à cela qu'il était resté au courant de tout ce qui s'était passé dans la cité et pouvait monter ses opérations, et aussi qu'il espérait trouver de nouveaux mutants plus vite que Charles et son Cerebro, ce qui était bien assez difficile en soi.
C'est donc par ce biais qu'il avait entendu parler de quelques "actions isolées", qui n'avait pas vraiment retenu son attention au début, mais qui avaient abouti récemment à l'éborgnement "malencontreux" d'un politicien qui cherchait à ficher tous les mutants de New York. Voilà qui avait nettement attiré l'attention du chef de la Confrérie, qui espérait trouver quelques mutants qui viendraient grossir les rangs de la Confrérie, ou à défaut des résidents de Genosha.
Il lui avait fait mener l'enquête par ses contacts et avait fini par découvrir que le petit groupe d'activistes, qui se faisait discret après leur dernier exploit, se situait aux alentours de Staten Island, où il se rendit sans plus tarder, profitant d'un voyage effectué pour acheter quelques ressources de base pour Genosha.
Conscient que, même si son visage avait commencé à être oublié depuis le mois de mai, il était toujours recherché par les services de police, le mutant opta pour son habituel ensemble chapeau, lunettes de soleil et veste en cuir, le tout abrité sous un parapluie étant donné la météo désastreuse de ces derniers jours.
Après quelques heures de recherche et de patience, Erik finit par voir passer plusieurs personnes, relativement jeunes, qui avaient l'air de guetter de tous côtés comme si leur ombre pouvait les attaquer. Il était fort probable qu'il s'agisse du groupe en question.
Magneto les suivit de loin, tâchant de ne pas éveiller leur soupçons, et repéra l'endroit où ils semblaient se réunir. Lorsqu'une autre personne arriva, il regarda de loin la façon particulière qu'elle avait de frapper. Un code ? Le mutant sourit devant cet amateurisme. Il attendit encore. D'autres vinrent. Puis après une dizaine de minutes sans la moindre venue, il se décida à entrer en action.
Tranquillement, il quitta l'abribus d'où il avait fait ses observation, redéplia son parapluie et se dirigea tranquillement vers la porte. Une fois devant, il se contenta de frapper sur le même rythme que ce qu'il avait observé. Quelle serait leur réaction ? L'attaqueraient-ils ? Il était curieux de le savoir.
Ça fait dix minutes que je suis là et j'en ai déjà marre. Ils sont pas méchants en soi. Je m'entends bien avec tous les membres du groupe en temps normal, j'y ai même une amie. Mais, comment dire… ils servent pas à grand chose. On est sensés défendre les droits des mutants, mais tout ce qu'on a fait jusqu'à présent comme "action militante" c'est coller des affiches. Il n'y a que Katia et moi qui voulons en faire plus.
On se réunit une fois par mois. La dernière fois, on a parlé de ce connard mutophobe qui voulait faire passer une loi pour nous ficher. Ils ont tous freiné des quatre fers. « C'est un trop gros bonnet »... « On peut rien faire à notre niveau »... « De toute façon tu voudrais qu'on fasse quoi »... « Personne ne nous écoutera »... Dégonflés. Alors on a agi de notre côté, Katia et moi. On a suivi le type après un meeting, elle invisible et moi en mouche, jusque chez lui. A la base on voulait juste lui faire peur, mais ça a "légèrement" dégénéré.
Et voilà que je me fais pourrir par le fondateur du groupe, après qu'il ait appris dans la presse que le politicien s'était fait attaquer par un chien et avait perdu un œil. Évidemment que le chien c'était moi. Alors selon Mitch, je suis complètement inconsciente, j'aurais jamais dû faire ça, et si on remonte jusqu'à moi, est-ce que je me rends compte que je mets tout le groupe en danger, et bla et bla et bla. Plus il parle et plus il crie, et ça commence sérieusement à me gonfler.
« Oh arrête un peu Mitch, comment tu veux qu'ils remontent jusqu'à moi ? Je suis pas débile, je me suis pas transformée devant lui, et puis même, y'a aucune preuve ! »
Il s'énerve encore plus, beuglant que c'est pas une raison, que même sans preuve c'était stupide de faire ça, et même dangereux, que j'aurais pu le tuer – ce à quoi je me retiens de rétorquer qu'il l'aurait bien mérité – que la violence c'est mal, ce genre de conneries. Putain, mais à quoi sert ce groupe en fait ? A quoi on sert si on n'est pas prêts à se battre pour vraiment défendre nos opinions et nos droits ? Juste à discuter pour rien dire et bouffer des gâteaux ?
J'ouvre la bouche pour lui balancer ses quatre vérités à la tronche, quand notre prise de bec est interrompue par des coups frappés à la porte. Un coup, trois coups, un coup. Notre code secret. Tout le monde se fige et se regarde, hébété. On compte silencieusement. On est déjà là tous les sept, on n'attend plus personne. Jimmy tourne la tête vers la porte et ses yeux virent au blanc. Il peut voir à travers la matière, c'est quand même vachement pratique par moments. Il nous explique qu'il y a un homme sous un parapluie, avec un look d'agent secret d'un mauvais film noir, veste en cuir, chapeau et lunettes de soleil.
Panique dans les rangs. Oliver demande ce qu'on doit faire. Chris suggère de se barrer par la sortie de secours. Mitch me fusille du regard et m'engueule à voix basse comme si c'était ma faute. Mary recule, tremblante comme une feuille et blanche comme un linge, et ses mains s'enflamment alors qu'elle marmonne des mots incompréhensibles. Jimmy précise que l'homme n'est pas armé et qu'il n'a pas de badge ou truc officiel type police ou autre. C'est finalement Katia qui s'avance vers la porte, défait le loquet et l'ouvre.
« B'soir. C'est une réunion privée m'sieur, je vous remercierai de vous barrer. »
Sacrée Katia, elle n'a pas la langue dans sa poche et a plus de couilles que les quatre mecs du groupe. Au moins elle a agi, elle. Tout le monde retient son souffle, attendant de voir comment le mystérieux inconnu va réagir, et surtout de savoir ce qu'il fait là. Tout le monde sauf moi. J'ai les bras croisés sur ma poitrine, énervée par la réaction de Mitch, prête à lui décoller une baffe s'il fait une remarque de plus. Qu'on ait un invité surprise ou pas, j'en ai pas grand chose à carrer.
En approchant, Erik put entendre des voix. Des voix fortes, à vrai dire. Une dispute ? Ça y ressemblait. Les voix étaient étouffées par les murs, impossible donc d'en entendre la teneur, mais il n'était pas difficile d'en deviner la teneur, étant donné les événements récents. Un désaccord sur des méthodes ? De la peur qui s'exprimait ? Le résultat de l'oppression humaine. Ces symptômes étaient les mêmes où qu'il aille. Au moins, il n'avait pas de doute sur le fait d'avoir frappé à la bonne porte.
Le silence se fit aussitôt après la série de coups. Si le climat était à la peur, il devait désormais être à la panique. Il y eut du temps. Cherchaient-ils un moyen de s'enfuir ? Erik espérait que non, n'étant pas vraiment d'humeur à leur courir après dans toute la ville. Il tenait à rester discret tant que ses plans n'étaient pas totalement mis en œuvre. Un autre symptôme de l'oppression…
Finalement, quelqu'un lui ouvrit. Une jeune femme à la langue bien pendue, ce qui fit sourire le mutant. Caractère, provocation, voilà quelqu'un qui avait le pouvoir de changer les choses, pour peu qu'on sache la canaliser comme il le faut. Ignorant ce qui lui était demandé de faire, il répondit :
"J'ai entendu dire qu'ici, on militait pour la cause mutante. J'aimerais beaucoup participer."
Pour toute démonstration de sa bonne foi, il sortit de sa poche une petite pièce de 50 cents et la fit flotter tranquillement devant lui, tournant doucement sur elle-même devant le visage de la jeune femme. Ce faisant, il tâcha de jeter un œil à l'intérieur. De là où il se trouvait, il pouvait distinguer 3 autres personnes, mais il y en avait sûrement plus à en croire l'agencement des lieux. Tous semblaient plutôt jeunes. Tous ne savaient probablement pas comment aider la cause.
La tension dans la salle est palpable. Tout le monde ferme sa gueule, à l'exception de Mary qui continue de marmonner à voix basse, paniquée, en pleine crise post-traumatique. Oliver se rapproche d'elle et tente de la calmer du mieux qu'il peut, mais sans prendre le risque de la toucher : elle a déjà les mains en feu, elle pourrait s'embraser entièrement à n'importe quel moment.
Du fait de l'absence de bruit, on entend distinctement les paroles de l'inconnu. « Militer pour la cause mutante… » Les mots m'arrachent un pouffement de nez sarcastique qui m'attire de nouveau le regard assassin de Mitch. Quant à Katia, elle hausse les sourcils de surprise, affiche une mine satisfaite, puis se tourne vers nous en souriant et annonce :
« On s'détend les potos, tout va bien, c'est l'un des nôtres. »
Puis elle ouvre complètement la porte et se décale pour laisser voir le type qui fait tournoyer une pièce dans les airs. Ah, là ça devient intéressant ! Un télékinésiste. Super pouvoir. Vachement pratique. J'ai toujours les bras croisés mais la curiosité l'emporte sur mon énervement. Je sais pertinemment que théoriquement c'est pas à moi de prendre l'initiative de l'inviter, mais je la prends quand même.
« Ben entrez, restez pas sous la pluie ! »
Cinq paires d'yeux sont fixés sur le mutant au parapluie – Mary et Oliver étant trop occupés de leur côté. La tension n'est pas vraiment retombée. Katia est la seule à sourire. Moi j'attends surtout de voir ce qu'il a à nous dire. Il a quand même l'air vachement plus vieux que nous et je me demande d'où il sort. Quant à Mitch, qui est toujours bien crispé, il lance d'un ton suspicieux :
« Comment vous nous avez trouvés ? Qui vous a parlé de nous ? »
Ils étaient jeunes, méfiants et effrayés, un groupe disparate aux mentalités bien différentes, rassemblés par un seul point communs : ils étaient mutants. Erik savait bien que convaincre n'était pas la partie facile, ni même d'attirer la confiance, mais il était certain qu'il tombait à point nommé. La pièce qui avait servi de preuve regagna sa poche, accompagnée de sa main qui semblait tenir le support invisible qui lui permettait de flotter dans les airs.
Tandis qu'il entrait en remerciant poliment la jeune femme qui l'avait invité, il referma son parapluie et l'égoutta un peu avant de le poser tranquillement dans le coin jouxtant la porte. Il ouvrit sa veste pour s'accommoder du chauffage à l'intérieur et être un peu plus à son aise, profitant de se geste pour sortir de sa poche intérieure une page de journal pliée et la tendit au jeune homme qui l'invectivait.
"À vrai dire, vous trouver n'était pas la partie facile. Entendre parler de vous, en revanche, était assez simple quand on connait les infinies possibilités des mutations. Vous avez brillé dernièrement."
La page de journal qu'il tendait n'était autre que la une du New York Times qui relatait l'assaut subi par le policien désormais borgne. On pouvait y voir la photo de l'homme avant son accident, et un article d'une quinzaine de paragraphes rapportant des détails et des témoignages sur l'animal qui l'avait attaqué, tout en extrapolant sur ce qui avait pu pousser ledit animal à l'estropier de la sorte, la rage étant le premier suspect.
"Je doute qu'un chien, même dressé, soit capable d'une telle précision et d'une telle agressivité. Et je doute d'autant plus que ce même chien ait, par le plus grand des hasards, décidé de s'attaquer arbitrairement un sénateur qui cherche à ficher tous les mutants. Je me trompe ?
Et je ne suis sans doute pas le seul à le penser. Je me suis dit que ce serait une bonne chose de vous rencontrer, connaître les aspirations de votre groupe, et cetera.
D'ailleurs, je m'appelle Erik, et vous ?"
Sur cette dernière question, il tendit la main non pas vers celui qui venait de le questionner, mais vers la jeune femme qui l'avait autorisé à entrer. Comme celle qui lui avait ouvert la porte, il pouvait voir dans son regard la volonté, la défiance et la force qu'on attend d'un chef de ce genre de groupe, chose qu'il ne retrouvait pas dans les regards apeurés et méfiants de ses camarades.
Mitch arrache presque des mains de l'homme la page de journal qu'il lui tend. A mesure qu'il la lit, il se crispe encore plus et son visage devient rouge d'une colère difficilement contenue. Quant à moi, je souris, flattée par les déductions et le compliment de notre invité surprise. Je n'ai d'ailleurs aucune hésitation à lui serrer la main et à lui répondre :
« Lily. Le chien c'était moi. »
Je l'ai annoncé avec une fierté non dissimulée. Même si ce n'était pas mon intention première d'éborgner le sénateur, je n'ai absolument aucun remords. Cet enfoiré n'a eu que ce qu'il méritait. J'assume parfaitement ce que j'ai fait et tant pis si ça doit m'attirer des ennuis. Ce n'est clairement pas l'avis de Mitch, qui me met un coup de coude dans le bras et m'ordonne à voix basse de fermer ma gueule. C'est la goutte d'eau qui met le feu aux poudres et je me tourne vers lui, furieuse. Cette fois je vais lui balancer ses quatre vérités, et c'est pas la présence d'un inconnu qui m'empêchera de dire ce que j'ai à dire.
« Non, toi ta gueule Mitch. Ferme BIEN ta gueule, comme tu sais si bien le faire ! Oui j'ai attaqué ce type, et j'ai pas honte de le dire ! Ce fils de pute voulait nous FICHER, bordel de merde, ça te rappelle rien ? Ca a commencé comme ça en 39-45 ! Hitler a fiché les Juifs avant de les exterminer. Et les alliés ont pas résolu le problème en collant des PUTAINS DE TRACTS !!! Alors reste enfermé dans ta bulle Mitch, reste là à te morfondre parce que ouin ouin, nous les mutants on n'est pas compris par la société. Ton groupe de défense des droits mutants c'est des conneries, c'est que du bla bla ! MOI je résiste, MOI j'ai les couilles d'agir contre les CONNARDS D'HUMAINS qui veulent nous pourrir la vie ! »
Katia lance un "Ouais !" enthousiaste et applaudit brièvement. Les autres écoutent mais se gardent bien d'ouvrir leur gueule, sans doute par peur de s'en prendre une par ricochet. Ils valent pas mieux que Mitch, ils sont tous aussi lâches et passifs que lui. Je me tourne vers le mutant au chapeau et enchaîne, toujours avec colère même si elle n'est pas dirigée contre lui :
« Vous voulez "militer pour la cause mutante" ? Ben je suis désolée, c'est pas ici que vous pourrez le faire. Ici on bouffe des gâteaux, on se plaint, on s'apitoie sur notre sort mais on n'agit surtout pas, nooon ! Ce serait trop dangereux ! Après tout, c'est pas comme si on avait des super-pouvoirs ! »
Et voilà, je suis énervée. J'ai perdu mon temps avec ce groupe. Je pensais vraiment qu'on allait pouvoir changer les choses. Je me suis bien plantée. Je récupère ma veste posée sur une chaise et commence à l'enfiler, prête à me barrer, à laisser tomber cette bande de trouillards mous du genou qui ne sert à rien.
Erik s'attendait à ce que la situation dégénère quelque peu. Après tout, il venait de lancer un énorme pavé dans la mare alors qu'il était évident qu'il existait des dissensions au sein du groupe. Ceux qui craignaient pour leur vie, et ceux qui craignaient pour leur avenir. Pour autant, il ne condamnait ni l'un ni l'autre partie : tous n'étaient pas prêts à se lever pour défendre leurs droits. Tous n'étaient pas prêts à risquer leur vie.
En revanche, ce qui était inattendu, c'était la comparaison que fit la dénommée Lily. Une comparaison qui fit refluer des souvenirs que le mutant aurait préféré oublier. La peur. La peine. La douleur. La colère. Le visage jusque là bienveillant d'Erik se ferma presque aussitôt tandis qu'il réprimait l'émotion que provoquaient ces souvenirs. Certes, le temps avait amoindri certains d'entre eux, mais la colère restait aussi vive que s'il avait été marqué au fer rouge.
Même si la tirade de la jeune mutante avait imposé le silence parmi ses comparses, à l'exception de celle qui la soutenait, il ne faisait pas doute qu'une fois le choc passé, le dénommé Mitch tenterait encore de se défendre, voire de discréditer ce qu'elle venait d'affirmer. Après tout, ils n'avaient pas vécu cette époque. Ils n'en connaissaient que ce que les livres d'histoire avaient voulu livrer...
"Mitch", commença-t-il d'une voix involontairement dure, "Je vous suggère de bien réfléchir avant de répondre quoi que ce soit. Vos livres d'histoire vous ont raconté ce qu'il s'était produit. Mais vous n'y étiez pas. Vous ne savez pas ce qu'ils nous ont fait. Et vous n'imaginez même pas ce qu'ils faisaient aux mutants..."
Avait-il besoin de dire qu'il y était ? Ce ne serait sans doute pas nécessaire. Le poids de ses mots se véhiculait par le très léger tremblement de sa voix, provoqué par la colère qu'il enfouissait pour le bien de tout le monde ici présent, son regard se chargeait du reste. Ces yeux avaient déjà vu tout cela.
"Quant à vous Lily, même si c'était pertinent, je vous conseille de ne pas aborder ce sujet devant moi. Ni devant mes pairs. Vous réveillez de vieilles blessures qui n'ont pas encore guéries."
Il lui était difficile d'enchaîner sur ce qu'il comptait faire. Cet effet de surprise l'avait déstabilisé et il en avait oublié un instant la raison de sa venue. Pour l'heure, il lui fallait retrouve son calme et réappréhender la situation. Car il voulait tous les recruter. Même ceux qui n'avaient pas le courage d'agir. Genosha avait besoin de main d'œuvre, tous n'étaient pas obligés de combattre, loin de là.
Je me suis laissée emporter par ma colère, mais je ne regrette absolument pas tout ce que je viens de dire. Je suis prête à quitter cette salle, à proposer à cet inconnu de venir boire un café, à demander à Katia de venir avec nous. Mais le mutant au chapeau a changé d'attitude. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais il a l'air… en colère ?
Je l'écoute s'adresser à Mitch, puis à moi, avec une incompréhension grandissante. J'en finis même par oublier mon énervement. Je reste plantée au milieu de la pièce, la bouche entrouverte. Je comprends les mots, mais je ne leur trouve pas d'explication cohérente. C'est pas que je refuse de le croire, c'est que ça me paraît complètement dingue. Je suis la première à reprendre la parole, avec beaucoup moins d'assurance qu'auparavant, alors que ses paroles ont alourdi encore plus le silence que mon monologue révolté.
« Mais c'est pas possible, vous pouvez pas avoir vécu ça, c'était y'a quatre-vingts ans, ça voudrait dire que vous avez au moins... - Si, il peut. »
Surprise, je me tourne vers Jimmy qui vient d'ouvrir la bouche pour la première fois depuis que notre invité est entré. Ses yeux sont de nouveau d'un blanc laiteux et ils sont fixés sur l'inconnu, plus précisément sur son bras gauche.
« 214782. Vous êtes un rescapé d'Auschwitz... »
Je ne comprends pas tout, mais je sais pouvoir faire confiance à Jimmy. Je sais qu'il est calé sur le sujet. On l'a déjà abordé ensemble. S'il affirme que ce type est un rescapé d'Auschwitz, c'est qu'il l'est. Aussi improbable que ça puisse paraître. Télékinésiste et immortel, donc. Les yeux de Jimmy redeviennent normaux et il s'avance vers lui, lui tendant la main dans une attitude témoignant d'un profond respect.
« James Eisenberg. Mon arrière-grand-père est mort à Cracovie. »
Je le regarde faire. Je suis toujours à moitié bouche-bée. Je me sens à la fois stupide d'avoir évoqué Hitler devant un type qui a subi les atrocités des camps, et à la fois impressionnée d'être en présence d'un type qui a vécu, et survécu, aux atrocités des camps. Je pose alors une question, qui me paraît d'ailleurs si évidente que je suis surprise que personne ne l'ait posée avant :
« Qui êtes-vous ? »
CODE BY ÐVÆLING // arrangé par Sholarimas
HRP:
Au cas où t'aies pas la réf, le nombre que dit Jimmy c'est le tatouage de prisonnier d'Auschwitz qu'Erik a sur le bras gauche.
Décidément, les surprises s'enchaînaient et ce n'était pas vraiment pour plaire à Erik. Alors qu'il cherchait un excuse plus crédible que "j'ai voyagé dans le temps" pour expliquer qu'il puisse avoir vécu cette époque et être encore de ce monde, ce fut un numéro qui fut dit tout haut. Un numéro qu'il ne connaissait que trop bien. 214782. Sa main se porta instinctivement à son bras gauche pour le couvrir, tandis qu'il jetait un regard haineux vers le gamin qui avait osé révéler cela tout haut.
Mais le jeune homme en question fit vite retomber la pression par son geste de sympathie. Il se présentait, et présentait le destin peu enviable de son arrière-grand-père. Ce n'était pas assez pour qu'il puisse comprendre l'horreur de cette époque, mais pour autant Erik apprécia le geste qui eut l'avantage de faire aussitôt redescendre sa colère et le rendre de nouveau maître de lui-même.
"Enchanté James", répondit-il en lui serrant la main avec fermeté. "Je suis Erik Lehnsherr."
Relâchant la main de James, son attention revint à Lily, qui visiblement se posait beaucoup de questions. Il décida de répondre de façon plus ou moins évasive aux questions qu'elles ne posait pas, pour finir ensuite par celle qu'elle avait effectivement posée.
"Pour être franc, je ne suis pas certain moi-même de la raison pour laquelle je suis encore là en 2024, mais l'important est que j'y sois. Voyez-vous, je cherche justement des gens comme vous, des mutants qui veulent la liberté. Le droit de vivre sans crainte d'être découvert.
Voulez-vous être libres, jeunes gens ?"
Cette question, il la posait souvent ces derniers temps. Il fallait dire que les actions anti-mutants avaient accentué la peur et la colère des mutants, et bien que l'événement représentât une opportunité pour Erik, il avait bien l'intention de faire payer les coupables si l'occasion lui en était donnée. Aussi parlait-il de liberté. La liberté d'exister sans avoir à craindre son voisin ou sa propre famille.
Pendant un instant, j'ai bien cru que le télékinésiste allait attaquer Jimmy, vu le regard furieux qu'il lui a jeté. Mais sa colère se dissipe dès que Jimmy se présente à lui et lui serre la main. Il est doué pour ça Jimmy, pour apaiser les tensions. C'est une force tranquille.
Le nom d'Erik Lehnsherr me dit vaguement quelque chose, mais c'est à l'évidence à Mitch qu'il parle le plus, puisqu'il ouvre la bouche avec étonnement et pointe notre invité surprise du doigt.
« Oh ! Oh ! Lehnsherr ! C'est le mutant qui a attaqué les Avengers au Jour des Héros ! - Aaah, oui, la statue ! Excellent. J'vous avais pas r'connu sans vot' casque ! »
Katia le regarde avec admiration, Mitch avec méfiance, Jimmy avec un léger sourire serein aux lèvres. Moi je me pose encore plus de questions. J'essaie de me souvenir de ce qui s'est passé lors de la cérémonie. Je n'étais pas sur place mais j'avais suivi à la télé, quand ça avait commencé à partir en sucette. Erik avait eu les couilles de critiquer les sacro-saints héros de New York et avait attaqué d'autres types avec des potes à lui, tous des mutants vu l'étrangeté des combats.
Il ne donne pas vraiment d'explication sur son étonnante longévité, et en soi c'est pas vraiment l'important. L'important c'est qu'il cherche des "gens comme nous". D'autres mutants. Pour faire quoi ? "Être libre". Ca n'explique pas grand chose, mais ça m'intrigue.
« J'ai jamais caché ma nature mutante, j'en suis même plutôt fière. Mais je suis curieuse de savoir ce que vous avez à proposer. - Moi aussi ! - Attendez attendez, vous êtes pas sérieuses les filles ? Vous allez pas vraiment le suivre ? Ce type est dangereux ! - Quoi, parce qu'il a dit tout haut ce que d'autres pensaient tout bas, parce qu'il a osé critiquer le système ? »
J'ai même plus envie de débattre avec Mitch, ça servirait à rien. Je lui ai déjà dit ce que j'avais à lui dire, de toute façon. Quant aux autres, Chris et Oliver n'ont pas dit un mot depuis l'arrivée d'Erik, et Mary a déjà bien assez de problèmes à gérer. Ils bougeront pas. Reste Jimmy. Je regarde d'abord Erik et lui dis simplement :
« Barrons-nous d'ici. Je pense qu'il vaut mieux causer de tout ça ailleurs. Jimmy ? - Pourquoi pas ? »
Katia et Jimmy récupèrent leurs affaires. J'ai déjà enfilé ma veste. Nous sommes prêts à partir, à laisser Mitch et sa bande de lavettes mous du genou, à suivre Erik, au moins pour découvrir ce qu'il a à nous proposer concrètement.
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