« Nous méritons toutes nos rencontres. Elles sont attachées à notre destinée et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer. » François Mauriac
Bracelet électronique à la cheville, liberté retrouvée, il n’a pourtant pas l’impression d’être émancipé de la culpabilité qui ronge son esprit comme une bête affamée depuis trois mois. Le Raft est loin désormais, mais que vaut l’évasion du corps quand l’esprit est encore cloitré entre les quatre murs d’une cellule ayant servi de clapier ? Il n’est plus l’otage d’une geôle perdu au milieu de l’océan, et les agents ne se présentent plus à lui comme une farandole éprouvant sa sincérité, sa mémoire ou sa version des faits, puisqu’il a été gracié. Gracié. Pardonné. Épargné. Légalement, il s’est soustrait à la justice en rejoignant les rangs du S.H.I.E.L.D., mais il ne parvient toujours pas à regretter d’avoir concédé à établir cet accord, quand bien même se sent-il coupable d’une nouvelle faute. Vendre son âme au diable pour quitter l’enfer, voilà une ironie qui manque de le faire sourire.
Après avoir honoré son rendez-vous journalier dans les bureaux du S.H.I.E.L.D. au coeur de Manhattan, il a décidé de d’abord se rendre dans son ancienne demeure pour y récupérer quelques affaires, dont l’absence lui fait cruellement défaut dans sa nouvelle demeure, généreusement prêtée par S.H.I.E.L.D pour mieux le surveiller. Des vêtements de rechange, ses carnets de notes, son ordinateur portable — bien qu’il ignore s’il aura le droit de le garder, quelques liasses de billets cachés dans une boite dans sa chambre ainsi qu’un cadre photo de sa fille, qu’il n’a plus le droit de nommer ainsi mais qu’il contemple quelques secondes avec un élan de mélancolie et de souffrance muette, avant de l’enfouir dans son sac-à-dos en soupirant. C’est mieux comme ça lui a-t-on dit. Mieux pour qui ? Peut-on priver un enfant de l’amour de son père ? Il semble que oui. Cette photo, c’est la dernière chose qu’il lui reste d’elle. Dans sa chambre d’enfant bien trop gâtée, rien n’a bougé… Où est-elle en cet instant ? Se souvient-elle encore seulement de l’homme qui l’a élevée, chérie et choyée, avant de devenir un monstre ? Saura-t-elle, un jour, lui pardonner ? Il ne peut s’empêcher de l’espérer. Il erre ensuite dans la maison durant un long moment, sachant fort bien que c’est probablement la dernière fois qu’il y met les pieds : la chambre de Roxianne est la pièce qui lui semble le plus douloureuse, et il s’y attarde inconsciemment, prenant d’abord place au bord du lit et décidant, au dernier moment, d’emporter une petite peluche qu’elle a laissé ici. Quand il ressort de sa maison, il a l’impression de dire adieu à son passé, à son ancienne vie, à sa fille… Désormais, c’est une autre page de son histoire qu’il va devoir écrire.
Il n’a pas envie de rentrer immédiatement, il n’a pas envie de se retrouver seul avec sa désolation et sa tristesse, alors il décide de prendre le temps de flâner dans les rues de la ville, et ce simple moment de légèreté suffit à le distraire de ses tourments. Là, au milieu de la foule, capuche rabattue sur ses cheveux de jais, il a l’impression d’être comme tout le monde. C’est étrange. C’est la première fois qu’il ressent cela. Lors de sa précédente vie, il n’était qu’une carcasse désarticulée, que la maladie détruisait de l’intérieur, vouée à une mort imminente : il lui faut connaître le prix du sang pour se sentir comme tout le monde… Mais cette idée ne l’effraye pas. Être comme tout le monde, ou presque, voilà un sentiment qu’il a poursuivi toute sa vie. Devenir un monstre sanguinaire vaut-il le coup ? De plus en plus, il penche pour une réponse favorable.
Le médecin — ainsi réhabilité par le S.H.I.E.L.D. traîne sa longue silhouette vers un bar dans lequel il avait l’habitude de se retrouver avec ses collaborateurs de l’hôpital, peut-être par nostalgie. Un léger sourire aux lèvres, il entre dans le bar peu fréquenté et se trouve une place isolée, à une table ronde près des banquettes en velours rouges. Déposant son sac-à-dos à côté de lui et son autre sac, semblable à un sac de voyage, sous la table, il retire lentement sa capuche et balaye la salle du regard : personne ne semble le reconnaître. Tant mieux. Il n’a pas besoin de provoquer un scandale, il veut juste… du calme. Un moment de paix après tout ce qu’il a vécu, et tout ce qui l’attend. Car si on lui a rendu sa liberté, c’est pour mieux le dépouiller. La liberté contre les travaux et les recherches d’une vie. On lui a tout pris. Tout. Ses notes, ses ordinateurs, et même son laboratoire. L’oeuvre d’une vie entière passée entre les mains d’autrui. Et maintenant ? Et maintenant, plus rien.
Il commande simplement un whisky au serveur qui vient à sa table, bien qu’il sait par avance qu’il ne va pas en boire une goutte, mais il ne peut occuper cette table sans consommer. Il remercie donc le serveur d’un sourire, sourire qui lui est rendu, et il souffle ensuite en apposant ses mains curieusement pâles sur la surface lisse de la table, baladant son regard ici et là… C’est presque risible, mais le simple fait d’être assis à une table d’un bar, de commander quelque chose à boire, de prendre le temps de respirer, de réfléchir, lui fait un bien fou. Il est libre. Enfin… Presque. Mais c’est toujours mieux que le Raft.
Son verre posé devant lui, il le tourne dans sa main en observant les personnes présentes dans le bar, sans véritablement s’attarder sur l’un d’eux, jusqu’à ce que ses yeux croisent la silhouette d’un homme élégant, et dont le visage est curieusement familier. Où l’a-t-il déjà croisé ? Sur le moment, il ne s’en souvent pas ; ces histoires de super-héros, il ne s’en occupait pas vraiment, à l’époque, il était trop plongé dans ses recherches pour y accorder un quelconque interêt. Mais ce visage… Il fronce légèrement les sourcils tout ne l’observant bien plus que la politesse le permet, avant de détourner le regard. Il ne faudrait pas que l’inconnu aux cheveux longs, presque aussi longs que les siens — bien que les siens soient attachés en chignon dans sa nuque, le remarque… Ou alors, c’est déjà fait ?
Loki Odinson God of Mischief
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Le temps était une chose qui échappait de plus en plus à Loki, comme un tissu de soie qu’il ne parvenait pas à rattraper. Tout semblait s’accélérer jusqu’à cet instant, ce moment préparé depuis des semaines qu’il craignait de voir se dérouler autrement que dans ses plans. Sa visite au Raft n’était pas une partie de plaisir, loin de là; il cherchait simplement à défier ses sentiments, son esprit, comme une ancienne torture psychologique qu’il aurait pu imaginer dans le temps. Une torture infligée à lui-même, quelle étrange façon de penser, n’est-ce pas? Malheureusement, c’était nécessaire pour qu’il puisse rester en paix avec ses pensées. Tel un cyclone en perpétuel mouvement, l’esprit du Dieu de la Malice tourbillonnait d’un mélange de rage et de crainte depuis plusieurs mois, ce qui le rendait d’autant plus instable et dangereux. Revoir son frère n’avait pas arrangé ses affaires, et pour être honnête, l’Asgardien se rendait compte que non seulement il ne pouvait contrôler tous les aspects d’une situation, mais en prime il n’avait aucun contrôle sur lui-même. Il n’y avait qu’à poser un pied dans son appartement pour s’en rendre compte, une fois l’illusion d’un endroit parfaitement rangé évanouie.
Cependant ce soir-là, alors que sa visite au Raft devait se situer aux alentours du lendemain, ses émotions semblaient enfin gérables. Non, c’était plus que cela; elles avaient disparu, laissant la place à une tranquille apathie concernant ce moment qui risquait d’être un basculement dans sa vision du monde. Se détacher complètement de la situation lui permettait de la contrôler plus facilement, comme s’il n’était pas l’un des protagonistes. Construire une muraille tout autour de ses sentiments, qu’ils soient positifs ou négatifs, était sa façon à lui de se contrôler et de ne laisser personne l’atteindre. C’était à lui de manipuler les autres, non l’inverse. N’est-ce pas?
Loki était beaucoup trop tendu ces derniers jours. Sur Asgard, lorsque quelque chose le dérangeait, il en profitait généralement pour passer du bon temps avec une bouteille de vin et quelque charmante compagnie. Tout semblait alors plus facile, comme si toutes les cartes étaient dans sa main. Il avait une famille, même s’il refusait encore aujourd’hui d’admettre que celle-ci l’avait rendu heureux un jour. Il avait un foyer, ses désirs étaient généralement des ordres. A cette époque, seule sa frustration d’être le deuxième né, de vivre dans l’ombre de Thor était la source de son malheur. Au final, cette jalousie qui ne s’était en rien tarie et avait façonné son être tout entier était passée au second plan dans cette vie-là. Sa seconde chance le rendait plus confus qu’autre chose.
C’était certainement la raison pour laquelle le Dieu de la Malice se rendit dans ce bar un peu vieillot, alors que le soleil s’était couché depuis un moment déjà. Il lui fallait retrouver d’anciennes habitudes, se raccrocher à ce qui faisait de lui un Asgardien à l’origine. Mettre de côté ses soucis, oublier l’espace d’un instant ce qu’il faisait et s’apprêtait à faire, retrouver d’anciennes sensations. Vêtu comme à son habitude d’un costume entièrement noir, les cheveux plaqués en arrière, Loki donnait l’impression d’arriver en terrain conquis. Et pour cause; malgré ses méfaits passés, il osait s’afficher à visage découvert dans l’un des quartiers les plus touchés par l’invasion Shitauri. Comme quoi, les Midgardiens n’avaient pas très bonne mémoire.
Du moins, c’était ce qu’il pensait. Pourtant, l’Aesir avait la désagréable sensation d’être observé. Pas celle agréable qui accompagnait en général l’admiration des autres, mais plutôt cette impression d’analyse de ses faits et gestes. Calmement, son regard balaya la salle pour finalement accrocher les yeux perçants d’un homme non loin, installé seul à une table, qui semblait spécialement perturbé de le voir ici. Ah, le reconnaissait-on enfin hors des murs du SHIELD et de HYDRA? Un sourire en coin, Loki prit le temps de commander un verre de bourbon, accoudé au comptoir. Puis il reporta son attention sur l’inconnu, non sans afficher un air suffisant comme il savait si bien le faire, et lui fit un signe de la main.
“Il semblerait que vous ayez un intérêt particulier envers ma personne. A qui ai-je l’honneur?”
Avalant une gorgée d’alcool qui lui brûla immédiatement la gorge, l’Asgardien s’approcha pour s’installer en face de l’inconnu, prenant ses aises sans rien demander. Il poursuivit.
“Détendez-vous, très cher. Vous êtes dans un lieu de débauche, pas une cour martiale.”
Manhattan - bar commun
Dernière édition par Loki Odinson le Jeu 16 Mar 2023 - 13:55, édité 2 fois
« Nous méritons toutes nos rencontres. Elles sont attachées à notre destinée et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer. » François Mauriac
Mince. L’homme qu’il croyait reconnaître sans vraiment l’assimiler à un quelconque nom avait fini par remarquer ses regards insistants, et le toisait à présent d’un air largement suffisant, n’éveillant en rien ses soupçons puisque, dans l’esprit du vampire, un quelconque criminel aurait été inquiété d’être reconnu. Il ne pouvait qu’aisément transporter cette situation en inversant les rôles… Aurait-il le même comportement que l’inconnu s’il venait à être reconnu dans un endroit aussi exposé et public ? Probablement pas…
Mais il n’eut pas vraiment le temps d’y réfléchir davantage car, alors qu’il faisait tourner son verre intact du bout des doigts, il vit que l’homme venait à sa rencontre. Merde. En voulant passer inaperçu, il avait attiré l’attention de quelqu’un ; il ne s’en réjouissait guère, alors qu’il ignorait tout de la véritable identité de l’homme qui lui faisait un signe de la main. Sans y répondre, il leva néanmoins son menton en sa direction et lui offrit un sourire pour le moins calme et posé, qui n’exprime aucune peur — car il n’en éprouvait aucune en cet instant, mais peut-être un ennui masqué. Il ne pouvait pas se permettre d’attirer l’attention, il ne fallait pas qu’on le reconnaisse… Ses déboires étaient encore trop récents, et sa liberté si douloureusement acquise ne pouvait être si facilement corrompue. « Votre visage m’est familier. » Dit-il tout d’abord d’une voix sans sous-entendu particulier, faisant preuve d’une honnêteté qui l’a toujours caractérisé, même dans les jours les plus sombres de son existence. Et, comme d’ordinaire, il demeurait étrangement calme, ne subissant aucun tressaillement ni inconfort.
On lui avait demandé de se présenter, mais il s’était abstenu, non sans soutenir le regard de son interlocuteur, sans sourciller. Il s’exprimait avec éloquence, mais sa deuxième phrase eut pour mérite d’arracher un petit rire aux lèvres du vampire. Ce dernier, détachant ses lèvres sans prononcer un seul mot, avait vaguement hoché son menton de haut en bas tout en parcourant la salle du regard, finissant par hausser ses épaules en répondant, d’une voix égale : « C’est peut-être un peu exagéré pour un simple bar… Il manque les filles en petite tenue pour que ce soit un lieu de débauche. » Reportant son regard sur l’inconnu, qui était plutôt bel homme il fallait le reconnaître, dégageant une sorte de charme mystique à la fois hautain mais fascinant, Morbius avait finalement tendu sa main vers lui, sans perdre son sourire et sans le quitter des yeux, lui disant alors d'une voix plus détendue : « Je m’appelle Morgan. »
Loki Odinson God of Mischief
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Familier, hmm? Loki ne pouvait s’empêcher de trouver la phrase amusante, venant d’un inconnu. Evidemment qu’il lui paraissait familier, et le Dieu de la Malice désespérait de récolter une quelconque réaction de qui que ce soit dans ce monde trop calme à son goût. Son ego n’appréciait pas d’avoir été oublié du grand public, même s’il ne pouvait pour le moment se permettre de leur rappeler sa présence avec panache. Il devait donc se contenter de l’attention un peu trop énervante du SHIELD et des Avengers, comme s’il avait désespérément besoin d’ennemis pour justifier son existence. Ce qui, au fond, était peut-être le cas…qui serait-il sans ces altercations ponctuelles avec les deux organisations?
L’interlocuteur, qui ne portait toujours pas de nom, semblait amusé par sa description des lieux. L’asgardien haussa les épaules, et prit le temps de boire une nouvelle gorgée d’alcool.
“L’alcool suffit parfois à justifier une telle appellation. Néanmoins vous avez raison, très cher. Quelque charmante compagnie serait un bonus non négligeable.”
Cet échange semblait avoir titillé l’intérêt du bel inconnu, puisque celui-ci daigna enfin donner un nom. Morgan. Loki haussa un sourcil, surpris, n’ayant encore jamais rencontré d’homme qui portait ce prénom…mais il balaya ses a priori sous le tapis. Les us et coutumes midgardiennes du présent lui étaient encore pour la plupart inconnues, et qui sait? Par le passé, les midgardiens ne se prenaient pas vraiment la tête quant au genre des individus, temps que ceux-ci étaient utiles à leur société. Peut-être que certains aujourd’hui étaient adeptes d’une fluidité de genre à l’image de leurs ancêtres, d’où ce genre de vestiges dans les prénoms. Lui-même n’était pas vraiment fixé, en fonction des âges. Il avait porté bien des noms, masculins comme féminins, neutres parfois, qui collaient à ses envies du moment et ses interlocuteurs. Pour sûr, ce comportement n’avait jamais plu à Odin; ce qui ne l’avait jamais empêché de l’adopter, bien au contraire. Le Père de Toute Chose n’appréciait pas la nature même de son fils adoptif.
Il attrapa la main du dénommé Morgan, son cerveau bouillonnant d’interrogations concernant ces coutumes, mais ne laissa rien paraître. Son sourire se fit charmeur en réponse à celui qu’on lui offrait.
“Enchanté. Quant à moi…je suis Loki.”
La révélation sonnait comme quelque chose de grandiose, pourtant elle ne semblait faire ni chaud ni froid à son interlocuteur. Le sourire du Dieu de la Malice se transforma en grimace; il n’aimait définitivement pas être pris pour un individu lambda, et s’attendait au moins à un petit tressaillement. Il soupira, faisant la moue tel un enfant boudeur en croisant les bras.
“Ce n’est pas vraiment la réaction que j’obtiens en général, mais on va faire avec, hmm. J’ai appris à encaisser les déceptions, ces derniers mois.”
Dramatique, l’Aesir, mais ce n’était pas très loin de la vérité. Il avait eu quelques désillusions récentes, et c’était d’ailleurs ce qui le menait ici ce soir. S’il n’allait pas étaler sa vie et ses projets à Morgan, il n’en restait pas moins affecté par tout ça. Reprenant ses esprits et surtout une attitude plus adulte, Loki décroisa les bras et posa un coude sur la table, le menton dans la main. Il observait son vis-à-vis avec attention, ses yeux vert d’eau détaillant chaque trait à la recherche d’indices sur qui il était réellement. Celui-ci dégageait quelque chose de particulier. Presque dangereux, en vérité. Le Dieu de la Malice avait toujours été doué pour évaluer les autres, spécialement leurs coeurs, mais cet homme semblait…contradictoire. Son visage était doux, mais son regard étrangement sombre. En un mot comme en cent, il l’intriguait.
“J’ai eu tout le loisir de parcourir les rues de ce quartier, et c’est la première fois que je vois votre visage. Un nouveau venu? A moins que vous ne soyiez pas du genre à sortir, en général. Que faites-vous dans la vie, Morgan?”
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Il émanait un charme particulier de cet homme qui semblait être différent, bien que le vampire ne parvenait pas encore à précisément identifier ce qui le caractériser autrement. Peut-être était-ce dans sa façon de se mouvoir, ou dans la manière qu’il avait de parler ? Il semblait venir d’un autre âge mais, le scientifique songeait que, peut-être, il s’agissait d’un littéraire amoureux de la belle langue. Comment ne serait-ce que songer qu’il venait d’attirer l’attention d’un dieu dont les aspirations étaient largement discutables, dans un bar quelconque de Manhattan ?
« Peut-être pourriez-vous suggérer cette idée au patron. » Dit-il d’une voix foncièrement malicieuse mais mesurée, tandis qu’il laissait un sourire amusé prendre forme sur ses lèvres, ce dernier perdurant jusqu’à ce que l’inconnu se saisisse de sa main. S’il ne fit rien pour l’en dégager, il ne put s’empêcher de froncer légèrement ses sourcils avant de les hausser, déjà rassuré de constater qu’il n’allait pas lui lire les lignes de la main. Baissant un instant les yeux sur leurs mains mêlées, il fit bien vite de remonter ses yeux sur le visage de l’inconnu, lorsque celui-ci se présenta sous un nom pour le moins curieux : Loki. Ses lèvres se détachant une nouvelle fois dans un sourire équivoque, Morgan commença à secouer son visage de gauche à droite tout en entamant quelques paroles : « Loki ? Comme le… » Oui. Précisément celui-là. Lorsque la révélation éclata dans son cerveau, de même sorte qu’une ampoule qui grille, le vampire leva légèrement le menton en espaçant ses lèvres de quelques degrés, ne parvenant pas à éprouver la moindre peur mais se disant, tout de même, que c’est bien sa veine en ce moment. L’absence de réaction provoqua une réaction presque infantile chez le dieu en question qui, vexé de ne pas être reconnu ou de ne pas provoquer de réaction plus explosive, soupira, fit la moue et croisa ses bras à la manière d’un enfant mécontent. Un peu attérré de la réaction juvénile à laquelle il assistait, Morgan arqua l’un de ses sourcils avant de secouer son menton de gauche à droite, un peu désarçonné. Mais même ainsi, le dieu conservait un charme… Fascinant, hypnotique. Peut-être même davantage…
C’était curieux. Morgan n’avait jamais vraiment eu de telles réflexions envers un homme mais, à bien y réfléchir, il n’avait guère eu plus d’entrain envers les femmes. Sa maladie et son travail ne lui avaient jamais vraiment permis de réfléchir à une quelconque attirance alors… Se pourrait-il qu’il ne le découvre que maintenant ? Essayant de ne pas trop y songer, Morgan lança un regard et un sourire taquins envers Loki, lui murmurant alors d’une voix basse mais suffisante pour être entendue : « Vous devriez porter un badge, ce serait plus facile pour vous reconnaître. » S’étant penché vers lui pour lui murmurer ceci, Morgan reprend sa place au fond de son fauteuil tout en mordant un instant le coeur de sa lèvre inférieure, avant de froncer légèrement ses sourcils tout en reculant son menton… Pourquoi Loki le regarde-t-il ainsi ? « J’ai quelque chose au milieu du visage ? » Joueur, Morgan avait imité le Dieu en nichant son menton barbu dans son coude, et en l’observant, de la même manière que celui-ci faisait. Peut-être étaient-ils tous les deux enfants, en cet instant...
Jusqu’à la dernière question. Ses yeux se baissèrent aussitôt et il se recula en passant la pointe de sa langue sur ses lèvres, déposant ses avants-bras sur la table tout en disant, d’une voix emplit de tristesse : « J’étais médecin... » Il tente de lui sourire pour faire bonne figure mais le coeur n’y est pas et, comme il n’a pas envie de s’étaler sur le sujet, il fait diversion en posant à son tour une question : « Mais qu’est-ce qu’un Dieu fait ici, au juste ? »
Loki Odinson God of Mischief
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L’affront de son interlocuteur lui fit froncer les sourcils. Son ego restait plutôt fragile. Il l’avait toujours été, certes; comment ne pas avoir de complexe d’infériorité lorsque son frère était le grand Thor? Il avait beau passer plus de temps à mépriser ledit frère, sachant qu’il lui était supérieur en tout point, le fait que les autres ne voyaient pas cet écart dans le même sens l’avait souvent blessé. Malheureusement, depuis la découverte de Thanos sur cette planète et avec tout le mal qu’il avait pu y faire, le petit Dieu de la Malice était relégué au rang de menace mineure, passée depuis bien longtemps. C’était surtout ça qui faisait mal. Savoir que certains ignoraient son nom aujourd’hui.
Loki laissa pourtant passer cette provocation, certainement aidé par l’alcool qui coulait déjà dans son sang. Il n’avait pas envie de se prendre la tête ce soir, alors qu’il avait décidé d’enfin se détendre un peu. Un autre aurait pris une dague entre les côtes pour moins que ça, pourtant. C’était peut-être un signe qu’il s’était ramolli. D’ailleurs, les moqueries de son vis-à-vis continuaient; loin de l’agacer, elles avaient le don de l’amuser. Intéressant.
Cependant le ton de la conversation sembla s’assombrir légèrement, à l’image de cette ombre qui passait devant le regard de Morgan. Un médecin qui n’exerçait plus, à l’évidence, mais qui n’avait pas choisi cette décision qu’il n’approuvait de toute évidence pas le moins du monde. Oh oh. Voilà qui était intéressant. Quelle erreur avait-il commise pour se voir refuser de soigner des gens, dans un monde où à l’évidence les soigneurs commençaient à manquer? Quelque chose de grave, certainement, qui lui faisait honte. Pourquoi changerait-il si rapidement de sujet, dans le cas contraire?
“Peut-être que j’accepte de revêtir le costume d’un simple mortel parfois. Les dieux ne sont pas aussi sérieux que vous semblez le croire sur cette planète.”
Peut-être parce que les asgardiens, quand bien même ils faisaient partie de la catégorie des Aesirs, étaient des êtres comme les autres élevés au rang de dieux pour la simple et bonne raison qu’ils venaient d’ailleurs et avaient sauvé ce monde d’une annihilation totale il y a plus de mille ans. Cependant l’appellation de “Dieu de la Malice” plaisait beaucoup à Loki, et flattait son ego. Là où son frère avait embrassé cette vérité, qu’il n’était pas au-dessus des autres simplement parce que son espérance de vie et sa condition physique étaient plus importantes que la moyenne, le cadet avait du mal à redescendre de son piédestal.
“Je n’ai pas eu l’occasion de me détendre depuis des années. S’ajuster à une vie sur Midgard demande des sacrifices. Mais je dois avouer que l’alcool par ici a un goût de débauche que nous n’avons qu’effleuré sur Asgard. Il a beaucoup évolué avec le temps, d’ailleurs…je me souviens être souvent descendu dans ma jeunesse. Le goût des divers breuvages s’est amélioré, même si le résultat escompté est toujours le même.”
S’embrumer l’esprit, faire cesser le tourbillon des pensées quotidiennes souvent trop sombres à son goût et s’octroyer un instant de bonheur pur, voilà ce que recherchait Loki lorsqu’il fréquentait les bars - une recherche commune à la plupart des fêtards, d’ailleurs. Il termina son verre sur ces paroles, et reporta son attention sur l’homme qui lui faisait face. Un homme qui n’avait pas encore trempé ses lèvres dans son propre verre d’ailleurs, ce qui lui fit hausser un sourcil sans qu’il ne relève pour autant.
“Si vous avez choisi la voie de la médecine, c’est que vous devez avoir un minimum de cervelle. C’est rare sur cette planète, bien trop rare. Mais je me demande si vous êtes animé par l’envie d’aider votre prochain, ou s’il y a autre chose…la recherche, peut-être? Une envie de transcender l’humain…j’ai rencontré quelques médecins dans ce genre ici même. C’était surprenant.”
Sur Asgard, les guérisseuses ne faisaient que raccommoder les tissus et supprimer les maladies. Cependant dans la médecine midgardienne, Loki l’a constaté, certains utilisaient les patients pour de nombreuses expériences. Peut-être n’était-ce que les scientifiques de Hydra qui s’autorisaient pareille chose, mais il n’était pas suffisamment versé dans les coutumes de cet endroit pour affirmer que personne d’autre ne faisait de même.
Il avisa le verre plein de son interlocuteur, et esquissa un sourire amusé.
“Étrange de s’enfermer dans un bar si ce n’est pour consommer ce qu’on a commandé. Est-ce ma présence qui vous met mal à l’aise? Vous avez peur de ne pas faire preuve d’assez de discernement?”
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Revêtir le costume d’un simple mortel, voilà un passe-temps presque triste lorsqu’on est un Dieu ; du moins, c’est la pensée qui traverse l’esprit de Morgan lorsqu’il l’entend de la bouche de son bel interlocuteur. Cela voulait-il dire que la vie d’un dieu peut être ennuyeuse ? Qu’on ne jouit pas des bienfaits de sa nature exceptionnelle pour vivre mille aventures par jour ? Peut-être que la longévité accrue est longue, parfois. Pénible et solitaire. Il n’en sait très rien, lui devait mourir avant l’âge de vingt-ans. C’est un miracle qu’il soit encore là pour vivre cet instant tout à fait inattendu mais curieusement agréable, et ne trouve aucunement sa vie ennuyeuse, pas après avoir été libéré du Raft. L’enferment de plusieurs mois aide sans doute à apprécier la liberté à sa juste valeur. « Vous venez dans le monde des humains pour tromper l’ennui, donc ? » Demanda-t-il avec une vraie curiosité dans la voix, sans se départir de son sourire jovial, qui eut fini par s’agrandir sous le petit rire qui l’avait traversé suite aux paroles de Loki. « Si vous saviez les dégâts de l’alcool sur le corps humain… » Déformation professionnelle oblige, il lance un regard sans équivoque au verre encore plein qui est sagement posé devant lui, et qui n’a as perdu une goutte de sa contenance depuis qu’on lui a donné. Mais après quelques considérations internes, il redresse son menton pour annoncer, d’une supposition presque certaine : « Mais je devine que votre coeur est bien plus résistant que le notre à ce sujet. » Les leur. Mais il est peut-être encore trop tôt pour avouer la vérité, bien que, lui n’ait pas attendu avant de révéler sa véritable nature.
Croisant ses bras sur la table, il plisse légèrement ses paupières avant de questionner, toujours aussi curieux à propos de l’homme qui se tient à côté de lui : « Votre jeunesse… Quel âge avez-vous, au juste ? » Physiquement, Loki semble avoir la trentaine mais… À quand remonte les récits de la mythologie nordique, déjà ? Il ne parvient pas à apposer de dates précises, mais est sûr qu’ils étaient déjà de fait pendant le Haut-Moyen Âge, donc… Beaucoup trop vieux pour être si bien conservé. L’observant dans le silence de ses pensées, il se surprend à se demander ce qu’une prise de sang donnerait et révélerait du peuple auquel il appartient. L’étude de ses cellules. Peut-être même une biopsie pour un fragment de peau… Le chercheur prend le-dessus l’espace d’un instant mais il fait taire toutes ces idées en baissant le menton, tandis que Loki met les pieds dans la plat…
« Les deux. Il n’y a pas de progrès en médecine sans recherche. Mais je n’ai jamais fait de… » Il s’interrompit soudainement, conscient du mensonge involontaire qu’il s’apprêtait à délivrer. Il ferma les yeux quelques courtes secondes, fronçant ses sourcils et joignant ses deux mains l’une contre l’autre, paumes contre paumes et doigts contre doigts, en reprenant d’une voix vibrante : « Je n’ai jamais voulu faire de mal, à qui que ce soit. » La nuance était peut-être mince aux yeux du Dieu, mais pas pour Morgan. Le sourire a du mal à revenir alors il racle légèrement sa gorge tout en se tassant dans son siège, essayant de remettre un peu d’ordre dans ses pensées car, il le sait ; il en a à la fois trop dit et pas assez. Le Dieu ne va pas se contenter de si peu, pas maintenant que la porte du mystère et du sous-entendu a été si brutalement enfoncée.
Sous la taquinerie du Dieu, Morgan affiche l’ébauche d’un rictus amusé, et ses yeux vont du verre plein au visage de ce dernier, prenant quelques secondes pour réfléchir avant de répondre, toujours dans le mystère : « Je ne peux consommer des aliments humains. Je l’ai commandé seulement pour pouvoir m’installer à une table. » Se doutant que cet aveu va piquer la curiosité de son interlocuteur, Morgan se rapproche de la table et repousse son verre calmement jusqu’à Loki, lui murmurant d’une voix amusée : « Allez-y, je ne l’ai pas touché. » Cette rencontre promet d’être intéressante… Comment le Dieu va réagir après cela ?
Loki Odinson God of Mischief
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Loki esquissa un sourire à la question sur son âge. Il était vrai que les midgardiens avaient une espérance de vie d’une centaine d’années au maximum, peut-être moins pour la plupart d’entre eux. Vrai également qu’ils étaient fragiles comparé à un être suprême comme lui, ce qui ne faisait que confirmer sa supériorité. Pourtant, il en était de même pour son frère, Thor; celui-ci était plus âgé, plus fort et résistant de par son ascendance purement asgardienne, quand bien même l’univers ne l’avait pas doté de neurones fonctionnels. Ah. Le Dieu de la Malice préférait ne pas trop y songer. Un soir où la détente était de mise, repenser à l’autre Odinson était la porte ouverte à des dérives sous le coup de la colère.
“J’ai 1059 ans, si l’on en croit la légende. Mais j’ai cessé de compter après cinq cents ans, je fais seulement confiance aux livres d'histoire.”
L’ennui quand on possédait une longévité aussi accrue, c’était que le temps ne semblait pas tourner de la même façon que pour les autres. L’Aesir acceptait volontiers l’âge qu’on lui donnait, quand bien même assumer qu’il n’avait que trente ou quarante années d’existence était hilarant en soi. Cependant discuter de son âge était ennuyeux à mourir, aussi ne s’étalait-il pas dessus plus que de mesure. Il aimait être admiré, certes, mais selon ses critères, et son apparente immortalité n’en faisait pas partie.
Les paroles de Morgan attisèrent sa curiosité. Son hésitation, en particulier, concernant le mal qu’il avait pu faire aux autres. Ah? Il semblerait que tous les scientifiques sur cette planète cachaient de lourds secrets. Le médecin corrigea donc sa déclaration, donnant à Loki la preuve s’il en fallait que quelque chose s’était forcément produit pour en faire un ennemi de la société. Peut-être pas jusque là - ses agissements n’avaient peut-être pas forcément atteint beaucoup de personnes, il ne se baladerait sûrement pas au grand jour si c’était le cas - mais il semblait tout de même regretter des actes passés. Intéressant.
“Quelque chose semble peser sur votre coeur, concernant ce fameux progrès. Il faudrait être idiot pour ne pas le remarquer.”
Haussant un sourcil, le Dieu de la Malice attrapa le verre si gentiment proposé et le porta à son nez, cherchant une quelconque trace de poison ou autre substance qui pourrait altérer ses sens. Il n’avait confiance en personne, ce n’était pas spécialement parce qu’il s’agissait d’un inconnu un peu louche dans un bar. Satisfait de ne rien trouver de particulier, il avala une gorgée de whisky.
“C’est bien triste pour vous. Mais ça ne vous rend que plus intéressant. Vous m’intriguez, Morgan. En quelques secondes, vous avez réussi à piquer ma curiosité. Ce n’est pas rien.”
Se tenant personnellement en haute estime, l’Asgardien croyait sincèrement que porter son attention sur un autre que lui-même était une faveur qu’il faisait. Il balaya la salle du regard, observant chaque individu sans vraiment sembler s’attarder. Personne ne faisait attention à eux. Pourquoi le feraient-ils, sincèrement? Il avait appris depuis longtemps que l’égoïsme de la plèbe sur cette planète était utile à ceux qui, comme lui, nourrissaient des desseins bien sombres. Ceux qui avaient oublié son visage lui offraient sans le savoir une liberté de mouvement qu’il n’aurait jamais pu espérer.
Son cerveau tournait à plein régime, et un sourire ne quittait pas son visage. Stimuler son intelligence était le meilleur moyen de s’attirer sa sympathie, et le mystère de Morgan lui plaisait beaucoup. Un homme qui ne pouvait absorber de nourriture humaine, mais qui parvenait tout de même à tenir debout, et paraissait bien portant…un homme qui avait basculé l’espace d’un instant du mauvais côté, et le regrettait amèrement…qu’était-il devenu, au juste? A l’évidence, il avait joué lui-même au cobaye dans cette histoire.
“Et j’ose m’avancer, en assumant que vous avez trouvé un moyen de transcender votre condition. C’est pour cette raison que vous ne pouvez boire ou manger ce que les humains consomment généralement, n’est-ce pas? C’est fascinant.”
Loki avala une nouvelle gorgée de whisky, les yeux rivés sur le visage de son vis-à-vis. Apparemment, parler de cette nouvelle condition ne semblait pas lui plaire. Y avait-il des effets secondaires? Tentait-il, grâce à son intelligence, d’approcher l’immortalité et l’autosuffisance? Après tout, s’il ne se contentait pas de nourriture humaine, il avait déjà une longueur d’avance sur le reste des habitants de cette planète.
“Ce sujet vous met-il mal à l’aise? Ce n’est qu’une impression, peut-être. Je serais curieux d’en connaître la raison.”
« Nous méritons toutes nos rencontres. Elles sont attachées à notre destinée et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer. » François Mauriac
J’ai 1059 ans formule le Dieu avec une légèreté volubile, qui arrache un petit rire désabusé aux lèvres du vampire, un véritable rire d’ailleurs : celui qui plisse le haut du nez en même temps que les paupières, et qui donne un aspect presque enfantin au visage de celui qui irradie d’un amusement incontrôlé et incontrôlable. Secouant légèrement son menton de gauche à droite, peut-être par incapacité à réellement assimiler ce qui se passe, il ne lâche pas Loki des yeux tout en lui répondant, avec toujours le même humour malicieux : « Seulement 1059 ans ? Je vous donnais plus. » Pressant ses lèvres l’une contre l’autre avec amusement, il secoue de nouveau son menton, ne se rendant peut-être pas totalement compte de la situation : il est attablé, dans un bar quelconque de la ville, en compagnie d’un Dieu largement recherché par les autorités. Autorités pour lesquelles il travaille désormais. En échange de sa propre liberté. Dommage qu’il ne puisse pas boire le verre de whisky, il en avait soudainement aussi envie que besoin, et ce peu importe les dégâts sur le corps humain…
En parlant de corps humain, les cadavres semés sur le chemin ne sont jamais bien loin de lui : maintenant encore, alors que la conversation est agréable et l’interlocuteur fascinant, il retombe dans ses travers en repensant à ses victimes, cruellement et injustement tuées. Par sa faute. Tout, dans cette histoire, est de sa faute. Lui qui avait juré de sauver et de guérir, s’était transformé en une bête cruelle et sanguinaire, incapable de s’arrêter à la pulsion bestiale de l’appel du sang. Le prix à payer était plus gros que ce qu’il avait pensé mais, à présent, il ne pouvait plus faire demi-tour.
Ce changement d’humeur et d’expression n’échappe pas à la vigilance de Loki, qui formule très vite ses soupçons : Morgan accuse le coup, ne prenant pas la parole pour le faire taire car il dit vrai. Ainsi, il ne le contredit pas, et se contente de le regarder durant quelques secondes, sans parler, se contentant de tapoter la pulpe de ses doigts contre la surface de la table. « Et vous n’êtes pas un idiot, visiblement. » Sans moquerie, cette fois, il baisse les yeux en pressant ses lèvres l’une contre l’autre, n’ayant soudainement plus aucune envie de sourire, ni même rire. Même les paroles de Loki ne parviennent pas à faire naître un rictus sur ses lippes, et pourtant, il redresse son menton en sa direction pour l’observer durant quelques secondes ; s’il est curieusement flatté d’avoir pu attiser l’intérêt du Dieu, il a l’impression que ce n’est pas pour les bonnes raisons. Mais en-a-t-il seulement ? « Parce que vous ne savez pas qui je suis. » Sans prétention aucune, il redresse ses épaules en plantant ses yeux dans ceux de Loki, tandis que celui le questionne. Il est curieux, et même si le sujet est sensible, Morgan ne cherche pas à détourner la conversation. Pas encore, peut-être.
« Transcender ma condition ? » L’idée lui paraît tellement saugrenue qu’il ne peut s’empêcher d’émettre un léger rire, avant de passer l’une de ses mains sur le bas de son visage. « Non, non, pas du tout. Du moins, ce n’était pas le but. Je voulais juste… Vivre. » Conscient d’en avoir trop dit et pas assez à la fois, il soupire et roule des yeux avant de poursuivre, tout en se rapprochant inconsciemment de son interlocuteur comme s’il craignait d’être entendu par autrui : « J’étais très malade. En réalité, mourant… Mon corps se décomposait, j’étais incapable de marcher, je n’allais bientôt plus pouvoir respirer. Mais, là-dedans… » Son index se redresse pour toucher sa propre temps, alors qu’il confie : « Tout était très clair. Je voulais vivre. Alors j’ai fait des expériences sur mon corps, à tel point que je ne pourrais les compter, et la dernière a… » Son visage étant proche de celui de Loki, il penche légèrement son menton sur le côté tout en laissant ses iris prendre une teinte d’abord bleu très clair, presque translucide, avant de virer au rouge sang dans une forme d’encre vermeille qui se répand dans l’oeil, tandis que ses lèvres articulent lentement : « Pour certains, elle a échoué. Pour d’autres, c’est une réussite. Qu’en pensez-vous, Loki ? »
Loki Odinson God of Mischief
Messages : 406 Crédits : Coffee time (avatars), Malice (signature)
L’être qui faisait face à Loki était des plus intéressants, sous couvert d’une ascendance midgardienne classique. Lui qui avait tendance à sous-estimer tous ceux qui étaient nés ici bas avait appris récemment qu’il y avait des nuances à apporter. Certains valaient peut-être le coup, comparé au plus faible des asgardiens. Non, il ne devait pas penser ainsi; Asgard avait disparu des années auparavant, et le reste de son peuple avait perdu de sa splendeur en atterrissant sur cette maudite planète. Aujourd’hui, il était certainement le seul parmi les survivants de cette véritable apocalypse à avoir gardé de sa grandeur. Même Thor, son frère et prince d’Asgard, avait préféré se fondre dans la masse et ressemblait davantage à un pauvre vivant dans la rue qu’à un être issu de la royauté. Non, définitivement, ce peuple l’avait déçu à bien des égards. Il ne pouvait désormais qu’avouer la supériorité de certains midgardiens sur eux.
“Vivre? Quelle idée saugrenue. Je comprends.”
Ainsi, Mobius était condamné à l’origine, peut-être de naissance. Les asgardiens ne possédaient pas ce genre d’anomalie. La maladie était absente de la cité d’or, la mort généralement brutale sur le champ de bataille. Cependant parmi les neufs royaumes sur lesquels Loki avait passé un certain temps, c’était bien le seul endroit où les habitants n’avaient pas à se battre contre des organismes microscopiques qui cherchaient avant tout à les détruire. Une chance que son enveloppe charnelle soit résistante, en tant qu’Aesir, ou lui aussi aurait pu mourir d’une chose aussi stupide que la maladie.
Mobius le sollicitait concernant cette fameuse expérience, mais le Dieu de la Malice ne répondit pas tout de suite. Il était en réalité très intrigué par ce que le scientifique avait pu faire, au point de devenir un humain amélioré. Certains cherchaient durant des années à devenir immortel, de véritables surhommes, parfois - souvent - inspirés de ceux qu’ils prenaient pour leurs dieux. La résistance des asgardiens n’avait-elle pas conduit à de nombreux tests, de nombreux cobayes? Loki n’en doutait pas une seconde.
Les yeux du mutant le fascinaient. Il ne pouvait détacher son regard de cette particularité, impressionné même s’il n’en donnait pas l’air. Qu’est-ce que ce changement signifiait? Voyait-il des choses que les autres ne pouvaient distinguer? Etait-ce la seule modification corporelle visible? Jusqu’où s’étendaient ses nouveaux pouvoirs? Il ne pouvait y avoir que des inconvénients, n’est-ce pas?
“Voyons les choses sous un angle objectif. Vous parlez d’un corps mourant, d’une décomposition avancée, d’un handicap sévère. Or je vous vois là, vivant et bien portant, à faire semblant de consommer dans un bar où vous n’auriez pas eu votre place avant cette expérience. Peu importent les conséquences, le résultat est sans appel: vous avez réussi. Quiconque prétend le contraire n’a pas les idées claires et est certainement biaisé par ses propres convictions.”
Loki n’avait jamais été du genre à s’embarrasser des conséquences, ou des dégâts collatéraux même. Ses objectifs ne souffraient aucune altération pour le bien commun. S’il lui fallait éliminer la moitié de l’humanité pour gagner le pouvoir sur l’autre moitié, il prendrait volontiers lui-même les rênes et marcherait en conquérant face à l’ennemi pour les besoins d’une paix totale. Qu’importe que les modifications qu’avait fait Mobius sur son corps l’empêchaient de se sustenter à l’image d’un véritable humain, qu’importe même qu’il soit différent. Même si cette condition le forçait à drainer l’âme des plus faibles, sa propre vie était certainement plus importante que celle des autres. Après tout, l’égalité entre les différents êtres vivants était utopique et n’avait rien à faire dans une quelconque société.
“Vous m’avez beaucoup intrigué, Mobius. Dites-m’en plus. Qu’avez-vous fait? Qu’avez-vous gagné, outre cette nouvelle vie qui s’offre à vous? Qu’avez-vous perdu? Vous n’avez pas choisi d’offrir cette expérience à d’autres, c’est que vous devez vous aussi douter de sa réussite. En tant que médecin, vous avez certainement vu de nombreux patients mourir…j’ose imaginer que ce n’est pas l’égoïsme qui vous a empêché de les modifier.”
Cette histoire stimulait l’esprit de Loki, lui qui avait toujours élevé la connaissance au-dessus de tout - à part peut-être de son ego. Nourrir son cerveau était le meilleur moyen de le mettre dans sa poche.
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