Coudes sur la table, mes mains sont jointes et pressent mes lèvres. Mon nez, droit et court, expire et inspire un faible souffle chaud contre mes doigts. Mes yeux, d’un vert d’eau cristallin, parcourent encore une fois l’écran et les lignes du rapport de mission. L’affaire Luke Hunt m’intéresse. Je ne m’agace pas de l’interprétation créative des règles ayant menée à son arrestation. Je déprécie la personne qui les a faites, néanmoins. Fort heureusement, j’ai mieux à faire pour m’occuper l’esprit tandis que l’imprimante raisonne dans le silence de mon bureau.
Si mon diagnostique est bon, Luke Hunt est un tueur en série avec fantasme de justice. Des expériences datées du siècle dernier en ont fait un mutant artificiel par greffe génétique animale ; jaguar. Son expérience personnelle en a fait un tueur à gages et un mercenaire. Je suis curieuse de savoir comment on concilie un métier de tueur à gages et un fantasme de justice. Mon hypothèse est que le trouble mental est arrivé après le métier. Parallèlement, il est parfaitement possible de tuer pour vivre et de tuer pour avoir une érection également. Les dissonances cognitives permettent de faire coexister l’illogique de façon logique. L’accès aux enregistrements audios comme aux traces écrites sur l’affaire sont les principales sources d’informations à ma disposition. Elles m’ont néanmoins amené à envisager un moyen de réinsérer Luke Hunt ; ou plutôt son intégration à un projet me concernant. Les contre-mesures destinées à des pouvoirs aussi classiques que les siens sont d’ores et déjà en place. Théoriquement, mon expertise en ingénierie forensique n’est donc pas utile. L’intégration à l’Index implique une approche psychologique également. Les négociations entre la consultante de l’agent Carthew et Luke Hunt ont aussi ajouté le suivi psychologique comme condition de reddition. En plus de celui scientifique. Comment la SHIELD peut parvenir à suivre scientifiquement Luke Hunt s’il doit employer une extérieure pour le faire ? Je l’ignore. Je m’en moque. D’autant que, même s’il s’est rendu volontairement, Luke Hunt reste un criminel surhumain. Les Accords de Sokovie traitaient tous les surhumains comme des criminels. Les démanteler a été une chose productive. En revanche, continuer à pouvoir traiter les prisonniers surhumains comme s’ils n'étaient pas humains reste pratique. L’héritage du Patriot Act, aussi liberticide qu’efficace.
Mon reflet me regard sur l’écran. Ses cheveux roux sont réunis en un chignon qui lui durcit le visage. Ce dernier est maquillé. Fond de teint pour uniformiser la peau. Mascara pour allonger les cils et accroitre l’intensité des petits yeux. Rouge à lèvres et gloss pour faire paraitre la bouche plus grande et belle qu’elle ne l’est. Les couleurs vives de ma tête contrastent avec la chemise blanche et le tailleur noir avec pantalon. La veste est évidemment fermée. L’écran me renvoie toute ma tenue, à l’exception de mes chaussures plates, lorsque je me relève. L’impression des documents est désormais terminée. Les documents audios sont disponibles sur l’intranet sécurisé. Je récupère les feuilles encore chaudes, les tasses méthodiquement puis les places dans une pochette cartonnée d’abord et dans mon attaché-case ensuite. Je ferme celui-ci. Le bruit raisonne à nouveau dans le silence.
Puis je quitte mon bureau.
Luke Hunt a été arrêté vers 03P.M. cet après-midi. Les négociations de sa reddition l’ont amené à subir les tests médicaux dans les propriétés de Joseph Rowles. Je passe sur la libre interprétation des accès aux lieux et l’abus d’autorité publique, à Rowles de voir s’il veut engager des poursuites ou non. Cette partie de l’affaire ne me concerne pas. Après trois heures de prélèvements, Hunt doit être livré aux bureaux de la SHIELD de New York City, au 1585 Broadway. Le Morgan Stanley Building est un gratte-ciel de 209m de haut en plein milieu de Midtown Manhattan. Les modifications faites durant les Années Sombres permettent d’exploiter au mieux la superficie. La base du bâtiment est là pour les échanges avec les civils et les fonctions secondaires. Le premier tiers de la tour dédié à la surveillance et au renseignement, avec les signatures GPS des téléphones de tous les individus indexés sur New York City et les Etats alentours. Les algorithmes ont révolutionné la recherche de renseignements : il suffit de les programmer pour rechercher des mots clés ainsi les opérateurs n’ont plus à tout lire et écouter. Juste à analyser la pertinence de ce que les programmes informatiques trouvent. Cela permet de travailler à plein temps. Le second tier de la tour est celui qui nous intéresse. Salles d’interrogatoire et de garde-à-vue.
C’est là où Luke Hunt est emmené à l’instant même. Des murs capitonnés dissimulant des structures renforcées pour contenir des super-pouvoirs modérés. Un plafond capitonné avec en supplément un néon central, une caméra dans un coin et une bouche d’aération à peine suffisamment grande pour y passer une tête humaine. Une table où l’on peut accrocher des menottes, qu’elles soient aux mains ou aux pieds. Trois chaises, deux d’un côté et une de l’autre. Une paroi sans teint.
Je prends une inspiration nasale lorsque j’arrive là-bas. Mes supérieurs ont approuvé que je me mêle de cette histoire dans le cadre de la SWORD. Cela accompagnera la recherche de contremesures psychologiques spécifiques à Luke Hunt, dont les informations déjà en ma possession me donnent des pistes.
Hunt est déjà dans la salle. L’agent de niveau d’accréditation 5 Carthew, elle, non. Elle doit attendre son binôme d’interrogatoire. Elle doit m’attendre moi. Je sais d’elle ce que son fichier Index en dit. Cela fait suffisamment. Cela a fait suffisamment pour que je la recommande comme interlocutrice dans le cadre de la création d’un protocole d’intégration des Slimes. La capacité de ressentir les émotions et les sentiments des autres, ainsi que leurs sensations dans le cas de Carthew, est d’une grande plus-value pour l’accompagnement d’individus structurellement inhumains. Ainsi que d’humains, sauf cas particuliers comme le mien. L’émoussement des émotions doit être reposant pour une empathe. Sauf si elle se perturbe de cette diminution. Son problème, non le mien.
« Agent Carthew, la salue-je de la tête avant de m’arrêter face à elle, consciente que son absence d’accès à l’Index signifie qu’elle n’a guère d’informations sur moi. Agent Orchent, niveau d’accréditation 7. Docteur en ingénierie rattachée à l’Index et à l’analyse des capacités surhumaines, la mise en place de contre-mesures et leurs applications à la Recherche et Développement. »
Traduction : je cherche à comprendre comment vous fonctionnez afin de l’utiliser contre vous et de voir si je peux l’utiliser pour d’autres personnes.
« Nous sommes en binôme sur cet interrogatoire, continue-je en énonçant un fait. Vous allez être la gentille et je vais être moi. Je veux savoir si Hunt est sincère et dit la vérité. Particulièrement quand je saignerai son cœur à blanc. »
Il n’y a aucune agressivité lorsque je dis cela. Il n’y a rien. Je pourrais parler de la météo que mon sentiment serait le même. Absent.
« Restez professionnel et gardez-vous d’évoquer tout lien avec votre consultante. Il s’en chargera pour vous. »
Cette fois, il y a quelque chose. Deux choses. Peur et peur. Peur d’avoir à entendre parler d’une morte qui n’a pas eu le bon sens de le rester et m’a deux fois détruite la vie en conséquence. Peur que l’empathie trahisse cela et que l’empathe m’applique cette même intrusion qu’elle doit le faire à Hunt. Si cela ne tenait qu’à moi, Emy Carthew aurait été renvoyée chez elle désormais que son usage a été accompli. Je n’aime pas les psychiques lorsqu’ils m’impliquent dans leurs pouvoirs. Je ne peux pas demander cela : ça reste son affaire tant qu’il n’est pas question de la SWORD. A défaut, autant utiliser ses capacités au mieux. Néanmoins, je déprécie qu’elle puisse ressentir le peu que je ressens encore. Je resterai professionnelle néanmoins, comme je lui ai demandé.
« Dites-vous qu’une fois cet interrogatoire terminé, votre journée sera finie. »
La SHIELD demande effectivement à ses agents des disponibilités et un dévouement qui tendent facilement vers des horaires de cadre. Les USA ne pratiquent pas les 35h maximum par semaine mais les 55h sont souvent insuffisantes à faire tout ce que notre organisation nous demande. Ainsi, miser sur l’envie d’en finir avec des journées trop longues est généralement un pari sécurisé.
« On y va. »
Le fait est énoncé puis accompli. Je prends les devants et m’en vais ouvrir la porte, la tenant pour l’agent Carthew avant de la refermer derrière moi. Carthew et moi faisons une taille similaire. Ainsi, Luke Hunt est plus grand d’une vingtaine à une trentaine de centimètres. Même assis, il est impressionnant. Même menotté, il est impressionnant. Comme tout individu, cependant, on peut diviser la taille par deux en frappant dans le triangle génital. Le facteur guérisseur ne change rien à ce fait.
« Luke Hunt, salue-je, neutre, alors que je m’approche de lui pour m’assoir en face de lui. Vous avez pris la bonne décision en vous rendant. Il va nous valoir déterminer à quel point. »
Je pose l’attaché-case. Je l’ouvre. J’en sors le dossier à peine constitué. Je le pose devant moi, fermé, puis l’accompagne d’un stylo. Celui-ci est parallèle à la pochette cartonnée. Finalement, je m’assois. J’ouvre le dossier. La page du dessus est vierge.
Après l’arrestation quelque peu compliquée faite par l’agent Carthew, je fut emmené par cette dernière et madame Orchent pour faire des tests et des prélèvements avant de me faire conduire dans un bureau du SHIELD ou je finis dans une salle d’interrogatoire. Je resta quelque temps seul dans la pièce attachée aux mains et au pieds par mesure de sécurité. La pièce est assez vide, une table avec des menottes aux pieds et mains, trois chaises avec une d’un côté et deux de l’autre ainsi qu’un paroi sans teint. La pièce a également une bouche d’aération trop petite pour ma taille mais je ne peux m’empêcher de me demander si je pourrais y passer sous forme animal. La pièce est isolée, il n’y a aucun doute car même si je peux entendre quelques bruits très proches, je n’entend et ne sent rien d’autre.
Regardant autour de moi pour faire passer le temps, je me tourne vers la porte lorsque je l’entend s’ouvrir. Une femme inconnu ouvre la porte et la referme après avoir laisser passer l’agent Carthew. Les deux femmes s'assoient et celle qui m’est inconnue prend la parole en premier. Elle me salue et me dit que j’ai pris la bonne décision en me rendant mais qu’elle doit savoir à quelle point je l’ai fait. Je lui fais un signe de tête pour ne pas la couper et la regarde tandis qu’elle sort de l’attaché case qu’elle tient une pochette et un stylo. Elle reprend la parole pour me demander de raconter mon histoire.
Après quelques secondes, je rompt le silence. “Je doute que ce soit bien utile, vu comment vous agissez et les battements de votre coeur vous êtes sans nul doute une professionnel. Ce qui veut dire que vous connaissez déjà tout de moi et même des trucs que moi même je pourrais ne pas connaître. Je ne sais pas bien votre rôle dans toute cette histoire car pour ce qui est de madame Carthew je la connais étant celle qui a procédé à mon arrestation et Madame Orchent dont je déplore son absence est celle qui va m’aider mais j’aimerais bien savoir quelle est le votre ainsi que votre nom si cela ne m’est pas interdit car j’aime bien savoir à qui je parle. Surtout si cette personne est chargé de moi pendant mon séjour.”
Emy se sent bouillir de l’intérieur. Les choses ne se sont pas passés exactement comme elle l’aurait voulu, mais Luke Hunt a accepté de les suivre sans vraiment faire de résistance. Pourquoi est-ce que c’était elle, simple agent de niveau 5, qui devait mener cette mission ? Elle savait que ses supérieurs voulaient qu’elle soit un peu moins sur le terrain depuis qu’elle était redevenue apte, mais ce n’était pas une raison pour la mettre sur ce genre de mission... Bon, pour le moment, elle accepte de le faire sans trop rien dire parce que ce n’est que la seule mission qu’elle a pour le moment. Il fallait bien qu’elle se remette en selle !
Après avoir emmener Lucy et Luke pour faire une série d’examens, Emy doit par la suite emmener le criminel dans un batiment de Manahtan. C’est sa mission. Peut-être qu’elle n’aurait que ça a faire, mais on lui demande aussi de faire partit de l’équipe d’interogatoire. D’accord... Pas certaine que ce soit une bonne idée, mais la jeune femme continue de ne rien dire. Si elle a envie d’évoluer un jour, c’était sa seule chance : Accepter de faire des choses donc elle n’a pas envie. Après avoir mener Luke dans la salle d’interogatoire qu’on lui a assigné, l’agent Carthew attend patiamment la personne qui doit venir faire l’interrogatoire avec elle. Et cela ne semble pas tarder. Tout de suite, Emy sent l’assurance de la personne qui se trouve devant elle. Une jeune femme. Famillière sur le physique, mais Emy est certaine de ne l’avoir jamais rencontrer... Et le fait que ses émotions soient gérés à la perfection... Ou alors, elle en est dépourvu ? Emy est légèrement perturbée parce qu’elle ressent autour de la jeune femme, mais elle ne dit rien. Salutation de la tête, la rousse se présent et Emy percute. Orchent. La soeur de Lucy ? Elle n’a pas le temps de demander des informations que l’autre agent enchaine sur le fait qu’elles seront en binome pendant cet interogatoire et qu’Emy sera la gentille et elle... elle sera elle-même. Cela promettait d’être intense et l’agent de niveau cinq en était déjà fatiguée... Elle continue en disant qu’elle devait rester professionnel et qu’elle devait éviter d’évoquer tout lien avec sa consultante. Emy fronce de nouveau les soucils et ouvre la bouche pour parler, mais elle n’en a pas le temps. Orchent rajoute que lorsque l’interrogatoire sera terminé, sa journée sera fini.
“Parfait, je n’ai pas envie de trainer plus longtemps dans ces locaux.”
Sous entendu que Emy n’aimait pas Célestine. Avant même d’avoir eu Luke Hunt devant elle, elle sait qu’elle ne va pas aimer ce qui va se passer pendant l’interrogatoire. Emy voit la jeune femme passé devant elle pour ouvrir la porte et la laisser entrer. Emy passe la première et voit que Luke n’a pas bouger. Elle le regarde avant de s’asseoir et n’ouvre pas la bouche. Célestine s’en chargera parfaitement. Emy écoute ce que sa supérieure dit avant de regarder Luke Hunt. Ce dernier est fidèle à lui même. Il lui dit qu’il doute que ce soit utile et que comment elle agissait, elle savait sans doute tout de lui et peut-être même des trucs qu’il ne connait pas lui-même. Il ne savait qu’elle rôle elle avait dans cette histoire, il connaissait celui de Emy et celui de Lucy dont il déplorait l’absence. Emy eut un petit sourire en coin que seul Luke pouvait voir quand il lui dit qu’il aimait bien savoir à qui il parlait. Emy décida de ne rien dire. Célestine semblait être celle qui voulait dirigé l’interrogatoire, alors qu’elle le fasse ! Emy n’était là que parce qu’on l’avait obligé, elle préférait largement être chez elle, à se promener dans les bois avec son chien...
L’agent Carthew tiendra-t-elle mon rythme ? Elle était probablement fatiguée de la "difficulté" avec laquelle s’est passée l’arrestation. Elle est fatiguée de la "difficulté" que je représente dans le cadre de l’interrogatoire. Elle n’a pas envie de trainer longtemps dans les bureaux de la SHIELD de New York. Cela la place à égalité avec la plupart des employés sous le commandement de Victoria Hand. Je m’épanouie ici principalement car j’ai similaire approche du travail à ma supérieure hiérarchique. Que les employés donnent tout ce qu’ils ont et plus encore sur leurs horaires de travail puis qu’ils partent une fois la mission terminée. Les bonnes relations entre collègues sont secondaires et ne doivent pas nuire à la productivité. Ce que nous faisons est trop important pour cela. Parallèlement, les horaires ne doivent pas nuire outre mesure à la santé. Si les tâches sont terminées, que l’employé parte. Il aura suffisamment d’heures supplémentaires pour égaliser des départs plus tôt. Comme aujourd’hui concernant l’agent Carthew. La mentalité peut paraitre étrange à l’une des subordonnées de l’agent Barton. Chacun son environnement de travail.
J’acquiesce simplement à la perfection du mien. Carthew ne m’aime pas. Je ne l’aime pas. On travaillera donc ensemble sans complaisance. C’est ainsi que cela se passe ici et c’est pour le mieux des autres. De ceux qu’on protège. Fermer les yeux sur des actions par affection non-professionnel peut, dans notre corps de métier, coûter la vie à beaucoup de gens. Carthew le sait. Nonobstant ces points sur ma collègue, on va faire de nos mieux pour Hunt.
Quelles que puissent être les considérations personnelles pour la longueur, les chaines de menottes attachées aux tables d’interrogatoire sont suffisantes à laisser une liberté relative aux membres des interrogés. Cela permet de lire leur langage corporel tout en s’assurant qu’ils ne puissent s’éloigner de la table. Est-ce qu’Hunt est capable de tordre l’acier à en défaire ces chaines ? Possible. Il faut cependant que mes traumas ne m’obscurcissent pas le jugement. Outre mesure, cela s’entend.
L’acquiescement silencieux d’Hunt est noté. Un bon point. Quant à la réponse orale qui le suit…
Hunt réfléchit à ma demande plutôt que d’y répondre. Un mauvais point.
Hunt analyse mon comportement et mon cœur. Un point attendu mais neutre.
Hunt présuppose nos connaissances de lui. Un point attendu mais mauvais : il noie le poisson. Mes paupières se plissent. Mes lèvres se pincent.
Hunt avoue son ignorance. Un bon point.
Hunt avoue ses connaissances. L’agent Carthew. "Madame" Orchent. "Dont il déplore l’absence". Je pose mon stylo. Lentement.
Hunt a des revendications. Je les écoute en croisant mes droits devant moi. Entre nous.
Après qu’Hunt ait rompu le silence, je le laisse reprendre ses droits.
Une seconde. Je fixe Hunt.
Deux secondes. Je fixe Hunt.
Trois secondes. Je fixe Hunt.
Quatre secondes.
« Monsieur Hunt, dis-je en me penchant légèrement en avant, du buste et du visage. Mademoiselle Orchent n’avait aucun droit à négocier comme elle l’a fait. C’est par la bienveillance de l’agent Carthew que vos revendications ont été possibles. »
Traduction : Carthew est la gentille qui essaie que les choses se passent bien. Moi, pas.
« Vous avez fait honneur à la chance qu’elle vous a donné en vous rendant. Désormais, vous la sabotez en refusant d’obtempérer. »
Une seconde de pause alors que je lève les pouces, sans décroiser les autres doigts, ainsi que les épaules.
« Cela me convient. On en sait suffisamment pour que vous soyez condamné à plusieurs vies d’emprisonnement. »
Il est absurde de condamner à plusieurs vies de prison. Une seule est suffisante. Même dans le cas d’Hunt. Il a eu besoin d’un siècle pour arriver à la quarantaine. Supposant que les expériences sur lui ont été faites durant son adolescence, cela signifie qu’une centaine d’années pour lui équivaut à une quinzaine d’années pour quelqu’un de normal. Une vie d’emprisonnement pour Hunt pourrait donc représenter entre deux et trois siècles d’enfermement. Dans une seule pièce. Aucun suivi psychologique ne pourra le préserver d’une profonde dépression. Il finira par tout regretter, le mal comme le bien, et par juste vouloir mourir. S’il parvient à s’échapper, il connaitra l’une des deux morts les plus horribles à vivre à mon sens : la noyade. Le Raft est perdu au milieu de l’Atlantique tant pour la discrétion que pour les quasi-impossibilités d’accès.
« Sans doute que l’agent Carthew parviendra à négocier une visite mensuelle de la part de sa consultante, pour vous aider. Quid de lorsqu’elle sera morte de vieillesse ? »
Comme toute personne sensée, je crains et je déteste les télépathes et autres psychiques. Parallèlement, le vieillissement ralenti est une contrainte intéressante pour ceux qui le possèdent. Voir toutes les personnes que l’on aime changer, vieillir, alors qu’on en est incapable peut être aisément qualifié de malédiction. Quand à rester enfermé pour toute sa vie… plus la vie est longue, plus la peine est importante.
« Nous voulons votre version des faits pour la confronter à ce que nous savons de vous, insiste-je en détachant chaque mot afin qu’il les imprime à l’unité. Nous voulons évaluer s’il est possible faire autre chose de votre avenir que vous jeter dans une oubliette. »
Un rappel des enjeux ne fait pas de mal. Carthew est peut-être empathique, bien qu’elle soit surtout silencieuse actuellement, mais ce n’est pas mon cas. Que cette rencontre se résume à 5 minutes inutiles me convient. Hunt passera le reste de sa vite en prison, avec ou sans procès considérant le peu de différence que celui-ci ferait avec les chefs d’accusation déjà reconnus, et Carthew pourra terminer sa journée en avance. Moi, je passerais à autre chose. C’est sous-efficient pour l’Humanité mais utile pour les agents qui veulent continuer leur existence sans se prendre la tête.
« Maintenant, vous voulez des informations sur moi, j’en veux sur vous. Si c’est par deal que vous fonctionnez, voici le mien : lorsque je considérerai que vous avez suffisamment répondu à ma question, je répondrais à la vôtre. »
Je pousse sur mes bras pour m’adosser à mon siège. Ensuite, je récupère mon stylo avec négligence.
« Essayez de nous mentir, je vous prie, encourage-je avec ironie. Cela nuira à la bienveillance de l’agent Carthew envers vous mais m’offrira l’occasion de sortir d’ici dans les cinq minutes. »
Carthew est celle qui veut en finir vite mais elle est la gentille, officiellement. Personnellement, je pourrais mener cette séance d’interrogatoire pendant des heures. Je suis suffisamment procédurière pour lister la totalité des noms des victimes d’Hunt ainsi que les lieux, les horaires, les dates, les raisons et les méthodes employés pour les tuer. Un interrogatoire peut être une guerre d’usure et durer des jours, avec chaque déposition revérifiée afin d’en relever toutes les incohérences et de les souligner lors de la séance suivante. Ici, on misait sur la bonne volonté d’Hunt pour éviter cela ainsi que ma capacité à être antipathique pour aller directement à l’essentiel tandis que l’empathie de Carthew doit permettre d’éviter les fausses pistes.
« Qu’allez-vous faire de cette dernière chance, monsieur Hunt ? »
Je prendrais ses dires en note s’il donne effectivement sa version des faits. Parallèlement, mes yeux viendront régulièrement à l’agent Carthew afin d’avoir une confirmation silencieuse du sentiment énoncé par notre interrogé. A défaut de lui faire confiance et de l’apprécier, je lui donne le bénéfice du doute et m’en remet à ses capacités pour être complémentaires aux miennes.
Ce que je venais de dire pouvait paraître très insolent surtout dans la position dans laquelle j’étais mais je suis comme ça et malgré la situation merdique dans laquelle je peux être j’aime savoir à qui je parle et ce genre de question ou demande me saoule un peu. Mais à la réaction de mon interlocutrice en face de moi, je me rends compte que cette fois j’aurais pu me contenter de fermer ma bouche. Elle attend un peu avant de parler et les premières phrases me montrent mon erreur. Elle est calme et c’est dans ces gens là qu'on sent le pouvoir même sans capacité. Elle me dit que je gâche la chance que j’ai eu de pouvoir avoir des revendications et que je pourrais juste passer plusieurs vies en prison, même si je ne sais même pas combien de temps je pourrais survivre.
Elle continue en m’expliquant que l’agent Carthew pourrait négocier une visite mais faudrait il qu’elle ne soit pas morte de vieillesse avant cela. J’hoche la tête suite à cette phrase me disant que c’est sûrement ce qui se passerait et continue de l’écouter. Elle m’explique enfin la raison de cette question quelque peu idiote et sur ce qu’elle pourrait faire avec moi. Sans oublier les menaces à propos de possible mensonge qui fait suite au deal qu’elle a conclu avec moi sur les informations de chacun. Elle finit par me poser une dernière question pour savoir si je suis prêt à saisir la chance qu’elle m’offre.
“Ne le prenez pas mal mais je ne vous aime pas beaucoup mais je suppose que c’est réciproque, par contre je vous respecte. Je ne voulais pas paraître insolent ni rien mais si on passe les menaces vous m’avez proposé un bon deal et donnez la raison de cette question qui d’un coup ne semble plus si idiote. Et si je dois être honnête, mentir ne servirait sûrement à rien car je n’ai plus grand chose à cacher et je doute qu’Emy soit la pour faire jolie. Je finis par connaître les mutants et je sais qu’Emy en est une et sûrement ici pour vérifier ce que je dirais.”
Emy n’aimait pas Célestine et inversement. L’interrogatoire promettait d’être rock’n’roll... Emy n’avait pas l’autorité à faire ce genre d’interrogatoire. Elle était là seulement parce qu’elle était celle qui avait récupéré Luke Hunt. Est-ce qu’elle avait envie de rentrer chez elle ? Oui. Mais elle n’allait pas le faire parce qu’elle sentait que Luke n’allait pas parler s’il se retrouvait qu’avec Célestine... Est-ce que c’était seulement une impression ? Peut-être. Mais elle se doutait bien qu’elle n’était pas la seule à ne pas aimer l’agent de niveau 7 dans cette pièce...
Luke a remarqué que Lucy n’était pas présente. C’était pour elle qu’il était venu et pour Emy. Mais maintenant, il avait devant lui une autre Orchent, pas celle qu’il esperait. D’ailleurs, l’agent rappella que Lucy n’avait aucun droit pour négocier comme elle l’avait fait et que c’était par la bienveillance de Emy qu’il était là, que ses revendications étaient possibles. Emy haussa un sourcil et regarda Orchent. Ok, elle allait jouer au méchant et gentil flic. Emy se recoula sur sa chaise pour appuyer son dos contre le dossier et croisa les bras contre sa poitrine. Elle n’avait pas l’intention de répondre à la provocation. Célestine continua son dialogue, jouant sur les conséquences et tout. Emy ne peut même pas parler tellement Celestine a le controle de la situation. L’inclure dans le dialogue ne semble pas être une idée non plus. Elle la laisse donc parler. Elle regarda Luke qui semblait détesté Célestine autant qu’elle. Finalement, il finit par répondre qu’il n’aimait pas l’agent en face de lui, mais qu’il avait du respect quand même. Il ne voulait pas paraitre insolent. Il approuva le deal et il rajouta que mentir ne lui servira à rien parce que la présence d’Emy n’était pas là pour faire jolie. L’agent tiqua sur le fait qu’il avait prononcé son prénom. Pas l’agent Carthew. Emy. Il rajouta qu’il avait finit par reconnaitre les mutants et qu’Emy en était une. La jeune femme décroisa les bras et avant que Célestine ne puisse répondre, elle posa ses coudes sur la table et regarda Luke dans les yeux.
“Vous contrôlez vos émotions et vos sentiments avec brio, je n’ai jamais vu ça. Mais je sais aussi que vous ne mentez pas. Répondez seulement aux questions de l'agent Orchent ici présente et ça devrait aller... Si elle n’est pas trop gourmande...”
Emy lui jeta un coup d’oeil, les sourcils froncés. Elle n’avait pas fini d’en entendre parler de cette histoire... Et elle venait de donner une information importante à son propos... Oups !
Luke Hunt ne m’aime pas beaucoup. Emy Carthew ne m’aime pas beaucoup. C’est réciproque. L’un comme l’autre devrait passer son existence en prison pour ses crimes et ses complicités de crime. Cependant, je ne suis pas une enfant. Mon appréciation n’est pas un critère pertinent dans le cadre de ma profession. Au-delà de l’absence de complaisance permise par son inexistence.
Luke Hunt me respecte. Cela reste à prouver avec l’agent Carthew. Quant à la réciproque…
Je le fixe. Je le fixe alors qu’il parle. Je le fixe alors qu’il s’explique, à défaut de s’excuser. Je le fixe avec les paupières plissées, buste et visage toujours légèrement penchés en avant.
"Et si Luke Hunt doit être honnête". Je pince les lèvres et rabaisse les pouces, doigts croisés en un rempart devant moi. "Mentir ne servirait surement à rien". Je contracte la gorge et la nuque pour m’abstenir d’acquiescer. Il a besoin de plus de temps que moi pour comprendre. C’est normal. C’est toujours ainsi. "Il doute qu’Emy soit là pour faire jolie". "Emy". Il faut vraiment que l’agent Carthew arrête d’entretenir des relations personnelles avec des meurtriers. Elle est déjà complice d’une dizaine à une quinzaine de meurtres pour avoir abrité Michael Morbius. Chose qu’elle a eu la stupidité de faire dans une planque de la SHIELD, conséquemment surveillée par l’organisation. J’étudie l’affaire Morbius car le docteur a encore à apporter à l’Humanité et je le fais par l’espionnage. Comme les supérieurs de Carthew, je suis pour l’utiliser tant qu’elle reste utile. Sinon, l’éthique et la morale voudraient qu’elle fasse face à la Justice.
Il y a donc un parallèle à faire entre "Emy" et "Luke".
D’être ainsi mise en avant, l’agent Carthew entreprend de répondre. L’interrogatoire fonctionne mieux du côté d’Hunt que de l’agente, puisque c’est lui qui obtient des informations. Je serre la mâchoire. Nous n’en sommes pas encore aux Mutants Anonymes, avec un "bonjour, je m’appelle Emy et je suis Empathe" mais nous nous en rapprochons dangereusement. Il manque le "bonjour". Quant à donner mon nom de famille… Je suis cependant à la fois concernée et consternée. Un concerné n'est pas obligatoirement un imbécile encerclé. Cette fois, j’ai grandement l’impression de l’être.
« Si elle n’est pas trop gourmande…
- Je suis ici pour l’âme de monsieur Hunt. »
J’énonce un fait. S’il est question de gourmandise, il faut donc m’appeler Belzébuth. Le Démon présidant au Péché Capital de Gourmandise. Aux destinées. A la royauté. A la formation des sectes. Aux hérésies. Aux cultes païens. Aux mythologies et aux polythéismes. S’il n’a pas le rang de Prince Infernal, il n’en est pas moins le fondateur de l’Ordre de Chevalerie Infernale de la Mouche ; dont deux des quatre Princes sont chevaliers. Il m’est impossible de savoir si les hiérarchies démoniaques établies par Abramelin le Sage et Collin de Plancy sont représentatives ou non. L’important n’est pas là. L’important est l’enjeu. S’il me faut faire tomber le masque de l’humaine Biondetta pour me parer d’un visage qui permettra de rappeler la gravité de la situation, je peux le faire.
« Votre coopération, monsieur Hunt, était un test, reprends-je sans m’agacer du fait qu’ils n’aient pas encore compris cela. Un test dont vous avez réussie la première partie et échoué deux fois la seconde. »
Lentement, je redresse mon dos et mon visage. Lentement, je m’adosse à mon siège.
« La SHIELD n’a pas besoin de votre version des faits. La Justice américaine permet de vous condamner à vie même si on ignore l’étendue de vos crimes. »
Tout comme cela peut être le cas pour Michael Morbius, avec la complicité que cela induit.
« S’il nous faut un télépathe pour obtenir vos secrets, nous en appellerons un. »
Le croisement de doigts et les mains posées sur la table devant moi me permettent de verrouiller mon buste. Cependant, j’anticipe qu’Hunt puisse sentir l’émotion émoussée qui croit en moi. Quant à "Emy", elle doit en ressentir l’écho également si elle me viole l’esprit comme il est question de le faire à son criminel. Les télépathes sont les créatures les plus dangereuses de la Mutanité. Au moins pire, ils violent les esprits à la façon de voyeurs voire de stalkeurs. Au pire, ils violent les esprits pour contrôler les individus. Dans les deux cas, il n’y a guère de moyens d’avoir de preuves et encore moins de s’en protéger. Je fais parti du groupe de recherche sur l’anti-télépathie. Malgré les éléments prélevés sur le bunker du Chasseur de Têtes et ceux fournis par l’Arme Plus, nous piétinons. N'importe quel télépathe suffisamment puissant pourrait être le maître du SHIELD et de l’ONU sans que nous ne puissions ne serait-ce que le savoir. Cela expliquerait beaucoup d’éléments vis-à-vis de plusieurs affaires, avec en premier lieu les X-Men. J’ai peur de cela. Une peur intellectuelle, comme la plupart de mes considérations envers les êtres à pouvoirs et les dégâts qu’ils peuvent faire. Une peur émotionnelle, car même les dommages faits à mes capacités à ressentir ne sont suffisants à ce que de tels monstres me soient indifférents. S’il me faut impliquer tel être pour obtenir des réponses, j’en ferais la demande.
« Dans tous les cas, monsieur Hunt, vous avez un choix à faire. »
Celui de se rendre était le bon. Le moral. L’éthique. La preuve qu’il veut, effectivement, devenir meilleur. La fin, l’objectif, est fixé. Reste à trouver le moyen. Le système. Je suis ingénieure. Je suis là pour ça.
« Soit vous offrez votre vie à la Justice et assumez les conséquences de vos actes. »
Il rencontre des difficultés à parler d’eux sans qu’on le pousse à bout. Je n’ai pas l’intention d’augmenter son niveau de dangerosité à l’instar de ce que la consultante de l’argent Carthew a fait. Cependant, j’en déduis que la Justice et l’emprisonnement à vie qu’elle représente n’est pas son premier choix.
« Soit vous offrez votre vie à la SHIELD et profitez des possibilités de vos capacités. »
Lorsque le sort du monde est en jeu, l’Utilitarisme passe avant la Justice. Il ne peut plus y avoir de Justice si nous échouons. La SHIELD est un mal nécessaire. Elle tâche d’être un moindre mal mais elle sera toujours un mal. Il suffit de voir le mal ordinaire, incluant l’impunité pour les actions de ses agents, qu’elle permet.
« Dans les deux cas, nous honorerons votre étude biologique, déjà entreprise, ainsi que votre suivi psychiatrique comme conclu dans votre arrestation. »
La mascarade se termine. La véritable raison de mon implication dans cette affaire se dévoile. L’interrogatoire touche à sa fin. Je sais comment approcher Luke Hunt à présent. Je suis incapable de toucher son cœur comme mon fantôme l’a fait. Je suis incapable d’écouter son cœur comme "Emy" le fait. Par contre, je peux lui offrir une alternative à la prison comme aucune des autres ne le peut. Ni n’est en droit de le savoir.
Agent Carthew, vous allez bientôt pouvoir rentrer chez vous.
Après avoir fini de parler, l’agent Carthew prit la parole pour me dire que je contrôlait mes émotions et mes sentiments avec un brio qu’elle n’avait encore jamais vu. Elle savait que je ne mentais mais je devais juste répondre aux questions de l’agent et que cela se passerait bien si elle n’était pas trop gourmande. Emy, dans ses paroles, a glissé une information qui me fait sourire de joie. L’agent intrépide et impassible prend la parole pour dire qu’elle n’est ici que mon âme. Ce sont des foutaises et j’en suis bien conscient. Elle reprend le ton impassible en me disant que ma coopération était un test que j’avais réussi puis échoué deux fois. Je me tut pendant qu’elle parlait et décida d’écouter les conneries qu’elle déblatérer.
Elle me parlait du SHIELD en disant qu’il n’avait pas besoin de ma version des faits et que je pourrais facilement finir en prison jusqu'à ce que je meurs, ce qui pourrait être long. Elle continua en disant qu’il pourrait faire appel à un télépathe si je ne voulais rien dire mais que de toute façon je devais faire un choix. Un choix qui se trouvait entre donner ma vie à la justice ou au SHIELD, la peste ou le choléra à vrai dire. Mais elle m’assura que peu importe le choix, une étude biologique et psychologique sera faite pour moi.
“Vous savez ce que je pense, vous jouez un rôle et je ne suis pas bête. Vous êtes soit disant la pour mon âme mais la vrai raison c’est que vous voulez que je choisisse le SHIELD car je pourrais vous être plus qu’utile. Vous parsemer votre discours de menaces que vous ne ferez car tous télépathe sensé ne viendrait pas trifouiller l’esprit d’un tueur qui partage son esprit avec un animale assoiffé de sang et l’agent carthew a de la chance que je contrôler mes émotions car sinon elle n'aurait pas apprécier. Pour ce qui est du choix vous savez lequel je vais prendre mais vous n’attendez qu’une confirmation. Il est évident que je préfère aider les gens avec le SHIELD plutôt que de passer ma vie en cellule. Et je dois dire que je préfère largement votre soeur a vous même si ça c’est plus mal passer avec elle.”
Emy était en train de se demander si elle n’aurait pas du fuir cette salle d’interogatoire plutôt que d’être là. Mais elle le devait bien à Luke Hunt. Il avait accepté le marché passé avec Lucy, mais c’était maintenant sa soeur qui prenait le relais et clairement, ce n’était pas la même chose. S’il avait été plus faible mentalement, il aurait sans doute craquer depuis un moment. D’ailleurs, il lui fait bien comprendre qu’elle n’aurait pas apprécier s’il ne contrôlait pas ses sentiments. Emy frissonna légèrement sans pour autant que cela se voit. Ces derniers temps, elle avait plutôt l’impression qu’elle se mettait dans des plans qui pouvaient mal tourné à chaque fois...
Emy avait les bras croisés contre sa poitrine et elle écoutait ce que Célestine disait. Décidément, cette femme était détestable. On aurait dit qu’elle détestait tout ce qui sortait de l’ordinaire. Peut-être est-ce le cas ? Elle se trouvait à coté d’Emy et cette dernière pouvait clairement sentir le fait qu’elle détestait qu’elle soit là. Est-ce qu’elle pensait qu’elle pouvait lire en elle ? L’agent du S.H.I.E.L.D n’était pas télépathe, mais empathe. Ce n’était pas la même chose. Emy pouvait ressentir les sentiments et émotions des gens, voir la douleur s’ils étaient blessés, mais elle ne pouvait pas lire dans leurs esprits. Peut-être que Célestine devrait revoir la définition de certains mutants ? Emy s’était perdue dans ses pensées avant de revenir dans le présent pour écouter ce que les deux autres se disaient.
Célestine avait vraiment l’intention de convaincre Luke de rester du coté du S.H.I.E.L.D. Ce dernier serait bien bête de ne pas accepter. Emy n’était pas certaine qu’il accepte de passer le reste de sa vie en prison. Et puis, est-ce qu’il pourrait y rester ? Ses pouvoirs étaient puissants, la jeune femme n’était pas certaine que les prisons standards puissent le retenir. Mais Luke n’avait pas l’intention de passer le reste de sa vie dans une prison. Il accepta clairement de rester pour le S.H.I.E.L.D. Il rajouta par la même occasion qu’il préférait Lucy a Célestine ce qui fit rire Emy bien malgré elle. Elle l’aimait bien Luke. Elle sentait le regard de Célestine sur elle.
“Je suis désolée, mais il a raison. Je pense que vous avez eu ce que vous vouliez non ? Que va-t-il se passer par la suite ? Je vous rappelle que monsieur Hunt a une vie et des affaires à gérer ? Il va tout simplement disparaitre de la circulation ?”
Luke tenait une exposition à New-York, est-ce que celle ci allait fermer ? Est-ce que quelqu’un allait aider Luke ? Emy se posait milles questions, même si elle savait qu’elle ne devait pas le faire... Mais c’était plus fort qu’elle.
Le sourire de Luke Hunt m’apprend qu’il est effectivement plus doué en interrogatoire que l’agent Carthew. L’utilise-t-il mieux que moi ? C’est probable. "Emy" ne tient pas son rôle de gentille flic dans la compréhension et la volonté d’offrir une alternative à la méchante flic. Elle le tient dans l’opposition à la méchante flic et dans la divulgation d’informations sur celle-ci. J’espère qu’elle n’a pas l’intention de passer un jour au niveau d’accréditation 6. Les critères d’être capable de tenir un réseau d’espionnage et de jouer un rôle pour des infiltrations sont loin d’être acquis. Je n’ai pas l’intention de faire formatrice dans le domaine : je m’occupe des rebuts.
Celui qui me fait face ne semble pas prendre au sérieux cette histoire d’âme. Il est vrai qu’on peut le considéré dénué d’une telle chose vis-à-vis de ses actions passées. Je suis du genre à priver des droits et non de l’humanité. Les droits sont des privilèges accordés par les institutions. Elles peuvent ainsi les retirer. L’humanité est l’appartenance à une espèce et à une culture. L’humanité est la possession de traits psychologiques et psychiques. Cela, seul l’individu peut l’abandonner.
« Vous savez ce que je pense, me répond Luke Hunt dans un semi-aveu d’être simplement prévisible, vous jouez un rôle et je ne suis pas bête, continue-t-il en me montrant que je puis l’être aussi. Vous êtes soit disant la pour mon âme mais la vraie raison c’est que vous voulez que je choisisse le SHIELD car je pourrais vous être plus qu’utile. »
Vendre son âme est une manière de s’assurer que l’on serve son tutélaire selon les termes du contrat. C’est quelque chose de diabolisé dans la culture judéo-chrétienne car c’était une pratique païenne courante. Quel engagement prennent les prêtres si ce n’est donner leurs âmes à leur divinité ? Dédier leurs vies au service de celle-ci dans l’attente qu’elle les récompensera dans ladite vie ou dans la mort ?
Parsème-je mon discours de menaces ou de promesses ? "Tout télépathe sensé ne viendrait pas trifouiller l’esprit d’un tueur qui partage ledit esprit avec un animal assoiffé de sang"… le télépathe fera son travail, à lui d’avoir la compétence et le professionnalisme pour le faire correctement. Quant à la nature de l’animal… les humains restent les plus assoiffés de sang qui existent. Seule l’Humanité a la culture de la haine. Lorsqu’un animal tue, il le fait pour se nourrir. Pas parce qu’il a soif du sang de sa victime. Il est possible de traumatiser un animal au point qu’il en devienne agressif, oui. Mécanisme de survie. Maintenant, Luke Hunt a-t-il réellement deux esprits ? Une double personnalité ? Ou projette-t-il ce qu’il ne veut pas voir en lui sur un coupable intérieur ? Joseph Rowles sera plus à même de le déterminer que moi. Ma partie concerne plus les molécules chimiques nécessaires à guérir l’éventuel trouble de la personnalité d’Hunt. Plus exactement : comment éviter que son facteur guérisseur, absent de chez un jaguar avec lequel il est hybridé, n’entrave pas une médication.
« Il est évident que je préfère aider les gens avec le SHIELD plutôt que de passer ma vie en cellule, conclut-il comme je m’y attendais. Et je dois dire que je préfère largement votre sœur à vous même si ça c’est plus mal passé avec elle. »
Ma première envie est de lui demander ce qu’il pense du frère de l’agent Carthew, puisqu’on en est à attaquer sur les familles décédées. Parallèlement, je suis lucide sur le fait qu’il soit plus facile d’apprécier une poupée qui cherche à l’être plutôt qu’une méchante flic qui a suffisamment confiance en elle pour se moquer de l’avis des autres.
« Faites-vous référence à votre capacité à contrôler vos émotions lorsque ses assistants ont joué au bon flic et au mauvais flic durant votre interview ? »
Ma question est rhétorique. Elle rappelle simplement que, s’il contrôle parfaitement ses émotions présentement, il a failli blesser trois civils simplement parce qu’ils ont réussi à percer son rôle. En parlant de ne pas le tenir, "Emy" est de retour pour donner raison au criminel plutôt qu’à son alliée. Ce genre de choses se disent en privé. Si l’interrogé voit qu’il est possible de retourner l’un des flics contre l’autre, indifféremment de leur approche, il va l’utiliser. Luke Hunt le fait. "Emy" est décidément incompétente jusqu’au bout.
Elle se pose des questions. Elle me pose des questions. Je fixe Luke Hunt. S’il n’y avait pas eu ce "il a raison", les questions auraient pu être pertinentes dans le cadre de son rôle de gentille flic. Malheureusement, Emy pousse le "gentil" jusqu’au sens péjoratif. Elle me "rappelle" des choses. J’ai bien envie de lui rappeler comment faire son travail. Je fais faire le babysitting de criminels, pas d’agents de la SHIELD. Reste à ne pas la laisser me descendre à son niveau.
Je décroise les mains. Je pose les paumes sur la table. Je plie les bras puis les temps pour accompagner mon levé. Puis je lui désigne la porte d’entrée de la pièce. La porte de sortie, la concernant. Je n’ai pas besoin d’un mot pour donner un ordre et si elle n’obtempère pas je réclamerais sa mise à pied pour insubordination. Ou son transfert dans un service où ses compétences seront mieux employées : la prise de déposition. Travail de bureau, horaire de bureau, récupérations des plaintes des civils. Je ne m’étais pas trompée lorsque j’ai considéré qu’elle était parfaite pour essayer de construire un projet d’intégration social. Je me suis trompée lorsque j’ai considéré qu’elle était capable de mener des opérations et des interrogatoires. Il serait bien de dire que c’est un soldat mais elle ne sait faire preuve d’intégrité. Et tout cela, toute cette dépréciation envers elle, elle doit le sentir.
On finira par sortir de la pièce. On finira par laisser Luke Hunt seul. On finira par se faire face. A ce moment-là, je mettrais les mains sur mes hanches. A ce moment-là, je lui sourirais.
« Agent Carthew, commence-je calmement sans être froide ni méprisante, malgré les envies. Notez la procédure pour préserver votre intégrité professionnelle. »
Une pause, pour qu’elle comprenne voire, mieux, qu’elle apprenne. Je ne la descendrais pas devant Hunt même s’il doit se douter de ce qui se passe ici.
« Vous n’avez pas le niveau d’accréditation requis pour savoir ce qui se passe ensuite, reprends-je en énonçant un fait avant de m’adoucir. Comme promis, votre journée est finie. »
Elle en avait envie, si ma mémoire est bonne. Ce que je comprends. L’arrestation a été un bordel. L’échantillonnage de Luke Hunt va poser beaucoup de problèmes à l’avenir. L’interrogatoire ne vaut pas mieux que les deux points précédents. Je comprends que c’est le genre de journée que l’on souhaite terminer au plus vite. Il est donc temps pour elle de le faire. L’interrogatoire étant enregistré, tous nos dires sont d’ores et déjà sauvegardés. Inutile de faire un rapport dessus. Cela n’est pas à l’avantage d’Emy Carthew mais ses supérieurs habituels sont suffisamment laxistes pour qu’elle n’ait pas à s’inquiéter. Cette fois, il n’y a pas mort d’homme. J’ai l’envie de la saluer en lui disant de transmettre mes respects à son frère mais je m’en abstiens. Je connais le traumatisme de cette perte et ne l’emploierait pas, ni ne la divulguerait, comme Emy a pu le faire me concernant.
« Rentrez chez vous, conseille-je avec douceur, loin du rôle tenu face à Luke Hunt ou de mes habitudes de travail. Reposez-vous. Bonne continuation. »
Accueil
