[Terminé] L’humanité est fondamentalement faite de rencontres

Véritable fourmilière insolente, la ville de New-York ne cesse jamais de résonner aux bruits des klaxons qui hurlent, des rugissements des moteurs furieux et des voix qui s’élèvent dans les ruelles immenses, ne trouvant guère le sommeil. Cette ville est très différente de Washington, et encore plus de Katmandou, mais la nouvelle venue ne signe pas encore d’avis tranché à son sujet : elle ne s’y est pas suffisamment aventurer pour se décider. Pas encore, mais ça ne saurait tarder.

Aujourd’hui, programme est fait : l’indienne a quitté très tôt le Sanctuaire pour flâner dans les allées autour de son nouveau lieu de vie, glanant devant les vitrines et s’attardant auprès des monuments d’architecture pour les observer quelques secondes, mais elle s’est tant éloignée qu’elle a fini par atterrir — avec plus ou moins de volonté et par l’aide d’un portail de téléportation, devant le Lazarus Center. L’on pourrait aisément croire que son chemin est le fruit d’un curieux hasard, rouage d’un destin qu’on ne contrôle pas mais, il n’en est rien. Maître Satrinava était autrefois bavarde, et ses échos d’un Maître se mesurant aux arts de la magie vaudou ne sont pas tombés dans l’oreille d’une sourde, car la curiosité est une bête affamée qui ne s’assagit que lorsqu’elle est rassasiée et, concernant Maître Drumm, il faut que la bête curieuse le rencontre : elle a beaucoup (trop) de questions à lui poser.

Sera-t-il enclin à lui répondre ? Sera-t-il disposer à lui partager ses savoirs ? Ce sont des paramètres qu’elle n’a pas vraiment pris en compte, il faut l’avouer. La seule chose qu’elle redoute est qu’il lui rit au nez ou qu’il se détourne d’elle à cause de son handicap mais, comme c’est une éventualité qu’elle ne peut prévenir, elle n’a pas d’autres choix que de s’y confronter.

Pour cette visite, Milena a abandonné sa tenue d’apprentie au Sanctuaire pour revêtir des vêtements plus personnels, dont les accents indiens ne peuvent être niés : une robe mi-longue dans les tons blancs et beiges avec des bordures dorées, un pantalon très fin de la même couleur ainsi qu’un drapé en voile crème sur son épaule, qui retombe des deux côtés de son corps : jusqu’à sa hanche gauche et le bas de son dos. Ses longs cheveux sont ramenées sur le côté pour dégager son visage quelque peu maquillé, à peine pour souligner ses traits gracieux et ses grands yeux marrons, et son nez porte une boucle typique des femmes indiennes, reliée à un fil jusqu’à son lobe. C’est ainsi vêtue qu’elle passe le pas de la porte du Lazarus Center, en prenant soin de refermer la porte derrière elle, au cas-où.

Elle n’a rien vu et rien entendu de la dispute entre les deux criminels ayant trouvé refuge ici, et se contente premièrement de rester devant la porte, son regard se baladant d’une personne à l’autre avec plus ou moins de curiosité. C’est un endroit singulier, assurément, mais elle ne perçoit instinctivement aucun danger alors elle s’avance de quelques pas… Sans véritablement regarder où elle va, bien sûr. Et c’est ainsi que les deux maladroits se percutent, sans heurt fort heureusement ; l’homme est le premier à formuler des excuses, et la brune fait bien vite de secouer son menton de gauche à droite tout en lui adressant un sourire jovial qui se veut rassurant. Une façon de lui dire qu’il n’a aucune raison de s’excuser mais… La pièce est bien trop bondée pour qu’elle ose prendre la parole devant lui. Elle craint avec bien trop d’effroi qu’il se mette à rire, et que cet élan de moquerie se répande dans l’assemblée comme un mauvais virus. Plutôt que de prendre le moindre risque, elle tend d’abord son index vers lui pour lui demander d’attendre puis, elle s’empresse de sortir un stylo et un petit calepin de sa poche, griffonnant sur celui-ci ces quelques mots, qu’elle lui montre ensuite : Je cherche monsieur Drumm. Monsieur, pas Maître. Elle sait qui il est mais ne sait pas si les autres savent et s’il veut que ça se sache alors, elle s’abstient d’une maladresse qu’elle aurait néanmoins pu commettre.
Tenant donc son petit calepin carré tourné vers l’homme plus grand qu’elle, Milena arque l’un de ses sourcils sans prendre son sourire chaleureux, attendant une réponse de l’inconnu. Qui n’est peut-être pas tant un inconnu, finalement…

L’homme malencontreusement percuté dégage quelque chose de véritablement rassurant, une force tranquille qui transmet un apaisement inconscient et qui a un effet immédiat sur la jeune femme ; non pas qu’elle était particulièrement tendue, mais c’est un sentiment curieusement agréable, qu’elle ne réalise pas vraiment. Peut-être transmet-il simplement ce qui reflète son coeur doté des meilleurs sentiments : de la bienveillance. Devenue bien trop rare en ce monde, de son avis.
Son sourire chaleureux perdure sur ses lèvres tandis qu’elle sort un petit carnet de notes ainsi qu’un stylo, afin de répondre à la première question de son interlocuteur : elle cherche Monsieur Drumm, à défaut le nommer selon son rang parmi les Maîtres des Arts Mystiques. Pas encore. Mais cela viendra sûrement.

La chance semble lui sourire puisqu’elle découvre qu’il est l’homme qu’elle recherche ; aussitôt, ses sourcils se haussent avec un étonnement positif et son sourire prend de l’ampleur durant quelques secondes, dans un élan sincère qui plisse légèrement ses paupières durant quelques secondes. Tendant l’une de ses mains dont le poignet est serti d’un bracelet tintant légèrement contre un autre, elle serre sa main dans la sienne avec une force moindre bien évidemment, avant de reprendre son carnet pour y inscrire quelques lettres de sa main gauche, qu’elle lui présente ensuite sans perdre son sourire : Enchantée Jericho, je m’appelle Milena. L’homme prend connaissance de son message écrit tout en poursuivant son service, mais sa présence doit un peu le perturber car la file d’attente s’allonge considérablement pendant qu’elle le suit…

Rangeant alors son carnet et son stylo dans sa poche, la brune remonte ses manches et se glisse à côté de Jericho pour l’aider à servir les personnes venues pour la distribution, leur adressant des sourires chaleureux chaque fois qu’elle en a l’occasion. Il tient une louche alors elle se saisit d’une autre pour remplir les assiettes vides qui se présentent à eux ; ces hommes et ces femmes viennent ici pour trouver un peu de quiétude et de réconfort, et elle ne peut que s’émouvoir de la bonté dont l’homme fait preuve. Toujours se fier à son instinct, même si le sien lui fait parfois défaut. Alden aussi paraissait… Peu importe.

Tandis qu’elle continue de l’aider dans cette tâche, elle se rend compte qu’elle n’a pas encore répondu à sa dernière question : en quoi peut-il l’aider. Trop long à expliquer, surtout qu’elle ne peut pas écrire… Vite. Un mot pour qu’il comprenne. Mais, pas le choix, il lui faut prendre le risque d’user de sa voix. Si elle n’a pas eu peur de parler devant Strange, car il était informé de sa particularité avant qu’elle mette les pieds à New-York, ce n’est pas le cas de Jericho. Pour elle, c’est un réel risque de devoir encaisser de nouvelles moqueries mais… A-t-elle le choix ? Si elle ne lui répond pas, il va finir par se poser des questions, si ce n’est pas déjà le cas…

Alors, prenant son courage à deux mains, elle tourne son menton vers Jericho, qui la domine d’une bonne tête, continuant de servir les personnes venues à leur rencontre tout en formulant, d’une voix douce mais hachée, décousue sur sa langue comme un train qui déraille : « Je su-uiis élève d.e Stra-ange.» Elle a peur de parler, cela se voit sur son visage et s’entend dans sa voix qu’on maudit parfois, même Strange est agacé, elle le sent et le sait. Ayant perdu son sourire, elle détourne rapidement le regard sans le porter vers la femme qui attend son repas, car elle suit des yeux la louche qu’elle tient et qui vient remplir l’assiette tendue vers eux. Il a le droit de rire. Elle a l'habitude.

Le nom de son nouveau mentor provoque une tension nerveuse entre son interlocuteur et sa propre personne ; elle sentirait presque que les épaules de l’homme se tendent sitôt qu’elle prononce son nom d’une manière décousue, comme si elle venait d’émettre un juron particulièrement vulgaire. Certes, Strange n’est pas de ceux que l’on aime au premier regard mais… Tout de même. Le Sorcier Suprême ne mérite pas de produire un tel effet péjoratif. Mais est-ce réellement le nom de son mentor qui provoque un tel mutisme, n’est-ce pas plutôt sa façon de parler ? Maître Drumm ne dit rien, mais elle perçoit sans mal qu’il est contrarié : elle fronce alors ses sourcils sans tourner son menton vers lui, ne sachant pas très bien si elle doit s’évaporer ou perdurer, au risque de s’attirer ses foudres. Au moins, elle se dit qu’elle ne doit plus parler. Très bien, cela ne la changera pas de d’habitude.

Finalement, le temps de la réflexion — et du malaise, le contenu de la marmitte est entièrement distribué aux nécessiteux et elle dépose alors simplement sa louche sur le côté, sans trop faire de bruit pour ne pas contrarier davantage le Maître, prête à s’échapper mais… Il s’éloigne et lui fait signe de le suivre. Oh, non. Il va l’envoyer promener parce que la simple évocation de Strange lui donne de l’urticaire ? Tordant sa bouche dans un élan lassé, elle soupire bruyamment avant de le suivre néanmoins docilement, pénétrant ainsi dans son bureau sans prononcer un seul mot. La porte. Ah,  oui. Elle décroise ses mains, qui s’étaient jointes vers le bas de son corps, pour obtempérer, refermant calmement la porte derrière elle, en profitant pour légèrement écarquillé ses yeux sans qu’il ne puisse le voir : elle a l’impression d’être convoquée chez le proviseur. C’est un peu exagéré comme réaction, tout de même…

Reprenant sa position initiale, droite comme un piquet avec le visage inexpressif et les mains jointes vers son ventre plat, elle racle discrètement sa gorge tout en parcourant brièvement la pièce du regard, qui ne se démarque pas réellement par un quelconque signe particulier. Il ne lui propose pas de s’asseoir, elle ne prend pas l’initiative : elle va rester debout pendant le sermon. Il commence à parler, et elle comprend enfin les raisons de sa colère : il ne souhaite aucune visite des Maîtres des Arts Mystiques en ces lieux. Elle se retient de dire qu’il faudrait peut-être mettre une pancarte devant l’entrée au moins ce serait plus clair, mais elle ne dit rien. Heureusement que son trouble langagier l’empêche souvent de parler. Mais pas assez, peut-être.

Il est rude. Terriblement dur envers elle, alors qu’elle n’avait que les meilleures intentions à son égard. Ça lui apprendra à être curieuse, tiens ! Penaude, elle est sur le point de s’excuser de sa simple présence mais… Elle fronce durement ses sourcils lorsqu’elle entend les accusations qu’il profère à son encontre ; ridicules ! Un espion de Strange, aussi, pourquoi pas. Elle semble réellement surprise de ce qu’il dit, et son visage ne peut qu’exprimer cet étonnement : les sourcils froncés et le coin de sa lèvre légèrement relevé, elle attend quelques secondes avant de sortir de nouveau son calepin pour y inscrire quelques mots, plus nombreux que les fois précédentes. Mais, cette fois, elle ne lui tend pas le carnet, non. Une fois qu’elle a achevé ses écrits, elle arrache la page et fait quelques pas pour la déposer avec virulence sur son bureau : Strange ne sait même pas que je suis ici. Je suis venue car j’étais intéressée par votre Art, tout simplement. Je ne vous ennuierai plus. Lui lançant un dernier regard vexé avant de tourner les talons pour sortir du bureau. Et comme elle ne veut pas lui faire l’affront de s’éterniser en ce lieu interdit à son Ordre, elle traverse rapidement la pièce pour sortir de l’établissement.

Là, comme la rue est déserte, la Sorcière décide de revêtir son apparence féline ; un chat noir à la silhouette élancée et aux yeux émeraudes. Le félin est majestueux, lorsqu'il se tient droit ou lorsqu'il se déplace mais, pour l'instant, il ne s'éloigne pas trop, perché sur le petit muret blanc juste à côté des escaliers, et face à la fenêtre. Il ne veut pas de Sorciers dans son établissement. Il n'a jamais dit qu'il ne voulait pas de Sorciers à l'extérieur de l'établissement. Elle est dotée d'un esprit contrariant ? Elle est dotée d'un esprit contrariant. N'est pas Chat qui veut.

Pour être exact, elle a claqué la porte deux fois : une fois en sortant du bureau de Maître Dumm, et une seconde fois en sortant de l’établissement de Maître Drumm. Elle l’aurait claqué une troisième fois si cela avait été possible mais il n’y avait pas de troisième porte alors, comme un affront fait par vengeance, une provocation faite à celui qui venait de contrarier son esprit félin, l’indienne avait revêtu son apparence de chat, d’un fin pelage noir brillant orné de deux perles émeraudes en guise de regard. Il n’avait pas voulu d’une Sorcière dans son établissement mais, en cet instant, elle se trouvait dehors…

Agile, le chat grimpe sur le petit muret en pierres grises juste devant l’entrée, sans réellement savoir quoi faire à présent. Elle pensait passer la journée auprès de Maître Drumm pour qu’il réponde à ses questions et lui dévoile quelques mystères autour de son Art mais, ce projet semble compromis… Ou peut-être pas tout à fait.

Droit sur ses trois pattes, le chat noir lèche l’une de ses pattes avant pour remettre ses poils dans le bon sens d’un air suffisant, ne s’interrompant guère lorsque Maître Drumm le rejoint. Tout au plus, il lui lance un regard de fausse indifférence avant de reprendre sa besogne, ne réagissant même pas devant le jeu de mots (tout à fait éloquent d’ailleurs) de ce dernier. Oui, il l’avait mise de mauvais poils, c’est pourquoi elle s’employait en cet instant à les remettre dans le bon ordre !

L’homme aux dreads s’installe non loin de lui sur le petit muret, et le félin, qui repose sa patte sur la pierre blanche, émet un feulement comme le râleur qu’il est : mais il ne résiste pas longtemps à la bonne odeur de soupe qui s’échappe du bol fumant et, après que l’homme ait bu une gorgée de la sienne, le félin se rapproche de sa coupelle et s’y penche pour lapper avec gourmandise le breuvage épais et parfumé. Bon, il est désagréable mais il cuisine plutôt bien, c’est déjà un bon point. Il nourrit l’estomac affamé du félin… Il se rattrape plutôt bien.

Après ses excuses élégamment formulées, que le félin ressent comme profondément sincères, la boule de poils noirs l’observe quelques secondes sans bouger avant de bondir en sa direction mais, lorsque les coussinets rosées rencontrent le sol, c’est pour apparaître sous sa forme humaine, assise en tailleur face à Maître Drumm. L’indienne, dont les vêtements et la coiffure sont intactes, dépose calmement ses mains sur ses propres genoux pliés tout en adressant un premier sourire apaisé à son interlocuteur, auquel elle répond enfin. « N-non, ce n’était pas m-ma-alin. » Dit-elle sans méchanceté aucune, avec une voix fourbement douce ; elle remue peut-être le couteau dans la plaie mais, premièrement c’est Jericho qui lui a donné le couteau et, deuxièmement, il s’est lui-même fait la plaie alors… « Excuses a-accepté-ées. » Elle plisse ses yeux sous son sourire qui se fait plus tendre, alors qu’elle se penche pour attraper son bol de soupe, qu’elle apporte à ses lèvres pour en boire une nouvelle gorgée. Puis, reprenant son carnet, elle inscrit une petite phrase dessus, qui transcrit à merveille le sentiment que lui inspire son handicap, dans une triste réalité : Vous préférez que j’écrive ? Strange lui-même est agacé de son handicap, elle le sait et le sent alors… Un Maître qui n’a aucun devoir envers elle… Milena n’a pas envie de lui imposer ça.

Le Sorcier fait preuve d’un sens de l’humour appréciable, acceptant les taquineries sans se vexer : c’est bien le minimum pour côtoyer la féline qui, malgré son bégaiement, n’a de cesse de faire preuve d’un esprit malicieux. Pour preuve, lorsqu’il lui annonce qu’elle pourrait se rendre coupable de malentendu, elle ne peut s’empêcher de dire, en haussant haut ses sourcils et en brandissant un sourire joueur : « Imposs-ssible… Je mets tro-op de temps pou-pour parler. Pas de pla-a-ce pour les mal-alenten-dus. » Ses paupières se plissent d’amusement tandis qu’elle fronce son petit nez par taquinerie, avant d’apporter de nouveau le breuvage jusqu’à ses lèvres pour en boire une petite gorgée, ayant déjà oublié la façon dont Jericho l’avait reçue quelques minutes plus tôt.

Pour preuve, elle lui demande même s’il préfère qu’elle écrive pour communiquer avec lui, ne voulant pas l’importuner avec son bégaiement ; la réponse ne lui vient pas dans l’immédiat, et elle reste quelques secondes immobile, le calepin tendu, à ne pas trop savoir comment interpréter ce silence. Alors, lentement, elle repose le petit carnet et lui lance un sourire timide mais sincère, avant de reprendre une gorgée de sa soupe, le temps qu’il reprenne la parole.

Elle dépose calmement le bol à côté d’elle et penche son menton sur le côté pour écouter, d’une oreille attentive, la confidence qu’il lui fait. Il lui raconte l’histoire d’un homme, qui s’appelle Floyd, et qui souffrait d’une étrange maladie comme la sienne : incontrôlable et gravement handicapante, même humiliante, surtout dans la sphère privée.

Malheureusement, elle ne comprenait que trop bien les ressentis du dénommé Floyd, et pouvait très bien imaginer ce qu’il avait ressenti… Même si, contrairement à lui, elle peut aisément cacher son handicap en gardant le silence.  Au fil et à mesure qu’elle entend le récit, ses sourcils se froncent d’un air contrit, rentrant vers l’intérieur, tandis qu’elle baisse le menton en soupirant de tristesse. Quelques frissons parcourent ses bras, et elle est obligée de replier ses épaules vers son propre corps, comme une carapace visant à se protéger : les émotions se succèdent à l’intérieur de son coeur. Si la tristesse et la compassion ont primé, tout à coup, c’est une chaleur étrange qui se répand, une émotion agréable à laquelle elle est trop peu habituée, quand bien même pouvait-elle être elle-même à Kamar-Taj.

Personne n’a le droit d’être agacé par sa manière d’être et de parler, il faudrait transmettre ce message à Strange, pense-t-elle tout bas. Mordillant le coin de sa lèvre, elle papillonne longuement des yeux, très touchée et émue des paroles qu’elle vient d’entendre. Mais elle reste quelques secondes tête baissée, le temps de remettre de l’ordre dans son esprit, avant de relever ses yeux mordorés vers l’homme qui fait preuve d’une incommensurable gentillesse et bonté de coeur : elle presse alors ses lèvres l’une contre l’autre dans un sourire emplit de gratitude et de tendresse, avant d’articuler un « merci » sans prononcer un seul bruit.
Puis elle se racle discrètement la gorge en redressant sa nuque et ses épaules, reprenant un peu de contenance bien qu’il soit parfaitement visible qu’elle soit émue… Comment ne pas l’être quand son propre mentor, la personne qu’elle côtoie le plus, lui fait sentir qu’elle l’agace par sa façon de parler ? « Vous n’ai-mez pa-aa-s beaucoup Str-Strange… » C’est prononcé sur le ton de l’humour, mais elle a réellement envie de savoir pourquoi. Cela leur fait un point commun, bien qu’elle n’ait pas autant de colère après lui que Jericho. La vraie question est : pourquoi ?