[Terminé] Se découvrir soi-même

« (…) Je pense que le Phoenix avait surement beaucoup moins de barrière mentale. Tu t’en imposes, ils les explose. Il n’avait pas cette peur de faire du mal. Regarde, il ne ressentait rien pour menacer de me transpercer de part en part avec des os ou bien encore m’enterrer enceinte et vivante. » Elle le sait, elle s’en souvient et n’imagine pas un seul instant que le caractère tragique ait pu être effacé de la mémoire de Raven mais… l’entendre de sa bouche possède quelque chose de furieusement douloureux. D’ailleurs, elle ne peut s’empêcher de se figer quelques secondes, déglutissant difficilement sa salive tout regardant brièvement de gauche à droite, avant de dissiper suffisamment son malaise et sa culpabilité pour bredouiller, d’une façon un peu maladroite : « Euh… Oui, oui… Tu as sans doute raison… » Replaçant une mèche rousse de sa longue chevelure derrière son oreille, elle lance un sourire quelque peu hésitant envers Raven, bien que celle-ci ne lui renvoie aucunement une émotion de rancoeur. Heureusement, d’ailleurs… Comment se faire pardonner d’une telle chose ? Cela lui semble impossible.

Mais comme la discussion dévie rapidement sur autre chose, la tension nerveuse se délie lentement autour de ses épaules et ses traits se détendent, amorçant une expression bien plus enjouée : il faut dire que le hammam est un sujet plutôt réjouissant. Raven partage son sourire, avec un petit côté espiègle qui plaît assurément : en plus d’être une belle femme physiquement, la mutante bleutée possède une personnalité solaire, assurée et affirmée, qui ne peut que resplendir. Comment ne pas aimer Raven ? Encore plus quand elle possède un hammam et vous invite ?

« Des sources chaudes ? » Un surprise par cette annonce, la rouquine plisse son petit nez tout en secouant son menton de gauche à droite, avant d’entreprendre de suivre son mentor, vers une destination de rêve. L’endroit est plutôt bien caché dans un couloir auquel peu de personnes ont accès, et accueillant. Du moins, Jean s’y sent tout de suite chez elle. Sans plus de cérémonie, d’ailleurs, la jeune femme commence déjà à déboutonner sa combinaison et à découvrir ses épaules, dans le but de s’en débarrasser. « Il n’y aura que nous deux, n’est-ce pas ? S’il n’y a que toi, ça ne me gêne pas. » Un petit rire malicieux emportant ses lèvres, peut-être un peu intimidée car c’était bien la première fois qu’allait se retrouver dans le plus simple appareil devant Raven mais, après tout, il n’y a pas de quoi être gênée. Pour ainsi dire, il n’y a qu’avec son amie qu’elle se permet d’être seulement elle-même.

Installant sa combinaison sur une étagère — après avoir eu confirmation qu’elles seraient seules, Jean enlève ses chaussettes et ses sous-vêtements, avant de relever ses bras pour attacher ses cheveux en un chignon plutôt bordélique. Elle est prête à rejoindre les douches mais une petite question taraude son esprit alors, elle préfère la poser à voix haute : « C’est sans danger pour les bébés, hein ? » Le retour de la mère-poule, épisode 164.

« Si nous sommes seules, alors, ça ne me dérange pas. » Ce moment seule à seule avec Raven lui fait le plus grand bien, surtout après une session d’entraînement aussi intense. Malgré la fatigue accumulée, la jeune rousse reste radieuse et souriante, ne cessant de lancer des regards espiègles en direction de sa comparse. Il n’y a décidément qu’avec Raven que Jean se permet d’être elle-même ; quand bien même partage-t-elle un amour indéfectible avec Charles, il y a toujours une sorte de retenue alors qu’avec la blonde… C’est plus naturel. C’est très reposant d’être soi-même, sans craindre de décevoir ou ne pas être à la hauteur. Heureusement que Raven existe.

Celle-ci s’étant déjà saisi de serviette, la rousse laisse échapper un petit rire amusé tandis qu’elle ajuste son chignon bordélique, un peu comme elle peut ; les coiffures et autres coquetteries ne sont pas vraiment sa spécialité, contrairement à la belle blonde qui est toujours tiré à quatre épingles et qui est toujours superbe.

Mais quand bien même est-elle superbe, elle est surtout enceinte : l’instinct de protection de Jean ne tarde pas à ressurgir. Rassurée par la blonde, Jean retrouve rapidement le sourire et hoche brièvement son visage de haut en bas avant de dire, d’une voix douce et calme, sachant combien le sujet est parfois difficile et sensible pour Raven : « Est-ce que… Tu les sens déjà bouger ? Ils te donnent des coups ? » Le ventre est certes imposant mais, de l’avis de Jean, la blonde n’a jamais été aussi belle que depuis qu’elle porte la vie. Elle aimerait seulement la savoir réellement épanouie, heureuse, choyée… C’est tout ce qu’elle mérite.

Une fois passée sous la douche, Jean suit sa comparse jusqu’au hammam, dont la chaleur est étouffante durant quelques secondes, avant de devenir confortable. Il est vrai qu’il fait une chaleur accablante mais la vapeur est agréable, alors Jean s’empresse de prendre place contre l’un des murs de la pièce, allongeant ses jambes et accolant son dos contre les carreaux bleutées un peu froid… Le contact d’opposition lui arrache une frisson, curieusement agréable. « Oh, non. J’irai les chercher, toi, tu ne bouges pas. » Ouvrant un oeil pour lancer un sourire à Mystique, Jean attend quelques secondes avant de reprendre la parole, pointant du doigt le ventre rond de celle-ci tout en disant, d'une voix hésitante mais pleine de bonne volonté : « J’entends leurs coeurs… C’est doux. Tu veux les entendre ? »

« Oui je les sens bouger. S’ils bougent pendant qu’on est ensemble je te ferai sentir … Si tu veux. » Bien sûr, qu’elle le veut, mais le sourire  infiniment doux qui se présente à ses lèvres sous cette proposition n’est pas seulement motivée par la perspective de sentir de tous petits pieds sous sa peau arrondie : la rousse est grandement émue de recevoir ce privilège, car elle sait que ceux qui ont eu le loisir de toucher le ventre de Raven sont rares. « Avec plaisir… » Murmure-t-elle en appuyant son crâne contre le mur, comblée d’un sentiment très fort.

L’amour de Raven est particulier : difficile à obtenir car la blonde a suffisamment souffert au fil des années pour jalousement garder sa confiance et ses sentiments mais, quand elle aime, c’est d’une manière indéfectible, entière, franche. Elle n’est pourtant pas la femme la plus douce du monde, aux premiers abords, mais sa façon d’aimer vous englobe et vous protège. Ces petits pieds vont être très aimés, elle n’en doute pas un seul instant.

« Tu trouves que j’ai les cheveux sales ? » marmonne-t-elle en attrapant une mèche de ses cheveux pour la ramener devant ses yeux qui louchent légèrement sur sa rousseur, avant de la relâcher. Elle a compris le message… Elle se lève de sa place pour prendre un peu de shampoing dans sa main, et elle se retourne vers Raven pour savoir si elle en veut aussi. Après avoir obtenu la réponse, elle commence à masser ses racines tout en reprenant sa place, se retrouvant avec une coiffure très… particulière. Heureusement qu’il n’y a que Raven ici… Et puis, si sa tête décoiffée peut la faire rire, ce serait une bonne chose !

« Oui, je les entend… » Avoue-t-elle dans un petit sourire, tandis que sa comparse avoue à son tour vouloir les entendre. Le sourire de la rouquine s’agrandît et elle ferme les yeux pour se concentrer, relayant l’écho des battements de coeurs dans l’esprit de Raven pour qu’elle puisse les entendre aussi. Les yeux clos, l’esprit bercé par ces battements si doux, à la fois rapides mais lointains, les deux jeunes femmes doivent avoir l’impression d’être au coeur d’un tambour résonnant de la vie à venir…

Un instant plus tard, la rouquine ouvre lentement les yeux pour observer Raven, désireuse de voir sa réaction après cette expérience peu commune…

« Hein ? » Demande-t-elle en se frottant vigoureusement le crâne avec son shampoing, pendant que Raven la rassure sur le fait qu’elle n’en a pas besoin : trop tard, la rousse a déjà la crinière renversée qui lui cache les yeux et les oreilles, si bien qu’elle est autant sourde qu’aveugle durant quelques secondes.
Une fois rincée, elle retrouve toutes ses facultés et s’installe non loin de Raven, pour lui offrir une expérience tout à fait incroyable pour la future mère qu’elle est : durant un instant, les battements de coeurs de ses enfants résonnent dans sa tête, comme une symphonie de tambours martelant les uns après les autres, en écho doucereux qui s’estompe comme une caresse. Existe-t-il un son plus doux, pour une mère qui chérit déjà ses enfants, d’entendre la preuve de leur existence ? Les coeurs battent vites, bien plus vites que ceux des jeunes femmes mais il n’y a rien d’inquiétant, bien au contraire.

Raven profite du moment, les yeux fermés et silencieuse afin de n’avoir en tête que les battements de ses enfants, qui sommeillent et grandissent en elle. La scène est touchante, et ne peut qu’émouvoir la jeune fille qui, remplit d’une affection sincère pour son mentore, est rassurée de la voir ainsi s’épanouir. Durant ce moment de came et de douceur, elle ne peut s’empêcher de repenser au moment dans la pharmacie, puis dans la chambre d’hôtel… Tout avait été si confus, si hésitant, si craintif. Mais il n’y avait plus rien de tout cela désormais. Le bonheur de Raven provoquait celui de sa jeune comparse, qui la regardait avec une douceur infinie, les lèvres courbées en un sourire suave et le regard ému.

Soudainement, la main de Raven attrape la sienne pour la guider sur son ventre rond, pour qu’elle puisse sentir leurs petits pieds contre sa paume, au fur et à mesure que Raven se pare du bleu naturel de sa peau, qui la rend tellement belle, qui la rend tellement elle.

Elles échangent alors un regard complice, un regard remplit d’amour et d’affection. Il n’y a que la famille pour vous faire ressentir de telles choses… Et Raven était de sa famille, tout comme les bébés qui étaient déjà tant aimées. Et qui le seront toujours.