[Terminé] Convalescence oui, mais pas que!

« J'ai pas eu à essayer, on nous a pousser dans la flotte pour une expérience et c'était pas dans le but de nous détendre, hausse d’un ton un Rocket hérissé, heurtant mon espièglerie. J'ai déjà eu du mal a juste prendre une douche quand j'ai rejoint les Gardiens de la Galaxie. »

Est-ce que cela signifie qu’il faisait sa toilette avec sa langue ? De mémoire, les ratons laveurs s’épouillent plutôt que se lèchent. Cela étant, je dois avouer que la toilette chez les ratons laveurs n’est pas un sujet que je me remémore souvent. Il est donc possible que je me trompe. Quand au fait que la forme du bassin ne soit pas le problème, je comprends bien. Le problème, c’est de faire face aux traumas et d’avoir le courage d’être proactif pour progresser vis-à-vis d’eux. C’est ce dont il est question ici, depuis le début du mois. Se remettre. Physiquement. Mentalement. Ne pas se laisser sombrer comme Rocket tend à se laisser le faire mais agir pour se relever. Je peux essayer de le motiver mais je ne peux pas le faire pour lui.

« Ça pourrait pas juste se passer sur la terre ferme ?  On est très bien sur le sol. »

Avec de la boue, sans doute, mais la boue et les poils c’est très vite un cauchemar. Or ceux de Rocket sont plus longs et plus présents que beaucoup d’humains ; pas tous, cela dit. Qu’importe, je négocie la plage. Je suis de la génération Anakin qui préfère les galets au sable mais je fais des efforts aussi ! Quant à aller dans l’eau ou pas aller dans l’eau, c’est une bataille qui se décidera sur le coup ; inutile d’insister avant.

« C'est bon… va pour le maillot, mais pas un qui flash a deux années lumières. Et on prend les mesures ici. »

Just As Planned.


Le passage chez le marchand porte bien son titre : c’est un passage. On trouve un maillot de bain noir au rayon enfant afin qu’il soit de la taille de Rocket et on repart. La chose a été facilitée par un coup de téléphone d’un Nathan voulant savoir CQCB, lui-même n’étant qu’un coup car la discussion est à avoir en face-à-face. Dommage, je serais bien restée à essayer des trucs.

La discussion avec Nathan, faite alors qu’il devait coudre un nouvel élastique dans le trou fait pour laisser passer la queue de Rocket dans son maillot de bain, a été… compliquée. Mon ami m’a accusée de faire toute cette histoire d’essayer de rendre Rocket plus à l’aise dans l’eau contre son gré juste parce que je craignais d’une vengeance sur ma propre séance de sport. J’ai avoué sans peine que j’étais multitâche et que je pouvais allier l’utile à l’agréable. Oui, je sais que la mer c’est pas pratique pour la natation mais pour entrer dans l’eau c’est mieux. Quant à apprendre à nager, le sel flotte mieux !

Au final, je fais ce que je veux et les autres aussi. Ils font ce que je veux. Donc tout est bien qui fini bien. Je sais de source sure, alias Sarah-Louise, que Nathan en maillot de bain c’est quelque chose d’impressionnant. Après, je suis pas particulièrement sensible aux muscles masculins parfaitement dessinés car quotidiennement entretenus. Enzo à côté… sans être flasque, il faut admettre qu’il est plus vierge ; par opposition au dessin. Qu’il fasse gaffe, il va entrer dans la période de sa vie où il va devoir choisir entre prendre du ventre et prendre du muscle ! Est-ce que je lui ai dit cela ? Non, du tout. Et certainement pas plusieurs fois… De mon côté, j’ai un maillot de bain de coupable : rouge et, surtout, deux pièces. Donc pas l’un de ceux les plus adéquats à un exercice de natation.

« Plains-toi Jo, ricane-je alors que je retire les larges lunettes de soleil pour les confier à l’avocat qui a l’intention de végéter, je sais que tu mattes.

- Oui… mais d’un œil plus distrait, admet-il avec une fausse indifférence ; j’espère. J’ai l’habitude maintenant. »

Okay, je ne suis pas pudique et on passe pas mal de temps à vivre tous les trois dans un bus ; même si c’est surtout pour dormir et manger, au final, puisque les activités se font principalement à l’extérieur. Après, je suis un poil piquée dans ma fierté et j’en ai les poils qui se hérissent ! Non, ce n’est pas le fait d’être en maillot de bain en octobre ! Outre notre ami le réchauffement climatique, l’été newyorkais est long et chaud : de mi-mai à octobre, l’amplitude de températures moyennes l’après-midi va de 30 à 35°C ! Certes, on n’est pas encore au zénith puisqu’on mangera à celui-ci mais on s’en approche. J’aime bien le climat de New York, à l’exception du vent marin : l’été va de mi-mai à octobre, l’automne se fait en novembre, l’hivers de décembre à mi-mars et le printemps de mi-mars à mi-mai. On n’est pas encore sur le climat suisse, surtout avec ce vent humide, mais on s’en rapproche. Pourquoi faire les quatre saisons quand on peut n’en avoir que deux et demie ? Pauvre Vivaldi.

Après, s’il fait chaud à l’extérieur, cela signifie qu’il fait plus froid dans l’eau. Pour avoir déjà fait du raft en mai, lorsque la température de l’eau est de 2°C et que celle de l’air est de 0°C, le seul avantage qu’on y trouve c’est que tant qu’on reste dans l’eau on a moins froid. Quand on en sort par contre… j’ai le souvenir d’un Nathan qui a porté ses parties parce qu’il est masochiste et s’est jeté à l’eau durant la descente. Je pense que la taille des parties a diminuée lorsqu’il est ressorti de l’eau et qu’il a fait les derniers kilomètres de descente en combattant l’hypothermie. Okay, Mike s’est retrouvé en hypothermie sans avoir à entrer dans l’eau de son côté… mais que veut-on, c’est un russe raté.

Enfin Bref, je ne sais pas à combien est l’eau mais "fraiche" me semble un descriptif adéquat. Nathan entre donc d’un coup d’un seul, parce que le masochisme n’attend pas et que le cerveau ne doit pas avoir le temps de dire d’attendre, tandis que moi je vais m’assoir à quelques pas de la plage. L’eau salée me vient sur les cuisses et les fesses sans pour autant remonter au-delà, moyennant l’apaisant flux et reflux de l’Atlantique aujourd’hui calme, et je me tourne vers Rocket pour le regarder avec un sourire.

C’est son choix, pas le mien, tout comme c’est à son rythme s’il fait celui que j’attends, de choix. Je l’attends.

Si cela n’en était pas tragique, ce serait comique de voir Rocket s’approcher de l’eau pour faire un bon en arrière. Je me souviens la première fois que Nounours, l’un des chiens de mes parents, a découvert la mer. Le Saint-Bernard s’est jeté joyeusement dans l’eau puis en a pris une grande lampée. Et là, le bug. Le pauvre n’a pas compris et il était possible de voir dans son regard les sous-titres "mais elle est salée cette eau, qu’est-ce qui ce passe ?". Rocket connaissait la mer. Il connaissait l’eau. Il n’y a pas cette innocence dans son hérissement de poils. Ses frissons ne sont pas de dégoût mais de peur. Je vois tout cela. Je souris au Gardien de la Galaxie. Doucement. Calmement. Patiemment.

Son rythme, pas le mien. Son combat, même si je l’y accompagne à ma façon. Une façon qui sait que rien ne sera résolu aujourd’hui. Une façon qui vise à construire un système lui permettant de progresser et non à fixer un objectif sans avoir la moindre idée de comment l’accomplir. Le travail. C’est un travail. Il passe par la pratique, donc la répétition. Rocket s’aventure à un orteil puis se rétracte ; orteil inclus. Lorsqu’il abandonne pour cette fois, je continue de lui sourire. Il nous regarde. Je le regarde. J’échapperai surement à la natation aujourd’hui mais lui n’échappera pas à l’eau à l’avenir. Comme on dit, ce n’est que partie remise.

Cela étant, je ramène mes jambes à moi puis pousse sur elles comme sur une main pour me relever. Rocket s’est vraiment éloigné de nous et me m’interroge sur la productivité d’aller lui parler maintenant. Sans doute a-t-il à réfléchir sur la situation et assurément ses réflexions seront négatives mais il faut savoir faire face à la noirceur pour l’outrepasser. Parfois, les autres aident à la voir voire à y faire face. D’autres fois, c’est un combat solitaire. C’est un combat où l’on peut se sentir battu d’avance mais où il ne faut pas s’avouer vaincu. Considérant les autres difficultés rencontrées… ne serait-ce que les béquilles sur le sable, à la réflexion, est déjà un malus bonus qui aurait pu être évité. Cerise sur le gâteau, Rocket est prêt à faire des aller-retours. Je mets les mains sur les hanches et je soupire.

Mon regard se tourne vers Enzo, allongé sur une serviette de bain pour ne pas être à même le sable. Déléguer à l’avocat végétatif serait contre-productif pour son qualificatif et peut-être pour apaiser Rocket également. Oui, celui-ci peut parfaitement passer l’heure à rester faire bronzette, sous réserve que ça soit possible avec les poils, mais il n’en est même pas à cela. La plage et la mer étaient surement une mauvaise idée, finalement. Oui, la transition est plus douce qu’avec l’abrupte d’une piscine mais, du coup, il y a moins de contrôle et plus de difficultés à franchir le pas. C’est comme avec Nathan et moi : il ne réfléchit pas et se jette à l’eau tandis que je tergiverse et me mouille pour y aller. Si les spectacles m’ont appris quelque chose, c’est qu’il faut se lancer. Trop réfléchir, c’est juste stresser encore plus.

Pas à pas, je sors de l’eau. Nathan lâche l’affaire et fait sa vie. Enzo n’est pas sur l’affaire et fait le mort. Le sable s’accroche à mes pieds alors que je récupère une serviette. Lorsque j’ai fini d’essuyer fesses et jambes, je chasse le squatter. Enfin, je m’en vais au-delà de la petite place et sur l’herbe de mon domaine.

« L’amphibie, c’est pas pour aujourd’hui, conclus-je amicalement à l’attention de Rocket lorsque je le rejoins. T’as besoin d’un coup de main pour regarder les oiseaux ? »

Question rhétorique après laquelle je vérifie où se trouve le sable sur ma serviette afin de les mettre, ma serviette et le sable, face contre terre. Ce n’est qu’ensuite que je m’assieds au côté de Rocket, face à la mer. Pour une montagnarde, une telle étendue d’eau est perturbante. A moins que ça ne soit juste pour moi. L’horizon est un concept caché par les montagnes et ne pas le voir parce qu’on ne fait pas la différence entre le bleu de l’océan et celui du ciel est étrange. Apaisant, aussi. On voit le cycle de l’eau. On voit le cycle de la vie. On voit le cycle cosmique. On se sent petit face à ses millions de mètres carrés qui nous entourent, tout comme on se sent petit face à ses millions d’étoiles dans le ciel et sur la surface de l’eau ; lorsqu’elles s’y reflètent. Je vois le jour, j’imagine la nuit. Je me détourne de cela pour regarder Rocket.

« On réessaiera demain. Pour l’amphibie, pas les oiseaux. Niveau de ceux-ci… »

Je me tourne vers les arbres aux alentours, écoutant les vocalisations territoriales. Un " tchouc tchouc" me fait sourire et me concentrer jusqu’à ce que je puisse désigner d’une main un passereau d’une trentaine de centimètres de long, sautillant sur le sol non loin. S’il est majoritairement gris-noir, sa gorge et son ventre sont d’un rouge-orangé.

« Regarde, c’est un merle d’Amérique. On l’appelle souvent rouge-gorge car il ressemble beaucoup au rouge-gorge européen. J’aimerai bien te dire qu’il y a une symbolique applicable à notre situation mais… nope. »

Y’aurait peut-être un truc à faire considérant que l’oiseau peut se regrouper en bande de plus de deux cent milles individus pour les migrations mais je sais pas quoi. Du coup, j’en fais rien. A la place, je m’allonge sur ma serviette et passe mes mains derrière ma tête, coudes levés vers le ciel.

« La piscine sera surement plus simple. Pour l’amphibie, pas la symbolique. T’en dis quoi ? »

J’attends qu’il me réponde pour poursuivre, continuant ma pensée tout en me donnant le temps de préparer la suivante.

« Comme je le disais à Nathan lorsqu’il essayait d’avoir sa première petite amie : le jeu en vaut la chandelle ; surtout si on veut pas se brûler alors qu’on joue avec le feu. »

Une pause. Je tourne la tête vers Rocket et abaisse le coude pour pouvoir le voir.

« Ce n’est pas seulement l’hydrophobie que l’on affronte ici. Ce n’est pas seulement l’hydrothérapie que l’on prépare ici. C’est l’emprise des passés, pluriels, sur le corps et l’esprit ; sur le futur. »

Et aussi l’esquive de la natation. Mais chute, c’est un secret de polichinelle. Je souris à Rocket.


On a un peu de retard sur mon emploi du temps. Le fait de ne pas le suivre, je suppose. Pas de quoi entacher mon enthousiasme, surtout considérant que ma surprise ne devrait plus tarder. Notre équipe est petite pour la préparation de mon spectacle, même s’il n’est pas très ambitieux. Comme je n’ai pas l’intention de tourner à la cocaïne ou à quelconque autre drogue pour la mener à bien, il n’y a qu’une solution : agrandir les effectifs. J’ai tenu à venir vendredi et non samedi car c’est aujourd’hui et non demain que les renforts arrivent. Ils devaient arriver dans la matinée. Conclusion, ils sont plus en retard encore que moi !

J’ai retrouvé ma tenue précédente, à savoir le débardeur noir, le jeans et les bottes hautes en faux-cuir, mais n’est pas les cheveux rattachés. Lorsque je ressors des toilettes, Enzo a fini de mettre la table pour sept et s’en retourne en cuisine. Leon y est et prépare, à l’odeur, allie fromage et bacon avec du macis moulu. Nathan, lui, est en embuscade à la porte, même s’il dément formellement lorsque je lui fais remarquer.

« Tu veux que je rajoute des bougies, surenchéris-je avec espièglerie.

- Comment est-ce que tu disais déjà, déclare-t-il en croisant les bras sur son débardeur, puisqu’il s’agit presque de l’uniforme de travaux… "Quand il a une idée en tête il l'a pas ailleurs donc la tienne tu peux te la foutre au cul" ?

- Il me semble avoir été plus polie que ça, dis-je après un sincère instant de réflexion, mais tu as l’idée oui.

- Toi aussi alors te fait pas prier.

- C’est comme ça qu’on interagit avec ma divinité, pourtant, surenchéris-je avant d’être prise d’un doute. T’as deviné comment, d’ailleurs ?

- Trop d’allusions tue l’allusion, répondit-il comme si de rien était, me faisant douter sur le fait que j’en ai effectivement fait tant que cela ; ce que je ne crois pas. Y’a pas des masses de personnes que tu demanderais en renfort, aussi.

- C’est pas faux. Et quand on parle du vrai, des personnes et des renforts… »

Je souris de plus belle alors que la limousine arrive devant le portail, chose visible grâce à la caméra de l’interphone. Laissant Nathan appuyer sur le bouton de l’ouverture, je me tourne vers Rocket avec un sourire.

« Installe-toi bien, on revient tout de suite. »

Ceci étant dit, j’attends que Nathan m’ouvre la porte pour sortir rapidement aller faire l’accueil, la fête et la bise aux arrivantes. Moins de cinq minutes plus tard, je rentre en compagnie d’une blonde et demie, les bras chargés d’une horloge avec cadrant en porcelaine de Chine. On pourrait croire à des jumelles si elles n’avaient pas dix centimètres et une mutation de différence. Surtout qu’elles ont similaire tenue à notre uniforme officieux : jeans et bottes montantes mais chemise ; à carreaux de trois nuances de gris pour celle d’un mètre septante et à carreaux noirs aux lignes blanches pour celle d’un mètre octante. Toutes deux ont les yeux bleus et un sacré air de famille mais là où l’une est blonde, l’autre a les cheveux chitineux et segmenté comme des pattes d’insecte. La peau de l’une est rosée tandis que celle de l’autre a une teinte grise-verte. Outre cela, leurs deux fronts sont larges, leurs quatre sourcils fins et leurs quatre yeux petits. Leurs deux nez sont droits et légèrement épais tandis que leurs lèvres sont charnues et leurs mentons prononcés.

« Rocket, je te présente Tarja Wallensky, dis-je en désignant la blonde qui avance sans hésiter une main ferme vers le héros, sourire respectueux aux lèvres. Cadre exécutive au sein d’Orchent International, psychologue spécialisée dans le langage corporel, avocate d’affaire et ma meilleure amie.

- C’est un honneur de rencontrer un Avenger, monsieur Raccoon, continue-t-elle avec une voix étonnamment forte avec un acquiescement classe, faisant face à la célébrité avec droiture malgré la différence de taille.

- Et voici Sarah-Louise Wallensky, reprends-je en montrant la mutante qui tend à son tour une main semblant couverte d’une carapace segmentée, s’agenouillant pour faire face à Rocket à son niveau. Cadre exécutive au sein d’Orchent International et de Tec-Novita, biologiste spécialisée dans la rétro-ingénierie des capacités mutantes et ex de Nathan. »

Comme tout arrive à point à qui sait m’attendre, le concerné arrive avec les bagages.

« C’est un plaisir, assure-t-elle d’une voix douce et en souriant avec autant de douceur qu’il n’y en a dans sa poigne.

- Et du coup, Rocket Raccoon. Avenger, Gardien de la Galaxie, héros du jour et du Jour des Héros, ingénieur, technicien, pilote… »

Comme je me le dis, voire le dit tout cours, à chaque présentation de personnes faisant trop de choses dans leurs vies "Et je vais m’arrêter là parce que je vais prendre les grands airs que tu n’as pas au point de gonfler un égo qui connaitra forcément le destin de toute chose qui gonfle trop et que l’on résumera au théorème de la baudruche".

« Actuellement en convalescence, oui, mais pas que ! »

J’espère bien faire sourire tout le monde avec cela. Sarah-Louise, après s’être relevée, se tourne vers Nathan pour lui récupérer un bagage. Tarja, elle, met les mains dans les poches en regardant Rocket.

« C’est héroïque de votre part de choisir de venir vous reposer chez une fatigante. Ça permet de mieux dormir la nuit ? »

Je ricane face au clash indirect, fait avec un sourire sarcastique. J’aurai peut-être dû faire un briefing sur le dramatis personae de la préparation de mon spectacle mais ça aurait nuit à la surprise et j’avais pas que ça à faire ; ladite prépa est déjà chronophage !

Les laissant discuter, je m’en vais en cuisine me libérer les bras en posant l’objet à côté de la machine à café. D’un signe de tête, j’amène Enzo à emporter le plateau contenant de quoi arroser les retrouvailles : limonade, cidre et eau minérale au cas où. Tarja peut être dure et froide mais je sais faire office d’antigel.

« J’ai fait le squelette de l’horaire préparatoire pour le spectacle, dis-je en revenant dans la salle principale en suite d’Enzo, à qui Tarja est partie faire la bise. Je vous en parle quand tout le monde est à table et on voit s’il y a manifestation de mécontentement.

- Trois semaines de vacances posées au dernier moment afin de faire du bénévolat pour toi, ricane Tarja alors qu’elle laisse Enzo aller poser son plateau, tu mérites un soulèvement.

- Dis comme ça, c’est terrible…

Tout comme moi.

Tout comme toi.

- Chips.

- Où sont-elles ?

- Ce qui me fait penser… »

Je viens me placer en bout de table, à la place de la cheffe, avant de désigner les gens et les places qui leurs sont attribuées. A ma droite, Enzo puis Nathan, Rocket et Leon. A ma gauche, Tarja puis Sarah-Louise. Evidemment, il faut encore attendre que Nathan, Sarah et Leon arrivent mais ça ne saurait tarder ; ni m’empêcher de m’installer ou de laisser Enzo faire le service.

« Cidre pour moi, lui dis-je avant de me tourner vers Rocket. Roro ? »

Tarja lève un sourcil à ma question puis regarde à son tour l’interpelé. Une fois un verre de cidre en main, qu’elle tient dignement, elle reprend la parole à son tour.

« Comment vous êtes-vous rencontrés, si ce n’est pas indiscret ? »

***

Je veux rire ? De manière générale, oui. J’essaie même de faire partager. Quand au fait que "le pire dans tout ça", c’est que Rocket "trouve ça beau vu d’ici" me donne une idée. Enfin, plusieurs mais l’une d’elle me semble plus pertinentes que les autres associations faites. Oui, Rocket bloque. C’est le principe d’un trauma comme des difficultés. Je ne suis pas psychologue mais je suis plutôt douée pour le soutien. Je pense ne pas trop mal m’en être sortie lorsqu’on était dans ma Lucky Mobile. Tout comme lorsqu’on était dans la base des Avengers. Tout comme durant la première semaine à la Maison des Jardins. Après, je suis optimiste aussi.

« C'est bon, je vais réessaye demain…

- Aller, tu me répètes ça en essayant d’être moins motivé, d’accord ? »

C’est avec une espièglerie et une légèreté en volontaire opposition à son abandon et son absence de motivation que je lui réponds. Un moyen de désamorcer la situation par l’humour, parce que j’aime rire et faire rire, afin de rouvrir l’esprit et le cœur à quelque chose de plus constructif.

« Moi demain j’amène un chevalet et des crayons, conclus-je donc ensuite, me retournant vers le décor. Comme ça, si t’es pas prêt à aller dans l’eau, tu pourras toujours continuer les cours de dessin avec un model que tu trouves beau. »

Outre le fait qu’il continuera de se détacher des dessins purement utilitaires liés aux designs et aux inventions, cela lui permettra de passer par la beauté qu’il éprouve pour s’approprier le lieu comme l’apprivoiser. Lorsqu’il sera suffisamment à son aise, sans doute le sera-t-il plus pour s’en aller dans cette eau qui pour l’instant l’effraie.

Encore une fois, c’est son rythme et non le mien.


Le plaisir est pour Rocket, d’ailleurs Rocket suffira. Juste Rocket. Je le regarde en souriant. Tarja acquiesce, de son côté. Sobre et directe. Inutile de le lui répéter deux fois. Quand à Sarah-Louise, le fait de se mettre au niveau de l’Avenger, physiquement parlant, a l’air de faire forte impression. Après, elle ne reste pas longtemps car elle tient à aider Nathan ; chose que Tarja ne fera pas, pour des raisons de relations presque fraternelle entre eux. Fraternelle au sens "je t’embête, moi aussi". Les deux plus sportifs de la bande ont été foutu d’entrer en compétition il y a longtemps déjà, Nathan ayant l’avantage du sexe puis de la profession. Quant à Tarja, elle a l’avantage des ressources et de l’intelligence. Tant qu’ils n’en viennent pas aux mains dans le cadre d’un art martial, ça équilibre. Lorsque c’est le premier cas, ce n’est plus le second cas. De toute façon, c’est une bande de cas et je participe à ma mesure. Tout comme je ramasse à ma mesure.

Au sarcasme de Tarja répond une sincérité amère accompagnée d’un rire. Là où je pince les lèvres avec désolation, ma meilleure amie acquiesce à nouveau. Son visage est désormais sérieux, même s’il est moins dur que précédemment. Elle comprend. Elle accompagne aussi avant de s’installer là où je lui indique la place. Puis je passe commande auprès d’un Enzo qui se découvre serveur sans grande surprise et se permet d’aller faire la bise à Tarja avant de repartir. Les bières de la Maison des Jardins sont les mêmes que celles de la Lucky Mobile, puisque le consommateur est le même : Nathan. On est donc sur de la Grimbergen ambrée ou de la Kronenbourg blonde. La première a des saveurs caramélisées, des notes de réglisse et de noisette tandis que la seconde possède des arômes fruités et floraux. Deux safe bets, en sommes.

Puis viens le pari plus risqué : Tarja veut connaitre l’histoire de la rencontre entre Rocket et moi. Je m’installe confortablement dans mon siège, prête à assumer toute mes âneries et mes bluffs dans l’affaire. Quand on fait les uns et les autres, c’est très important de les assumer voir les revendiquer : comme ça, ils ne sont nullement honteux. Dommage, Rocket n’est pas au courant du principe.

« Hum, commence-t-il après avoir interrogé du regard ma personne, le Nathan-bagagiste sur le départ et l’Enzo-serveur sur le retour, je dois vraiment lui parler du date ? Et de la quiche ? »

Dès l’évocation du date, la perplexité s’ajoute à la stature de Tarja. Elle tourne un sourcil comme le regard vers moi, ne manifestant aucun étonnement mais s’attendant à une histoire digne de moi !

« T’en fais pas Roro, le rassure-je avec aisance. Tu peux tout lui dire. Je me permettrais juste de commenter et de te coller un procès en diffamation… non, je blague hein ? Pour le procès. »

Je préfère préciser avant qu’il ne se prenne un coup de stress. Encore plus qu’avec Nathan et Enzo, c’est fort probable qu’il découvre une nouvelle facette de mon humour du fait des échanges avec Tarja. Tarja dont l’humour peut être sacrément piquant aussi, notamment car il appui souvent sur des vérités qui peuvent déranger. Je n’ai pas plus peur de la vexer que c’est le cas avec mes deux deux ; voire j’ai encore moins peur de la vexer car on sait qu’on peut tout se dire et sans forcément y mettre les formes. L’avantage de grandir ensemble, même si j’ai fait cinq ans de pause dans l’histoire. Et en parlant d’histoire, je m’accoude sur la table et joins les mains en un repose-menton pour fixer Rocket avec une attention féline et un petit sourire en coin. J’attends sa version des faits sur notre rencontre et plutôt deux fois qu’une !

***

J’ai les coudes sur la table, les doigts croisés en un repose menton et le sourire en coin. Mes yeux fixent Rocket avec une attention féline. Après, ils font des allers-retours vers Tarja au fur et à mesure d’une histoire que je suis certaine que Sarah-Louise écoute également, malgré la distance. Comme j’ai la place de la cheffe, en bout de table, j’arrive à observer les deux interlocuteurs sans autre difficulté qu’une Tarja qui tourne son visage vers Rocket, assis en diagonale d’elle. Ce qui est déjà une difficulté puisque je ne vois plus que son profil à elle ! J’aurais dû les mettre dans l’autre sens !

Enfin Bref, Rocket vaquait à ses occupations quand ALERTE ! Ah ouais, j’ai pas compris que sonner à l’entrée donnait une alerte sur l’écran de contrôle. D’un autre côté, on peut considérer que nos téléphones ont des alertes programmables donc c’est pas forcément aussi dramatique. D’autant plus que ce sont des employés de Stark Industries qui semblent avoir fait suivre l’information que les Gardiens de la Galaxie, ou plus exactement Peter Quill, avaient de la visite. Comme Rocket était là et Star Lord non, c’est le premier qui a répondu. "Une jolie donzelle aux cheveux flamboyant", voilà qui me fait sourire et me redresser un peu par une fierté puérile parfaitement chassumée, "qui se présentait comme un date de Quill, enfin, Star Lord", voilà qui fait tourner un regard blasé à une Tarja qui écoute avec le buste en avant et les avant-bras sur la table. Puis le doute de Rocket sur l’aspect publique de l’identité de Peter Quill me fait pencher la tête sur le côté : je connais les deux car l’identité est publique mais Tarja est peut-être moins geekette que moi. Elle ne fait aucun commentaire et continue d’écouter le raton conteur.

« Comme je savais pertinemment que Quill n'avait pas filé de rencard à qui que ce soit, j'ai envoyé balader la demoiselle. »

Je lève les sourcils et me racle la gorge car ce n’est pas tout à fait comme cela que je m’en souviens. Après, je comprends que Rocket ne veuille parler de ses doutes et de son malaise face à la gestion d’un date auquel il n’était ni au courant ni invité. Encore après, le pot-aux-roses est énoncé bien plus tôt dans l’histoire de Rocket que dans mon souvenir ; même s’il explique beaucoup de choses dans la compréhension de Tarja et qu’elle acquiesce enfin, sans pour autant être surprise.

« J'ai donc filé un rendez-vous, en tout bien tout honneur, à Lucy pour lui faire une visite privée. »

Là j’acquiesce à mon tour, faisant bouger mes mains sous mon menton. Ça, c’est vrai !

« Comme le courant passait plutôt bien, j'ai fini par l'emmener faire un tour, continue-t-il en me faisant me dire que le courant passe toujours bien quand on implique de l’alcool et du saucisson, sauf que je savais pas qu'elle était aussi émotive. »

Est-ce que je lui tire la langue ? Juste un peu. Un soupçon. Une larme. Un bref bout de langue. Oui, la première fois les toilettes étaient à portée de fuite. On était au niveau de la soute aménagée en pièce à vivre, les toilettes futuristes étaient pas loin. Oui, la seconde fois, on était dans le cockpit et j’étais attachée ! Ma mauvaise foi me dit que si j’avais pas été attachée j’aurai été à portée des WC. Mon intelligence lui répond que les hauts talons, l’accélération et l’échelle séparant les niveaux font que j’avais perdu.

« L'heure de la quiche galactique !

- La quiche la plus rapide de l’univers, me permets-je d’interrompre Rocket, puisque cela reste un Marvel World Fact, alors même que Tarja lève les yeux au ciel.

- Elle s'est mise de son émotion partout, et surtout sur elle ! »

Pire, sur ma tenue préférée ! J’assume pleinement ce que je fais, même si je le regrette un peu. Après, tout a été sauvé donc tout est saint et sauf ainsi tout est bien qui fini bien, surtout pour moi. Quant aux "deux amis ci présents", je remarque qu’effectivement Nathan et Sarah-Louise sont revenus ; ainsi qu’Enzo avec les boissons. Toute l’équipe est là pour la quiche galactique ! D’ailleurs Tarja est blasée à cette histoire de vomi et de faire nettoyer mes âneries de tête de mules par mes deux intelligents de somme.

« C'est comme ça qu'elle a obtenu une tenue de Mantis, continue Rocket alors que j’acquiesce une nouvelle fois à une Tarja surprise cette fois. Je vous passe les détails sur le crush d'ado que Groot a eu sur elle mais, poursuit-il en entretenant la surprise : l’appropriation d’une tenue super-héroïque était déjà impressionnant mais l’histoire de crush interracial… d’ailleurs, j’ai pas tellement tilté le crush ou alors ça m’a pas marqué… finalement, on est restés en contact et…

- Et du coup, c’était une parade amoureuse ou une faciale son truc ? Avec les spores luminescentes, je veux dire. »

Subtilité sur vingt, spontanéité sur cent. Je me redresse totalement, descendant mes paumes jusqu’à la table suite à cet éclair de je-sais-pas-quoi. J’aime bien me dire que ma vie est remplie de Marvel World Success, de Succès du Monde Merveilleux, mais je ne suis pas certaine que me fait éjaculer dessus par une plante extraterrestre adolescente en fasse parti. Surtout que la biologie de Groot me semble hybride entre végétale et animale, ayant des traits morphologiques et anatomiques de la première catégorie mais semblant avoir également un système de nutrition de la seconde. Enfin Bref, j’ai bien choqué Tarja et je pense que j’ai amené à réfléchir Nathan et Enzo sur ce coup-là ; bienvenu dans mon monde les gars. Quant à Sarah-Louise, elle se gratte les racines de ses cheveux mutants en tachant de ne pas croiser mon regard.

« J'avais besoin de prendre le large, alors j'ai demandé a Lucy si je pouvais venir quelques temps ici.

- Il a oublié quelques infos importantes mais, commence-je à répondre avant de prendre une courte inspiration buccale et de légèrement pencher la tête sur le côté telle qu’une rousse rasée bleue de l’espace pourrait le dire à son collègue obsédé avec une histoire d’amour tragique… il a résumé l’essentiel. »

Euphémisme quand tu nous tiens, surtout après le teaser révélatif précédent. Comme il n’est question que de l’histoire de notre rencontre et non des raisons de l’arrivée de Rocket ici, je ne comprends pas réellement son besoin de préciser la suite mais je vois que ce n’est pas agréable. Histoire d’éviter que le mal-être ne s’installe trop et n’attire trop l’attention, je développe donc mon point afin de le remettre en avant.

« Ce que Rocket a oublié de dire, précise-je donc alors que je m’installe dans le dossier de mon siège et use d’un accoudoir pour m’accouder et soutenir ma tempe de deux doigts, c’est qu’il a accepté que je monte dans le vaisseau car mon bluff a marché. Et qu’il nous a emmené tous les trois jusqu’à la Galaxie d’Andromède, souligne-je  en désignant de ma main libre Nathan et Enzo. J’ai pas quiché d’excitation pour rien ! »

Et oui, parfaitement, j’ai pris ma position de femme puissante et blasée pour déclarer cela ! Autant dire que je ne tiens pas la position longtemps. Le bras m’en tombe tandis que la tête m’en lève puis je fais un petit bond sur ma chaise et me voilà de nouveau buste en avant avec le sourire.

« S’il a retenu mon vomi et mon squattage de vêtements super-héroïques, moi j’ai retenu sa gentillesse et le fait qu’il m’ait fait voyager dans l’espace jusqu’à une autre galaxie. D’où qu’on ait gardé le contact ! »

Je tais les parties sombres de la soirée et l’implication de Rocket dans la réalisation de la nécessité de s’armer. Je reste sur ladite soirée également et le positif qu’elle m’a apporté.

« Par équité, j’ai dit qu’il pouvait venir ici s’il le voulait, conclus-je avant de tendre une main vers l’Enzo de service afin de récupérer mon verre.

- D’accord, acquiesce Tarja, pensive, alors qu’Enzo dépose son verre devant elle. Rocket… léger conseil si vous me le permettez : n’acceptez pas n’importe qui sur votre vaisseau. Surtout quand elle joue de ses charmes pour y venir.

- Tarabajoie… »

Si je comprends qu’elle veuille bien faire en énonçant ce genre d’évidence, Rocket n’a pas été éduqué dans des conditions aussi propices que les nôtres et elle devrait vite se rendre compte qu’insinuer sa naïveté risque de le vexer ; même si ça part d’une bonne intention. Puis qu’elle soit pas envieuse de mes réussites aussi, celle-là !

« D’ailleurs, elle vous a promis des vacances n’est-ce pas, surenchérit-elle en croisant les bras. Vous pensez vraiment qu’organiser un spectacle en un mois va en être ?

- Alors, intervins-je en levant l’index pour l’avertir de se taire. Sarah et toi avez posé des vacances pour venir donc c’est des vacances. Les vôtres. De plus, Rocket participera à hauteur de ce qu’il souhaite.

- Tu lui as présenté ton plan horaire ?

- Non.

- Tu peux le faire ? Je pense qu’on est tous intéressés. »

Alors même qu’il fait le tour de la table en passant derrière moi, je sens le regard d’Enzo sur moi. Ceux de Tarja, Nathan et Sarah-Louise sont pleinement visibles puisqu’ils sont chacun assis à la place que je leur ai attribuée. Je ne me démonte pas, prête à mener la réunion.

« Idéalement, levé 6h. Des 7 aux 9, on prépare le décor et quand ça sera fini on s’attaque aux costumes. De 9 à 11, chant pour Tarja, Sarah et moi. 11-midi, je prends une heure avec Rocket et les autres c’est récré. 12-13, danse ; juste pour Tarja, Sarah et moi, précise-je avant de m’interrompre au soupire de Nathan, même si techniquement je ne gruge pas le sport ; c’est juste plus lui l’entraineur. 13-14, repas. 14-15, chant. 15-16, décor-costumes. 16-18, danse. 18-19, danse-chant. 19-21, décor-costume. 21h, fin de journée.

- Ce qui nous fait 6h communes, sur les décors et les costumes, et 7h juste nous trois, synthétise Tarja. 3 pour le chant, 3 pour la danse, 1 pour la représentation. Combien dure la performance ?

- 18 minutes 55 secondes, sans interludes. Mike et Yit font l’ouverture, nous on a que 14,35. »

Tarja acquiesce, amenant ses coudes sur la table et ses index contre sa bouche alors qu’elle réfléchit. Cela nous fait trois séances tests pour la représentation en une heure, ce qui va de paire avec les triples séances d’entrainement lié. J’ai planifié mon coup, ainsi que la progression à travers les jours pour savoir ce sur quoi avancer.

« Sinon les gars, vous ça vous va de faire du 7-9, 15-16 et 19-21 ? »

Nathan hausse les épaules sans en avoir grand-chose à faire tandis qu’Enzo, qui s’est enfin assis, acquiesce avec tranquillité. Reste Rocket.

On peut dire qu’il m’en faut pas beaucoup, qu’il dit Rocket ?! Traverser 2,55x10⁶ années-lumière en quelques minutes voire dizaines de secondes, c’est beaucoup ! Une année lumière c’est environ 10¹³ kilomètres ! On était donc à 2,55x10¹⁹km ! 255 et 17 zéro derrière ! 25.500.000.000.000.000.000km ! 25,5Zm… sachant que le Zettamètre on l’utilise quand même pas souvent ! Et je parle même pas de la vitesse nécessaire à traverser ça rapidement, quand on sait que la lumière elle-même met deux millions et demi d’années pour le faire ! Excusez-moi, Mônsieur Raccoon, d’avoir mon esprit scientifique impressionné par ce tout petit bout de chouilla de votre existence. Et après ça aime pas les baignoires ! ENFIN BREF !

J’ai l’outrage rapide et le contentement, au fait que ça fasse plaisir que j’ai autant apprécié, long. Tendre aussi. Souriant, évidemment ! Ce qui ne m’empêche pas d’avoir une autre question très scientifique impliquant l’éventuelle éjaculation d’un individu qu’on ne saurait classer comme végétal ou animal en l’état actuel de nos connaissances. Question très scientifique qui manque d’évoluer en homicide involontaire chez un Rocket correctement arrosé. Je le regarde en attendant qu’il crache le morceau afin qu’il puisse cracher le morceau ; le premier étant ce qu’il a avalé de travers à cause du second qui est à propos d’un troisième morceau de son ami.

« Il a juste voulu impressionner la galerie en faisant son petit numéro, suffoque un Roro qui ne répond pas DU TOUT à ma question. On peut voir ça comme une forme de parade amoureuse, mais ce n'était certainement pas une faciale, t'en fais pas. Notre éducation laisse à désirer, mais quand même pas à ce point là. »

Je ne suis pas la seule à ricaner à la conclusion, dont personne ne doutait en fait, puis c’est Nathan qui accroche mon regard avec un sourire stupide et un double levé de sourcil. Je penche la tête sur le côté et lui désigne du nez une Sarah-Louise qui regarde la situation avec peu d’envie qu’on l’implique. Ainsi me contente-je de prendre une mèche de mes cheveux entre mon pouce et mon index afin de les faire glisser ; une manière imagée de lui demander si sa colle dans les siens, de cheveux. Si elle ne comprend pas, Nathan met un coude sur la table et se pince le haut du nez, entre ses paupières closes, en tâchant de ne pas exploser de rire. Tarja ne peut s’empêcher de sourire malgré les index révolvers qui lui closent les lèvres tandis qu’Enzo fait son service en tâchant de paraitre beaucoup plus consterné qu’il ne l’est réellement. Le service de boisson terminé, on en passe à la suite.

Suite qui implique l’horaire qui va suivre et que j’ai déjà entièrement prévu. Ça va à tout le monde ? Parfait, je n’en attendais pas moins !


La première séance de chant post-repas a été étonnamment discrète. En effet, j’ai sorti les textes de prévu et Tarja, Sarah-Louise et moi-même nous sommes posées au grand salon pour en discuter. L’apprentissage par cœur va se faire avec la pratique mais il fallait bien que j’explique le pourquoi du comment de chaque texte. Chose qui m’a d’ailleurs amené à vite quitter le grand salon pour les amener sur le chemin de la représentation qu’on ferait. La discussion a tant été artistique que scientifique, puisqu’on a sacrément parlé de l’acoustique des lieux et de l’impact que le décor allait avoir sur elle. Ça a été animé, passionné de mon côté et critique du leur, puis on a commencé à se renvoyer la balle juste avec les textes en faisant des aller-retours entre le garage et la salle à manger. S’ils ne savaient pas pour les titres interprétés auparavant, Rocket, Nathan et Enzo le savent à présent ! Après, pas certaine que Rocket ne les connaissent. Tandis que ma paire de deux est partie s’enfermer dans la Lucky Mobile pour jouer en réseau. J’ignore ce qu’a fait Rocket durant cette pause.

Tant que tout le monde est à son post à 03PM précise, ça me va. Mon trio l’est quelques minutes avant afin que je puisse tout expliquer comme je l’ai fait à mon autre trio ce matin. Sachant que Tarja et Sarah-Louise ne sont pas affectées aux gargouilles, elles. Tout comme moi à partir de maintenant, il s’agit de mouler les successions de couches de stuc sur les panneaux de treillis, terminés par Nathan et Enzo ce matin, selon ce que j’ai dessiné et affiché sur le panneau d’exposition.

« Ça va être simple, assure Tarja avec ironie.

- Ouep, confirme-je avec sarcasme. Aller, à cœur vaillant rien d’impossible alors haut les cœurs vaillants ! »

Et c’est ainsi qu’on repart, sachant que dans une heure les garçons retournent en pause et nous on part en danse avec explication de la chorégraphie ! Traduction, je vais passer quarante bonnes minutes à danser toute seule et sans musique devant les cousines pour leur expliquer ce qu’on devra faire, le tout une fois encore à travers la Maison ! Cette fois, Nathan et Enzo vont rester à regarder. Juste pour le troll. Ils ont jusqu’à 19h avant que je rappelle tout le monde au garage pour la troisième séance de manufacture du jour.


« Stop, ordonne-je avec satisfaction et une sérieuse crainte sur mon odeur corporelle, qui me tiennent toutes deux depuis trois ou quatre heures puisque Tarja a été cryptique lorsque je lui ai demandé son avis. Journée terminée. »

J’ai pas précisé le second point que tout le monde a déjà compris et entrepris. Tarja, Sarah-Louise et moi-même nous nettoyons les mains tandis que Nathan et Enzo finissent le boulonnage de leur treillis. Rocket doit toujours être sur les gargouilles et c’est à côté de lui que je m’en vais m’assoir, histoire d’inspecter le travail tout en discutant.

« Ça va, demande-je avec douceur, restant à distance d’appréhension avec mon odeur. C’est pas trop chiant ? »

Je me doute que faire toute la journée la même chose soit pas passionnant, même si au moins ça évite de réfléchir ; et qu’il y a des pauses régulières. Remettant mon toupet de cheveux sur le côté en un geste nerveux, j’attends la réponse tout en réfléchissant à ce qui pourrait être plus sympa pour lui quand il aura fini.