[Terminé] Savoir saisir une main tendue

Le tumulte de la ville bourdonne à ses oreilles comme un tambour cognant durement ses tympans ; après être restée enfermée durant presque un mois entier au Manoir, la rousse se retrouve au milieu de la fourmilière géante, étourdie, agressée, déstabilisée. Les klaxons qui surviennent dans son dos, les moteurs qui grondent sur le côté, les voix qui hurlent tout autour d’elle… Un instant, Jean se sent comme dépassée, déshabituée et dépossédée d’une vie agitée qui, depuis un moment, l’a quittée. Quelques mois auparavant, elle n’aurait peut-être même pas fait attention à la foule grossissante qui arpente les rues dans un sens et dans l’autre mais, aujourd’hui, elle ne voit que ça : elle ne sait pas très bien si elle a peur d’être blessée par l’un d’eux ou de blesser quelqu’un involontairement mais, alors qu’elle se dirigeait originellement vers un magasin de fournitures scolaires, elle s’échappe dans une ruelle étroite et escarpée, fuyant l’accumulation de visages inconnus qui semblent envahir son paysage visuelle pour l’étouffer. Respire. Vêtue d’une petite robe fleurie verte dont la bordure volète sur le milieu de ses cuisses, Jean accole son dos contre le mur en pierres et appose une main contre son buste féminin, soufflant quelques secondes par sa bouche qui forme un petit «o » le temps de se calmer.  Respire. Depuis les exactions du Phoenix, c’est la première fois qu’elle sort en ville. Seule. Et le danger, elle ne sait plus trop d’où il peut provenir à présent.

Des autres ?
De son propre esprit ?
De ses pouvoirs ?
D’elle-même ?

Respire. Un peu palôte, elle redresse sa nuque en tirant machinalement sur sa robe, remontant la lanière de son sac sur son épaule, remuant sa bouche durant quelques secondes pour se donner de la contenance, essayant de se reprendre. Tout va bien se passer. Le Phoenix n’est plus revenu depuis… Trop longtemps. Elle n’ose pas dire qu’elle s’inquiète à son sujet, songeant combien elle serait jugée pour cela : qui s’émeut du sort des monstres et des bourreaux ?

« Allez, on y va. » S’encourage-t-elle en regagnant la ruelle principale, réalisant alors qu’elle s’est beaucoup trop éloignée du magasin recherché. Remontant alors le trottoir, elle fronce légèrement ses sourcils tout en balayant le décor urbain d’un regard circulaire, un peu perdue dans cette jungle de ruelles infinies. Décidément, elle n’a vraiment pas le sens de l’orientation… S’apprêtant à rejoindre la ruelle en face, pensant être dans la mauvaise, elle commence à traverser quand elle aperçoit, qui passe devant elle, une voiture semblable à celle que possédait ses parents, à celle que son père conduisait le jour de l’accident… Une Chevrolet Nova. Rouge. Elle a l’impression que l’instant , et le véhicule, passent au ralenti, mais cette vision cruellement familière lui fait également l’effet d’une gifle. Saisie d’un sentiment qui la rend confuse, elle s’immobilise aussitôt sur place, au milieu du passage piéton, son corps suivant la voiture qui passe juste à côté d’elle sans qu’elle ne puisse la quitter des yeux, même lorsqu’elle s’éloigne, poursuivant sa route sans faire attention à la rouquine figée, le corps tremblant, les yeux écarquillés, les lèvres espacées. Elle entend presque la voix de sa mère qui chantonne cette foutue musique à la radio, le dernier rire de son père dans les lueurs du soleil… Mais, de dos, elle n’entend pas le moteur furieux de la voiture qui se dirige droit vers elle, et le conducteur ayant les yeux rivés sur son téléphone, ne la voit pas non plus. L’impact semble imminent…

La voiture passe dans son champ de vision mais n’en sort pas : figée, l’image demeure dans son esprit comme la matérialisation d’un souvenir impérissable, longtemps enfoui, révélé par la douleur d’une vérité qui l’accable avec culpabilité. Et la coupable qu’elle est ne peut détourner les yeux du véhicule qui file avec lenteur — du moins, dans sa perception des choses, le temps et l’espace ralentissant avec lui. Les silhouettes autour, sur les pavés, dans les bars et les commerces, semblent ralentir leurs mouvements pour ne plus exister dans le monde qui la contient désormais ; un monde muet, où les bruits atténués ne la laissent point entrevoir la menace dans son dos.

Ce n’est qu’une voiture, mais Jean y entrevoit tout ce qu’elle a perdu, tout ce qu’elle aurait dû avoir, ceux qu’elle a tué. Ses parents. Sa famille. Le monde de son enfance.

L’orpheline porte une expression étrange au visage, mêlant la tristesse et la stupeur, comme si elle avait grandi avec l’idée que seuls ses parents avaient pu posséder une telle voiture ; évidemment fausse, cette croyance enfouie et erronée se révèle en cet instant car c’est bien la première fois qu’elle croise cette voiture das les ruelles de New-York.

Elle entend la radio qui grésille, le moteur qui ronronne, la voix douce de sa mère, le rire de son père puis… Le changement brutal de décor et les mains posées sur son corps la font aussitôt réagir, si bien qu’elle relève machinalement les yeux vers l’homme qui se tient devant elle, ouvrant grand ses paupières et haussant ses sourcils en essayant de formuler des sons, qui meurent aux bords de ses lèvres. « Est-ce que ça va mademoiselle ? » Qu’est-ce qui vient de se passer ? Elle le regarde sans le voir car les premières secondes ne lui permettent pas de bien intérioriser ce qui vient de se produire. Machinalement, elle relève légèrement ses bras tout en cherchant la voiture du regard, visiblement anxieuse à l’idée de la recroiser pourtant, avant de revenir sur le visage de l’homme penché vers elle. « Allez circulez, y’a plus rien à voir… » Elle déglutit avec difficulté en essayant de reprendre ses esprits, ses paupières papillonnant longuement tandis qu’elle apporte finalement une main contre son front, la blancheur de sa peau faisant pâle figure au milieu de ses cheveux flamboyants. « Je… Je suis désolée. J’étais perdue dans mes pensées. » De moroses et tortueuses pensées. Mais, pour l’instant, il n’a pas besoin de le savoir. Raclant discrètement sa gorge, elle tente de lui sourire mais le mouvement est faible, peu convaincant, alors elle s’emploie à hocher son menton de haut en bas, plus pour se convaincre elle-même qu’autre chose : « Ça va, je vous remercie. » Elle plante ses yeux emplis de gratitude dans ceux de l’inconnu, ses lèvres formant enfin l’ébauche d’un sourire sincère avant qu’il ne la rassure, d’une voix paternelle qui lui rappelle sans équivoque celle de Charles. Elle s’apprête à le remercier de nouveau mais, en parcourant machinalement les alentours du regard, elle pose les yeux sur l’endroit où elle se trouvait quelques secondes auparavant ; elle ne se souvient pas avoir marché… « Comment… » Ses cils battent en oscillant entre le passage piéton où elle était et le visage du blond, une incompréhension silencieuse envahissant ses traits. Elle ne parvient pas à s’expliquer la façon dont elle a quitté la route pour atterrir ici… Alors elle attend une explication de la part du blond, sans le quitter des yeux.

La voiture, ricochet d’un accident meurtrier, s’est éloigné en laissant ce goût amer sur sa langue, celui d’un souvenir à la fois si lointain et pourtant tout près. Était-ce hier ? Il y a cent ans ? Durant quelques secondes, le trouble et l’émoi douloureux se confondent en son sein, perturbant ses réactions qui se font lentes, si bien que l’homme est obligé de la maintenir par les épaules, sans nul doute par crainte de la voir s’effondrer devant lui. Mais, enfin, la rousse semble revenir parmi le monde des vivants et l’instant présent, car les mots du blond lui parviennent sans aucune difficulté ; si son coeur est traversé par des sentiments de culpabilité et de douleur, la voix de l’homme est si calme et paisible qu’elle s’y accroche de toutes ses forces, et se permet alors de lui adresser un vague sourire qui exprime toute sa gratitude, bien qu’elle ne sache pas encore à quel point elle lui est redevable. « Je vous remercie, vraiment… » Répète-t-elle encore une fois d’une voix basse et chevrotante, quand bien même faisait-elle bien des efforts pour apaiser les tensions de son esprit. Elle libère même ses bras avec douceur afin d’appliquer l’une de ses mains contre son front moite puis, replaçant correctement quelques mèches de ses cheveux derrière son oreille, elle réalise enfin que sa mémoire lui fait défaut ; elle ne se souvient pas s’être déplacée, bien au contraire, les dernières images traversant son esprit la placent sur le passage piéton… Où elle aurait pu (ou aurait dû) être percutée par la voiture. La fameuse voiture.

Sans porter le moindre soupçon ni méfiance à son égard, elle questionne néanmoins son interlocuteur pour tenter d’obtenir une réponse, et celui-ci lui fait alors un aveu étonnant : « Autant être honnête, je suis téléporteur, vous alliez vous faire écraser alors je vous ai mis en sécurité hors du passage piéton. » Un mutant ?! Jean lève aussitôt son menton vers lui pour le dévisager avec une drôle d’expression au visage, ses paupières se plissant légèrement tandis qu’elle fronce ses sourcils en ayant l’air de vouloir le sonder, elle hésite même un instant à imprégner son esprit pour voir s’il ment mais… Nul besoin d’user de ses pouvoirs pour en avoir la certitude. Les yeux de l’homme qui se tient devant elle ne mentent pas, ils sont le reflet indicible d’une âme qui ne connait point la malignité. Touchée de la confiance qu’il lui accorde — puisqu’il n’était en rien obligé d’admettre la vérité, Jean lui adresse un sourire suave tout en repliant ses bras frêles contre son buste féminin, lui soufflant alors à l’esprit, sans même bouger les lèvres : « Cela nous fait un point commun, dans ce cas. Je suis une mutante également. » Quelles étaient les chances pour que deux mutants se rencontrent dans pareilles circonstances ? Mais alors que la rouquine calmait ses inquiétudes en se disant qu’elle se trouvait en présence d’un ami, d’un allié, d’un frère mutant, elle suivit son regard pour se rendre compte, en même temps que lui, de la blessure sanguinolente qu’il portait à la jambe. Et là, ce fut le drame dans l’esprit de la jeune femme. « Oh, vous êtes blessé ! » Fit-elle avec une réelle inquiétude dans la voix, sa main se portant à sa bouche et son visage se tordant même dans une expression sincèrement désolée tandis qu’elle incline le menton pour jauger ce qu’elle aperçoit de la plaie, visiblement affligée de lui avoir causé une telle blessure, aussi légère soit-elle. Il n’y a pas de demi-mesure pour une âme aussi douce que la sienne ; elle s’en tient déjà pour responsable. « Je suis vraiment désolée ! Vous devriez voir un médecin, on peut y aller tout de suite si vous le souhaitez ? Je peux appeler un taxi ? Enfin, en considération, on n’a peut-être pas besoin du taxi… » Elle s’embrouille dans son discours en essayant pourtant de rester logique, mais il lui propose plutôt d’aller manger quelque chose, ce qui la laisse davantage interdite durant quelques secondes ; remontant alors ses grands yeux bleus vers lui, la jolie rousse papillonne longuement des cils avant de reprendre, visiblement désarçonnée par la tournure des évènements : « Mais… Vous êtes sûr ? Et votre jambe ? Et le taxi ? » La scène est à la fois tendre et risible, chacun s’inquiétant du sort de l’autre…

« Un joli point commun alors… » Le sourire qu’il présente rejaillit sur les lèvres de la jeune rousse qui, sans véritablement comprendre les rouages d’une telle réaction intuitive, se met à lui sourire à son tour, son visage s’adoucissant joliment sous cet étirement gracieux. Il n’est point rare qu’elle rencontre l’un de ses semblables car elle vit entourée de mutants et a même été élevée par l’un d’eux mais, elle craint tant les réactions furibondes des inconnus potentiellement hostiles à leur cause que, la phrase qu’il prononce ne peut que lui mettre du baume au coeur. La mutation, est-ce réellement une jolie chose comme il le prétend ? Est-ce une malédiction ou une bénédiction ? Son sauveur semble avoir fait son choix et elle s’y aligne en cet instant, presque convaincue qu’il détient la vérité à ce sujet.

Néanmoins, son sourire s’estompe rapidement lorsqu’elle remarque sa blessure à la jambe, qui la fait aussitôt culpabiliser ; si elle avait été moins distraite par cette voiture ravivant de bien tristes souvenirs, il n’aurait pas été blessé en voulant lui porter secours… Pétrifiée par les remords, une expression sincèrement contrite au visage, elle se confond alors en excuses sincères, s’en voulant terriblement de lui avoir causé du tort mais, fidèle à la bienveillance dont il fait preuve depuis le début de leur rencontre, l’homme s’efforce de la rassurer une nouvelle fois : il l’affirme avec certitude, il n’a rien, n’a pas besoin de voir un médecin et ne lui en tient nullement rigueur. « Vous êtes sûr… » Marmonne-t-elle finalement en ne pouvant s’empêcher de zieuter sur sa jambe blessée, acculée par son refus de consulter un médecin et par l’aplomb de son sourire affirmé, qui ne permet que difficilement le marchandage. Peut-être est-ce parce qu’il est plus âgé qu’elle mais Jean n’ose pas vraiment le contredire ou insister davantage, alors lorsqu’il lui indique la direction pour rejoindre le fameux épicier, elle lève un regard un peu nébuleux vers celle-ci, délaissant la tâche rougeâtre sur le pantalon de l'homme pour se concentrer sur ses mots et sa proposition gourmande ; elle n’a pas vraiment faim — comme depuis un long moment déjà, ce qui explique sa maigreur, son teint blafard et ses joues creusées, mais elle n’a pas le coeur de refuser son invitation.

Il se tient devant elle, main généreusement tendue pour l’entraîner avec lui, regard pétillant et sourire jovial : il y a quelque chose de rassurant chez cet homme, quelque chose qu’elle ne saurait pas expliquer mais qui la pousse à glisser sa main dans la sienne en pressant ses lèvres l’une contre l’autre, tandis qu’un sourire commence à se former sur sa bouche. « Avec plaisir… Si j’offre le dessert. » Une expression mutine emportant ses traits, la jeune femme lui emboîte le pas en direction du fameux épicier, le suivant docilement tout en lui demandant, d’une voix plus apaisée mais néanmoins curieuse : « Comment vous appelez-vous ? » Après tout, il faut tout de même qu'elle connaisse le nom de son sauveur.

Est-ce qu’elle vient d’accepter, sans réfléchir et avec un élan décomplexé vraiment effarant, de suivre un parfait inconnu ? Il parait foncièrement gentil et il doit l’être de surcroît, sinon il ne se serait pas jeté au travers de la route pour lui sauver la vie, mais malgré le sourire sincère qu’elle affiche, la rouquine ressent une certaine appréhension durant quelques secondes, une méfiance naturelle et instinctive, propre à la survie de l’être humain et inculquée par les parents depuis l’enfance à leurs bambins : ne jamais suivre et ne jamais faire confiance à un inconnu. Après tout, elle ne le connait pas assez pour lui faire confiance et, un instant, l’idée qu’il puisse se téléporter ailleurs avec elle lui effleure l’esprit ; est-ce qu’il peut faire ça ?
         Cette pensée un peu trouble ne s’éternise pas dans son esprit car, la bonne humeur et le sourire naturellement enthousiaste lui font rapidement oublier cette sombre possibilité, et elle se met inconsciemment à le suivre tout en lui souriant réciproquement. « C’est un marché qui me semble honnête. » Conclue-t-elle d’une voix joviale en marchant en direction de l’épicier, qui fait office de snack préparant de délicieux tacos, dont l’odeur gourmande et fumée s’échappe des fenêtres pour envahir la rue ; d’ailleurs, nombreux sont les passants qui s’égarent quelques instants devant le menu affiché à l’extérieur, avant de franchir le pas de la porte. Assurément, c’était une bonne adresse, au calme et loin du brouhaha new-yorkais qui plus est, car les ronflements des moteurs et les exclamations des Klaxons s’eurent éteints. Cependant, le calme fut troublé par une scène étonnante, un homme se faisant attaquer par un volatile bien voleur et bien gourmand, qui lui dérobe son précieux déjeuner : d’abord amusée, la jeune femme pince ses lèvres l’une contre l’autre pour dérober un rire presque enfantin, qui fut étouffé contre sa main venue s’écraser contre sa bouche. Pauvre homme !

Néanmoins, l’attention de la jeune femme est de nouveau allouée à son nouvel ami, lorsque celui-ci entreprend de se présenter. Aaron Smith. Un nom plutôt facile à retenir, en somme. « Jean Grey. Enchantée. » Lui dit-elle en souriant, la pâleur de son teint absorbé par un souvenir malheureux ayant déjà retrouvé des teintes plus chaleureuses, par la magie insoupçonnée de l’être humain, trop souvent sous-estimé : la gentillesse.
        Une fois arrivée à destination, Jean lève ses grands yeux bleus vers les choix affichés sur le menu au-dessus des caisses : pendant qu’elle réfléchit à sa future commande, les mains glissées dans les poches arrières de son pantalon, la rousse entrouvre ses lèvres sous l’étonnement… La commande d’Aaron est une fournée pour un village entier ! Comment peut-il engloutir autant ? Est-ce un effet de sa mutation, qui lui dévore l’énergie ? Lorsqu’il finit d’énoncer son choix, ou plutôt ses choix, la jeune femme fait un pas en avant tout en lui lançant un sourire complice, visiblement amusée de la situation. « Un tacos végétarien avec des frites et de l’eau, s’il vous plaît. » Se retournant vers Aaron, elle lui demande, un sourcil relevé mais le sourire toujours aux lèvres : « Vous voulez quoi comme dessert ? » Une fois la réponse obtenue, la rouquine se retourne vers la serveuse pour demander leurs gourmandises respectives : pour elle, rien d’étonnant, ce sera un cookie !

Une fois les desserts payés par la demoiselle, celle-ci s’empresse de suivre son sauveur jusqu’à une table isolée, où elle prend place en soupirant de soulagement. Elle ne s’était pas rendue compte, jusqu’à maintenant, que ses jambes tremblaient encore. Prenant son plateau, elle déplace le dessert d’Aaron sur son propre plateau, se débarrassant ensuite de son sac qu’elle abandonne à côté d’elle, reposant ses coudes sur la table en levant ses yeux vers lui. « Bien sûr, on peut se tutoyer ! » Ses yeux se plissent sous son sourire, et elle commence à déballer son tacos encore chaud tout en répondant à sa question : « Depuis peu, oui. J’ai commencé les cours à l’université alors je dois faire le trajet presque tous les jours, sinon, je vis en dehors de la ville. Ce qui, entre nous, me convient très bien ! » Prenant une frite dans son cornet, elle l’apporte à ses lèvres et la picore en plusieurs morceaux, prenant le temps de savourer le goût avant de reprendre la parole,  curieuse d’en apprendre davantage au sujet de son sauveur : « Et toi ? J’imagine que ta mutation est pratique. Tu n’as aucune excuse pour être en retard toi, impossible de dire "il y avait des embouteillages" ! » Mutine, ses petits yeux rieurs se plissent de nouveau et son nez se fronce, lui donnant l’allure d’une enfant. Ils ne se connaissent que trop peu mais, déjà, Jean sent que l’homme qui se tient en face d’elle est quelqu’un de bien. Vraiment, quelqu’un de bien.