J’ai crié. Enzo a retiré sa main comme s’il se brûlait. La bouteille d’eau éventrée a chuté sur le sol.
Maintenant, j’ai envie de m’enfuir. Mon cœur palpite au point que je ne puisse plus fermer les lèvres. Mon regard s’est porté sur Nathan, lequel a porté sans main droite sous sa veste à l’arrière de sa ceinture. Néanmoins, malgré sa crispation, il a l’intelligence de savoir comment gagner cette confrontation et retient son réflexe en relevant le visage. L’attaque ne s’est pas poursuivit et l’attention de Luke s’est ramenée sur lui, ainsi s’immobilise-t-il en relevant le visage en arrière sans plus sourire mais en ayant conscience qu’il a fait ce qu’il fallait.
Les conneries que l’on peut déblatérer pourraient nous permettre de détruire Luke Hunt, entre les bonnes mains, et les craintes qu’elles généraient ont été confirmées par ledit Luke Hunt au point de me donner envie de toutes les délivrer au SHIELD. L’accident… oh oui, je comprends bien que c’était un accident par manque de contrôle mais c’est justement l’un des points qui fait qu’on a peur du dangereux dérangé : parce qu’il ne se contrôle pas. Nous voulons voir qui il est et lui demandons d’arrêter lorsqu’il le fait car il le fait par accident, devenant une menace, et non pour montrer qu’il n’y a rien à craindre. Nous intégrons les éléments qu’il nous donne, là où lui semble incapable de voir l’entièreté du tableau que l’on se fait de lui. Des éléments qui le rendent terrifiants, chose que j’exprime clairement pour ma part mais que son narcissisme et que son manque d’empathie l’empêchent de voir. Comme réagir s’il ne perçoit pas les choses ? C’est bien pour cela que Nathan a gagné et que Luke a perdu, parce que Nathan cherche à anticiper ce qu’il ne peut percevoir et utilise les choses que Luke Hunt ne peut percevoir. C’est pour cela que, sans agression de la part de Luke – agression qui nous mettrait à mal sur le long terme et nous couterait beaucoup mais nous permettrait de le détruire à moyen et long terme, Nathan n’interviendra pas physiquement. Il est plus intelligent que cela.
Nous ne nous demandons pas pourquoi Luke Hunt utilise un langage de tueur, de tortionnaire et de chasseur : nous soupçonnions qu’il en soit un et il confirme l’avoir été tout en étant encore instable. Une menace.
Une bombe à retardement.
« On connait ce que l’on observe de vous, dis-je en fixant ces yeux, tremblante. Et… »
Je serre les abdos, bloque le diaphragme, presse les poumons et force les mots hors de ma gorge car ils y resteraient coincés sans tant d’efforts.
« Et vous en avez assez fait pour que je vous demande de partir. »
Je suis terrifiée à la réaction qu’il peut avoir face à mon acceptation de sa proposition faite précédemment. Ce n’est pas sa franchir ou son allure qui me font lui demander de laisser la place à un autre, ce sont son instabilité et sa dangerosité.
Inutile de rebondir sur l’incohérence d’un homme prétendant avoir abandonné toute joie et rompu tout lien et qui souligne à présent l’importance des réactions émotionnelles de sa famille et de ses amis alors même qu’il semble incapable de considérer celles que les gens en face de lui montrent. J’espère qu’il ne nous tuera pas ni ne nous fera du mal pas rétribution mais Nathan s’assurera qu’il y perde tout s’il le fait. Destruction mutuelle assurée. C’est peut-être l’expérience qui l’amène à ainsi envisager les choses. Cinq ans d’expérience que je n’ai pas. Si Luke Hunt nous fait du mal, on lui en fait ainsi aucun des deux n’a intérêt à le faire ; même s’il n’y a pas d’intérêt à la base, la contremesure est là. Je comprends le principe d’avoir des contremesures. Hybride jaguar tueur centenaire ou pas, des @robeez pourraient neutraliser Luke Hunt. Elles exploiteraient la physique et biochimie à leur avantage là où il se contenterait de réagir. Car il réagit. Il n’a pas cette capacité d’aller vers les autres et de les comprendre qui lui permettrait d’être un bon vendeur ou même juste un être altruiste. Sans menace à protéger les gens, il ne peut surement améliorer leurs vies ; et même avec, il n’améliore rien, il évite juste d’empirer Il veut notre empathie, peut-être même qu’on le plaigne. On ne plaint pas une créature dangereuse tant qu’elle le reste. Un humain comme lui, on l’enferme d’abord pour qu’il ne puisse pas nuire et on cherche à l’aider ensuite pour que, lorsqu’il sortira de son enfermement, il puisse se réintégrer à la société et à ses semblables. Un animal comme un jaguar, on l’euthanasie et on passe à autre chose.
A rencontrer Luke Hunt, je comprends comment les anti-mutants peuvent se renforcer dans leur croyance en la primauté de la dangerosité de l’aspect arme-biologique sur l’aspect individuel. Cependant, pour moi, le problème n’est pas qu’il soit un hybride-jaguar artificiel et centenaire, c’est qu’il soit un chasseur et un tueur instable paraissant dénué d’empathie et dont la volonté de se "racheter" en "protégeant tout le monde" ne fait pas le point face à l’idée de "sortir de ce qu’il faisait d’habitude" en étant payé pour protéger une seule personne. Je comprends qu’il ait été brisé, il l’est toujours. Cependant, je ne risquerais pas ma vie pour lui. Pas plus que celles de Nathan et d’Enzo. Je veux apporter de la joie aux gens, Luke Hunt a déclaré avoir éliminée celle-ci de sa vie. Je ne veux pas souffrir par sa faute, que cela soit volontaire ou parce qu’il a des sautes d’humeur.
Sautes d’humeur que je crains et qui m’amènent à toujours essayer de converser un mètre cinquante de distance avec lui, entrainant Enzo avec moi à mesure que je me décale pour qu’on ne soit plus entre la porte et Luke Hunt. Enzo qui en fait de même, même si son instinct protecteur est largement moins développé que celui de Nathan pour des raisons évidentes. Au moins n’est-il pas blessé par le coup de griffe, enfin je l’espère ; Nathan devra regarder cela dès qu’on sera en sécurité. Pour l’instant, on ne l’est pas.
Madame Orchent prit la parole pour dire qu’il connaissait ce qu’il observait de moi et je sentais dans sa voix et dans sa façon d’être qu’elle était tremblante et avait réellement peur de moi. Je réalisa l’erreur que j’avais faite et la perte de contrôle que j’avais eu. Si Nathan et l’avocat avaient peur, il le montrait moins que madame Orchent et la pensé qu’elle ai peur de moi ne me plaisait. Elle repris en disant que j’en avais assez fait pour qu’elle me demande de partir. J'acquiesçai de la tête et baissa un peu le regard en signe de honte tant je m'étais rendue compte de la connerie que j’avais faite. Je me dirigea vers la porte qui était libre car ils s’étaient poussés pour me laisser passer.
“Désoler pour le dérangement et pour tout ça.”
Avais- je dit avant de quitter la pièce et de quitter le bâtiment peu après. J’avais totalement perdue le contrôle lors de cet entretien et j’avais effrayer cette jeune femme et je n’aurais pas du malgré les provoquations des deux hommes. En espérant que la prochaine fois qu’on se verrait si cela arrive, ça se passe mieux et que je puisse m’excuser. Je ne sais pas ce que Lynda penserait de ce qui vient de se passer mais c’est sur qu’elle ne serait pas d’accord sur comment j’ai réagis et surtout que j’aurais pu blesser l’un d’entre eux sans faire exprès.
C’est souvent après l’action ou l’événement qu’on réalise que c’est une erreur. Je crois voir cette réalisation chez Luke Hunt. Si cela me laisse envisager qu’il se reprenne, je veux me protéger et protéger ceux que j’aime. Je vois qu’il baisse les yeux, les sourcils, les lèvres, le visage, peut-être même les épaules ; la tristesse, la honte qui en est une forme complexe. Il y a de quoi. Si j’aurais tendance à vouloir réagir à cela et agir pour partager la joie qui m’est si chère, je tâche de m’en abstenir en m’accrochant à Enzo. La peur pour moi, la peur pour lui et la peur de Luke Hunt m’aident grandement. Il est brisé, je l’ai déduit. Je ne suis cependant pas capable d’aider quelqu’un qui serait dangereux pour moi. Pour ceux que j’aime. Pas actuellement.
« Désolé pour le dérangement et pour tout ça. »
Le dérangement n’est rien, j’aurai inspiré pour le dire parce que je parle trop mais le mouvement de Luke Hunt ramène ma peur au premier plan alors que je me décale au second. "Tout ça", en revanche, est d’une polysémie vertigineuse tant il peut y avoir de sens. Tout ça quoi ? La dangerosité ? L’instabilité ? L’inhumanité ? L’humanité qui survie derrière malgré tout ?
Trop d’émotion. Trop de cognition.
Un instant après qu’Enzo se soit laissé tomber sur sa chaise pour s’appuyer sur le dossier de celle-ci, soufflant tout le contenu de ses poumons vers le plafond, je me laisse tomber sur ses genoux pour m’appuyer des coudes et du bas du dos contre la table. Je respire vite et j’ai la tête qui tourne, fermant les yeux et tâchant d’inspirer par le nez et d’expirer par la bouche pour calmer mon cœur.
« Enzo, tu es blessé, demande Nathan en poussant l’autre chaise pour nous atteindre.
- Non, mon caleçon a survécu. »
Je lève sourcils et paupières pour le regarder alors qu’il en fait de même sur son avant-bras et sa main qui tenaient la bouteille d’eau. Merci ma Chance, il n’a rien. Je me fends d’un sourire content. Fatigué mais content. Cette matinée va être très longue mais elle aurait pu être pire. Nathan, de son côté, sort son téléphone pour couper l’enregistreur vocal.
« T’es sur, y’a comme une odeur, déclare-t-il avec un sourire avant de se tourner vers moi en rangeant le smartphone dans la poche intérieure de sa veste. Deux occasions de relooking ratées, pas trop déçue ? »
Je réfléchis un instant à la première et souris à mon tour lorsque je réalise.
« Bah, je me contenterais de toi. Après tout, t’es ma poupée Barbie. »
Tourné vers la table, Nathan s’empare de la bouteille d’eau devant sa place et l’ouvre en me regardant.
« Vu notre contrat, j’accepte même la perruque. »
Enzo et moi ricanons alors qu’il boit pour se calmer avec plus de dignité que nous. Je tourne mon regard vers le premier, du coup, qui lève un sourcil et me regarde de biais.
« Va te faire foutre, déclare-t-il suavement sans se parer de son habituelle politesse d’avocat.
- Zo, tu me connais. Tu sais qu’il faut du doigté.
- Vu notre contrat, j’accepte aussi de faire la femme. Mais dans une relation lesbienne uniquement. »
On tourne tous les deux nos attentions vers Nathan qui hausse les épaules.
« Je l'ai toujours dis : je n'ai rien contre les lesbiennes, je suis lesbienne moi-même. J'adore les femmes. Je trouve ça formidable.
- "Ça" ?! »
Après m’être redressée sur les genoux d’Enzo, j’attrape sa pile de feuilles pour les lancer sur Nathan.
« Ne fais… Lu, c’étaient les infos de toutes les personnes de la matinée... rangées dans l’ordre... avec feuille de question à la suite du CV correspondant…
- Euh… ça tombera pas plus bas ?
- Toi par contre. »
Je cris à nouveau, finissant sur les fesses quelques décimètres plus bas après que mon involontaire siège se soit volontairement levé. Ma paire de deux parait encore plus grande sous cet angle, Enzo remettant son costume en place et Nathan reprenant sa boisson. Cela m’aura peut-être coûté un peu de mon popotin et de ma dignité, mais je commence à me détendre et eux aussi.
« Tant que t’es en bas, tu veux bien ramasser ce que tu as fait tomber ?
Accueil
