[Terminé] Mise en garde

Les bras croisés contre son torse, il a l’impression d’être incapable de les déplier. Il se maintient debout grâce à eux, peut-être, devenant une statue que rien ne peut traverser, que rien ne peut briser. Ou peut-être l’est-il déjà et ce repli de lui-même lui permet de résister aux émotions grandioses qui le traversent en cet instant ; la colère, la haine et la rancoeur, les trois secouant son coeur agité et son estomac noué. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait plus ressenti de pareils sentiments et, faisant les cent pas dans l’appartement de Gabriela, il a de plus en plus de mal à les réfréner, rendu terriblement nerveux par les paroles de celle-ci. Elle est son amie et, à bien des égards, elle lui a offert une douceur constante qu’il ne croyait plus recevoir mais, le fait qu’elle puisse considérer Zemo comme un de ses amis lui est intolérable.
« Oui, on me l’a dit, je l’ai découvert après. Il … Mama-Rosa l’a trouvé sur notre palier, presque mort, blessé par balle. Je l’ai soigné. Je ne savais pas qui il était et il a disparu, me disant que ceux qui lui avaient fait du mal étaient à sa recherche et que de rester ici était me mettre moi et Mama-Rosa en danger. »
La dernière phrase le tend. Trop. Il interrompt sa marche sous l’effusion de colère, se tourne vers Gabriela en fronçant durement ses sourcils au-dessus de ses yeux clairs et, tendant légèrement son menton en avant comme s’il cherchait à obtenir une réponse qui n’avait formulé aucune question, il déclame sur le ton d’une mauvaise ironie, après avoir eu un ricanement mesquin :
« T’entends ça Rocket ? Il a bon coeur hein. »
Le Gardien est bien moins sévère que lui et, en cet instant, il doit lui être difficile de reconnaître son meilleur ami ; les deux personnes présentes dans la même pièce ne l’ont jamais vu dans cet état de colère palpable, car ses gestes sont empreints d’une frénésie presque acharnée, qui fait trembler jusque ses doigts agrippées à ses propres bras. Le parfum de la violence rôde dans ses traits, et sa mâchoire crispée donne l’impression de pouvoir broyer même l’acier ; seulement Bucky s’en moque de paraître mauvais, de les décevoir ou de perdre leur amitié. Il s’en moque parce qu’il sait qu’il a raison. Zemo ne mérite rien d’autre que ce qu’il a eu ce soir et personne ne le fera changer d’avis.
ㅤㅤMais puisque Rocket est le plus calme des deux et qu’il a encore un brin de lucidité, Bucky le laisse poursuivre la conversation avec Gabriela sans interférer. Il lève seulement les yeux au ciel d’un air désabusé lorsqu’il l’entend dire qu’elle a accompli son devoir et qu’elle est libre d’être l’amie de Zemo, si bien qu’il est obligé d’appuyer son dos contre un mur pour prendre de la distance avec leurs échanges. L’une de ses mains remontant finalement près de son visage pour couvrir sa mâchoire, il échange quelques regards avec Rocket en restant silencieux et immobile, jusqu’à ce que son ami dévoile ses blessures, causées par le Baron gisant encore dans une ruelle. Un nouveau soulèvement de colère, il laisse sa main retomber le long de son corps et traîne celui-ci de l’autre côté de la pièce pour échouer sur une chaise près de la cuisine, dans un soupir las, qui appui toutefois l’horreur de ce qu’il comprend. Elle sait. Il ignore à quel point Zemo a exposé son passé sous HYDRA mais, le fait qu’on lui est volé cette confidence et qu’on le mette au pied du mur ne lui plaît guère. Seulement, en cet instant, ce n’est pas la colère qui prime mais la tristesse. Il aurait aimé le dire à Gabriela, lui-même. Quand il aurait été prêt, quand il en aurait eu envie. Avait-il vraiment besoin d’une raison supplémentaire pour haïr Zemo ?
« Il m’a tout dit, même ce qu’il s’est passé après son évasion et surtout que rien ne l’arrêterai. » 
Alors qu’il avait appuyé son coude sur la table pour permettre à sa main de frotter sa tempe douloureuse, Bucky eut un ricanement moqueur. Sans cesser de masser sa tempe, il lâche, fier de lui :
« Il n’avait sans doute pas prévu notre rencontre, alors. »
Se redressant, Bucky quitte sa chaise pour faire quelques pas dans la pièce, se retenant de dire à Rocket qu’ils auraient dû lui tirer dessus ce soir mais il se retient, plus par égards pour la sensibilité de Gabriela qu’autre chose. Et comme il ne voit pas quoi rajouter d’autre, il décide de garder le silence, se rapprochant de la fenêtre pour zieuter à l’extérieur sans un mot. Entre ses retrouvailles avec Zemo et le fait que son passé ait ainsi été dévoilé, il n’avait pas grand-chose à dire sur le moment. Il avait plutôt hâte de rentrer chez lui.

Mise en garde

ft Bucky & Rocket

Coming like a hurricane
I take it in real slow
The world is spinning like a weather vane
Fragile and composed
Though I am breaking down again
I am aching now to let you in

Musique d'ambiance

Je dois faire peine à voir. Tremblante, le panneau de bois servant d’appui pour ne pas finir par terre. Oui, j'ai loin d’avoir fière allure. Je ne mens pas en leur répondant, leur parlant comme je l’ai toujours fait, avec beaucoup de sincérité.

Bucky est le seul à réagir durant mon discours décousu, d’une voix que je ne lui connais pas, qui me surprend beaucoup, autant dans le ton que dans l’attitude. Je ne le reconnais à cet instant.

« T’entends ça Rocket ? Il a bon cœur hein. »

Je ne sais que répondre à cela. J’ai presque envie de disparaitre sur le coup. Je le fixe alors qu’il fait les cents pas, la bouche entrouverte, comme en apnée. On dirait un animal en cage face à moi. J’ai l’impression depuis un mois, au moins cela, de vivre un cauchemar où mon monde n’a plus rien à voir avec le mien, celui que j’ai toujours connu. Outre les gens que j’ai rencontrée, des Avengers, des Gardiens de la Galaxy ou même d’autres … il est devenu beaucoup plus sombres, violent et pourpre…

"Le contraire m'aurait étonné, ce n'est pas la première fois que tu viens en aide à un blessé, j'ai aussi été sur ta liste. Tu ne pouvais pas savoir qui il était"

Mais est-ce que cela aurait changé quoique ce soit…. Je ne crois pas. Je ne l’aurais pas laissé mourir car ce que j’ai vu de lui. Ce visage de lui qu’il cache. Je veux croire que les triplées ont raison. Je veux croire qu’il est possible de le sauver, d’une manière ou d’une autre. Mais je vois ce qu’il a fait, à Rocket. Je vois les marques dont Zemo m’a parlé.

"Tu as fait ton devoir. On ne peut pas t'interdire de le revoir, mais tu sais maintenant qu'il cherche à nuire aux Avengers, en particulier à Bucky. Ils sont pour moi comme une seconde famille. S'il faut choisir un camp, je serais toujours de leur côté et j'espère que tu n'auras pas l'idée de t'interposer. On ne cherche qu'à le renvoyer la ou est sa place, en prison."

Le renvoyer en prison. Alors qu’est-ce qu’il s’est passé plus tôt ? Ils n’ont pas appelé la police tout à l’heure pourtant, ils ont fait autre chose. Je ne veux pas choisir un camp, car je ne veux pas laisser Zemo se détruire et continuer sa vengeance. Mais eux aussi. Le sang que je vois sur eux…
Ma pensée néanmoins s’arrête alors que je vois Rocket  qui me semble chanceler. Je me redresse légèrement pour le fixer avec plus d’attention. Il n’est pas remit.

"Ce n'est plus ton combat"

Plus mon combat ? Cette phrase me touche en plein coeur. Plus mon combat …
Alors qu’est-ce que mon combat si ce n’est protégé ceux que j’aime. Mon regard va de Rocket à Bucky. Je le vois lui, avant que Rocket ne commence à retirer ses bandages.

"Je n'étais qu'un intermédiaire, un simple pion qui détenait les informations dont il avait besoin et qu'il a tenté d'obtenir par la force. J'ai eu une seule occasion de lui tirer dessus ce jour-là, mais je ne l'ai pas fait..."

-Rocket … ?

Je le fixe, me rapprochant de lui. Sa manière de bouger, ses yeux. Il vacille, je m’approche plus rapidement pour être à côté de lui

"...Je l'avais prit pour un simple civil..."

-Rocket !

Pressentiment bon, je le rattrape tandis qu’il chute, juste avant que sa tête ne touche le sol. Mes doigts glissent aussitôt dans son cou, pour prendre ses constantes. Le rythme est bon, ses pupilles réagissent. Il s’est évanoui, il est probablement faible. Et vu ce qu’il s’est passé, il se pourra bien qu’il ait tiré sur la corde. Je le soulève et le pose sur le canapé avec douceur, mes réflexes revenant aussi sec. Je relève les yeux vers mi Oso pour tenter de le rassurer, je ne veux pas qu’il s’inquiète plus encore.

-Ses constances sont stables. Bucky, je dois vérifier ses blessures au cas où et j’ai besoin de la trousse verte… non la noire dans la salle de bain sur l’étagère… tu peux aller la chercher, s’il te plait ?

Et sans attendre, je commence à retirer ses pansements et fais ce pourquoi j’ai été formé, ce que j’ai toujours fais : soigner. Durant ce moment, je change. Mes mains ne tremblent plus, je suis concentrée. Je demande de l’aide à Bucky, pour me passer surtout tel ou tel outils ou alors juste m’aider pour panser ses plaies. Cela se fait parfois sans mots, parfois juste une indication.
Cela aurait pu être un moment plus doux, la première fois que nous nous retrouvions depuis bien longtemps. Pourtant, c’est bien pour soigner les plaies de Rockets que nous sommes là aujourd’hui, après que j’ai rencontré quelqu’un qui ne rêve que de tuer mes amis … qui eux-mêmes viennent de lui faire du mal.
Je lâche un soupir lorsque je finis le dernier pansement. Il va bien. Je pose un des plaids qui compose mon canapé sur son corps pour le couvrir, toujours avec douceur, comme je l’ai fait par le passé, plus d’une fois.

-Il a besoin de repos, on peut le laisser dormir ici, ce serait mieux pour lui de ne pas le déplacer tout de suite et ne pas le réveiller.

Je me relève et contemple mes mains. Il y a encore plus de sang. Et une partie a maculé également mes vêtements. Je me penche pour prendre les déchets pourpre pour les jeter et après un regard à Bucky, je vais vers la cuisine pour pouvoir tout jeter et au moins me laver les mains. Je lance par réflexe une bouilloire de thé et la laisse sur le feu alors que je reviens dans le salon, face à Bucky, toujours là. Je le regarde, ne sachant que dire pendant un instant. Puis je finis par enfin prononcer une phrase :

-Mi Os… Bucky Je … je voudrais te parler, je voudrais comprendre. Je ne veux pas t’acculer, je voudrais juste …

J’ai peur qu’il ne se braque. Je n’ai jamais insisté sur son passé, sentant que c’est un des sujets les plus sensibles pour lui. Mais je veux au moins finir ma phrase :

-Je ne sais pas ce que tu penses de moi, mais tu es une personne à qui je tiens, sincèrement. Toi comme Rocket, je ferais tout ce que je peux pour vous aider, que ce soit mon combat ou non. Je ne te forcerai jamais à rien, ni à me parler, ni rien. Mais sache que jamais ma porte ne te sera fermée et lorsque tu seras prêt, nous parlerons. Et je suis désolée, désolée de t’avoir déçue.

Je ne sais plus que dire d’autres. J’ai vu dans ses yeux, la colère, l’agacement, et ce mélange d’émotions si sombres. Pourtant, il est venu ici, me voir. Il aurait pu me repousser lorsque je l’ai pris dans mes bras. Mais il ne l’a pas fait.
La seule chose dont j’ai peur à ce moment, c’est de perdre quelqu’un parce que j’ai voulu en sauver un autre. De lui avoir fait mal sans le vouloir. Ce que j’ai appris, cela ne changera pas ma vision de lui. Il est mi Oso. Il est l’homme seul à qui j’ai amené une tasse chaude en plein hiver, juste pour qu’il ne prenne pas froid. Et je sens ma main trembler alors que je suis devant lui, car j’ai peur de ce qu’il va me dire.
Car je l’empêcherai autant de tuer Zemo que je ferai en sorte de le protéger de sa vengeance insensée également.

Et la bouilloire se met à siffler, le thé est prêt


@Bucky Barnes &  @Rocket Raccoon