Infirmerie de l'Institut Xavier - Dimanche 30 juin - 9:10 AM.
Les lumières de l'infirmerie, située au premier sous-sol du manoir, étaient restées allumées toute la nuit. Il n'y avait pas un mouvement, pas un bruit dans la grande salle presque inoccupée. Charles s'était endormi. A bouts de nerfs et de forces, il s'était effondré de fatigue au petit matin. Tout habillé, il était assis dans son fauteuil. Le haut de son corps reposait sur le bord d'un lit où était allongée une femme inconsciente. La main droite du télépathe était posée sur le bras de Lynda. Lynda…
La fin de l'année scolaire aurait dû marquer le début de deux mois de répit pour le professeur Xavier. Lynda et lui avaient même commencé à planifier la veille une semaine de vacances, durant laquelle ils partiraient ensemble loin de l'Institut et du projet X-Men pour l'un, loin de l'hôpital et du refuge pour l'autre. Mais ce rêve insouciant avait été de courte durée…
La Sorcière Sombre, cette menace qui pesait constamment sur Charles et ses proches, avait choisi ce moment-là pour refaire surface. Elle était de nouveau passée à l'acte, faisant ce que Charles redoutait le plus : après s'en être pris à sa sœur la première fois, elle s'était attaquée cette fois à la femme de sa vie, ainsi qu'à son élève la plus chère à son cœur. Il n'avait rien pu faire. Jean était partie. Lynda était plongée dans un état de stase psychique.
Dès que Wanda s'était volatilisée, suivie de près par Jean, Charles avait contacté Hank. Pris de panique, il lui avait expressément demandé de venir immédiatement dans son bureau pour l'aider à porter Lynda jusqu'à l'infirmerie. Il lui avait expliqué sommairement la situation, avant de se livrer à une lutte acharnée pour tenter de réveiller Lynda. Mais leur ennemie avait tout prévu : elle avait forgé un bouclier psychique empêchant spécifiquement Charles de forcer l'esprit de sa bien-aimée.
Il avait persévéré malgré tout, faisant la sourde oreille aux conseils pourtant bienveillants de son meilleur ami. Durant plusieurs heures interminables, il n'avait cessé d'essayer, ne s'arrêtant qu'épisodiquement, le temps de laisser couler quelques larmes quand il ne pouvait plus les retenir. Seules ses limites physiques avaient interrompu cette lutte désespérée, lorsque son corps et son esprit s'écroulèrent d'épuisement, lui offrant quelques heures de repos…
Fit-il d’une voix mesurée en frappant trois coups distinctifs contre la porte en bois de la chambre occupée par la dénommée Mystique, son regard bleuté vagabondant de gauche à droite pour s’assurer que personne ne viendrait interrompre cette visite matinale, qui n’avait rien d’une simple visite de courtoisie. Son cœur était lourd, ses yeux étaient cernés, son corps épuisé et, son esprit, grandement préoccupé, mais ce n’était nullement le moment de s’apitoyer sur son sort. D’autres étaient bien plus à plaindre.
La nuit avait été particulièrement éprouvante, et l’aube s’était levée sans qu’il ne puisse voir les premiers éclats du soleil doré ; mais le voile du mystère demeurait sur les sombres événements de ces dernières heures. Que s’était-il passé dans le bureau de Charles ? Pourquoi Wanda était revenue et pourquoi Jean était partie ? Ces questions, suspendues face à l’urgence de la situation, pesaient néanmoins dans son esprit bien qu’il n’osât encore les formuler à voix haute. Le temps des réponses viendrait bien assez tôt mais, pour l’heure, l’urgence était de rattraper l’esprit suspendu de Lynda, et les deux hommes s’étaient dévoués toute la nuit durant à tenter de la réveiller. Mais malgré tous ses efforts, et malgré toute la bonne volonté et la détermination de Charles, Lynda était toujours immobile, figée dans un état amorphe duquel elle semblait prisonnière. Qu’est-ce qu’ils allaient pouvoir faire pour l’en libérer ? Il n’en savait rien. Pour l’une des rares fois de sa vie, Hank se sentait cruellement démuni.
Et lorsque la porte s’ouvrit enfin, dévoilant Raven qui devait se questionnait sur les raisons de sa venue, Hank ne lui laissait guère le temps de parler qu’il s’engouffra dans sa chambre sans prévenir, lui parlant alors d’une voix basse mais qui transpirait d’un affolement certain :
« Wanda est venue, hier. Et Jean est partie. Ne me demande pas comment, ne me demande pas pourquoi, j’en sais rien. »
Marquant une légère pause dans son débit de paroles anormalement rapides, Hank avait glissé sa main dans ses cheveux avant de se retourner vers Raven, lui exposant alors une mine sévèrement affligée par l’incertitude et l’inquiétude :
« Mais ce n’est pas tout… Lynda est en bas, à l’infirmerie, dans un état plus que préoccupant. Charles est avec elle mais elle est… Inconscient, à cause de Wanda. Charles n’arrive pas à la réveiller, il a essayé toute la nuit mais elle a placé des barrières psychiques qui l’empêchent d’interférer dans son esprit… »
Ce n’était pas faute d’avoir sommé à son meilleur ami de se reposer, puisque la tâche semblait aussi ardue qu’impossible, mais Charles ne l’avait point écouté. Hank ne s’en formalisait point, il était évident qu’à sa place, si Raven avait… Bref. Ce n’était pas vraiment le moment de songer à ce genre de choses. Plutôt, Hank s’était redressé pour s’approcher de Raven d’un pas lent, lui disant alors d’une voix plus calme mais néanmoins lourde d’inquiétude :
« Il faut que tu descendes avec moi, Raven… Ton frère a besoin de toi. »
Hochant légèrement son menton de haut en bas durant quelques secondes, tous deux avaient pris la direction de l’infirmerie, le visage grave et la gorge nouée…
Quand tout bascule ... encore Hank McCoy, Charles Xavier & Raven Darkhölme
- Raven ?
Une voix que je reconnaitrais entre mille m’avait tiré de mon sommeil par trois petits coups distinctifs à ma porte ; tournant la tête sur le côté pour jeter un coup d’œil à mon réveil je grimaçais en voyant l’heure très matinale pour un dimanche matin. Qu’est ce qui me valait un réveil si anticipé aujourd’hui ? Quelque chose de grave ? Bondissant de mon lit en petite nuisette de couleur noire, je courais ouvrir la porte, le cœur battant à tout rompre. Était-il arrivé quelque chose ? A qui ? Charles ? Jean ? Cela ne pouvait être Hank puisqu’il se trouvait derrière ma porte. Perplexe, j’invitais Hank à rentrer dans la pièce alors qu’un petit frisson parcouru l’ensemble de mon corps en observant le visage tiré du Fauve. Lui qui d’ordinaire était si sérieux, mais si charmeur en même temps il semblait avoir veillé toute la nuit, et non pas pour plancher sur un problème scientifique, un mystère sur un chromosome ou je ne sais quoi d’autres.
- Qu’est ce que … ?
A peine avais-je eu le temps de parler qu’Hank pénétra dans ma chambre, et je fermis la porte derrière lui pour nous assurer un peu plus d’intimité. Maintenant il semblait être dans un état de stress parlant rapidement sans me laisser le temps de poser plus de questions, j’assimilais tout ce que me disait l’homme à fourrure bleue non sans laisser voir la peur se lire sur mon visage en entendant le prénom de Wanda. Malgré moi, j’effectuais un mouvement de recul, non pas contre Hank mais bien contre le nom qu’il avait prononcé. LA peur était toujours présente et je n’avais pas réussi à encore la maitriser, ce qui était vraiment rare pour moi.
Prenant mon visage entre mes mains, j’essayais de remettre mes idées en place mais une sonnette d’alarme résonnait dans mon cerveau. Wanda. Elle s’en était prise à la femme qui faisait battre le cœur de mon frère. Pourquoi cherchait-elle tant à le blesser ? D’abord moi, puis ensuite Lynda, les deux seules femmes de sa vie qu’il aimait de la sorte. Qu’avait-il bien pu se passer entre Charles et Wanda avant que tout cela ne dégénère pour qu’elle s’en prenne avec autant d’acharnement à mon pauvre frère ?
- Je … Oui… J’arrive tout de suite.
Les yeux qui commençaient à être humides je chassais d’un revers de la manche les quelques larmes, étant très sensible en ce moment, surement à cause de la vie qui grandissait en moi et qui me chamboulait un peu beaucoup. Sur le chemin de l’infirmerie, j’osais tout de même poser une question à Hank, concernant l’autre soucis majeur. Jean.
- Jean a été blessée ? Elle n’a rien ? Où est-elle ?
C’était plus fort que moi, je n’avais pu cacher le stress dans ma voix. S’il lui était arrivé quelque chose, je … non je ne le supporterais pas. Mais Hank avait dit partie ? Ce n’était pas pour m’annoncer qu’elle était morte ? Il n’aurait pas autant attendu pour me le dire, il savait l’attachement que j’avais pour la belle rousse.
Arrivés devant la porte de l’infirmerie, toujours en petite nuisette et pieds nus, je vis mon frère, le visage tiré, épuisé d’avoir pleuré, les yeux rouges, et sa belle allongée inconsciente, reliée à tout un tas de machine que Hank avait surement dû rendre opérationnelles. Une boule se forma au creux de mon ventre et j’eu la nausée en repensant à ce que j’avais fait vivre à cette femme.
- Charles …
Je me précipitais vers lui en courant pour venir le prendre dans mes bras et le serrer contre moi. C’était à mon tour de lui montrer que j’étais là, que je ne l’abandonnerai pas et que contre vent et marée je serai toujours là pour lui …
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Charles se réveilla en sursaut lorsque Hank et Raven pénétrèrent dans l'infirmerie. A vrai dire, il n'avait même pas réalisé qu'il s'était endormi, il ne s'était pas senti sombrer dans le sommeil. Il leur adressa donc un regard hagard et sembla perdu quelques instants. Puis tout lui revint brusquement en mémoire, avec la violence d'un coup de poing dans le thorax.
Ses yeux tombèrent sur Lynda, qui demeurait obstinément inconsciente. Sa triste expérience de la nuit passée le lui avait prouvé, il était vain de s'acharner. La Sorcière Sombre avait bien optimisé son système de défense psychique, et Charles ne pouvait pas le contrer. Ne rien pouvoir faire… Sans aucun doute ce qu'il détestait le plus. Il releva ensuite la tête vers son meilleur ami et sa sœur. Trop fatigué et à bout de nerfs, il ne s'interrogea pas sur la tenue incongrue de Raven. Il remarqua seulement l'inquiétude sur son visage.
Lorsqu'elle s'avança vers lui, les bras tendus, Charles se redressa correctement dans son fauteuil et sentit une douleur sourde dans son dos, signe qu'il avait dormi dans une mauvaise position. L'espace d'un instant, il hésita à laisser Raven le prendre dans ses bras, non pas qu'il n'en avait pas envie, mais parce qu'il redoutait de craquer. Mais au diable les convenances et les apparences, il en avait besoin. Il accepta donc son étreinte, enfouit sa tête sous la poitrine de sa sœur et pleura, sans retenue, durant plusieurs minutes.
Lorsqu'enfin il parvint à calmer la crise de larmes qui l'avait submergé, il se dégagea en douceur des bras de Raven et posa sur elle un regard certes triste, mais plus apaisé. Il avait eu besoin de se laisser aller une bonne fois, de laisser toute sa peine s'exprimer. A présent il avait les idées plus claires, il pouvait reprendre le contrôle de son esprit et de ses émotions, il allait pouvoir expliquer la situation. Il prit donc la parole, d'une voix un peu rauque :
« La Sorcière Sombre l'a attaquée. Physiquement elle n'a rien, ses constantes vitales sont bonnes, mais son esprit est maintenu de force en état de stase. Le blocage psychique a été spécifiquement conçu pour que je ne puisse pas le briser. Il faudrait un autre télépathe, mais je ne vois que Jean qui pourrait en être capable, et elle est partie… »
Quelque peu soucieux d’avoir laissé Charles dans sa solitude douloureuse, quand bien même celui-ci était encore plongé dans un sommeil profond au moment de son départ, Hank redoutait qu’il se réveille en son absence, pour seule vision tragique, le corps immobile de sa dulcinée. Il lui fallait le visage d’un ami et la présence de sa soeur à ses côtés pour supporter le poids de la souffrance et du désespoir, Hank en était certain. C’est pourquoi, n’ayant même pas laissé le temps à Raven de se changer en cette heure pour le moins matinale, il avait pressé le pas dans les dédales du Manoir pour atteindre l’infirmerie au plus vite.
Sur le chemin, Raven l’avait questionnée à propos de Jean, qui s’était volatilisée sans qu’il ne sache ni comment ni pourquoi, et il avait d’abord espacé ses lèvres sans prendre la parole. La voix de son amie impliquait une inquiétude vivace à laquelle il n’était pas sûr de pouvoir apporter réconfort, car c’était évidemment une interrogation qui le préoccupait également, mais n’ayant pas eu le coeur de questionner Charles à ce propos, il n’avait que trop peu de réponses à lui offrir.
« Je n’en sais rien, Raven… Je ne sais même pas pourquoi elle est partie. Elle était avec Charles, Lynda et Wanda, c’est tout ce que je sais. »
Peut-être que Wanda l’avait capturée ? Songea-t-il sans oser l’avouer à voix haute pour ne pas accabler Mystique, et se formulant ainsi la pensée que Charles aurait dû les prévenir si c’était la vérité. Après tout, la Sorcière Sombre avait déjà manipulé Raven pour qu’elle soit un soldat entre ses mains et elle avait été redoutable. Alors si Jean devenait l’arme de Wanda… Ils devaient se préparer au pire.
« Mais je suis sûr qu’elle va bien, ne t’en fais pas. »
Non, il n’en savait rien et il était pétri d’angoisse, mais que pouvait-il lui dire d’autre ? Une fois devant les portes de l’infirmerie, Hank laissa Raven passer la première afin qu’elle puisse se précipiter vers Charles, qui s’éveillait à peine, et qui s’écroula enfin de chagrin dans les bras de sa soeur. Le sien s’était inévitablement serré dans sa cage thoracique tandis qu’il observait les deux mutants enlacés, la peine de Charles l’étreignant bien plus qu’il ne voulait le montrer. Il voyait son meilleur am souffrir et il se sentait impuissant, incapable de l’aider et de soulager sa peine…
Contournant la table pour se pencher au-dessus de Lynda, Hank avait une nouvelle fois vérifier ses constantes vitales avec une grande attention, vérifiant que tout allait pour le mieux de ce côté là avant de se redresser pour oser enfin demander, d’une voix hésitante car il redoutait la réponse :
« Charles… Je sais que ce n’est pas forcément le meilleur moment… Pourquoi Jean est partie ? Qu’est-ce qu’il s’est passé avec Wanda ? »
Quand tout bascule ... encore Hank McCoy, Charles Xavier & Raven Darkhölme
Comment ça ? Jean était présente lorsque Wanda avait exercé son influence néfaste et lancé son funeste sort sur Lynda ? Etait-elle … Dans le même état que Lynda ? Comment …
Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. J’étais réellement très inquiète pour Jean, et je voulais obtenir des réponses. Et l’intonation de Hank ne me disait rien qu’il vaille. Mais, en entrant dans la salle, voyant mon frère se réveiller et l’état dans lequel il était, je vis bien que le moment n’était pas propice pour lui poser toutes ces questions.
Le voir dans cet état, si fragile, si faible, si vulnérable… C’était vraiment … inhabituel, et cela me déchirait le cœur. Me moquant totalement de la tenue légère dans laquelle je me trouvais, j’accueillis mon frère contre moi, et mon instinct maternel et protecteur refis surface. Les bras glissés autour de son cou, je le lassais pleurer contre moi pendant de longues minutes, me doutant que la scène devait être légèrement gênante pour Hank. Mais c’était le meilleur ami de Charles, il pouvait comprendre. C’était un homme bon et avec le cœur sur la main.
Caressant la nuque de mon frère avec mes pouces, je ne pus empêcher des larmes de venir rouler sur mes joues, mais je ne voulais pas que cela se voit alors à chaque nouvelle larme, je mutais mes joues pour les faire disparaitre avant qu’elles ne dévalent mon visage pour venir s’échouer sur le crane de mon frère. Je ne bougeais pas, le laissant décharger sa peine, dans ce que j’espérais être, le réconfort de mes bras. Après des torrents de larmes, l’homme en fauteuil recula et reprit la parole. J’en profitais pour me tourner vers Lynda, l’observant enfin en détails. Je n’osais pas la toucher, me sentant je ne savais pas pourquoi, aussi responsable en partie de ce qui lui était arrivé. Déglutissant avec difficulté, j’avançais d’un pas dans sa direction, mon regard fixé sur son visage qui semblait comme mort mais qui respirait toujours. D’un petit pas, je posais la main non pas sur sa peau, en contact direct mais à travers le tissu de son pantalon pour ne pas qu’elle se sente trop agressée par moi, me doutant qu’elle ne me portait pas vraiment dans son cœur après notre dernière rencontre. L’oreille attentive aux paroles de Charles, donnant quelques explications supplémentaires sur les récents évènements Hank anticipa mes questions sur Jean.
Les yeux clos, j’essayais d’envoyer toute ma force à Lynda à travers ce simple contact mais je savais que cela ne servait strictement à rien. Elle n’était plus là. Ou du moins si son corps lui était présent, son esprit lui était ailleurs, et visiblement hors t’atteinte de Charles.
-Dites moi où elle est. J’irai la chercher. Si il faut je prendrais Scott avec moi. Il suffit que tu te connectes au Cérébro pour la trouver. Je ferais tout pour aider Lynda … Je ne vois pas pourquoi elle refuserait de t’aider… Tu l’as élevé comme ta propre fille …. C’est impensable … A moins que … Elle n’est pas morte Charles ? Wanda lui a fait du mal ? Comme à moi ?
Un vent de panique me souleva presque de terre alors que l’angoisse la peur et la tristesse étaient très clairement marqués dans ma voix. "Jean est partie…" Plusieurs fois que j’entendais cette tournure de phrase.
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Hank vérifia une nouvelle fois l'état de santé de Lynda, à défaut de pouvoir faire autre chose. Charles partageait son sentiment d'impuissance, mais il était pour l'heure incapable d'avoir pour son ami la moindre parole rassurante ou le moindre geste de consolation. Il devait déjà lutter pour garder la tête froide, pour refouler ses émotions afin de pouvoir réfléchir correctement. Malgré la peine immense qui le harassait, il devait tenir le coup, le temps de trouver des solutions et de gérer les conséquences de cette tragique attaque.
Le geste de Raven envers Lynda l'étonna autant qu'il le toucha. Il savait que la relation entre les deux femmes était loin d'être simple et amicale : elle avait mal commencé et n'avait fait qu'empirer avec l'intervention de la Sorcière Sombre. Mais Raven savait l'amour que Charles éprouvait pour la médecin, l'importance qu'elle avait à ses yeux. Lorsqu'elle annonça qu'elle ferait tout pour aider Lynda, il sentit de nouveau les larmes lui monter aux yeux, mais il les empêcha de couler. Il devait rester concentré.
Inévitablement, Hank et Raven posèrent des questions sur Jean, et il allait bien falloir que le télépathe y réponde. Se remémorer les événements de la veille était douloureux, imaginer l'état dans lequel devait se trouver Jean en ce moment était encore pire. Il allait de plus devoir révéler de nouveaux secrets à sa sœur, il savait pertinemment que cela n'allait pas lui faire, et il ne se sentait absolument pas prêt à essuyer une nouvelle dispute. Mais ils avaient besoin de réponses, ne serait-ce que de savoir que la jeune mutante était en vie. En revanche, elle était probablement loin de bien aller.
« Non non, Jean n'est pas morte, mais elle n'est pas hors de danger pour autant. La Sorcière Sombre s'en est prise à elle, elle a tenté de la persuader que je ne faisais que la manipuler depuis son enfance... Elle a fait sauter la protection psychique que j'avais mise en place lorsqu'elle était petite. »
Il adressa à Hank un regard entendu. Son vieil ami savait bien à quoi il faisait allusion, il l'avait même encouragé à le faire, à l'époque. Mais Raven n'était pas au courant de cette histoire, et Charles espérait que Hank prendrait le relais pour lui expliquer si elle posait des questions. En attendant, il avait encore beaucoup à dire, et il y avait beaucoup à faire.
« Jean ne voudra probablement pas revenir, du moins pas pour le moment, mais elle ne doit pas rester seule. Je doute qu'elle veuille me parler, elle doit être trop en colère contre moi, la Sorcière Sombre s'en est assurée. »
Peut-être que Raven aurait plus de chance de la convaincre, surtout si elle allait la trouver avec Scott. Et si elle refusait de revenir, il faudrait la confier à d'autres personnes qui pourraient la surveiller, des gens de confiance, mais qui ne faisaient pas partie de l'Institut... Des membres du Jack's refuge peut-être ? Ou Rocket ? Mais pour pouvoir parler à Jean, encore faudrait-il qu'ils puissent l'approcher... et aussi qu'ils la retrouvent.
« Je ne suis pas en état d'utiliser le Cerebro Raven... »
Le Cerebro ne faisait pas de miracle, il amplifiait le pouvoir de Charles, mais si le télépathe n'était pas en mesure d'utiliser correctement son esprit, la machine ne pourrait rien y changer. Une fois de plus il posa son regard sur Hank, cherchant son soutien. Lui savait ce que cela donnait lorsque le Cerebro était utilisé dans de mauvaises conditions, il y avait assisté bien des années plus tôt, lorsqu'ils recherchaient Raven, justement...
Après quelques secondes d’une attente interminable, la sentence de vérité était enfin tombée de la bouche de Charles, apportant une part de réconfort et d’inquiétude à la fois : Jean était bien vivante, mais pas hors de danger. À ces premiers mots, Hank avait machinalement appuyé l’une de ses mains contre le meuble derrière lui, pour avoir un point d’ancrage pour les mots qui allaient suivre, et qu’il redoutait ardemment. Est-ce que Jean avait été capturée par Wanda comme il en avait été de même pour Raven ? Devraient-ils craindre une attaque prochaine de celle que l’on nomme comme le Phoenix ? Déglutissant avec difficulté, il avait patiemment écouté son ami qui relatait les événements de la veille, sans qu’il ne puisse y trouver le moindre réconfort.
Soutenant le regard de Charles en hochant légèrement son menton de haut en bas, il avait finalement croisé ses bras contre son torse tout en appuyant le bas de son dos contre le meuble derrière lui, rajoutant après la première prise de parole du télépathe :
« Nous n’avions pas d’autres choix, à l’époque… Elle a débarqué ici après le décès de ses parents et elle savait très bien qu’elle avait provoqué leur accident, même si ce n’était pas volontaire. Ses pouvoirs étaient déjà… Elle n’aurait jamais pu grandir en ayant ça en mémoire. Il fallait la protéger d’elle-même. »
Peut-être cherchait-il à se convaincre qu’ils avaient agi à bon escient, et une part de lui-même affirmait que ce n’était que la stricte vérité. Ils n’avaient jamais eu la volonté de la nier, de la manipuler ou de l’opprimer, mais seulement de lui permettre de grandir et de vivre sans culpabilité. Pouvait-on leur reprocher cela ?
Charles reprit la parole et Hank avait continué d’acquiescer à ses mots, se sentant accablé d’un poids qui retombait d’un coup sur ses épaules. Ils étaient dans une impasse. Si Charles ne pouvait pas agir pour faire revenir Lynda et que Jean ne reviendrait pas de sitôt… Cela voulait donc dire qu’elle allait rester inconsciente indéfiniment ? La Sorcière Sombre avait pensé à tout… Elle s’était assurée de faire souffrir Charles le plus possible, et son plan était une cruelle réussite.
« Nous allons la retrouver, Charles. Wanda s’est peut-être employée à la retourner contre toi mais Raven a tissé un lien fort avec elle, je suis sûr qu’elle l’écoutera. »
Du moins, il l’espérait. S’il voyait bien évidemment la nécessité de la ramener pour libérer Lynda, savoir qu’une de ses élèves était en proie à une telle souffrance le préoccupait tout autant. Pour l’une comme pour l’autre, il fallait retrouver Jean pour qu’elle soit en sécurité… Qui sait ce qui pourrait arriver si elle trouvait refuge entre de mauvaises mains ? Ne voulant pas amplifier le désespoir de chacun, il avait gardé ces questions pour lui.
« Peut-être que Scott connaît un endroit qu’elle apprécie particulièrement ? Si elle a perdu tous ses repères, il est naturel qu’elle retourne dans un endroit qu’elle connaît et où elle se sent en sécurité... »
Il n’était pas assez proche de la jeune mutante pour avancer la moindre hypothèse, et c’est pourquoi il posa brièvement son regard sur Raven, comme pour la questionner du regard, s’attendant à ce qu’elle apporte une réponse qui les conduirait peut-être à elle. Par la suite, et sans bouger d’un millimètre, il avait détourné les yeux sur Charles, songeant également combien il serait imprudent et dangereux d’utiliser le Cerebro dans ces conditions. Secouant alors légèrement son menton de gauche à droite, il avait repris à sa suite :
« Est-ce que tu penses que Jean pourrait être sous l’influence de Wanda, comme Raven l’a été ? Peut-être qu’elle l’a éloignée de toi pour la récupérer sous sa coupe… Charles, si nous devons essayer de la retrouver, il vaut mieux qu’on se prépare au pire… »
Quand tout bascule ... encore Hank McCoy, Charles Xavier & Raven Darkhölme L’inquiétude me rongeait. C’était tout simplement horrible. Il était impensable pour moi de me dire que la belle rousse ne respirait plus. Chancelante, j’avais posé une de mes mains sur le brancard de Lynda, m’y reposant comme je pouvais. J’étais prise de nausée dans l’attente de la réponse de Charles. Mais... Pour mon plus grand soulagement j’entendis les mots suivants : Jean n’est pas morte. Elle était toujours en vie. Dieu merci. Malheureusement ce n’était pas la seule nouvelle du jour. La disparition de Jean, l’inconscience de Lynda. Et pardon ?
Mes yeux s’ouvrirent en grand. La protection placée dans la tête de Jean ? Déglutissant avec difficulté ravalant la bile qui me montait à la gorge. J’allais vomir je le sentais. Un subtil mélange de nausées matinales et de répulsion par rapport à ce qu’ils avaient fait tous les deux. Accusatrice, mon regard froid se posa sur Charles puis sur Hank.
-Comment as-tu osé jouer avec son esprit ?! Ce n’était qu’une enfant !! Et toi ! Tu l’as laissé faire !
Je n’étais pas là, à cette époque. Je n’avais pas connu Jean enfant, mais l’idée de savoir que les deux seuls hommes au monde en qui j’avais toute confiance avait pu faire cela à une fillette. Et pas n’importe laquelle Jean. Celle que je considérais comme une petite sœur.
Ma main droite se porta sur ma bouche, le pouce contre la narine, je secouais la tête négativement respirant profondément, l’air sifflant contre mon pouce. Je n’avais qu’une seule envie. Leur dire le fond de ma pensée. Les lèvres pincées sous ma main, je tentais de me retenir, espérant écouter jusqu’à la fin les deux hommes qui avaient trahis Jean.
La mention de Wanda faisant du Phoenix une marionnette comme je l’avais été fini de m’achever et je ne pus me retenir très longtemps. Les larmes aux yeux, toujours pieds nus, avec ma nuisette assez ample, je me mis à courir vers l’extérieur de la pièce, prenant la poubelle la plus proche, je vomis la porte battante, se refermant empêchant les deux hommes d’entendre ce que je faisais.
Était-ce les affres de la grossesse mêlée au dégout et à la déception de leur attitude ? Surement. Une fois chose faite, très glamour, j’allais vers la fontaine à eau à deux pas de l’infirmerie pour me rincer la bouche et passer de l’eau sur mon visage. Je revenais dans l’infirmerie, me doutant que j’allais avoir des questions sur ma petite escapade mais mon regard en disait long. M’éloignant des deux hommes le visage fermé.
Dans une posture complétement close, les bras croisés sur ma poitrine j’avais du mal à ne pas exprimer ma rancœur et mes sentiments envers les deux hommes. Mais je ne devais pas être méchante. Ce n’était pas vraiment le moment de rajouter une couche sur Charles, mais cela se voyait vraiment que je me faisais violence pour ne pas les incendier proprement : à la manière d’une professeur qui engeulerait ces deux élèves ou d’une mère avec ces deux enfants. Sauf que vous n’étiez ni mes élèves ni mes enfants. Vous étiez respectivement, mon frère et … et … mon Hank.
D’une voix froide, je rebondissais sur les paroles des deux hommes avant ma petite escapade.
-Peut-importe qu’elle soit sous l’influence de Wanda ou pas, je n’arrêterais pas de la chercher jusqu’à ce que je la trouve. J’ai quelques idées d’où chercher. Et bien que cela ne vous plaise pas. J’irai demander de l’aide à Erik.
Il était évident que la mention de Magnéto devant ces deux hommes n’allaient pas les laisser de marbre.
-Pendant que j’étais sur Genosha…
Il était difficile pour moi de parler de la période où j’étais « Vilaine Raven » et c’était d’ailleurs la première fois que je parlais aux deux hommes.
-J’ai fait la connaissance d’une mutante télépathe. Vous la connaissez aussi. C’est Psylocke. La mutante optimisée par Apocalypse, que nous avons combattu. Elle pourrait nous aider… Aussi bien pour retrouver Jean que pour sauver Lynda.
Finis-je par dire en dérivant un regard beaucoup plus doux sur la belle endormie.
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Hank le soutint, comme il l'avait espéré, donnant plus de détails à Raven, tâchant lui aussi de lui faire comprendre qu'ils avaient agi ainsi pour le bien de Jean. Malheureusement, Raven ne le perçut pas ainsi. Sa réaction et ses mots firent beaucoup de mal à Charles, qui encaissa le coup en levant les yeux au ciel d'un air incrédule, comme s'il avait du mal à croire qu'elle puisse lui faire un coup pareil.
Il lui fut très difficile de se concentrer sur les mots de Hank, tant il se sentait outré par l'attitude de sa sœur. Elle se montrait si injuste… au pire moment possible… Lorsqu'elle finit par quitter la pièce en courant, Charles ressentit un besoin viscéral de faire sortir les émotions qui le submergeaient de nouveau. Il se saisit du premier objet qui passa à sa portée - en l'occurrence une bouteille d'antibiotiques liquides - et l'envoya violemment valser contre un mur, où le flacon se brisa en mille morceaux.
Pas un mot ne sortit de la bouche du télépathe, jusqu'au retour de Raven.
Il garda les yeux résolument fixés sur le mur d'où dégoulinaient les restes de l'antibiotique, et ne tourna la tête vers elle que lorsqu'elle mentionna Erik. Le visage parfaitement fermé, il l'écouta jusqu'au bout, avant de finalement reprendre la parole, d'une voix ferme, difficilement calme.
« Non. C'est hors de question. Et ça n'a rien à voir avec toi. Il ne faut surtout pas qu'Erik se rende compte du réel potentiel de Jean. Dieu seul sait ce qu'il ferait alors. Crois-moi Raven, c'est beaucoup trop dangereux. Si tu veux protéger Jean, ne mêle pas Erik à tout ça. »
Il espérait fortement qu'elle allait le croire, qu'elle ne penserait pas qu'il manquait d'objectivité à cause de la relation entre Erik et elle, car pour le coup ça n'avait vraiment rien à voir. Charles connaissait Erik, il connaissait ses ambitions et ses convictions, il savait aussi qu'il était prêt à tout, même à sacrifier ses proches, pour sa cause.
« Vous savez très bien jusqu'où il peut aller pour atteindre son but… »
Se doutant bien que l'idée que Jean puisse être contrôlée par la Sorcière Sombre était une grande source d'inquiétude pour Raven et que c'était en partie ce qui l'avait fait vriller, Charles s'efforça de calmer leurs craintes à ce sujet.
« Le don télépathique de Jean, libéré de ses entraves, est bien plus redoutable que celui de la Sorcière Sombre, il surpasse même le mien. Wanda ne pourra rien contre elle. Mais ce pouvoir est bien trop puissant pour elle, il risque de la consumer… Raven, j'ai besoin que tu sois avec moi, que tu me soutiennes, j'ai besoin que tu me fasses confiance. Je… »
Son regard se posa sur Lynda, et à nouveau ses yeux s'embuèrent de larmes. La Sorcière Sombre lui avait porté un coup terrible la veille, son moral était au plus bas, et malgré toute la force psychique qu'il possédait, il ne se sentait pas capable d'en endurer plus. Faiblement, d'une voix brisée, il conclut :
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