[S.H.I.E.L.D.] Malady Malekithdóttir - Crooked Young

Malady pianotait distraitement sur l’écran, sifflotant un air sans queue ni tête. Le temps était si long. Elle en venait presque à envier son peuple resté sur Svartalfheim. Elle tenta de s’asseoir plus confortablement sur son siège mais rien n’y faisait. La navette n’avait clairement pas été conçue pour le confort de ses passagers, mais pour son blindage permettant de revenir dans l’action sans décéder pendant le trajet. Le genre d’utilisation typique d’un peuple guerrier comme le sien. Le sifflement de Malady finit en un soupir.

Elle était née il y a cinq millénaires et cinquante ans; alors que son peuple était déjà en guerre. Dès lors que ceux-ci avaient atteint le statut de civilisation avancée, ils s’étaient jetés à l’assaut des autres royaumes. Et - comme toujours - Asgard était intervenu. Elle pouvait encore entendre aujourd’hui les conversations anxieuses à voix basse autour des rapports provenant du front. L’armée perdait - et vite. Les Asgardiens étaient puissants et surtout capables de s’allier à d’autres nations.

C’est ainsi qu’étaient nés les Kurses, des elfes noirs qui avaient choisi une mort lente et douloureuse plutôt que de faillir au combat. Et pendant un temps, la stratégie paya.

Malady n’avait que peu de souvenirs de son enfance. Il y avait pêle-mêle l'entraînement au combat, les rapports stratégiques auxquels elle assistait - à la demande de sa mère - sans un mot et les discussions avec les rares soldats rentrant du front. Ceux-ci l’aimaient bien, elle n’était pas envahissante, savait trouver les bons mots pour les réconforter et n’hésitait pas à tenir tête aux soldats les plus têtus en cas de désaccord. Son souvenir le plus vif était d’ailleurs de l’un d’entre eux - elle ne se rappelait maintenant plus de son nom, hélas - qui lui avait dit après un coup d'œil rapide aux alentours que cette guerre aurait sûrement été déjà remportée si elle était à la place de son père.

Sa relation avec son père avait toujours été… compliquée. Dès sa naissance, son père l’avait rejetée simplement parce qu’elle était du mauvais genre. Malekith désirait un héritier masculin pour continuer sa croisade si jamais il tombait au combat. Pour lui, une femme ne pouvait pas dépasser le statut de chair à canon. Sa petite enfance, Malady l’avait passée dans les jupons de sa mère. Son adolescence, à observer son père de loin. Dès l’âge adulte, elle s’était présentée comme son égal.

Le premier réflexe de Malekith avait été de l’ignorer. Néanmoins, c’était plus facile à dire qu’à faire. Sa fille était devenue une femme le surplombait aisément d’une tête, revêtue d’une armure traditionnelle et avec un air si sévère que même lui pouvait sentir une goutte de sueur perler sur son front lorsqu’il lui parlait. Alors, Malekith lui avait fait justifier son statut de princesse. D’abord en commandant des unités. Puis des bataillons. C’était sans compter les longues années qu’elle avait passé à observer les réussites et les échecs de son père. Ses troupes étaient plus efficaces et surtout, ces dernières revenaient en vie. Alors, pour éviter de se retrouver avec une insurrection sur ses bras, il lui avait retiré ses pouvoirs militaires. Cependant, il lui avait offert une possibilité simple de faire ses preuves : battre Algrim, son lieutenant, en combat singulier. La plupart des elfes noirs auraient trouvé le match injuste, le Kurse étant une bête faite pour le combat. A son grand dam, sa fille avait accepté.

Le combat avait été rude mais elle était sortie victorieuse, principalement grâce à sa maîtrise de Svarthull, sa fourche militaire en matière noire. Tout comme son armure, elle avait sorti cette arme de l’armurerie de Malekith, délaissée au profit d’armes modernes. Après ça, Malekith l’avait laissé se montrer à ses côtés, incapable de l’ignorer mais s’adressant toujours à elle avec un “mon fils” méprisant, crachant sur son ambition à défaut de pouvoir le faire sur son héritage.
Malheureusement, l’avantage procuré par les Kurses ne dura qu’un temps. Les Asgardiens repoussèrent les elfes noirs jusqu’à leur terre natale, Svartalfheim. Là, Malekith tenta d’utiliser l’Aether mais celui-ci lui fût subtilisé par Bor, le père d’Odin. Voyant la défaite approcher, il décida alors de sacrifier toutes les arches à l’exception de la sienne pour causer un maximum de morts dans le camp ennemi. Ce jour-là, Malady perdit sa mère. Des larmes de rage coulaient sur son visage alors qu’elle rentrait en hibernation avec la poignée d’elfes noirs qui encore en vie.

Lorsque cinq mille ans plus tard, ce qui restait de son peuple émerga de son hibernation, Malady s’opposa immédiatement aux plans de son père. Il leur restait à peine assez de soldats pour refonder une civilisation - une invasion allait les annihiler définitivement. De leur désaccord émerga un schisme. Une dizaine d’elfes noirs décidèrent de se rallier à elle. Son père, ne pouvant supporter cette opposition leur ordonna de quitter le vaisseau, déclarant de ne pas avoir besoin de lâches dans son armée. Les derniers mots de Malady à l’équipage du vaisseau furent : “Que vos morts soient aussi rapides qu’elles seront inutiles.”

Le reste était allé très vite. Une fois arrivés sur Svartalfheim, son équipe établit un campement de fortune, dans la carcasse d’une arche recouverte d’une poussière millénaire. Quelques jours passèrent, pendant lesquels les survivants tentèrent d’installer un campement de plus longue durée, avant de se réfugier le soir à l’abri. Et grand bien leur en fit, puisque tous furent réveillés un soir par une explosion massive, qui manqua de souffler leur vaisseau de peu. Après avoir attendu de pouvoir sortir en toute sûreté, ils n’avaient pu que constater la défaite de leur ex-leader, l’ossature fumante de la dernière arche lui faisant office de tombe.

Pendant les onze ans qui suivirent, les elfes noirs tentèrent de se reconstruire, Malady à leur tête. Il devint hélas rapidement évident qu’ils n’arriveraient jamais à relancer leur civilisation ou même survivre à long terme. Alors, elle décida de tenter de les stabiliser tout en travaillant sur une solution. Cette solution, c’était une navette. Extraite de l’arche qui leur servait d’abri, elle était presque en état de fonctionner - leurs précédentes navettes ayant été soufflées en un million de pièces par l’explosion de la dernière arche. Tout ce temps fût passé à rafistoler la navette dans l’espoir de pouvoir contacter une autre civilisation et négocier de l’aide. Malady employait ce mot mais était consciente qu’il y avait de grandes chances pour que les “négociations” soient en réalité des supplications.
Deux membres de son royaume avaient également disparu soudainement, avant de réapparaitre tout aussi inexplicablement cinq ans plus tard. Personne n'était à l'abri de Thanos, pas même Svartalfheim. Ravie de les retrouver, Malady se promit néanmoins de demander des comptes à la personne ou l'entité qui avait du les faire disparaitre.

Onze ans plus tard, la navette partit donc en direction de Midgard. Pourquoi ce royaume plutôt qu’un autre? La réponse était simple. Thor.

En fouillant dans l’épave de la dernière arche, Malady avait réussit à extraire des données sur la mission et avait compris - dans les grandes lignes - ce qu’il s’était passé lors du conflit. Malekith avait donc défié le dieu de la foudre et tué sa mère. Il était aussi fou que sot.

Cependant, cela lui donnait l’occasion de pouvoir négocier avec lui pour la survie de son peuple. Si elle arrivait à prouver la différence entre son père et elle, peut-être que ce dernier pourrait entendre raison.

C’est ainsi qu’elle s’était retrouvée dans un voyage d’une semaine dans une navette ultra-rapide mais aussi divertissante que le paysage de sa planète natale. Elle se doutait néanmoins que le plus difficile était à venir. C’est ainsi que lorsque sa navette pénétra dans l’atmosphère de Midgard, elle était déterminée plus qu’elle n’était inquiète.

Alors que les flammes léchaient le cockpit, Malady entendit un bruit d’acier qui s’arrachait lentement. Puis le bruit de boulons s’envolant en se cognant contre le blindage. Et lorsqu’elle posa ses mains sur les commandes, celles-ci ne répondaient plus. Avec un soupir résigné et les yeux levés au ciel, Malady croisa les bras et attendit l’atterrissage. Celui-ci fût heureusement moins catastrophique que ce qu’elle présageait. La navette s’écrasa dans un champ en jachère, dont la terre meuble réduisit l’impact, tout en laissant une traînée qu’elle jugeait visible depuis l’espace. Une fois l’engin arrêté, elle tenta d’ouvrir le cockpit. Sans succès. Excédée, elle finit par mettre un coup de pied sans pitié à la porte qui s’envola plus loin dans le champ. Elle se releva, s’épousseta et récupéra Svarthull.

Avant de réaliser qu’elle était entourée de vaisseaux primitifs et de Midgardiens armés. Tous portaient un blason composé d’un cercle d’étoiles et d’un symbole qu’elle ne reconnaissait pas. Utilisant son anglais midgardien plus que rouillé, elle lança d’une voix forte.

“Je cherche Thor. La survie de mon peuple en dépend.”