Ma famille était une famille de fermiers. J’ai deux grands frères. J’ai peu connu Mikhaïl, il est parti avant même que je n’arrive à me souvenir de quoique ce soit.
Quand à Piort, aussi connu sous le nom de Colossus, notre relation … est presque fusionnelle. Il était mon Chevalier. Il me protégeait, envers et contre tous, moi la petite poupée aventurière.
C’est d’ailleurs grâce ou à cause de moi qu’il découvrit ses pouvoirs.
Un jour, je voulais me balader un peu plus loin, découvrir autre chose que la maison. Petite enfant vagabonde, je suis allée dans nos champs. Je n’y voyais pas de danger, pourtant, le monde en est parcouru.
Je ne dois qu’à mon frère d’avoir survécu à cette moissonneuse batteuse dont le conducteur avait perdu le contrôle. Je ne dois qu’à lui de n’avoir comme marque de cet incident une plaie sur le bras, une plaie que je garde encore aujourd’hui.
Et cela a éveillé ses pouvoirs, sa mutation.
Il est devenu face à moi celui qui plus tard se fera appeler Colossus. Ce fut la première apparition de son armure.
Pour me réconforter après cette frayeur qui m'a plongé dans un mutisme pendant plusieurs jours, Piort m’offrit une petite boîte à musique, une boîte dont laquelle se trouvait notre chanson. Ce cadeau était l’un de mes trésors. Un présent que j’ai gardé pendant des années.
Malgré les nombreuses propositions à rejoindre tel ou tel groupe paramilitaire ou non, mon frère resta au côté de notre famille. Cependant la rumeurs de son pouvoir finit par se répandre, comme une trainée de poudre, n’attendant qu’un instant pour s’enflammer. Cela prit du temps, des années même durant lesquelles nous avons pu profiter de notre famille, d’un bonheur qui était simple mais parfait à mes yeux d’enfant.
Une famille unie…
Mais cela ne pouvait pas durer.
Parmi les rumeurs qui circulaient à cette époque, il était souvent dit que lorsqu’un mutant apparaissait dans une famille, il était probable que les autres membre de la fraterie pouvait également être affectés. Cette rumeur là, un groupe militaire en avait entendu parler. Ils avaient proposé plus d’une fois à mon frère de les rejoindre, proposition qu’il avait toujours rejeté
Alors, ils ont agi.
Un jour où seuls mes parents et moi étions à la ferme, ils débarquèrent, hommes vêtus de noirs, armes aux poings. Mes parents tentèrent de résister, en vain. Il ne fallut qu’une balle pour finir à bout d’eux. Moi, ils me capturèrent. Du haut de mes douze ans, je ne pus leur échapper. Il ne fallut pas quelques instants pour qu’ils me rattrapent lorsque je me mis à m’enfuir.
De ce que j’ai compris, à leur yeux, j’étais une potentielle monnaie d’échange tout comme un atout à venir si une mutation décidait de se déclencher en moi. Au pire, une mort en sursis sur le moyen terme si je n’avais rien de spécial.
J’ai pleuré. Je tremblais de peur. A l’époque, je n’étais qu’une enfant, une petite fille qui n’a réussi qu’à fuir face à la mort de ses parents, qui faisait tout ce qu’on lui disait de faire, qui ne résistait pas, de peur d’être battue, frappée, blessée ou même tuée. J’étais la parfaite otage.
A vrai dire, j’avais l’espoir, l’espoir que mon frère n’arrive et ne me sauve de tout cela, qu’il m’extirperait des griffes de ses meurtriers.
Il le fit. A lui seul, il terrassa la base et me sortit de là. Une partie de mon innocence s’est envolée ce jours là, face au massacre, malgré toute la prudence dont Colossus a pu faire preuve pour me préserver. J’étais … catatonique. C’est sans force, sans réussir à parler ou bouger qu’il m’emmena loin, loin de cette prison et loin de chez nous. Car nous n’avions plus ni lui ni moi de maison …
Mon frère nous emmena dans une ville dont je ne me souviens plus du nom. Une ville dans laquelle nous avions trouvé refuge dans une petite chambre. Une ville dans laquelle mon frère travaillait pour subvenir à nos besoins et où moi j’allais à l’école non loin. Notre chambre était située dans un immeuble, qui donnait sur un parc à côté. J’y jouais souvent ou j’y lisais quand Colossus n’était pas là. Il n’avait pas vraiment le choix de me laisser seule, il devait faire des efforts aussi pour nous. Mais les grands-mères et les mères de l’immeuble me surveillaient souvent de loin en même temps que les autres enfants, ce qui le rassurait beaucoup. Je n’étais jamais vraiment seule.
Sauf ce soir là.
- Maître, vous êtes sûre de vous ? Elle ne va pas bien réagir je pense.
-Tais-toi ! Elle nous est destinée. Je le sais, je le sens. Si je la laisse ici, dans cette dimension de simple mortel, ils finiront par la tuer avant qu’elle ne puisse accomplir son destin, avant que nous puissions l’éveiller. Nous devons agir.
- Mais si vous l’enlevez aux siens, elle vous verra comme un ennemi Maitre.
- Alors, nous devrons faire en sorte de détruire cette vision là et la faire entièrement mienne. Elle nous est destiné, et tu le sais. Nous avons besoin d’elle, nous avons besoin de sa force.Nous ne pouvons plus laisser le choix au hasard.
- Maitre, permettez-moi d’émettre encore une fois ma réticence. Cela ne devait pas se passer ainsi et pourrait mal tourner …
-Ma décision est prise. Ce soir, elle nous rejoindra. Prépare les hommes, je ne pourrais pas laisser le portail ouvert trop longtemps.
Le démon se pencha, saluant le sorcier qui continua sa contemplation de l’enfant qui lisait dans le parc. Cette enfant, c’était moi.
Je ne savais rien de ce qu’il se préparait, dans l’ombre et les ténèbres. Cet après-midi là, j’étais encore une fois seule chez nous. Je lisais dans le parc, ma petite boîte de musique non loin de moi. Le temps était doux. J’aimais être seule à l’époque et j’appréciais passer du temps à l’extérieur. Rien ne laissait présager que le temps allait se gâter, rien du tout.
Ni même que cela allait être mon dernier jour sur Terre avant bien longtemps.
J’étais seule. Pour une fois, il n’y ni mère pour veiller, ni grand-mère pour veiller. J’étais seule mais sereine. Au moins pour quelques instants encore.
Mais soudain, dans la quiétude du parc, je vis les feuilles se soulever tout autour de moi. J’avais … un pressentiment. Je lâchais mon livre, me relevant en tenant ma petite boite à musique contre moi. Je … je sentais un danger !
Et il arriva, juste face à moi. Un trou sembla fendre la réalité, un portail s’ouvrait face à moi. Un portail par lequel je sentis qu’on m’attirait, qu’une force que je n’arrivais pas à contrer me poussait à l’intérieur. J’étais … absorbé par cela, sans possibilité de résister. Je tombais au sol, tentant de me raccrocher à l’herbe, aux racines, à n’importe quoi ! J’étais irrémédiablement en train de disparaître à l’intérieur. On me tirait, on me poussait, je tentais tout ce que je pouvais, rampant pour essayer de m’enfuir. Je hurlais, criais, appelais à l’aide. Mais personne ne venait, personne, j’étais seule, terrifié, ne comprenant pas ce qu’il m’arrivait…
Enfin si, alors que j’étais sur le point de traverser le portail, je le vis apparaître. Mon frère. Je tendis la main vers lui, l’appelant une dernière fois désespérément, le visage en larme avant de le voir courir vers moi.
Mais jamais il ne put saisir ma main. Il ne put m’aider. Le portail se referma sur nous avant que nous puissions nous toucher, moi d’un côté, lui de l’autre avec comme seule trace de ma présence, la boîte à musique que je laissais derrière moi.
Jamais il ne me revit.
Je venais d’arriver pour la première fois dans les Limbes. Trainés par des démons, présenter à Belasco tenue par deux de ses disciples pleurant, hurlant, tentant avec la force du désespoir de m’enfuir de leur entraves, c’est face au mage que ma propre mutation apparue. Plus je tremblais de peur, plus lui-même jubilait. Car il voyait à quel point la tâche serait longue. Il m’expliqua où je me trouvais, et ce que lui-même était.
Et surtout, son objectif : me rendre plus forte.
Les entrainements commencèrent. Peut importait mon âge ou le fait que je sois fragile. Bien au contraire, il redoublait d’intensité à cause de cela.
Les débuts furent durs, mon monde me manquait, ma famille me manquait, Colossus me manquait. Pendant des jours et des nuits, je pleurais, espérant qu’en l’implorant suffisamment, il me laisserait repartir. Mais non, il refusait, m’enfermant, me punissant à chaque fois que je mentionnais les miens ou mon monde. Je finis par me résigner, par capituler. Il fallait que je survive.
Lorsque mon corps commença à se renforcer, il commença mon intuition à la sorcellerie. J’étais d’ailleurs … plutôt doué pour cela. Je ne suis jamais si c’était à cause de mon jeune âge ou alors d’autre chose mais j’apprenais très vite.
L’entrainement … était dur, très complexe. Mais si Belasco était sévère, il savait reconnaître mes succès.
Il se montra au fil du temps plus patient, plus complaisant, me laissant vivre aux cotés des démons. La vie dans les Limbes était bien différente que sur Terre. Le mode de vie, les principes, tout était différent. Doucement, je commençais à devenir … manière de dire, l’une des leurs même si je ne pouvais m’empêcher de penser à mon monde d’autrefois, de garder secrètement dans un coin de mon esprit, de mon coeur. Je ne lui laissais jamais voir cela. Car s’il y voyait de l’espoir, il tenterait tout ce qu’il pouvait pour le détruire. Alors, je cachais tout cela et chaque jours, essayais de montrer le meilleur de moi-même pour ne pas le mettre en colère et conserver cette routine qui s’installait depuis bientôt des années …
Au fur et à mesure, il me montrait de plus en plus de secrets, de plus en plus de savoirs puissants. Pour un peu, j’aurais pu finir par croire qu’il avait confiance en moi.
Cependant, un jour tout changea, un jour, cet équilibre si fragile se brisa.
Nous étions en train, comme à notre habitude, de nous entraîner.
Un pressentiment m'arrivait de plein fouet, comme un coup en plein poitrine. Il venait de se passer quelque chose, je le savais, je le sentais, Belasco aussi face à moi. Nos regards se croisèrent. Pas besoin de mots, nous savions, nous sentions cette énergie qui venait jusqu’à nous, qui résonnait jusqu’au plus profond de notre être.
Et je fermais les yeux.
….
Et je les rouvris.
La première chose que je vis, ce fut Belasco face à moi.
La deuxième chose, c’était une expression de colère immense sur son visage.
La troisième chose, ce fut sa main, m’arrivant en plein visage, pour me coller une claque si forte que je tombais au sol, la lèvre fendue dans l’instant.
Il me fallut quelques instants pour reprendre conscience et quelques heures pour comprendre ce qu’il s’était passé.
J’avais disparu pendant 5 ans. Pendant 5 ans, j’avais disparu de la surface des Limbes, de la Terre, de l’univers. Si Belasco était devenu fou par cela, c’est les démons qui m’expliquèrent ce qu'eux-même avaient compris, par rapport à un certain Thanos et les pierres d’infinis. J’avais lu quelques mots dans l’un des livres de mon maître mais je n’imaginais pas à quel point leurs pouvoirs étaient immenses. Assez grand en tout cas pour faire disparaître la moitié de l’univers et visiblement des différentes dimensions.
Mais Belasco ne le vit pas de cette manière. Pour lui, c’était à cause de ma faiblesse que j’avais disparu, et il comptait bien régler ce problème. Si mes entrainements avaient été déjà presque de la torture, cela empira encore après cet épisode. Il ne me laissait presque aucun répit. Mon corps était sans cesse recouvert de plaies, de cicatrices, de blessures. J’avais à peine le temps de dormir qu’aussitôt je devais me relever pour encore m’exercer, à la magie, aux armes, mon corps, mon esprit. Jamais, jamais je n’avais même un instant de paix.
Chaque jours, je craignais que sa fureur soit telle que cela devienne mon dernier jour et qu’il ne finisse par me tuer. Mais je survivais, chaque jour, après chaque entraînement, chaque sévice Pourtant … même s’il n’en avait conscience, je devenais plus forte, plus résistante.
Et plus en colère.
Chaque jour, je me renforçais et surtout, je devenais plus puissante. Je tentais d’apprendre, de trouver un moyen de lui résister et même de le vaincre.
Dans cette quête, je finis par créer quelque chose. Une arme, une arme qui n’était que l’expression de moi-même. Une arme empreinte de ma magie et de ma mutation, de ma puissance et de mon âme. Un rituel qui me prit des mois à être mit au point, un rituel qui débloqua quelque chose en moi en même temps que l’apparition de cette épée.
Le rituel leva la barrière que Belasco avait posée sur une autre partie de ma mutation, celle qui me rendait si spéciale à mes yeux, celle qui liait aux Limbes et leurs puissance : ma capacité à créer des disques de téléportations. Des disques qui me permettaient de voyager entre les dimensions, des portails qui s’ouvraient sur les Limbes ou sur la Terre.
Le tout premier que je réussi à faire apparaître avait à peine la taille d’un trou de serrure mais ce que j’y vis me fit pleurer. J’y vis la Terre. Pour la première fois depuis si longtemps. Je ne savais même pas depuis combien de temps je n’avais pu voir un morceau de ce monde.
Mais il fut bref, si bref qu’il se referma aussitôt. Et encore une fois, je dus apprendre, encore et encore, en cachette, pour réussir à faire en sorte de faire apparaître ses disques plus longtemps et surtout plus grands.
J’avais peur qu'il le découvre et me tue pour avoir découvert cela. Mais je voulais réussir et enfin reprendre le contrôle de ma vie, et surtout, surtout, revoir les miens.
Les mois encore une fois passèrent, l’épée devenait une extension de moi même. Je devenais plus forte. Mes portails devenaient de plus en plus grands, restant ouverts parfois presque une minute pour mon record. Je pouvais partir, j’en avais la force, j’en avais la puissance.
Mais je voulais me libérer de tout cela. Je ne pouvais pas partir sans le tuer car il me retrouverait et m’enlèverait à nouveau. Je le savais, je le sentais. Je n’avais pas le choix.
Aussi un jour qui ressemblait à tous les autres, je me présentais face à Belasco pour mon entrainement mais avant qu’il n’ai le temps de dire un mot, mon armure et mon épée apparurent face à lui. Pour la première fois, je défiais mon maître.
Il prit cela pour une plaisanterie, s’amusant de ma rébellion. Mais très vite, il comprit que je n’étais nullement là pour son amusement. Non, loin de là. Je fis ma première passe d’arme, la lame fila, le premier sang coula.
Belasco sut à cet instant que j’irais jusqu’au bout.
Alors le combat commença.
Un combat qui détruisit tout ce qui se trouvait autour de nous. Un combat qui fit fuir démons, sorciers et monstres à des kilomètres à la ronde. Un combat qui transforma la demeure de Belasco en ruine. Un combat qui mit à l’épreuve chacune des leçons que j’avais appris à ses côtés.
Il avait voulu faire de moi sa disciple. J’avais bu chacune de ses paroles et à ce moment, on pouvait me prendre pour son égale. Chaque blessure était rendue, chaque coup contré, chaque attaque avait son esquive. Mais j’avais quelque chose en plus, une chose que j’avais nourrie durant chaque secondes des 7 années que j’avais passé à ses côtés, alimenté à chaque instant : l’envie de vivre, de retrouver ma liberté …
Je prenais le dessus. Le sorcier le sentit. Pour la première fois de ma vie, je vis la peur dans l’éclat de ses yeux. Il savait, il le sentait venir.
Mais j’étais jeune, et arrogante. Enhardie par cette impression de puissance, de supériorité, je baissais ma garde un instant, prête à lui porter le coup fatal. Il le perçu, cette brèche, et s’y engouffra pour tenter une dernière attaque, non pas martiale mais magique.
Il posa un sceau sur moi, un sceau qui puisa dans ses dernières forces, un sceau qui visait à me détruire je pense mais emprisonna au contraire une partie de moi-même, enchaînant au plus profond de moi mes souvenirs, mes connaissances et ma mémoire.
A bout de force, sentant que tout n’était qu’à un fil d’être perdu, je fis le premier pas en arrière, sentant mon esprit m’échapper, ma mémoire se couvrit de zones sombres, je crus disparaître.
Je fis un nouveau pas en arrière, Belasco lui s’effondra à genoux, me maudissant, me promettant mille tourments pour m’être ainsi levé contre lui. Je savais qu’il pensait tous ses mots.
Mais il ne savait pas. Il ne savait pas qu’il me restait une dernière carte. Ce sceau commençait doucement à me détruire mais pourtant, malgré un corps fatiguée, couverte de bleus, de coupures diverses même si aucune n’était mortelle, et presque épuisée, malgré tout cela, face à lui, je lui souris.
Derrière moi, un portail aux parois bleutées s’ouvrit. Un portail s’ouvrait sur une nuit noire. Une nuit calme, une nuit simple.
Mais une nuit sur Terre.
Belasco blêmit, jura, tenta de me retenir avant que je me jette à travers celui-ci, me laissant tomber dans l’inconnu, revenir pour la première fois chez moi. Cette pensée, elle me traversa l’esprit alors que l’idée même de mon foyer disparut, s'effaçant de ma mémoire.
C’est ainsi que je reviens sur terre mon armure déployée, mon épée à la main, ne sachant plus qu’en partie qui j’étais que je suis apparu sur Terre, pour la première fois depuis ce que je pensais être 7 ans mais qui en réalité était bien plus longtemps que cela.
J’avais disparu en 2004 de la surface du globe, à mes 12ans …
Me voici, tombant à côté d’un cimetière en plein milieu d’une belle nuit de juin … 2024 et seulement âgé de 19 ans et avec la moitié de moi-même bridé au plus profond de moi-même par le sorcier suprême d’une autre dimension.
Je ne savais comment le monde avait évolué depuis, comment tout avait changé autour de nous. Je ne savais même pas ou je me trouvais même si inconsciemment, je le savais, j’avais mis en défaut Belasco. Il aurait besoin de temps pour me retrouver, pour tenter de me reprendre. Mais maintenant, je ne me laisserais plus faire, quoi qu'il me prenne.
Oui, je ne suis pas tiré d'affaires, loin de là. Je n’ai même aucune idée d’à quel point le monde a changé, moi la petite russe qui n’a jamais connu rien d’autre que sa campagne et une ville du fin fond de la Russie ou les Limbes, me voilà désormais au milieu de New York.
Alea jacta est