Puisque Thomas ne parle pas, refuse de lui donner trop de détails sur son nouveau lieu de travail, Jun se retrouve dans une situation délicate. Avec les révélations de son amant sur son passé, la confirmation de son addiction à l'héroïne en plus, voilà le jeune mutant bien démuni face à toute cette histoire. Et Jun n'aime pas ne pas savoir. Soit Tom le laissait dans l'ignorance, soit il fallait tout lui dire. Mais faire les choses à moitié ? Ce n'est pas vraiment dans son caractère. Il est pourtant bien difficile, de suivre Thomas sans être repéré.
Premièrement, parce que Jun est un grand gaillard qui ne passe pas inaperçu. Dépassant allégrement les autres, sa carrure se remarque très rapidement. Même avec des vêtements sombres pour se fondre dans la masse, il ne possède malheureusement pas de pouvoir de métamorphose pour rester discret et caché bien longtemps. Mais aussi et surtout : l'ouïe de son amant saura le repérer rapidement. Il ne faut surtout pas parler. Oh, il en a l'habitude, Goodfellow. A même repris l'apprentissage du langage des signes en autodidacte dernièrement, pour justement : avoir une excuse toute faite lorsqu'on pourrait lui reprocher son mutisme. Ce n'est malheureusement pas demain, qu'il parviendra à accepter son pouvoir. Encore moins depuis que Tom lui a reproché de l'avoir trahi, de l'avoir forcé à parler. Mais il devait savoir : ne pouvait pas rester sans rien faire face à l'état de détresse dans le quel son petit ami l'a retrouvé. En plein bad trip, à paniquer, à commencer à se confier sans aller jusqu'au bout. Puisqu'encore une fois, Jun n'aime pas faire les choses à moitié.
Et Tom lui semble regretter de lui avoir parlé. Jun a pourtant rapidement arrêté les questions, en voyant que ça ne mènerait à rien. N'a pas non plus fredonné l'air de rien pour le pousser à se confier d'avantage, de peur que cette fois vraiment : la confiance soit totalement brisée du côté de l'Anglais. C'est pourtant bien pratique, d'influencer l'humeur des gens en poussant la chansonnette. D'avoir leur attention juste en ouvrait la bouche. Si le mutant n'avait pas autant été réprimé dans son enfance, peut-être qu'il serait devenu quelqu'un de totalement différent ? Mais on lui a formellement interdit d'user de sa voix au sein du foyer. On l'a presque caché aux voisins et au reste de la communauté, de honte d'avoir un enfant mutant dans un cet état d'Amérique profondément chrétien et dévot de l'Alabama.
Alors, Jun a pris l'habitude de ne rien dire. A regretté indéniablement à chaque prise de parole et surtout, à chaque chanson. Il y a d'abord eu le scandale d'un baiser volé à un autre garçon lors de son bal de promo, et le plus récent est celui lors du quel il a forcé Tom à parler.
Mais il a besoin de réponses. Besoin de savoir. Pourquoi ? Parce qu'il n'est tout simplement pas rassuré que son petit ami ne veuille rien lui dire sur son travail. Une boîte de nuit, ce n'est pas un environnement sain pour lui. Le bruit perpétuel doit l'épuiser, ses appareils ont beau diminuer les sons, il n'empêche que Jun est très inquiet sur les effets à longs termes. Le fait aussi qu'il ne veuille pas lui dire où se trouve cette boite de nuit ni son nom rend la chose d'autant plus suspecte. Est-ce qu'il lui ment ? Est-ce qu'il a réellement un travail ? Ou est-ce que c'est quelque chose d'illégal ? Il lui a promis qu'il ne le livrerait jamais à la police. Lui a simplement demandé d'être transparent et honnête. Sans doute que son amant pense le protéger en ne lui disant rien, mais lui ne l'entend pas de cette oreille. Prenant donc garde à ne pas parler, accoutré à la manière d'un ninja avec un masque cachant le base de son visage sous une capuche, c'est entièrement vêtu de noir et silencieux que Goodfellow suit l'autre sans se faire remarquer. Prend même garde à ne pas marcher trop près de Tom, pour ne pas qu'il reconnaisse ses pas. Heureusement, les métros sont bondés, le bruit de ses chaussures se mêlent à ceux des autres passagers. Et il fait bien attention à toujours lui tourner à moitié le dos pour ne pas être démasqué.
Sa filature le mène dans le quartier du Bronx. Un brin anxieux à l'idée d'être dans un quartier à la réputation malfamée, le voilà à surveiller d'avantage son environnement. A ralentir le pas, pour laisser la distance se creuser un peu plus avec Tom, au fur et à mesure que les rues se retrouvent moins fréquentées. Et le voilà presque perdu. Il l'a vu tourner au coin du bloc il y a quelques secondes. Peut-être une minute. Tendant l'oreille pour tenter de percevoir le boum boum lointain d'une discothèque, il fronce les sourcils en se demandant bien où ce dernier a bien pu aller.
Retrouver les rangs du Devil’s ne s’est pas fait dans la facilité, et Midas a encore du mal à croire qu’il ait réussi à récupérer cette place qu’il convoite tant. Oh, ça ne fait pas spécialement partie du contrat, que de parvenir à infiltrer un tel réseau ; cependant lorsqu’on a un minimum de conscience professionnelle, ce dont l’agent ne manque pas, on tente par tous les moyens d’approcher le plus de mafias possibles afin de mettre au jour leurs magouilles et les faire tomber. Ca, c’était l’idée de départ.
Mais depuis l’enlèvement d’Ezekiel, Midas se sent le cul entre deux chaises. Il ne se pensait pas capable de placer sa propre vie sur la ligne, donner tant d’énergie à sauver un homme qu’il espère pourtant voir croupir en prison. Ou le pense-t-il réellement ? Veut-il réellement faire tomber Ezekiel ? Son organisation, assurément. Les agissements de la Bratva, comme ceux de la Cosa Nostra, sont néfastes pour la société toute entière, et pas uniquement les habitants de New York. Mais l’individu derrière…c’est déjà une autre paire de manches. Et au fond, Midas se demande s’il n’est pas en train de faire une énorme connerie à laisser des sentiments naissants - bien que réprimés - se mêler de ses affaires.
Installé au bar du Devil’s à discuter avec les employés déjà présents, le faux mafieux sirote son cocktail coloré d’un air pensif. Ezekiel l’a certes accepté de nouveau, sous la pression de ceux qui avaient tissé des liens avec lui et suite à quelques aventures ensemble, et le voilà de nouveau faisant partie du décor. Les italiens qui l’accompagnaient avant, eux, n’ont pourtant pas le droit de mettre un pied au Devil’s ; il est donc le seul à pouvoir leur apporter des informations, ce qui est un avantage non négligeable une nouvelle fois pour quiconque cherche à attiser le feu entre deux mafias.
“Oh, bg, t’es déjà là ?!” “Bonjour, Thomas. Je vois que tu es de bonne humeur aujourd’hui.” “Ouais, disons que j’étais en bonne compagnie !”
Hmm. Midas esquisse un sourire sans répondre, observant le serveur à l’apparence si atypique prendre son service en chantonnant dans sa barbe. En bonne compagnie, n’est-ce pas ? L’agent infiltré sait bien que Thomas a quelqu’un dans sa vie, quelqu’un qui n’a strictement rien à voir avec la mafia s’il en juge le manque d’information le ou la concernant. Il est très protecteur de cette information, comme tous ceux qui savent que leurs activités sont illégales. De toutes les personnes présentes dans ces lieux, il fait certainement partie des plus énigmatiques.
Finissant son verre d’une traite, le brun fouille les poches de son manteau à la recherche d’un paquet de cigarettes. Lui qui ne fumait pas à l’origine s’y est récemment mis, la faute au stress que les mafieux lui font vivre - et surtout Ezekiel, à vrai dire. Il s’excuse et quitte le comptoir du bar, jetant un regard à la mezzanine où le bureau du gérant se situe en se demandant s’il est judicieux de le déranger dans la soirée, ou s’il ne vaut mieux pas tenter le diable.
La porte poussée, cylindre de papier entre les lèvres, Midas cherche un briquet dans ses poches sans faire trop attention à ce qui l’entoure. Si bien qu’il ne voit pas le jeune homme paumé s’approcher, et manque de le renverser en lui fonçant accidentellement dessus. Par réflexe, le brun rattrape la grande perche qui lui fait face avant qu’elle ne trébuche sur le bord du trottoir.
“Oh là ! Veuillez m’excuser, je ne faisais pas attention.”
New York est une ville cosmopolite, et pourtant, le faux mafieux est tout de même intrigué par l’apparence de cet individu. La silhouette allongée, gorge et mains tatouées pour ce qu’il peut en voir, ses yeux en amandes laissent paraître une certaine confusion qui n’a pas l’air d’être entièrement due à cet accident bénin. Un sourire avenant aux lèvres, Midas récupère ses mains pour allumer sa cigarette, en tirer une taffe et souffler la fumée loin du visage de son vis-à-vis.
“Vous semblez perdu, cherchez-vous un endroit ? Quelqu’un peut-être ? Je peux sûrement vous aider, je connais ce quartier comme ma poche.”
La situation que Jun voulait spécifiquement éviter cette nuit, se présente à lui. Grimançant lorsqu'un autre homme s'adresse à lui, le jeaugeant de ses yeux en amande, il secoue simplement la tête et s'écarte un brin pour essayer de passer. Mais l'autre insiste. Prenant sur lui, le jeune mutant lève les yeux vers le ciel nocturne un instant. On ne voit jamais les étoiles à New-York. S'il apprécie sa vie ici, le calme de la campgane lui manque de plus en plus au fur et à mesure des jours qui passent. Oh ici, on peut se fondre dans la masse plus facilement, même quand on est comme lui. Et c'est ce qui lui plaît le plus. Le fait d'être totalement invisible, anonyme, de ne pas attirer trop d'attention sur sa personne. Mais les zones moins urbaines ont aussi des avantages. Certes, c'est souvent les mêmes têtes qu'on croise. Mais il n'y a pas de pollution, que ce soit la lumière empêchant de voir les étoiles comme en cet instant. Pas de voitures qui crachent par les pots d'échappement à longueur de journées. Et surtout pas de bruit. C'est pour Thomas, qu'il a aussi envie de retourner vivre dans un endroit plus calme que la grosse pomme. Un rêve qu'il veut partager avec son petit ami, mais avant de pouvoir envisager quoi que ce soit... Il lui faut connaître tous ses secrets.
Jun qui n'aime pas la confrontation, qui déteste les histoires compliquées et sordides est en plein dedans. Jamais le jeune homme n'a aspiré à autre chose qu'une vie simple et sans rebondissement. Il aurait du mieux choisir qui aimer. Mais c'est ça, le problème avec les sentiments : ce n'est en général pas un choix. Lui qui déteste autant parler fronce les sourcils. Il a recommencé à apprendre la langue des signes. Préfère souvent se faire passer pour muet lorsqu'il en a l'occasion. Un peu comme Thomas que l'on croit malentendant avec ses appareils auditifs. Aucun des deux n'est pourtant réellement handicapé.
Il lui faut un instant pour peser le pour et le contre. S'il ne parle pas et utilise de la langue des signes pour s'exprimer, l'autre le laissera probablement tranquille en se rendant compte qu'il ne peut pas y avoir d'échange. Il a besoin de savoir, pour Thomas. Mais est-ce que ça vaut seulement le coup de parler à un inconnu ? Lui qui déteste tellement ça. Alors, Jun esquisse quelques simples gestes, pour simplement signer :
“Je ne peux pas parler, désolé.”
Il y a peu de chances que l'homme en face de lui parle couramment la langue des signes. C'est assez particulier et niche pour éviter que n'importe qui ne lui engage la conversation ainsi. Dans le meilleur des cas, il s'excuseras donc avant de partir sans savoir quoi dire en étant gêné. Dans le pire des cas... ça feras pratiquer Jun. Ce n'est pas contre ce type, qui doit être un peu plus âgé que lui. Sans doute dans la tranche d'âge de Thomas, ou un peu plus jeune ? Il ne saurait pas réellement lui donner d'âge. Il n'a pas l'air méchant, mais... La Paranoïa de Thomas semble avoir quelque peu contaminé le plus jeune.
Tout de même bien emmerdé, de ne pas avoir de réponse à ses questions, Jun retiens un long soupir avant de sortir son téléphone et de taper à toute vitesse dans un éditeur de texte :
“On m'a parlé d'une boite de nuit dans le quartier, je pensais trouver seul mais je n'entend pas la musique. Est-ce que c'est ouvert ou pas encore ?”
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