Planque de la Confrérie, Harlem - 29 janvier, 2h du matin
En plein cœur de la nuit, dans le quartier de Harlem, une silhouette masculine longeait les murs en boitant. D'un pas leste et rapide malgré sa blessure à la jambe, il s'engouffra dans une ruelle mal éclairée et après avoir jeté un regard vif aux alentours, il frappa à une porte, sur un rythme précis qui devait être un code d'identification. Lorsque la porte s'ouvrit, il regarda d'un air surpris celui qui se tenait dans l'encadrement, resta muet quelques instants, puis annonça sur un ton pressant, où perçait une forme de panique :
« Je dois voir ma femme. »
Il avait appelé Bella Donna environ une demi-heure plus tôt. En proie à une vive agitation, il n'avait pas réussi à tenir un discours clair, mais il était parvenu à lui faire comprendre qu'il s'était passé quelque chose, quelque chose de grave, et qu'il avait un besoin urgent de la voir. Elle avait fini par lui donner des instructions et une adresse à laquelle il pourrait la retrouver, en précisant qu'il lui faudrait être discret.
Il avait donc garé sa voiture quelques rues plus loin. Il avait essuyé au mieux le sang qu'il avait sur les mains, sans toutefois pouvoir tout retirer, et s'était emmitouflé dans un long manteau d'hiver bien couvrant. Puis il avait terminé le chemin à pieds, tant bien que mal, en vérifiant nerveusement qu'il n'était pas suivi.
Il ne s'était pas attendu à ce que soit Magneto qui lui ouvre la porte, et pourtant c'était logique : Bella Donna travaillait avec lui depuis quatre mois maintenant. Remy avait un profond respect pour Magneto, pourtant il ne le salua pas et ne mit pas les formes dans sa demande. Sa nervosité était plus que palpable, elle se lisait sur son visage blanc comme un linge et perlé de sueur, ainsi que dans ses yeux devenus noirs et écarlates qui brillaient d'une lueur inquiétante.
« Il faut que je la voie, c'est important. »
Sa voix tremblait, comme s'il peinait à contenir des émotions fortes et violentes qui menaçaient à chaque instant de le submerger. Il pénétra dans la maison d'une démarche chancelante et retira son manteau, laissant voir à Erik le morceau de métal qui dépassait de sa cuisse, ainsi que le sang qui maculait sa chemise blanche...
Erik était en ville plus que de coutume ces derniers temps, pour des raisons personnelles d'une part, mais aussi pour la Confrérie d'autre part. Son recrutement continuait tandis que les ficelles de son prochain plain se mettaient en place, et à présent que Genosha était à l'abri du besoin, il s'agissait de consolider son pied-à-terre à Harlem. Quant aux raisons personnelles : Raven serait bientôt à son terme, et il comptait être là lors de la naissance de ses enfants.
C'est donc assez naturellement que, depuis deux semaines déjà, Erik logeait dans le QG de la Confrérie à Harlem, donnant des instructions sur la rénovation des lieux et préparant ses prochaines activités dans New York, notamment en but de rassembler encore plus de mutants pour sa cause. L'endroit était rangé, propre et avait assez de chambres pour accueillir un petit régiment. Il avait d'ailleurs convié Bella Donna, alias Rubis, à inspecter les lieux. Son expertise de maîtresse-assassine serait précieuse pour palier aux problèmes de sécurité du QG.
Cette nuit-là, Erik était resté levé tard. Il travaillait encore sur les détails de son plan, notamment ceux qu'ils ne maitrisaient pas : des mutants "branchés" de sa Confrérie tâchaient tant bien que mal de le faire passer dans l'ère moderne, notamment en termes d'internet et de réseaux sociaux, système auquel il avait encore des difficultés à s'adapter.
Le fait que quelqu'un frappe à la porte à cette heure tardive était relativement étonnant. Que la personne utilise le code l'était encore plus. Mais lorsqu'Erik alla ouvrir, prêt à accueillir un nouveau ou à défendre son repaire, il resta un instant figé de surprise face à ce qu'il n'aurait jamais cru voir : Remy LeBeau, Gambit, était sur le pas de sa porte.
Visiblement, cette rencontre était tout aussi inattendue pour Remy qui mit quelques secondes avant de parler, laissant à Erik l'occasion de constater les tâches sombres que la lumière de l'intérieur et des lampadaires éclairaient sans laisser de doute sur leur nature : du sang. Frais.
« Je dois voir ma femme. »
Sans mot dire, Erik s'écarta pour laisser entrer son ami. Il était dans un sale état. Ses yeux, ou plutôt leur couleur, en disaient déjà long sur son état mental, tout autant que son attitude : l'habituel blagueur, celui qui semblait toujours prendre les choses à la légère, était d'un sérieux alarmant. Quelque chose de grave s'était produit.
Après avoir resoulevé l'urgence de voir sa moitié, Remy avait retiré son manteau, dévoilant une blessure à la cuisse provoquée par un bout de métal. Le genre qui peut très mal se terminer. Erik n'était pas du genre à chaperonner, encore moins des personnes comme Remy, mais la tension qui irradiait de lui était palpable, il n'était pas dans un état mental dans lequel il serait capable de prendre une décision rationnelle. C'était donc à Erik de s'en charger.
"L'infirmerie est à gauche, troisième porte. Tu vas là-bas et tu t'allonges. Je vais réveiller Bella Donna et Ginger, notre infirmière. Il va falloir qu'on s'occupe de ça avant que tu ne perdes une jambe. Ou plus..."
Le ton de Magneto ne permettait pas vraiment de réponse, encore plus si elle était négative. Il ne s'agissais pas d'un choix qu'il lui donnait, mais il savait que s'il n'avait pas mentionné le nom de Bella Donna, Remy aurait refusé net et aurait fait quelque chose de stupide.
Pour joindre l'acte à la parole, Erik bifurqua vers l'escalier menant à l'étage, qu'il monta quatre-à-quatre, pour arriver rapidement à la chambre de Bella Donna, heureusement proche. Il frappa à la porte avec empressement, sachant que l'assassine l'avait sans doute déjà entendu arriver.
"Bella Donna, Remy est ici. Il est à l'infirmerie et il dit qu'il doit te voir. Urgemment."
Le QG de la Confrérie était loin d'être un hôtel de luxe, mais il avait au moins le mérite de lui offrir une chambre en lieu sûre, en attendant de pouvoir se reloger sans craindre le SHIELD ou les autorités, d'autant plus qu'elle s'était elle même chargé des plans pour la sécurité.
Vétue d'une simple nuisette en soie rouge sous une robe de chambre noir, la dame avait finit sa toilette du soir machinalement, étant soucieuse, puis s'étais mise au lit en lisant un journal. La raison de son inquiétude etait un appel de Remy, recu un peu plus tôt dans la soirée. Il n'allait pas bien et voulait savoir ou elle était, dans le but de la rejoindre. Elle avait malgré tout finit par sombrer dans les bras de Morphée.
C'est en millieu de la nuit que l'agitation arriva dans le QG, ne suffisant pas a la réveiller. Erik en personne s'en chargea. Alors qu'il frappait a la porte, elle ouvrit un œil et balaya d'un revers de main le journal qu'elle avait sur la tête, preuve quelle s'était endormie en le lisant, pour aller ouvrir la porte, en se trainant un peu
"Hummm...? "
Marmonna-elle en ouvrant la porte, avant de se frotter les yeux, puis de s'étirer, ayant visiblement du mal a refaire surface suite a ce reveille en fanfard, restant appuyée sur le mur pour arriver a tenir debout, les yeux dans le vague.
"Qu'est ce qui se passe...?"
La raison de cette interruption nocturne la tira finalement de sa léthargie et la dame se redressa d'un bond, manquant de bousculer Erik au passage:
"REMY?! a l'infirmerie?! Comment il va?"
Pas le temps d'attendre l'explication, Bella Donna sauta littéralement hors de la chambre en attrapant sa robe de chambre a la volée pour filer au lieu indiqué, sans chercher a savoir si Erik l'avait suivit ou non.
"REMY!!!"
Vaucifera-elle en ouvrant la porte de l'infirmerie a la volée, mais elle se figea en voyant l'état de son mari. Habituellement si froide et impassible, il était presque choquant de la voire ainsi perdre contenance. Mais l'état de son cher et tendre l'atterrait, visiblement.
"Qui t'as fait ca?"
Demanda elle en lui prenant la main, avec une douceur qu'on ne lui connaissait pas. Il fallait croire que Remy, son amour de toujours, était le seul jusqu'à présent a connaitre cette part de sa personnalité, plus sensible et vulnérable que ce qu'elle avait l'habitude de montrer. Elle semblait pendant un moment avoir même occulté la présence de Erik, alors qu'il tenait peut être la chandelle un peu plus loin derrière eux
Lorsque Magneto donna ses instructions à Remy, celui-ci le regarda d'un air hagard, avant de simplement acquiescer et d'avancer dans la direction indiquée, sans dire un mot de plus. Cette attitude était à ajouter aux éléments alarmants concernant son état, lui qui avait habituellement toujours un trait d'humour ou une bravade à répondre à tout ordre donné, même lorsqu'il était en accord avec. Mais il n'était clairement pas en état de discuter les ordres.
Il se rendit donc dans la fameuse infirmerie et resta planté au milieu de la pièce, attendant l'arrivée providentielle de son épouse. Il était trop agité pour s'allonger. Le morceau de métal enfoncé dans l'arrière de sa cuisse le faisait boîter, mais il avait encore trop d'adrénaline et était trop bouleversé pour prendre la pleine mesure de sa blessure.
Lorsque la porte s'ouvrit à la volée, il tourna un regard toujours aussi égaré vers celle-ci. Ses yeux n'avaient pas repris des couleurs humaines et ils se teintèrent d'un mélange de tristesse et de soulagement lorsqu'ils reconnurent Bella Donna. Lorsqu'elle lui prit la main et lui demanda qui lui avait fait cela, il eut un bref regard vers sa chemise tâchée de sang, avant de répondre d'une voix étranglée :
« C'est... C'est pas le mien... »
Cela aurait pu être une phrase faite pour la rassurer, mais à la façon dont il l'avait prononcée, cela sonnait plutôt comme l'aveu d'une faute terrible. Il serra d'ailleurs fortement la main de sa femme et ajouta, au bord des larmes :
« Bella Donna j'ai... J'ai tué un homme... »
Rien d'inhabituel à entendre pour la reine des assassins, aurait-on pu penser. Sauf que Remy n'était pas un tueur. Il n'avait qu'une seule mort sur la conscience, celle du frère de Bella Donna, et il se l'était toujours reproché. Il s'était d'ailleurs juré, après cela, de ne plus jamais tuer, c'était même l'une des règles d'or de sa Guilde, et son épouse le savait bien.
Erik ne suivit pas immédiatement Bella Donna alors qu'elle se précipitait vers l'infirmerie. Il devait d'abord aller réveiller Ginger, une infirmière qu'il avait recrutée et qui avait le pouvoir fort pratique de pouvoir désinfecter n'importe quelle plaie, même gangrénée ou nécrosée. Un pouvoir certes en dessous de capacités de régénération, mais fort utile en situation critique. Sans compter que la mutante avait aussi son bagage d'infirmière et assistante de chirurgie qui l'avait amenée à être le médecin officiel du QG, un travail qui mettait beaucoup de pression sur ses épaules.
Ginger, donc, fut tirée assez prestement de son sommeil par Erik et s'habilla rapidement pour le suivre d'un pas vif vers l'infirmerie. Tous deux arrivèrent donc pour entendre seulement la dernière phrase de Remy : il avait tué quelqu'un. Et il était vraisemblablement tellement sous le choc qu'il réalisait à peine la gravité de sa blessure.
Erik connaissait Gambit depuis longtemps et connaissait son caractère. C'était d'ailleurs en partie ce refus de se salir les mains qui l'avait opposé aux méthodes d'Erik, et avait fini par provoquer son départ de la Confrérie. Aussi, Erik imaginait bien qu'il devait être sous le choc : tuer pour la première fois, et visiblement de façon plus ou moins volontaire, était loin d'être facile. Ce que le chef de la Confrérie se demandait, c'était surtout comment ce joyeux escroc qui mesurait toujours ce qu'il faisait avait pu se trouver dans une situation le contraignant à commettre l'irréparable. C'était sans doute trop tôt pour le questionner à ce sujet.
Ginger enfila la blouse blanche la plus proche et vint immédiatement examiner la blessure de Remy, lui intimant de s'allonger pour qu'elle puisse faire son travail. Ça pouvait paraître insensible, mais s'il voulait garder sa jambe, elle devait agir vite. Déjà elle utilisait son pouvoir, pressant sa main contre la plaie en prenant garde de ne pas l'aggraver. Une sensation de froid glacial se propagea dans la jambe de Remy tandis que l'infirmière réduisait à néant tout risque d'infection, notamment tétanique.
Erik, quant à lui, ne disait rien, mais restait à proximité pour entendre ce qui allait se dire. À travers son échange avec Bella Donna, et peut-être Ginger, il aurait sans doute des réponses à ses questions sans avoir à les poser. Restait à savoir si ces réponses allaient lui plaire...
Bella Donna était loin d'être impressionable. Elle avait vu la mort en face depuis son plus jeune âge et l'avait même donné à de nombreuses reprises. Pour elle, comme le voulait son conditionnement, un meurtre était comme une formalité, un service donné en échange d'une transaction financière. Un business bien rodé et on ne peut plus lucratif. Mais lorsqu'il s'agissait de son mari, le voire blessé était aussi douloureux pour elle que de se faire arracher les tripes. Le sang n'était pas le sien?!"
"Je vois. Et tu va aussi me dire que ce n'est pas ta jambe?"
Dit-elle d'un ton glaciale en désignant de sa main libre le morceau de ferraille qui transpercait la cuisse de son mien-aimé. Alors qu'elle lui avait prit la main, la dame comprit bien vite que la blessure, aussi impressionnante qu'elle soit, n'était pas la principale préoccupations de Remy. Il avait tué un homme? Et bien, sans doute l'avait il mérité. Tel fut la première pensée de la dame. Mais elle connaissait également les valeurs morale de son mari, qu'elle respectait au même titre qu'il fermait les yeux sur ses propres activités criminelles. C'est pourquoi, elle garda sa première remarque pour elle, sans la formuler à haute voix. Au lieu de cela, Bella Donna laissa faire l'infirmière et resta en retrait, jusqu'à ce que celle ci ait terminé les soins et une fois qu'elle eu le feu vert, elle s'approcha à nouveau de Remy, s'asseyant doucement sur le lit pour poser une main sur la joue de celui ci:
"Qu'est ge qu'il s'est passé mon amour? Racontes moi."
Demanda elle d'une voix douce, attendant d'en savoir d'aventage sur ce qui avait pu pousser son bien aimé a une finalité aussi extrême et contraire à ses principes. Elle ne semblait nullement indisposée par la présence de Magneto, considérant que celui ci avait le droit légitime d'être dans la confidence. Il connaissait Remy depuis bien longtemps en tant qu'ami. Il y avait donc aucune raison de le tenir à l'écart. @Remy LeBeau@Erik Lehnsherr
Lorsque Bella Donna évoqua dans un sarcasme glacial la blessure de Remy, celui-ci n'accorda qu'un bref regard à sa jambe, ponctué d'un vague haussement d'épaules. Il avait connu pire. Ne serait-ce que quatre mois plus tôt, quand il s'était pris une balle dans le flanc. Mais les circonstances avaient été bien différentes, alors... Il n'y avait pas eu les mêmes conséquences. Cette fois, la principale blessure n'était pas physique...
Erik arriva dans la pièce lorsque Remy avoua son crime, accompagné de la fameuse Ginger. Docile, le voleur se plia à ses consignes et s'allongea à plat ventre sur le lit de l'infirmerie, gardant la tête tournée vers sa femme. Il n'eut pas le temps de continuer sa confession que l'infirmière pressait sa main sur sa cuisse, ce qui le fit serrer les dents et grimacer de douleur. La sensation de froid intense ne fut pas plus agréable, mais il se laissa faire et ne posa pas de question : il avait entière confiance en Erik.
Bella Donna vint alors s'asseoir auprès de lui, lui caressa tendrement la joue et lui posa la question qu'il redoutait mais qui était pourtant si évidente : que s'était-il passé ? Remy prit une grande inspiration, poussa un profond soupir, et commença son récit :
« J'étais chez Stan, tu sais, le médecin dont je t'ai parlé... »
Le médecin qui s'était justement occupé de sa blessure par balle et qui soignait clandestinement et discrètement, en échange de coquettes sommes, pas mal de gens de la pègre, dont les membres de Cour des Joueurs. Un homme pour qui Remy avait de l'estime et qui lui avait sauvé la mise plusieurs fois, pour lui et pour ses proches.
« J'étais passé le voir avec Larry et Sylvia, deux membres de ma Guilde, pour lui déposer un cadeau. J'ai juste entendu quelqu'un hurler "Mort aux mutants" puis le fracas de la fenêtre qui se brise... J'ai vu la grenade, mais trop tard. J'ai juste eu le temps de plonger pour me mettre à couvert, mais je n'ai rien pu faire pour... »
Sa voix mourut dans sa gorge et il ne parvint pas à terminer sa phrase. Son regard se posa sur Erik, qu'il fixa quelques instants avant de détourner les yeux pour regarder dans le vide et poursuivre :
« Quand je les ai vus gisant sur le sol, je... J'ai pas réfléchi. J'ai bondi à la poursuite de celui qui avait fait ça et... Je ne me suis pas contrôlé. »
Pas besoin d'entrer dans les détails, cette brève explication lui paraissait suffisamment explicite. Il fut de toute façon incapable de prononcer un mot de plus et il enfouit sa tête dans l'oreiller en poussant des soupirs saccadés.
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