Si on m’avait dit, quelques mois plus tôt, que j’allais pénétrer dans le quartier général des « plus grands héros de la planète », je n’y aurais pas cru. Ou j’aurais demandé avec combien d’autres soldats et quelles armes. J’estimais ne rien avoir à faire dans ce lieu. Je n’étais pas un héros, du moins pas au sens médiatique du terme, et je ne le serai jamais. Je n’étais pas non plus une groupie, un fan des Avengers. Loin de là. Le star-system me débectait.
J’avais été surpris de recevoir une convocation au QG du S.H.I.E.L.D. de Manhattan, en dehors des heures habituelles. J’allais peut-être enfin partir en mission ? On allait m’envoyer sur le terrain ? Ou m’intégrer enfin dans le programme d’entraînement que Caelestis avait évoqué ? Non, rien de tout cela… A la place, j’avais été reçu par une agente farfelue à l’accent presque impossible. Cela me permis au moins de déterminer que Caelestis n’était pas canadienne. Son accent était beaucoup plus léger et bien plus agréable à l’oreille que celui de l’agent Fondsec.
Son charabia n'avait pas été simple à comprendre, mais de ce que j'avais réussi à en saisir, je devais me rendre au QG des Avengers pour rencontrer l'un de leurs nouveaux membres. Je devais me montrer calme, diplomate et ouvert à la discussion. Allons bon. Pour qu'on me demande ça, le nouveau héros devait être un mutant de la pire espèce. J'imaginais que ce devait être une sorte de "test" pour voir si j'étais capable de rencontrer des monstres sans céder à l'envie de leur décocher une flèche en pleine poitrine. Ils me prenaient pour qui, sérieusement ?
De toute façon, je n'avais pas vraiment le choix. On me colla à l'arrière d'une voiture blindée. On me banda les yeux, pour que je ne puisse pas connaître la position exacte de leur précieuse base. Le trajet me sembla durer une éternité, lorsqu'enfin la voiture ralentit. J'entendis le chauffeur parler et une voix répondre, avec un grésillement qui me fit penser à un interphone. La voiture redémarra, avançant plus lentement, avant de s'arrêter de nouveau. Claquement de portière, ouverture de la mienne. Je restai docile, immobile. On me retira le bandeau et m'ordonna de sortir du véhicule.
Je me retrouvai devant une grande étendue d'eau, que j'observai avec scepticisme. Je regardai autour de moi et vis un bâtiment non loin du lac, mais l'agent qui m'accompagnait claqua des doigts et me désigna l'eau avec un air sévère. Je haussai les sourcils et fis remarquer :
« Il fait un peu frais pour une baignade, vous ne pensez pas ? »
C'était un euphémisme, nous étions en plein hiver et l'eau devait être glaciale. Il était absolument hors de question que j'y plonge un orteil, surtout que je ne voyais pas en quoi cela m'aiderait à rencontrer ce nouveau héros dont je ne savais rien. Mais l'agent haussa les épaules d'un air dédaigneux et m'ordonna de patienter, précisant que le prince Namor n'allait pas tarder à venir à moi.
« Le "prince" Namor ? Allons bon… »
Ce nom m'était parfaitement inconnu, mais je supposai qu'il était inutile de poser la moindre question. Je fourrai donc les mains dans les poches de mon blouson et portai un regard blasé sur le lac, attendant l'arrivée du "prince".
Namor ne savait pas à quelle sauce il allait être manger. Ayant rejoint les Avengers, il pensait être rapidement envoyé en mission à l’autre bout du monde. Mais les offres de ce genre se firent timides. Peut-être voulaient-ils s’assurer que le prince ne présentait aucun risque pour leur sécurité. Après tout, le SHIELD avait accepté l’atlante pour assurer un accord de paix, mais cela ne voulait pas dire qu’ils lui faisaient totalement confiance. Ca… Namor pouvait les comprendre. Comme toujours, il se montrait calme et stoïque, jusqu’à ce qu’on vienne lui demander son aide.
Sur le coup, le prince atlante pensait qu’on allait l’envoyé secourir quelques pauvres âmes en détresse pas loin. Mais non, à sa surprise on lui demandait de rencontrer un prisonnier. Namor pensait qu’on attendait de lui, qu’il le cuisine, le questionne pour le faire avouer quelques sombres secrets, voir le torturer. On le détrompa rapidement en demandant juste qu’ils discutent en paix et rien d’autre. Curieuse demande, sans doute était-ce une forme de teste. Ainsi le prince des profondeur attendit dans le lac son mystérieux visiteur.
Il arriva, sous bonne garde bien entendu. Namor vit leur silhouette se dessiner au-dessus de l’eau. Faisant un grand virage, il revint vers la berge où ils se trouvaient, immergeant des eaux en marchant de manière si naturelle. Ainsi il put découvrir cet humain qu’on tenait tant à lui présenter. C’était un humain d’une grande stature, d’une silhouette athlétique, le visage un peu squelettique et des cheveux courts d’un blond doré. Il n’avait l’allure d’un criminel, mais on ne devait jamais se fier aux apparences.
Le prince le scruta d’un air sévère des pieds à la tête, jaugeant ce qu’on lui présentait.
-C'est donc vous l'humain hors la loi qu'on tenait à me présenter. Disait-il d’un ton froid, sans aucune émotion dans le regard.
Il se demandait vraiment pourquoi LUI en particulier. Peut-être n’y avait il aucune raison, on pouvait bien lui présenter un criminel classique pour voir comment le Prince réagirait. Ou pas. En tout cas Namor fut informé des manières qu’on attendait des héros et l’atlante se doutait qu’on attendait de lui qu’il les respecte.
Toute ma vie je me suis battus, mais j’ignore quel est mon vrai combat
Je n'ai pas eu à attendre longtemps, c'est le bon côté des choses. Rapidement je vois la surface du lac se rider et une créature en émerger et s'avancer vers moi, comme si c'était parfaitement normal. Je reste immobile et mon visage est impassible. Je ne suis pas vraiment du genre à m'émerveiller des démonstrations de pouvoirs mutants, bien au contraire.
Le mutant me scrute, et j'en fais de même. Il est grand, de la même taille que moi, ce qui est plutôt rare. Il me paraît plus musclé que moi, en revanche, surtout que j'ai perdu un peu de muscle avec mon séjour en prison. Dans un combat au corps-à-corps, il aurait probablement l'avantage. Nous ne sommes pas là pour ça, mais c'est un réflexe de jauger mon adversaire. Mon regard s'attarde sur ses oreilles pointues, mais je ne fais aucun commentaire.
Il prend la parole en premier. Il est aussi impassible que moi, et se montre aussi froid que la température du lac. Il ne me salue même pas. Je n'en suis pas surpris, ces êtres ont bien souvent une éducation limitée. A ses yeux, je suis donc un "humain hors-la-loi"... Je ne vais pas le contredire ou me lancer dans un débat sur les notions de justice et de loi, je n'en ai clairement pas la motivation. Alors je sors les mains des poches de mon blouson de cuir, les écarte brièvement paumes vers le ciel avant de les placer le long de mon corps, et réponds simplement :
« C'est donc moi. »
Il ne m'a pas salué, je ne le fais pas non plus. Je n'ai pas pour habitude d'être poli avec ce genre de créatures, à moins de jouer un rôle pour leur faire baisser leur garde avant de les attaquer. Ici on ne m'a rien demandé de tel. Nous devons simplement faire connaissance. Cela me paraît être une belle perte de temps. Je fais pourtant l'effort de me présenter succinctement et de poser la première question, basique :
« Joshua Jenkins. Et vous êtes ? »
Je sens le regard de l'agent du S.H.I.E.L.D. braqué sur moi, alors je me retiens de tout sarcasme. J'ai pourtant bien été tenté de demander au nouvel Avenger s'il était le "prince des poissons". Mais je suis censé être ouvert à la discussion. Alors discutons.
L’exercice risquait d’être compliquée et sur tous les plans. On sentait l’électricité dans l’air. Les deux hommes ne semblait s’apprécier de suite, l’un et l’autre se défiant du regard. Namor était partagé entre une certaine admiration du courage que cet humain pouvait faire preuve, et de l’affront qu’il lui faisait en oubliant tout respect qui revenait à son rang. C’était un ancien criminel, l’éducation leur manquait et puis Namor avait remarqué que les humains de ce pays n’en avait aucun pour la moindre forme d’autorité. A bien y réfléchir, si son père l’avait envoyé vivre chez les Avengers, c’était une punition au final pour une faute dont il n’avait connaissance.
Dans son pays, il aurait fait s’agenouiller le hors la loi pour le pousser à exprimer un minimum de respect. Mais le prince savait qu’on l’en empêcherait, ici il n’était qu’un mutant parmi les autres n’ayant aucune autorité, aucun titre noble reconnu. Le criminel se présenta sous le patronyme de Joshua Jenkins, mais l’atlante sentait la pointe de sarcasme étouffait dans sa présentation. Pas les dieux des abysses, qu’il avait envie de lui déboité la mâchoire.
-Prince Namor McKenzie. Chef des armées des Homo mermanus mieux connus sous le nom d'Atlantis. Mais ici on me surnomme... Le Sub-Mariner.
Ici chaque « héros » devait avoir un nom de code, et on lui avait donner celui-ci. Namor préférait qu’on le nommait Namor tout simplement, mais ce n’était pas suffisant il fallait croire. Au moins il eut la liberté de se choisir un nom humain.
-Très bien Joshua Jenkins. Nous devons parler, alors parlons.
Le soucie étant qu’on avait pas précisé au prince de quoi ils devaient discutés, comme si cela allait venir naturellement, mais ce n’était pas le cas. Car Namor ignorait encore la raison de cet entrevue, voulait-on qu’il aide le grand blond à revenir sur le droit chemin ? Qu’il le torture pour obtenir des réponses ? Ou bien était-ce un test d’un tout autre genre ? Le prince avait la mauvaise sensation qu’il devenait une sorte de spectacle, que tout ceci cachait un plaisir de juste regarder les réactions des deux hommes.
-On ma informer de votre mépris pour ceux que vous nommez mutants, et que cela vous a valu votre incarcération, c’est bien cela ?
Toute ma vie je me suis battus, mais j’ignore quel est mon vrai combat
Le mutant se présente bien comme un prince, et plus encore, comme le chef d'une armée. Je ne comprends pas tous les titres qu'il me sort, mes cours de latin commencent à sérieusement dater et je n'étais pas vraiment un élève assidu à l'école. Mais l'Atlantis, ça me parle. Même si ça m'étonne fortement. Je hausse un sourcil incrédule, mais encore une fois je me retiens de tout commentaire. Pour le moment.
Je laisse le "prince" parler. Il a l'air aussi enchanté que moi de notre conversation. A se demander s'il n'y a pas été contraint, lui aussi. Je me tourne vers l'agent du S.H.I.E.L.D. qui nous observe, mais celui-ci ne bouge pas d'un pouce. Adossé à la voiture, les bras croisés, il se contente de nous regarder, sans dire un mot. C'est pas lui qui va nous éclairer sur la situation.
Le "prince" me pose une question, m'offrant ainsi la possibilité de continuer le dialogue. Mon "mépris" des mutants est un bel euphémisme. Puisque je dois me montrer ouvert à la discussion, autant lui répondre franchement. J'éclaire donc sa lanterne, en donnant de brèves explications, sur le ton banal de la conversation.
« Je considère les mutants comme des abominations, une erreur de l'évolution qui conduira à l'extinction de l'espèce humaine si on les laisse proliférer. Je suis donc en charge de les exterminer. »
Je n'évoque pas les Héritiers. Les Héritiers n'existent plus. L'organisation a été démantelée. Pour ce que j'en sais, j'en suis peut-être le dernier représentant. Et encore... Je n'ai plus grand chose à représenter. Comme je me rends compte d'ailleurs que j'ai parlé au présent de ma vie passée, je me corrige avec une pointe d'amertume :
« Enfin, je l'étais... »
Suite à ces déclarations, il aura sans doute d'autres questions à poser, mais en attendant, et pour montrer que je me plie au jeu de la discussion, je fais à mon tour mine de m'intéresser à lui.
« Vous avez parlé d'Atlantis... Comme l'île légendaire engloutie par les flots il y a quelques millénaires ? Vous voulez dire que vous venez de l'océan ? »
Je suis sceptique, évidemment, mais je tâche de ne pas être moqueur. Après tout, si l'on n'a jamais eu la preuve de l'existence d'une civilisation évoluée vivant sous l'océan, on a bien découvert qu'il y avait d'autres espèces dans l'univers, des créatures venues d'autres planètes. Alors pourquoi pas des monstres sous-marins ?
Namor fit l’effort de chercher à comprendre la personne qui était en face de lui. Et comme on les obligeait à dialoguer, autant lancer un sujet utile. Si on voulait les voir parler de la pluie et du beau temps, on s’était tromper d’individus. Le prince était curieux de connaitre la raison pourquoi cet humain était envoyé en prison et surtout la raison pour la quelle il haïssait les mutants. La raison ne se faisait pas attendre, Joshua parla franchement, que les mutants étaient pour lui une abomination et qu’il se voyait d’un devoir de sauver l’espèce humaine en éradiquant cette engeance.
-Je voie. Répondait le prince, prenant le temps d’analysé ce qu’on venait de lui dire.
Maintenant, il comprenait mieux la situation. Il avait en face de lui quelqu’un qui avait « peur » des gens comme lui et pour s’en protégé, se lançait dans une croisade. Namor comprenait alors que s’il se laissait aller à son caractère, à savoir exiger un énorme respect envers son rang et menacé de leur faire démembrer, cela n’allait rien arranger. Mais pendant que l’atlante s’adonnait à la réflexion, Joshua profita de cet instant de silence pour à son tour questionner l’émissaire. Celui-ci questionna sur les origines de Namor, sur la cité qui la vue naitre et grandir.
-En effet. Je viens du people atlante, parfois nommé Homo mermanus. Nous vivons dans les profondeurs des océans et des mers dans les cités atlantes. Depuis peu, mon peuple s’est révélé au votre pour nouer un accord de paix qui est accepté, d’où ma présence ici.
Voila pour les grandes lignes, Namor voulait éviter de préciser que lui, était un hybride, un mutant craint à la fois par les humains que les atlantes. Cela n’aurait pas arranger les choses, encore moins que les atlantes aimaient se nommaient aussi les Homo superior. Pour tout désire de supériorité, le prince attendait de voir comment les choses évolueront durant la conversation avant.
-Votre peur des mutants peu se comprendre. J’aimerais connaiutre les limites de vos idées. N’avez-vous pas peur de déjà perdre la guerre face à ceux ayant les pouvoirs des dieux ?
Toute ma vie je me suis battus, mais j’ignore quel est mon vrai combat
Le Sub-Mariner est difficile à décrypter. Je n'arrive pas à savoir ce qu'il pense de mon opinion on ne peut plus tranchée sur les mutants. Généralement, lorsque j'en viens à l'exposer - ce qui est plutôt rare, ce n'est pas le genre d'idéologie que l'on crie sur les toits de nos jours - je suscite des réactions. Là, rien. Il reste de marbre. Il a simplement l'air pensif. En même temps, qu'aurais-je à faire de son avis ?
Il confirme qu'il vient de l'océan, faisant partie d'un peuple vivant dans les profondeurs. Allons bon. L'humanité n'était pas assez menacée par les extra-terrestres et les mutants, après tout, il faut y ajouter des sirènes et des tritons. Ils ont "noué un accord de paix" ? Voilà qui est surprenant. J'ai du mal à saisir le but de la démarche, mais je ne réponds pas immédiatement. Ce que je lui ai dit amènera sans doute des questions, et il me semble plus correct de commencer par répondre aux siennes avant de poser les miennes.
En fin de compte, il se montre compréhensif de ma "peur" des mutants. C'est grossièrement résumé, mais je n'ai pas envie de le contredire. J'apprécie sa question néanmoins, car je la trouve pertinente. Et j'y apporte une réponse toute prête, tirée de ces laïus que j'ai entendus durant des années.
« Lorsque l'on s'engage dans une guerre, l'important n'est pas de savoir si l'on va gagner ou perdre. L'important est d'être prêt à sacrifier sa vie pour une cause que l'on estime juste, une cause pour laquelle cela vaut le coup de mourir. »
S'il est bien un chef des armées, il doit pouvoir comprendre cela. Néanmoins, mon point de vue sur cette belle tirade a changé depuis que j'ai eu l'occasion de la mettre en pratique. J'ajoute donc, avec une certaine humilité :
« Malheureusement, je me suis rendu compte que ce sacrifice n'était pas si simple à faire. Lorsque les agents du S.H.I.E.L.D. ont attaqué notre QG, j'aurais dû me trancher la gorge. Je n'ai pas réussi. Je suis donc devenu leur prisonnier. »
Même si je ne suis plus en prison, je suis toujours sous étroite surveillance et corvéable à merci, je m'estime donc toujours être leur prisonnier. L'agent Orchent peut bien dire que son programme vise à terme à ma réinsertion dans la société, pour l'heure je n'y crois pas vraiment. En tout cas, j'estime avoir répondu à la question posée, aussi puis-je me permettre d'à mon tour demander :
« Pourquoi vous être révélés aux humains ? Qu'attendez-vous de cet accord de paix ? »
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