Appartement de Raven - Lundi 18 novembre, matinée.
Je l'avais prévenu. Okay, c'était y'a longtemps, presque un an. Willow n'avait même pas encore pointé le bout de son nez. Mais quand j'étais allé voir Bucky pour lui proposer de rejoindre officiellement les Avengers, j'en avais profité pour lui dire que s'il faisait du mal à Wanda, je le louperais pas. A l'époque, ils se tournaient gentiment autour. Depuis, les choses avaient pas mal évolué. Wanda était tombée amoureuse de lui. Ca semblait réciproque. Et pourtant, il venait de la laisser tomber comme une vieille chaussette.
Wanda m'avait demandé de ne pas lui en vouloir, mais c'était plus fort que moi. Willow se sentait abandonnée, et si Wanda ne l'avait pas avoué, sans doute qu'elle se sentait aussi mal, voire pire. Non mais quel couillon, franchement, demander une "pause" au moment où elles avaient le plus besoin de son soutien… Il se comportait comme un gosse, comme un lâche, et je pouvais pas laisser passer ça.
C'était pourtant pas mon genre de me mêler des histoires des autres. Mais Wanda, elle était comme la petite sœur que je n'avais jamais eue. J'avais promis de veiller sur elle, et même si j'avais pas trop assuré ces derniers mois, je faisais au mieux pour être là pour elle. Pour elles. Elles avaient besoin de se sentir soutenues, aimées. Alors s'il fallait donner un bon coup de pied au cul à Bucky pour qu'il retourne les voir et assume ses sentiments, je me portais volontaire.
J'avais quand même laissé passer le week-end. J'avais été tenté de débarquer chez lui dès le vendredi soir, après ma visite au Raft, mais je songeai, à juste titre, qu'agir sous le coup de l'impulsivité n'était pas une bonne idée. Alors j'avais profité tranquillement d'un week-end en famille, pour voir si ma colère redescendait. En l'occurrence, pas tellement. J'étais surtout déterminé à lui passer un beau savon, mais je devrais être capable de me retenir de lui péter les genoux. Dans le fond je l'aimais bien, cet abruti.
J'arrivai donc devant l'immeuble de Raven le lundi en milieu de matinée. Il vivait chez elle depuis que Hydra avait découvert son appartement. Je ne m'étais pas annoncé au préalable, en vérité je n'y avais même pas pensé. Par contre j'avais bien fait gaffe de me montrer discret sur le trajet et jusqu'à arriver devant l'appartement, histoire d'être sûr que personne ne me suivait. J'étais remonté contre Bucky, mais pas au point de vouloir lui attirer des ennuis. J'appuyai trois fois sur la sonnette puis me mis à tambouriner à la porte, de façon un peu virulente, et m'exclamai :
« Ouvre ! C'est Clint ! »
La seule fois où j'étais venu le voir directement chez lui, c'était en juillet, et c'était déjà pour parler de Wanda et des sentiments qu'il avait pour elle. Il avait pas voulu s'étaler sur le sujet, à l'époque, mais cette fois il allait bien falloir qu'on en cause, et qu'on en cause sérieusement. Pour que je débarque à nouveau là où il vivait, en plus alors qu'il était logé chez quelqu'un d'autre, fallait que ce soit du sérieux.
En apportant sa bouteille de bière à ses lèvres pour en boire une bonne rasade, Bucky zieute à l’extérieur comme pour scruter les environs, à la recherche du moindre indice pouvant lui signaler que sa cachette a été découverte par les ennemis à ses trousses, mais il ne discerne rien d’alarmant, fort heureusement. À l’extérieur, le quotidien des passants s’étale sans le voir, sans même savoir que l’homme derrière le rideau occultant est un fugitif, échappé des geôles de l’Hydre après des décennies à servir de machine à tuer ; un frisson dégringole sa nuque à cette pensée ô combien morose, en même temps qu’un élan de colère vient poindre en son coeur, porté vers le Dieu de la Malice, tenu responsable de toute cette situation ; sans lui, HYDRA n’aurait jamais eu son adresse.
Le voilà, donc, seize jours plus tard, hébergé par sa meilleure amie qui, jouissant d’un bel appartement en plein Manhattan, lui prête volontiers ses murs ; la blonde est une véritable bénédiction car, malgré le danger encouru et les refus répétés du Cyborg, elle a insisté comme une diablesse pour qu’il reste avec elle, véritablement soucieuse de la situation. Captain semble davantage s’habituer puisqu’il roupille paisiblement sur le large canapé, étalé de toute sa masse poilue sur le divan comme si ce dernier lui appartenait, tandis que son maître repose sa bière sur la table basse du salon avant de s’atteler de nouveau à la tâche confiée par son amie : monter un meuble destiné à la chambre des jumeaux !
Il ignore si elle a volontairement enlevé le mode d’emploi pour l’occuper davantage, puisqu’il tente ainsi d’occuper ses journées à défaut de pouvoir sortir comme il le voudrait, et c’est donc en plein montage d’une étagère qu’il entend, tout d’abord, la sonnerie qui résonne dans l’appartement. N’attendant personne, Bucky fronce les sourcils en levant le menton en direction de l’entrée, son chien en faisant de même mais aucun des deux ne bouge, encore ; ce n’est que lorsqu’il entend distinctement des coups virulents contre la porte, ainsi qu’une voix portée avec ardeur. « Ouvre ! C'est Clint ! » La discrétion ce n’est visiblement pas son fort. Un peu perplexe quant à cette arrivée en fanfare — surtout que l’archer est au fait de la situation périlleuse, le brun se lève en soupirant d’agacement, relâchant son tournevis pour aller ouvrir la porte, non sans avoir d’abord vérifier l’identité de son visiteur, grâce au dispositif de sécurité. « T’as été huissier dans une autre vie, non ? » demande-t-il, d'une question purement rhétorique, d’une voix teintée d’ironie, avant d’abandonner la porte ouverte pour retourner à sa besogne, car cette étagère l’énerve davantage — pour l’instant, du moins.
Loin de se douter des raisons qui poussent celui qu’il pense être son ami à lui rendre visite, Bucky récupère son tournevis ainsi que la planche qui ne va nulle part puisque beaucoup trop large (est-ce qu’elle a mélangé les cartons ?), grattant finalement la fine barbe brunie qui recouvre sa mâchoire avant de dire, d’une voix plus apaisée : « Je ne t’attendais pas… Qu’est-ce qui se passe ? » Naïvement, Bucky pense tout d’abord que Clint vient quérir des informations sur ce qu’il s’est passé entre Loki et lui, sur l’immeuble qui lui est tombé dessus et sur l’Hydre, et c’est pourquoi il ne le regarde pas vraiment, concentré sur son maudit meuble.
THE FALCON & THE WINTER SOLDIER ✯ « they made you into a weapon and told you to find peace, but you can't because this is who you are, a product of war. chains are broken but are you truly free ? »
Clint Barton Avenger Agent du S.H.I.E.L.D. Niveau 8
Bucky vint enfin m'ouvrir la porte et j'entrai d'un pas vif dans l'appartement de miss Darkhölme. Il ne prit pas la peine de me saluer, et je n'étais pas dans de bonnes dispositions pour le faire non plus. Au lieu de ça, il me balança un sarcasme dont je me serais bien passé : j'étais clairement pas d'humeur pour ce genre de blagues. Je refermai prestement la porte derrière moi et lui rétorquai sur le même ton :
« Tu m'aurais ouvert si je m'étais pas annoncé ? »
La question était purement rhétorique : il n'était pas chez lui et il se planquait ici pour éviter qu'Hydra ne le retrouve, évidemment qu'il n'aurait pas ouvert sans savoir qui était derrière la porte. Mais j'avais quand même pris mes précautions, déjà en m'assurant que personne ne m'avait remarqué sur le trajet ou dans l'immeuble, ensuite en ne prononçant pas son nom lorsque j'avais frappé à la porte.
« T'en fais pas, j'ai pas été suivi. »
Mes yeux se posèrent brièvement sur le meuble en construction sur le sol du salon, puis sur le chien à moitié debout et moitié couché sur le canapé, puis je balayai la pièce du regard, par habitude. Pas de trace d'autre personne, en même temps on était lundi matin, miss Darkhölme devait être au boulot, dans le fichu institut de son frère. Comme Bucky me demandait ce qu'il se passait, je lui répondis, assez sèchement :
« J'suis allé voir Wanda. Et Willow. Vendredi. »
Je n'en dis pas plus pour le moment, attendant déjà qu'il se retourne vers moi. J'attendais aussi de voir sa première réaction et ce qu'il pourrait dire avant de commencer à l'engueuler, pour voir si j'avais de bonnes raisons de véritablement m'énerver contre lui ou s'il avait de bons arguments... Mais y'aurait intérêt à ce qu'il soit vachement convaincant.
« Tu m'aurais ouvert si je m'étais pas annoncé ? » Ne pouvant s’empêcher de rehausser l’un de ses sourcils avec perplexité, il se retourne vers son ami en donnant un coup de menton en direction du boitier situé juste à côté de la porte, donnant comme simple réponse : « Je peux voir qui est derrière la porte donc, oui. Il suffit de toquer normalement. » Ou calmement, même si les deux adverbes, ici, reviennent à la même chose ; Clint aurait pu débouler avec une fanfare que ça aurait eu le même effet aux yeux du Soldat de l’Hiver qui, ne lui en tient pas rigueur bien longtemps. Il est même heureux de le voir, puisqu’un visage familier, dans sa situation, est d’un curieux réconfort, même si le réconfort ne risque pas de durer bien longtemps. « T'en fais pas, j'ai pas été suivi. » Il faut l’espérer, oui, mais Bucky fait entièrement confiance à son camarade sur ce point, alors, il retourne simplement auprès du meuble en construction, qu’il espère avoir achevé avant le retour de son amie.
Reprenant sa place sur le tabouret posé à côté du chantier de planches découpées et de sachets de vis ouverts, il questionne Clint concernant la raison de sa venue, étant à mille lieux d’imaginer la vérité. Pour que l’Avenger vienne lui rendre visite en ces périlleuses conditions, c’est qu’il a forcément quelque chose d’important à dire… Peut-être des informations concernant HYDRA ? « J'suis allé voir Wanda. Et Willow. Vendredi. » Non, ce n’est pas HYDRA. S’il ne sait pas vraiment quoi faire de cette information, il note que Clint a inclut Willow dans sa phrase, ne parlant pas seulement de celle qu’il considère comme sa petite soeur ; peut-être le signe que cette visite leur a permis de mettre les choses à plats ? Hochant mollement son menton de haut en bas, il lève son visage pour regarder Clint, sans s’inquiéter de son air bourru ; il a toujours cet air là au visage, de toute façon. « Et ça s’est arrangé entre vous, visiblement, puisque tu parles aussi de Willow. » La rancoeur de Clint envers Willow n’étant un secret pour personne, il s’en réjouit par un léger sourire, accompagné d’un : « Je suis content pour vous. »
Sincère dans ses mots, il détourne cependant le regard pour attraper une planche, qu’il commence à visser au meuble pour installer la première étagère, tout en poursuivant : « J’imagine que tu es au courant de notre séparation, du coup. » Il ne le dit pas sans détachement émotionnel, mais il est évident qu’il ne souhaite pas en parler avec Clint ; tout d’abord parce qu’il considère que c’est sa vie privée et qu’il n’a aucune raison de s’étaler auprès de son entourage, mais également parce que c’est encore tout frais dans sa tête, ainsi que dans son coeur. Il faut être absurde pour croire qu’il a pris cette décision sans considérer la peine qu’il allait lui causer, mais il ne pouvait pas non plus mentir et perdurer à ses côtés après tout ce qu’il s’est passé ; il a besoin de temps pour digérer l’histoire. Ceux qui le comprennent, comme Sam ou Rocket, tant mieux, ceux qui ne le comprennent pas, tant pis.
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Je ne pris même pas la peine de répondre à la remarque sur l'interphone et sur le fait de "toquer normalement". C'était un coup à ce que je m'énerve pour les mauvaises raisons, et j'étais déjà bien assez sur les nerfs. Je savais d'avance que notre conversation n'allait pas être agréable, même si lui n'en avait aucune idée, vu comme il s'occupait de son meuble avec une nonchalance qui m'agaçait encore plus.
Alors je fis comme je savais si bien le faire, j'entrai direct dans le vif du sujet, sans tourner autour du pot. Enfin, je lui rentrai pas dans le lard directement, et c'était déjà un bel effort de ma part. J'en avais rien à foutre qu'il soit "content pour nous". Je trouvais même ça très hypocrite de sa part, alors que lui avait bien foutu la merde en prenant sa "pause". Tiens, si ça se trouvait, il prenait déjà du bon temps avec une autre, avec Raven pourquoi pas. Rah, rien que d'y penser, ça me mettait les nerfs en pelote.
Et voilà qu'il me parlait de leur "séparation", rien que ça, et sans même me regarder, comme si ça n'avait aucune importance ! Bon, ben pour les bons arguments qui devaient me calmer, c'était raté, et en beauté. Je dus sacrément prendre sur moi pour me retenir de donner un grand coup de pied dans sa putain d'étagère. Je serrai poings et mâchoires avant de répondre en montant le volume d'un cran :
« Votre "séparation" ? Ben première nouvelle ! D'après Wanda, tu leur as dit que tu voulais "faire une pause". Willow est moins naïve, elle a compris que tu les avais abandonnées. »
Pour le coup, elle avait raison. Et moi aussi, quand je leur avais dit que Bucky se comportait comme un connard. Il avait même pas eu les couilles de leur dire clairement qu'il les quittait, bordel. Et il était là, avec son putain de tournevis, comme si tout était normal ! Ben non mon coco, quand on fait de la merde, faut l'assumer ! Ou faut accepter de se manger un retour de bâton. Et le retour de bâton, en l'occurrence, c'était moi.
« Qu'est-ce qui t'a pris bon sang ?! T'avais dit qu'tu serais toujours là pour elles, et tu les laisses tomber au moment où elles ont le plus besoin de toi ? Tu cherches quoi, à ce qu'elles se foutent en l'air ?! »
J'y allais un peu fort pour le coup, mes mots dépassaient peut-être ma pensée, mais je m'en rendais pas vraiment compte. La colère était montée très vite, et il était surprenant que je ne l'ai pas encore insulté de tous les noms, ou que je ne lui ai pas encore collé mon poing dans sa sale figure de lâche.
N’ayant pas discerné la colère enracinée, durement nourrie depuis quelques jours, Bucky ne s’épanche pas outre mesure sur la tension palpable qu’affiche son acolyte, bien trop accaparé par le meuble qu’il espère achever avant le retour de Raven, au moins pour la remercier des risques inconsidérés qu’elle prend par amitié pour lui, et de l’accueil hautement bienveillant dont elle fait preuve à son égard.
Mais s’il s’est questionné sur la raison de cette visite, il est rapidement confronté à la réalité : Clint n’est pas ici pour prendre de ses nouvelles, ni même pour converser sur l’incident avec Loki et HYDRA. « Votre "séparation" ? Ben première nouvelle ! D'après Wanda, tu leur as dit que tu voulais "faire une pause". » Dans la mesure où faire une pause implique une coupure aussi franche que nette, permettant aux deux personnes de se retrouver pour mettre calmement les choses à plats et se ressourcer chacun de leurs côtés, oui, c’est une séparation. Il doit vraiment lui expliquer le principe ? Ne comprenant pas réellement la réaction de Clint, qu’il juge excessif et immature sur l’instant, le Cyborg plisse légèrement ses paupières en commençant à rehausser l’un de ses sourcils, preuve que tout ceci lui cause une certaine incompréhension. « Willow est moins naïve, elle a compris que tu les avais abandonnées. » La formulation, somme toute dramatique, l’oblige finalement à froncer ses sourcils avec non pas incompréhension cette fois, mais sévérité. Mais puisqu’il a encore de l’estime pour l’homme qui se tient devant lui, il s’efforce de puiser dans toute la contenue que son esprit peut receler, pour lui répondre d’une voix que l’on sent infiltrée par la nervosité : « Je dois avoir Alzheimer parce que je me souviens pas t’avoir demandé ton avis, Clint. En quoi ça te regarde ? Tu faisais partie de notre couple et je n’étais pas au courant ? Cela ne regarde que Willow, Wanda et moi. » Si Sam et Rocket avaient eu l’intelligence de comprendre sa décision, ce n’est visiblement pas le cas de Clint ; quoique cela le désole, la déception est davantage grande puisqu’il a toujours considéré l’homme comme un modèle, un leader et un homme intègre qui sait où sont les limites : notamment, ne pas se mêler de la vie privée des autres. Or, visiblement, il s’est largement trompé à son sujet. Clint vient de tomber de son piédestal.
« Qu'est-ce qui t'a pris bon sang ?! » Interrompant ses gestes, ses mains se déposent toutes deux sur son genou tandis qu’il fait tournoyer l’instrument de bricolage entre ses mains, plus pour s’occuper les doigts qu’autre chose. Si Clint avait eu la décence de parler correctement, il ne fait aucun doute que Bucky aurait pris le temps de lui expliquer les raisons de sa décision mais, puisqu’il préfère jouer l’adolescent impulsif volant au secours de sa meilleure amie dans la cour de récréation, le Cyborg n’a aucunement l’intention de lui répondre. « T'avais dit qu'tu serais toujours là pour elles, et tu les laisses tomber au moment où elles ont le plus besoin de toi ?» Oui, parce que lui aussi a besoin de lui-même, et qu’il ne peut pas toujours s’écraser au profit des autres. Scoop : c’est son bras qui est en métal, pas son coeur.
C’est assez effarant de constater que Clint a, lui aussi, rejeté les sorcières pendant un temps ; il est donc capable d’avoir une totale acceptation de ses propres ressentis, mais sans pouvoir envisager que les autres peuvent éprouver le même besoin d’éloignement. La maturité émotionnelle est un luxe que certains ne peuvent pas s’offrir, visiblement. « Tu cherches quoi, à ce qu'elles se foutent en l'air ?! » La demande glisse sur sa peau sans véritablement l’imprégner puisque, ce chantage affectif n’a que trop peu d’effet sur lui ; il a suffisamment de culpabilité liée à son passé pour s’épargner celle-ci. Il sait pourquoi il a pris cette décision, il l’a fait correctement en expliquant concrètement ce qu’il ressentait et ce dont il a besoin, alors il n’éprouve aucun remord ni déshonneur à ce sujet. « N’importe quoi. » Tout ceci lui semble tellement ridicule qu’il délaisse bien rapidement la colère pour l’effarement ; dans ses yeux, désormais, on peut lire non pas la nervosité de l’ébullition, mais plutôt une indifférence presque moqueuse. Il trouve cette situation tout bonnement aberrante, et le comportement de Clint tout à fait absurde. « Écoute, si ça te fait plaisir de le penser, vas-y. J’ai pas à me justifier auprès de toi, encore moins quand tu te crois permis de venir me sermonner comme si j’étais ton gamin. Je ne sais pas qui t’a dit que j’en avais quelque chose à faire de ton avis, mais je préfère te le dire tout de suite, ce n’est pas le cas. Tu diriges les Avengers, pas ma vie privée. La décision que j’ai prise m’appartient, et elle ne concerne que Willow et Wanda. Les autres ont compris pourquoi j’ai fait ça, si toi non… Tant pis. Ce n’est pas mon problème. » S’étant hissé sur ses jambes lors de son discours, il hausse les épaules avec une prompte indifférence, sans le quitter des yeux. « T’as dit ce que tu avais à dire, maintenant, je vais te demander de partir. » Stoïque, il n’ajoute rien de plus : si Clint décide de s’en aller sur cette mauvaise note, tant mieux, sinon, nul doute que Bucky ne se montrera guère plus coopératif.
Un instant, l’idée que les choses dégénèrent passe dans son esprit : il sait que Clint se briserait les os en essayant de le cogner, et que grâce au sérum qui coule dans ses veines il peut, de lui-même, broyer les os de la main de son interlocuteur rien qu’avec celle qu’il a d’humaine. De ce fait, il n’est pas inquiet quant à l’issue de cette entrevue : il regretterait de voir le faucon (ou le vrai comme il le dirait) déplumé, mais ce ne sera pas sa décision. Il ne sera pas celui qui donne le premier coup. En revanche, leur amitié vient d’en prendre un, de coup.
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Bucky n'avait pas l'air de se rendre compte du mal qu'il avait pu faire à Wanda et Willow. Ou alors il s'en foutait, ce qui le faisait sacrément baisser dans mon estime. Je pensais que c'était quelqu'un sur qui on pouvait compter... ben je me gourais. Dire que j'avais risqué ma peau et mon amitié avec Natasha pour sauver cet abruti... Dire que j'avais soutenu son intégration au sein des Avengers...
Il me reprocha de me mêler de ce qui ne me regardait pas. Effectivement, c'était clairement pas dans mes habitudes d'aller fouiner dans la vie privée des autres. Mais pour le coup, j'estimais que ça me concernait parce que je tenais beaucoup à elles et que je détestais les voir si mal, à cause des conneries d'un homme. Wanda avait déjà beaucoup souffert en amour et ça avait en partie provoqué l'émergence de Willow. Elle avait pas besoin d'une nouvelle peine de cœur, surtout quand son histoire avec Bucky était au contraire censée lui redonner confiance en elle. Mais ça, à l'évidence, il ne le comprenait pas.
« Ca me regarde parce qu'elles vont très mal, en grande partie à cause de toi. Ca me regarde parce que je tiens à elles. Contrairement à toi, en fin de compte. »
Plus que de la colère, j'étais surtout très déçu par son attitude, que je ne comprenais pas. La valeur d'une promesse était très importante à mes yeux. Je me rendais compte que ce n'était pas son cas. Et non, je ne comprenais pas pourquoi il avait fait ça, et je m'y étais sans doute mal pris pour obtenir des réponses de sa part. Et dans le fond, je m'en foutais. Mon opinion sur lui venait de sacrément changer.
Il avait dit ce qu'il avait à dire. En résumé, il s'en foutait de mon avis, et il s'en foutait de la souffrance de Wanda. Il n'y avait pas que son putain de bras qui était robotique. Mais moi je n'en avais pas tout à fait fini avec lui. Je n'allais pas lui cogner dessus, ça n'aurait servi à rien. Et c'était pas mon genre. Ma gestion de la colère n'était pas parfaite, mais je travaillais beaucoup dessus. Et j'étais pas une brute épaisse. Quand je portais des coups, c'était généralement pour tuer, pas pour blesser. Bucky était un connard et un lâche, mais il ne valait pas la peine que je le frappe.
« Quand on fait des promesses et qu'on ne les tient pas, faut s'attendre à des réactions désagréables. J'avais confiance en toi. Félicitations, t'as tout foutu en l'air. »
Ma colère avait cédé la place à l'amertume. Il ne voulait pas de mon avis, eh ben tant pis, je lui donnais quand même. Qu'il me considère comme un moralisateur, j'en avais rien à faire. Pour un mec de cent vingt balais, il avait la maturité émotionnelle d'un adolescent. Rien d'étonnant, du coup, à ce que je le "sermonne comme un gamin". Il en aurait peut-être rien à foutre de ce que je lui disais, peut-être que ça glisserait sur lui. Mais peut-être qu'il y réfléchirait. Même si je commençais à sérieusement en douter.
Voilà, maintenant j'avais dit ce que j'avais à dire. Même si, bordel, ça me faisait chier de réaliser qui il était vraiment. Je pensais qu'on se ressemblait, lui et moi. Qu'on avait tous les deux une part sombre, mais qu'on avait su la surmonter. Qu'on pouvait se soutenir et compter l'un sur l'autre. Je m'étais lourdement trompé. Je lui tournai le dos pour revenir vers la porte d'entrée, mais juste avant de la franchir je lui adressai une dernière phrase, sans le regarder :
« A te foutre de tout et de tout le monde, tu finiras seul. »
Puis je quittai l'appartement, le cœur lourd. Je relativiserai plus tard, en me disant qu'il y avait heureusement d'autres personnes sur qui je pouvais compter, que ce soit dans ma vie personnelle ou au sein des Avengers et du S.H.I.E.L.D. Mais concernant Bucky, c'était fini. Si on partirait sûrement en mission ensemble, jamais plus je ne pourrai lui faire entièrement confiance.
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