Le paysage était magnifique. Le ciel, d’un bleu azur, semblait s’étendre à perte de vue sans que rien, pas même un nuage ne vienne perturber cette toile. Le parc était immense, semé d’arbres de toutes espèces et de buissons plus variés les uns que les autres. La vue paraissait directement sortie d’une œuvre d’art tant il y a avait de tons de verts, du plus sombre au plus clair, toute la palette était là. Le chemin qui menait au manoir était beaucoup trop parfait, beaucoup trop bien entretenu pour être vrai. Les gravillons couleur sable semblaient avoir été placé ici à la main, un par un, tant tout cela était impeccable. Le manoir quant à lui, se dressait au milieu de ce paysage, majestueux, inchangé. Par endroit, du lierre grimpait le long des murs de pierres blanches, usées par le temps et donnait l’impression qu’un serpent glissait le long de sa façade. Toutes ces couleurs étaient magnifiques.
J’étais assis dans l’herbe, les genoux repliés, les avant-bras posés dessus, le menton appuyés sur mes poignets croisés. Moi, je voyais tout en nuances de rouge. À travers les lunettes en rubis quartz qui ne quittaient jamais mon visage, il n’y avait plus de palette de couleurs. Tout se ressemblait.
Je relevais lentement la tête alors que loin, là-haut, je pouvais apercevoir la forme effilé du fuselage d’un avion de chasse. Alors que l’appareil s’éloignait, je pouvais finalement entendre le bruit du réacteur. Un fin sourire naquit sur mon visage, cette vue et ce son me rappelait mon père, pilote d’essai de l’US Air Force. Je me souvenais des week-ends passés sur la base aérienne d’Anchorage, l’odeur du kérosène qui brûle, le jet de mon père qui voltigeait dans les airs. Ma mère qui me portait souvent sur ses épaules alors qu’Alex se tenait toujours à côté d’elle. Les vacances que nous passions un peu partout dans le pays, parce que mon père avait pour habitude de nous emmener dans son monomoteur, un vieux Cessna 172.
Toute cette insouciance et ce bonheur avaient disparu lorsqu’Alex avait quitté la maison familiale pour rejoindre une école spéciale, ce qui arriva peu de temps après la décision de nos parents quitter Anchorage, pour nous installer dans l’Ohio. Moi j’étais entré au lycée et le dialogue n’existait plus entre mes parents et moi. Même si nous n’avions jamais été collés l’un à l’autre ou trop proches, je n’avais pas supporté le départ d’Alex. Alors, même si c’était un peu le cas avant, mon comportement changea, les hormones aidant. Je devins arrogant, hargneux et excessivement sûr de moi. Au lycée, j’étais provocateur et agressif. Peut-être que mon comportement était aussi le résultat des nombreuses migraines ophtalmiques qui me pourrissaient le quotidien. Enfin, à cette époque, je croyais naïvement que c’était des migraines. Jusqu’à ce qu’un jour, mon pouvoir se manifeste pour la première fois.
Je quittais finalement l’avion de chasse du regard et, tout en fermant les yeux, retirais mes lunettes. J’avais envie de voir le monde tel qu’il était, de voir ce monde tel qu’il était. Je ne m’étais toujours pas habitué à ce que j’avais vécu ces dernières années. À vrai dire, je ne m’en remettais pas. Lorsque j’y repensais, il n’y avait absolument aucune logique là-dedans, aucune logique dans tout ce que j’avais vécu.
Remettant mes souvenirs dans l’ordre, je me rappelais du combat contre Apocalypse. Je revoyais mes amis autour de moi sur ce champ de bataille. Aussi étrange que cela puisse paraître, je ne m’étais jamais senti aussi bien que durant cette bataille. Je m’étais senti à ma place, appartenant à quelque chose qui me dépassait, quelque chose de plus grand et qui valait la peine de se battre : les X-Men. Alex n’étant plus là, mes parents ayant disparus, ils étaient ma seule et unique famille. Et avant que ce soit nous contre le reste du monde, cela avait été nous contre Apocalypse. J’avais libéré une bonne partie de ma puissance pour essayer de le battre…mais ce n’était pas suffisant. Le Professeur Xavier et surtout Jean se chargèrent de lui. Durant cette bataille, je m’étais senti moi-même, fort, fier et puissant. Malheureusement pour moi, ce sentiment fut de trop courte durée et une faille spatio-temporelle absorba tous les mutants présents, nous recrachant trente-cinq ans plus tard.
Ce qui se passa ce-jour-là était l’histoire entière de ma vie. Aussi loin que je puisse me souvenir, j’avais toujours vécu dans un ascenseur émotionnel. Mon enfance avait subi ce sort car je nageais dans le bonheur, j’étais un gamin heureux, comblé et le destin m’avait absolument tout arraché. Comme ça, d’un claquement de doigts, du jour au lendemain j’avais tout perdu. J’avais perdu l’occasion d’être un gosse normal, de ne pas être pointé du doigt et détesté.
Et Alex. Il m’avait été lui aussi arraché par le destin, sauf que le jour où il avait été tué, le destin avait un nom : En Sabah Nur. Apocalypse. C’était avant qu’on l’affronte, avant que j’ai ce sentiment d’appartenir à quelque chose de plus grand moi. Je me souvenais parfaitement de cette vision d’horreur. Je pouvais encore voir le trou béant laissé suite à l’explosion du manoir, je pouvais encore sentir l’odeur de la fumée, sentir les larmes couler sur mes joues. Alex et moi n’avions jamais eu une relation fusionnelle, ni démonstrative mais nous savions que nous pouvions compter l’un sur l’autre, toujours. Mais il m’avait été enlevé, de la pire des manières et je n’avais pas eu le temps de faire mon deuil, je n’avais pas eu le temps d’accepter sa mort et je garderai toujours cette blessure en moi.
Ce fût probablement sa mort qui provoqua ce choix, cette décision avec Kurt et Jean notamment, de nous faire délibérément capturer par cet enfoiré de Stryker, afin de pouvoir venir en aide à nos amis, afin de pouvoir les secourir. Car ce fût certainement à cet instant, lorsque nous avions pris cette décision que je compris que les X-Men étaient ma seule et vraie famille.
C’était lui qui était venu me chercher chez nos parents, après l’apparition de mes pouvoirs. C’était lui qui avait su prendre soin de moi, qui m’avait rassuré en m’expliquant que nous étions pareils. C’était lui qui m’avait présenté au Professeur. Tout, tout était Alex et il n’était plus là.
Les yeux humides, je chaussais à nouveau mes lunettes et le monde autour de moi reprit ses nuances de rouge. Je passais une main sur mon visage juvénile, comme pour chasser mes pensées. C’était impossible. Tout se chamboulait dans mon esprit, tout ce que j’avais vécu, toutes ces épreuves était de trop. Mon regard tomba sur ma main. Elle était celle d’un jeune homme de vingt ans et pourtant, pourtant avec cette faille et le snap, j’avais soixante-et-un ans. Comment était-ce concevable ? Comment les autres pouvaient vivre avec ça et pas moi ? Parce que ce dramatique snap faisait également partie de l’ascenseur émotionnel de ma vie. À peine avais-je mit les pieds dans cette réalité, dans ce monde qu’une fois de plus tout m’était enlevé.
Ce jour avait laissé une trace inaltérable en moi. J’avais appris à découvrir ce monde, cette époque et avais commencé à apprécier ce que j’y avais trouvé. Principalement les voitures. Moi qui avais toujours été un fan de courses automobiles et autres bolides en tous genres, je n’y avait pas cru lorsque j’avais vu pour la première fois une Dodge Viper ou une Mustang GT500. Et puis il y avait ce groupe que j’avais vu à la télévision, les Avengers. Je m’étais quasiment instantanément projeté à la place de Captain America, mais à la tête des X-Men. Et s’il y avait une chose que je leur avais envié, c’était que le monde entier les avait acceptés et idolâtrés. Alors qu’à mon époque, nous étions haïs et considérés comme des parias. Cette vision d’unité m’avais laissé apercevoir la possibilité que ce bond dans le temps pouvait nous permettre à nous, mutants, d’être finalement reconnu et considéré à notre juste valeur. L’échec des Avengers, la victoire de Thanos me retira cet espoir.
« Putain… », murmurais-je pour moi-même en repensant à ce moment.
Jean. Je l’avais perdu une première fois à ce moment. Je l’avais vu, à quelques pas de moi littéralement disparaitre alors que son corps entier se transformait en poussière. Et puis ça avait été mon tour, j’avais vu ma main dépérir, mon bras et mon corps laisser place à de la poussière sans rien, sans strictement rien pouvoir faire. Je n’avais pas pu crier mon désespoir, je n’avais pas pu sauver Jean. J’avais simplement disparu.
Et, l’espace d’un clignement d’yeux pour moi –cinq longues années en réalité- je revins où je me trouvais, comme si je n’étais jamais parti. J’appris par la suite que les Avengers avaient réussi à vaincre Thanos, à ramener le monde tel qu’il était par le passé mais à quel prix. J’avais été observateur de tous ces événements, comme j’avais été observateur de ce qui s’était passé durant le jour des héros. J’aurais tant aimé être présent aux côtés de ces fameux Avengers, me battre avec eux et ainsi prouver ma véritable valeur au monde entier. Alex avait toujours cru en moi, il pensait même que de nous deux, c’était moi qui avait l’avenir le plus brillant, surtout depuis que j’avais intégré les X-Men. Je mourrais d’envie de faire mes preuves, de participer à tous ces combats et que moi, Cyclope ai l’occasion, ne serait-ce qu’une seule de prouver que j’étais capable de beaucoup plus.
Paradoxalement, je n’avais pas été intéressé par ce jour des héros. Je n’avais pas souhaité y participer parce qu’à ce moment, je luttais encore avec moi-même. Je luttais avec tout ce que j’avais vécu pour pouvoir mettre les choses en ordre, admettre que je n’étais pas de cette époque, que j’avais disparu cinq ans et…et que j’étais un vieillard dans le corps d’un gosse. Tout ça ne collait pas et j’avais besoin de temps pour analyser, ingérer et digérer toutes ces informations. Pourtant, une fois de plus, je n’avais pas été là où j’aurais dû être. J’appris et vis que Magneto s’en était pris à Jean. Cela m’avait conforté dans mon idée qu’on ne pouvait pas faire confiance à ce type.
Plus récemment, j’avais même essayé de m’en prendre à ces chasseurs de mutants. J’avais voulu faire justice moi-même, parce que je ne supportais pas ces restes de xénophobie. J’avais essayé de les traquer, de les arrêter moi-même, j’aurais voulu pouvoir les confronter mais je n’avais pas les ressources, pas les moyens nécessaires.
Soudainement ma mâchoire se crispa alors qu’elle apparaissait, au loin, à la porte du manoir. Elle ne me vit pas mais moi, j’étais parfaitement incapable de détacher mon regard. Mon cœur manqua un battement, peut-être deux et j’eus l’impression que tout s’effondrait dans ma poitrine. J’aurais voulu crier son nom, aller la voir, la prendre dans mes bras, l’embrasser, sentir son parfum, toucher ses cheveux, l’aimer et lui montrer que je l’aimais. Rien de tout cela n’était possible parce que j’avais été un putain d’égoïste et que je l’avais repoussée, rejetée comme si elle n’avait jamais rien représenté à mes yeux.
Incapable de faire face seul ou avec elle a mon incapacité de tout remettre en ordre, j’avais rejeté la faute sur elle. Je lui avais dit que c’était elle le problème alors qu’au fond ça avait toujours été moi. La voyant s’éloigner sans même avoir posé le regard sur moi me donna envie de hurler, d’extérioriser le peu d’estime que j’avais pour moi. Je soupirais et baissais la tête, serrant les poings : je ferai tout, absolument tout pour la récupérer.
Mais je savais que aussi, en mon for intérieur que tout est beaucoup plus compliqué. Je voulais trouver ma place dans ce monde, pouvoir être moi-même sans avoir nécessairement l’obligation de me cacher à cause de mes gênes mutés. Je voulais grandir, mûrir et avancer. Je voulais être un exemple pour les jeunes mutants, je voulais avoir une place importante dans l’avenir de notre cause. Je voulais juste être un modèle, une source d’inspiration pour les prochaines générations.
J’étais assis dans l’herbe, les genoux repliés, les avant-bras posés dessus, le menton appuyés sur mes poignets croisés. Moi, je voyais tout en nuances de rouge. À travers les lunettes en rubis quartz qui ne quittaient jamais mon visage, il n’y avait plus de palette de couleurs. Tout se ressemblait.
Je relevais lentement la tête alors que loin, là-haut, je pouvais apercevoir la forme effilé du fuselage d’un avion de chasse. Alors que l’appareil s’éloignait, je pouvais finalement entendre le bruit du réacteur. Un fin sourire naquit sur mon visage, cette vue et ce son me rappelait mon père, pilote d’essai de l’US Air Force. Je me souvenais des week-ends passés sur la base aérienne d’Anchorage, l’odeur du kérosène qui brûle, le jet de mon père qui voltigeait dans les airs. Ma mère qui me portait souvent sur ses épaules alors qu’Alex se tenait toujours à côté d’elle. Les vacances que nous passions un peu partout dans le pays, parce que mon père avait pour habitude de nous emmener dans son monomoteur, un vieux Cessna 172.
Toute cette insouciance et ce bonheur avaient disparu lorsqu’Alex avait quitté la maison familiale pour rejoindre une école spéciale, ce qui arriva peu de temps après la décision de nos parents quitter Anchorage, pour nous installer dans l’Ohio. Moi j’étais entré au lycée et le dialogue n’existait plus entre mes parents et moi. Même si nous n’avions jamais été collés l’un à l’autre ou trop proches, je n’avais pas supporté le départ d’Alex. Alors, même si c’était un peu le cas avant, mon comportement changea, les hormones aidant. Je devins arrogant, hargneux et excessivement sûr de moi. Au lycée, j’étais provocateur et agressif. Peut-être que mon comportement était aussi le résultat des nombreuses migraines ophtalmiques qui me pourrissaient le quotidien. Enfin, à cette époque, je croyais naïvement que c’était des migraines. Jusqu’à ce qu’un jour, mon pouvoir se manifeste pour la première fois.
Je quittais finalement l’avion de chasse du regard et, tout en fermant les yeux, retirais mes lunettes. J’avais envie de voir le monde tel qu’il était, de voir ce monde tel qu’il était. Je ne m’étais toujours pas habitué à ce que j’avais vécu ces dernières années. À vrai dire, je ne m’en remettais pas. Lorsque j’y repensais, il n’y avait absolument aucune logique là-dedans, aucune logique dans tout ce que j’avais vécu.
Remettant mes souvenirs dans l’ordre, je me rappelais du combat contre Apocalypse. Je revoyais mes amis autour de moi sur ce champ de bataille. Aussi étrange que cela puisse paraître, je ne m’étais jamais senti aussi bien que durant cette bataille. Je m’étais senti à ma place, appartenant à quelque chose qui me dépassait, quelque chose de plus grand et qui valait la peine de se battre : les X-Men. Alex n’étant plus là, mes parents ayant disparus, ils étaient ma seule et unique famille. Et avant que ce soit nous contre le reste du monde, cela avait été nous contre Apocalypse. J’avais libéré une bonne partie de ma puissance pour essayer de le battre…mais ce n’était pas suffisant. Le Professeur Xavier et surtout Jean se chargèrent de lui. Durant cette bataille, je m’étais senti moi-même, fort, fier et puissant. Malheureusement pour moi, ce sentiment fut de trop courte durée et une faille spatio-temporelle absorba tous les mutants présents, nous recrachant trente-cinq ans plus tard.
Ce qui se passa ce-jour-là était l’histoire entière de ma vie. Aussi loin que je puisse me souvenir, j’avais toujours vécu dans un ascenseur émotionnel. Mon enfance avait subi ce sort car je nageais dans le bonheur, j’étais un gamin heureux, comblé et le destin m’avait absolument tout arraché. Comme ça, d’un claquement de doigts, du jour au lendemain j’avais tout perdu. J’avais perdu l’occasion d’être un gosse normal, de ne pas être pointé du doigt et détesté.
Et Alex. Il m’avait été lui aussi arraché par le destin, sauf que le jour où il avait été tué, le destin avait un nom : En Sabah Nur. Apocalypse. C’était avant qu’on l’affronte, avant que j’ai ce sentiment d’appartenir à quelque chose de plus grand moi. Je me souvenais parfaitement de cette vision d’horreur. Je pouvais encore voir le trou béant laissé suite à l’explosion du manoir, je pouvais encore sentir l’odeur de la fumée, sentir les larmes couler sur mes joues. Alex et moi n’avions jamais eu une relation fusionnelle, ni démonstrative mais nous savions que nous pouvions compter l’un sur l’autre, toujours. Mais il m’avait été enlevé, de la pire des manières et je n’avais pas eu le temps de faire mon deuil, je n’avais pas eu le temps d’accepter sa mort et je garderai toujours cette blessure en moi.
Ce fût probablement sa mort qui provoqua ce choix, cette décision avec Kurt et Jean notamment, de nous faire délibérément capturer par cet enfoiré de Stryker, afin de pouvoir venir en aide à nos amis, afin de pouvoir les secourir. Car ce fût certainement à cet instant, lorsque nous avions pris cette décision que je compris que les X-Men étaient ma seule et vraie famille.
C’était lui qui était venu me chercher chez nos parents, après l’apparition de mes pouvoirs. C’était lui qui avait su prendre soin de moi, qui m’avait rassuré en m’expliquant que nous étions pareils. C’était lui qui m’avait présenté au Professeur. Tout, tout était Alex et il n’était plus là.
Les yeux humides, je chaussais à nouveau mes lunettes et le monde autour de moi reprit ses nuances de rouge. Je passais une main sur mon visage juvénile, comme pour chasser mes pensées. C’était impossible. Tout se chamboulait dans mon esprit, tout ce que j’avais vécu, toutes ces épreuves était de trop. Mon regard tomba sur ma main. Elle était celle d’un jeune homme de vingt ans et pourtant, pourtant avec cette faille et le snap, j’avais soixante-et-un ans. Comment était-ce concevable ? Comment les autres pouvaient vivre avec ça et pas moi ? Parce que ce dramatique snap faisait également partie de l’ascenseur émotionnel de ma vie. À peine avais-je mit les pieds dans cette réalité, dans ce monde qu’une fois de plus tout m’était enlevé.
Ce jour avait laissé une trace inaltérable en moi. J’avais appris à découvrir ce monde, cette époque et avais commencé à apprécier ce que j’y avais trouvé. Principalement les voitures. Moi qui avais toujours été un fan de courses automobiles et autres bolides en tous genres, je n’y avait pas cru lorsque j’avais vu pour la première fois une Dodge Viper ou une Mustang GT500. Et puis il y avait ce groupe que j’avais vu à la télévision, les Avengers. Je m’étais quasiment instantanément projeté à la place de Captain America, mais à la tête des X-Men. Et s’il y avait une chose que je leur avais envié, c’était que le monde entier les avait acceptés et idolâtrés. Alors qu’à mon époque, nous étions haïs et considérés comme des parias. Cette vision d’unité m’avais laissé apercevoir la possibilité que ce bond dans le temps pouvait nous permettre à nous, mutants, d’être finalement reconnu et considéré à notre juste valeur. L’échec des Avengers, la victoire de Thanos me retira cet espoir.
« Putain… », murmurais-je pour moi-même en repensant à ce moment.
Jean. Je l’avais perdu une première fois à ce moment. Je l’avais vu, à quelques pas de moi littéralement disparaitre alors que son corps entier se transformait en poussière. Et puis ça avait été mon tour, j’avais vu ma main dépérir, mon bras et mon corps laisser place à de la poussière sans rien, sans strictement rien pouvoir faire. Je n’avais pas pu crier mon désespoir, je n’avais pas pu sauver Jean. J’avais simplement disparu.
Et, l’espace d’un clignement d’yeux pour moi –cinq longues années en réalité- je revins où je me trouvais, comme si je n’étais jamais parti. J’appris par la suite que les Avengers avaient réussi à vaincre Thanos, à ramener le monde tel qu’il était par le passé mais à quel prix. J’avais été observateur de tous ces événements, comme j’avais été observateur de ce qui s’était passé durant le jour des héros. J’aurais tant aimé être présent aux côtés de ces fameux Avengers, me battre avec eux et ainsi prouver ma véritable valeur au monde entier. Alex avait toujours cru en moi, il pensait même que de nous deux, c’était moi qui avait l’avenir le plus brillant, surtout depuis que j’avais intégré les X-Men. Je mourrais d’envie de faire mes preuves, de participer à tous ces combats et que moi, Cyclope ai l’occasion, ne serait-ce qu’une seule de prouver que j’étais capable de beaucoup plus.
Paradoxalement, je n’avais pas été intéressé par ce jour des héros. Je n’avais pas souhaité y participer parce qu’à ce moment, je luttais encore avec moi-même. Je luttais avec tout ce que j’avais vécu pour pouvoir mettre les choses en ordre, admettre que je n’étais pas de cette époque, que j’avais disparu cinq ans et…et que j’étais un vieillard dans le corps d’un gosse. Tout ça ne collait pas et j’avais besoin de temps pour analyser, ingérer et digérer toutes ces informations. Pourtant, une fois de plus, je n’avais pas été là où j’aurais dû être. J’appris et vis que Magneto s’en était pris à Jean. Cela m’avait conforté dans mon idée qu’on ne pouvait pas faire confiance à ce type.
Plus récemment, j’avais même essayé de m’en prendre à ces chasseurs de mutants. J’avais voulu faire justice moi-même, parce que je ne supportais pas ces restes de xénophobie. J’avais essayé de les traquer, de les arrêter moi-même, j’aurais voulu pouvoir les confronter mais je n’avais pas les ressources, pas les moyens nécessaires.
Soudainement ma mâchoire se crispa alors qu’elle apparaissait, au loin, à la porte du manoir. Elle ne me vit pas mais moi, j’étais parfaitement incapable de détacher mon regard. Mon cœur manqua un battement, peut-être deux et j’eus l’impression que tout s’effondrait dans ma poitrine. J’aurais voulu crier son nom, aller la voir, la prendre dans mes bras, l’embrasser, sentir son parfum, toucher ses cheveux, l’aimer et lui montrer que je l’aimais. Rien de tout cela n’était possible parce que j’avais été un putain d’égoïste et que je l’avais repoussée, rejetée comme si elle n’avait jamais rien représenté à mes yeux.
Incapable de faire face seul ou avec elle a mon incapacité de tout remettre en ordre, j’avais rejeté la faute sur elle. Je lui avais dit que c’était elle le problème alors qu’au fond ça avait toujours été moi. La voyant s’éloigner sans même avoir posé le regard sur moi me donna envie de hurler, d’extérioriser le peu d’estime que j’avais pour moi. Je soupirais et baissais la tête, serrant les poings : je ferai tout, absolument tout pour la récupérer.
Mais je savais que aussi, en mon for intérieur que tout est beaucoup plus compliqué. Je voulais trouver ma place dans ce monde, pouvoir être moi-même sans avoir nécessairement l’obligation de me cacher à cause de mes gênes mutés. Je voulais grandir, mûrir et avancer. Je voulais être un exemple pour les jeunes mutants, je voulais avoir une place importante dans l’avenir de notre cause. Je voulais juste être un modèle, une source d’inspiration pour les prochaines générations.