[Terminé] Mieux vaut tard que jamais

Attendre n’avait jamais été mon point fort. C’était curieusement ironique d’être aussi pressé de mener à terme une discussion que j’avais pourtant attendu près de quarante ans d’avoir avec Charles. Pourquoi ça m’était paru aussi naturel d’en parler à Raven, et pas à lui ? La question pouvait se poser, mais je n’étais même pas certain d’avoir moi-même la réponse. Dans mon crâne, tout se bousculait en permanence. Le bon moment ne s’était juste jamais présenté avant. Tout s’était enchaîné à une vitesse prodigieuse – même pour moi – avant que nous ne soyons tous transportés des années plus tôt, puis proprement rayés de la carte en un battement de cils à peine quelques semaines ensuite. Il avait fallu s’adapter, se reconstruire une vie, en étant complètement déraciné. J’avais laissé de côté toutes ces questions épineuses pour me concentrer sur l’essentiel, avant de me dire que je faisais probablement fausse-route. J’avais peut-être simplement cherché à fuir, en fin de compte. Parce que c’était essentiel pour moi.

Et si prendre la décision m’avait pris des dizaines d’années – que je n’avais pas vu filer soi-dit en passant – me volatiliser de New York pour revenir à l’Institut Xavier ne m’avait pris que le temps d’un battement de cils. Je me retrouvais face au bureau de Charles, évidemment déjà en grandes discussions avec un de ses étudiants ou un des professeurs… Je n’écoutais pas aux portes pour m’en assurer. Ça ne m’intéressait pas tellement.

Par contre, il me suffit seulement de le voir entrebâiller la porte, une fois leur entrevue finie, pour que je me précipite à l’intérieur comme si mon ticket pour mon passage risquait d’expirer dans la seconde. Le concerné ne vit même pas que je m’étais engouffré dans la brèche laissée. « Salut, Charles. » J’aurais pu m’adresser à lui avec un peu plus de déférence, à employer du Xavier, ou pire, du Professeur X, mais je ne m’embarrassais pas de ronds de jambes. Je n’aimais pas perdre mon temps. Et vu dans quel état il était quand on s’était rencontré, ça me paraîtrait même bizarre en vérité. Je l’avais connu alors que cette institution n’était plus qu’une vieille chimère, un papier oublié dans un portefeuille. « Tu aurais deux minutes ? » Deux minutes, ça annonçait une conversation assez longue pour moi. J’aurais eu le temps de faire l’aller-retour à New York sans me fouler dans ce laps de temps.

Le problème, c’était que maintenant je séchais sans trouver mes mots. Comment j’aurais dû m’y prendre exactement ? Lui parler de son statut « c’est compliqué » sur les réseaux sociaux avec Magneto ? Je n’étais même pas certain qu’il comprenne la blague. J’avais découvert leur existence il y a quelques mois seulement pour qu’on m’informe qu’écrire ce type de statut n’était déjà plus d’actualités. Et si je lui demandais plutôt des nouvelles de lui ? Brillante idée. Il pourrait me parler de ses talents artistiques sur sculpture métallique qui avait impressionné toute la presse. Peut-être qu’au lieu de parler, je pourrais lui demander de lire dans mes pensées. Le mal de crâne était garanti, vu comment ça pouvait carburer vite parfois là-haut. Et pour strictement rien. Et ça se trouvait, il était déjà au courant.

« Ça va à l’Institut ? Pas de casses ? »
Super, Peter. Tout ça pour finalement te dégonfler.

Mieux vaut tard que jamais

Peter et Charles

Bureau du professeur Xavier - Mardi 17 décembre, milieu de matinée

Le professeur Xavier ne donnait pas de cours ce matin, mais cela ne l'empêchait pas d'être occupé. Le cuisinier en chef lui avait envoyé la jeune Abigaël Simmons, quinze ans, orpheline, qui pouvait moduler la taille de son corps et en avait profité pour chiper de la nourriture dans les cuisines… une fois de plus. Une fois de trop, puisqu'elle se retrouvait ce matin dans le bureau du directeur. Celui-ci avait longuement discuté avec elle, calmement, avec pédagogie, pour tenter de résoudre le problème.

« Tu sais, Abigaël, tu ne vis plus dans la rue maintenant, tu n'as plus besoin de voler pour vivre… »

Au-delà de ses habitudes kleptomanes, la jeune mutante souffrait également du problème que ses transformations physiques brûlaient beaucoup de calories, de facto elle avait constamment faim. Ils trouvèrent donc ensemble une solution, un aménagement pour qu'elle puisse avoir à la cantine une portion adaptée à ses besoins, et un accès réglementé à la petite cuisine en cas de fringale en dehors des repas. Une fois l'accord conclu, Abigaël ayant promis de faire des efforts pour ne plus voler, il la raccompagna à la sortie de son bureau, et conclut en ouvrant la porte :

« J'aimerais tout de même que tu ailles présenter tes excuses au cuisinier en chef, ce serait la... »

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'il fut interrompu par une voix masculine venant de l'intérieur de son bureau, une voix qui le salua de façon bien familière. Charles tourna la tête vers Peter en haussant un sourcil amusé, pas plus surpris que cela de cette intrusion. Abigaël, en revanche, qui n'était là que depuis peu et ne connaissait pas encore Vif-Argent, le regardait bouche bée, les yeux émerveillés.

« Bonjour Peter.
- Woah, comment vous avez fait ça ??
- Tu peux retourner en classe, Abigaël. Merci. »

Le professeur referma la porte derrière elle puis se tourna vers Peter. Le jeune homme ne faisait pas officiellement partie de l'Institut, mais il était dans l'équipe des X-Men et venait régulièrement faire un tour au manoir. Il était rare, cependant, qu'il vienne dans le bureau de Charles. Le professeur supposa donc que le jeune homme, kleptomane lui aussi, avait potentiellement des ennuis.

« Bien sûr. Tout le temps dont tu auras besoin. »

Il ne lui proposa pas de s'asseoir, sachant qu'il avait du mal à tenir en place. De toute façon, si le jeune homme voulait s'asseoir, il le ferait probablement sans demander la permission. Charles se dirigea vers son minibar pour se servir un verre - d'eau, il était un peu tôt pour le whisky - et en proposa un à Peter, qui débuta la conversation par des banalités. Etonnant de sa part.

« Tout va bien. Et toi, Peter ? Si tu me disais ce qui ne va pas ? Tu sais que je peux tout entendre. »

Au sens propre comme au figuré. Il était en mesure d'aller chercher l'information directement dans la tête du mutant, mais ce n'était pas dans ses habitudes. Il préférait largement que les gens se livrent d'eux-mêmes. Et vu les circonstances dans lesquelles ils s'étaient connus, vu tout ce que Peter avait fait pour l'Institut et ses pensionnaires, ainsi que pour la sœur de Charles et son vieil ami Erik, le professeur serait plus que ravi de lui venir en aide, quoi qu'il ait pu faire.

@Peter Magnusson

Codage par Never Utopia

Charles n’était pas plus étonné que ça de me voir débouler dans son bureau. En même temps, je ne connaissais pas grand-chose qui pouvait réellement le surprendre. Je n’en étais pas non plus à mon premier coup d’essai. Ils avaient pris l’habitude de me voir arriver comme un boulet de canon, et repartir tout aussi vite, une fois l’affaire close.

J’adressai un clin d’œil entendu à la gamine qui me regardait bouche bée, en laissant le mystère pourtant entier. Je n’allais pas prétendre le contraire, j’aimais bien quand les gosses d’ici me regardaient avec des yeux émerveillés. Charles la congédia pour refermer la porte derrière nous. « Je me suis fait une nouvelle fan, non ? » L’avantage de ne pas être professeur à l’Institut Xavier faisait que je n’avais aucun mal à discuter avec les élèves sans avoir à entretenir un rapport d’autorité. Franchement, ça aidait pas mal à se faire apprécier.

Si j’essayais de passer régulièrement, juste pour m’assurer que tout allait bien ici, ce n’était effectivement pas habituel que je me pointe directement à son bureau pour demander à parler. Il n’avait pas besoin d’être télépathe pour se rendre compte que quelque chose n’allait pas. Je grimaçai un peu pour seule réponse. Il me donnait parfois l’impression de ne lui ramener que des emmerdes. J’avais entendu les mêmes mots un nombre incalculable de fois dans la bouche de ma mère, plus jeune. « Ça va ! Aucun problème. » Le rassurai-je aussitôt. « Je t’assure ! »

Je ne pouvais même pas lui reprocher de le penser. Je ne m’étais pas spécialement arrangé avec le temps, et pour couronner le tout, je me faisais plus souvent rattraper. J’avais eu un peu de mal à appréhender toutes les nouvelles technologies mises en place dernièrement pour détecter les voleurs. Je ne comptais plus le nombre de signaux d’alarme que j’avais dû déclencher par inadvertance. Heureusement, j’étais rarement sur les caméras grâce à l’hypervitesse.

Je m’assis face à lui, juste le temps de boire un verre, avant de me relever en un battement de cils, pour détailler le dos de ses livres bien alignés dans sa bibliothèque. La plupart des titres ne me disaient rien. L’inverse aurait été surprenant, j’étais incapable de lire plus de dix pages calmement assis avant d’avoir besoin de me dégourdir les jambes. « Tu sais ce que fait Magneto en ce moment ? Vous êtes encore en contact ? » Lançai-je, presque en donnant l’air de faire simplement la discussion.

Mieux vaut tard que jamais

Peter et Charles

A la remarque de Peter sur sa nouvelle fan, Charles se contenta de sourire et de hausser légèrement les épaules. Oui, Peter avait du succès auprès des jeunes de l’Institut. Comme il ne travaillait pas au manoir, il n’avait pas ce rapport d’autorité respectueuse avec eux, il passait pour l’adulte cool et un peu rebelle, et avec son style atypique il plaisait beaucoup aux adolescentes. Et encore, la majorité des élèves de cette temporalité ignorait que Vif-Argent avait sauvé tous les occupants de l’Institut lors d’une terrible explosion – tous sauf un, malheureusement… mais c’était tout de même un sacré exploit, et Charles lui en serait pour toujours reconnaissant.

Lorsque le télépathe demanda à Peter ce qui n’allait pas, car il était évident que quelque chose n’allait pas, celui-ci répondit par une grimace et un mensonge. Charles n’insista pas : si Peter était venu à lui directement, c’était bien qu’il avait quelque chose à lui confesser ou à lui demander, et il finirait bien par le faire. La patience n’était pas vraiment la qualité première du jeune homme.

A peine Charles avait-il eu le temps de se servir un verre d’eau que Peter en avait déjà bu un et se trouvait à présent devant la partie bibliothèque du bureau. Ses déplacements constants étaient pénibles à suivre, mais le professeur avait fini par s’y habituer. Vif-Argent posa alors une question qui étonna le professeur. Pourquoi le jeune mutant voulait-il prendre des nouvelles d’Erik ? Bien qu’il ait contribué à sa libération en 73 et à son recadrage en 83, de mémoire les deux mutants n’avaient pas spécialement noué de liens.

« Nous sommes toujours plus ou moins en contact, en effet. Erik a fondé sa propre communauté mutante en un lieu tenu secret. »

Tenu secret pour tous, sauf pour Charles. Et Raven. Ils savaient tous deux où se trouvait l’île de Magneto, et le télépathe s'efforçait de garder un œil dessus. Pour l’heure, la communauté d’Erik semblait bienveillante et pacifique, vouloir simplement aspirer à une vie simple et tranquille, loin des humains. Mais une telle utopie pouvait s’effondrer d’un jour à l’autre et mieux valait ne pas trop donner de détails sur le projet Genosha.

« Pourquoi me demandes-tu cela, Peter ? »

Charles n’était pas dupe. Malgré le ton nonchalant employé par Peter, le télépathe savait distinguer les questions posées par politesse de celles qui étaient réellement importantes. Magneto avait toujours été un sujet sensible, Peter le savait bien. Il n’aurait pas demandé de ses nouvelles à la légère, sans raison particulière.

@Peter Magnusson

Codage par Never Utopia

Charles ne se faisait pas d’idées. Je ne me ramenais pas dans son bureau sans une bonne raison, c’était différent que de simplement le croiser dans les couloirs et lui faire rapidement la discussion. Mais c’était plus facile de jouer les imbéciles pour amuser la galerie que de se poser deux minutes pour avoir une conversation sérieuse. Et plus je retardais l’échéance avec lui, plus c’était difficile de savoir comment aborder le sujet.

Alors je mimais une fausse nonchalance qui ne trompait certainement personne dans cette pièce. Il était patient, comme à son habitude. Tout l’inverse de moi, bien sûr. J’essayais de ralentir un peu le rythme pour ne pas partir dans tous les sens, mais c’était peine perdue. Je lâchai les choses comme elle me venait, soit pas mal dans le désordre. Au moins, le sujet était lancé.

J’attrapai un des livres pour le feuilleter à toute vitesse avant de le reposer à son emplacement d’origine, dans la bibliothèque. Pas terrible, il manquait un peu d’images pour agrémenter la lecture. Charles était prudent dans ses paroles, ce qui m’arracha un souffle s’apparentant à un rire. « Plus ou moins ? » Répétai-je. Qu’est-ce qu’il entendait exactement par-là ? « Tu sais comment le contacter ? Ou comment on trouve sa communauté de mutants ? » Les questions fusaient rapidement. J’avais visiblement frappé à la bonne porte, mais il me questionna en retour avant d’en dire davantage.

Je marquai un temps d’arrêt en détaillant les bibelots alignés le long de sa cheminée. Je réalisais avec un temps de retard que ma curiosité pouvait paraître déplacée, quand on ne connaissait pas mes raisons profondes. Je revins m’assoir en un clin d’œil face à lui, profondément enfoncé dans le fauteuil comme si je ne l’avais jamais quitté. « Pas que ça m’intéresse de les rejoindre, bien sûr… J’ai aucun intérêt à faire ça. » Enfin si, j’en aurais eu un justement. Mais, à mes yeux, les X-men passaient avant tout. Pourtant, il aurait été légitime que Charles en doute, avec mon récent retrait de l’Institut. Je ne me l’expliquais même pas. J’avais eu besoin de changer d’air, de temps pour réfléchir… et puis, c’était toujours aussi difficile pour moi de savoir où était ma place, précisément parce que je ne savais pas tenir en place, même s’ils étaient comme une ancre, un endroit où je savais toujours pouvoir retourner, quoi qu’il arrive. J'avais toujours pu compter sur eux, alors je lui devais bien un peu d'honnêteté, non ?

Je poussai un soupir, avant de le fixer à nouveau. « Erik est mon père. »
La bombe était lâchée.

HRP:

Mieux vaut tard que jamais

Peter et Charles

Lorsque Peter se saisit de l'un des beaux ouvrages du professeur pour le feuilleter à toute allure, Charles esquissa une grimace légèrement tendue. Il n'était pas particulièrement matérialiste - et heureusement, au vu de tous les dégâts causés régulièrement par de jeunes mutants en perte de contrôle dans le manoir - mais il aimait les livres et les respectait comme des objets fragiles et précieux. Heureusement, la manipulation ne dura pas longtemps, et avant que Charles ait pu faire une remarque, Peter était déjà devant la cheminée. Lorsqu'il lui demanda s'il savait comment contacter Erik, le télépathe réagit par un sourire de connivence et une demi-réponse.

« Tu connais mes pouvoirs Peter, je peux contacter n'importe qui. »

Charles regardait encore en direction de la cheminée lorsque le mutant survolté reprit la parole, assis dans le fauteuil en face de lui. Le professeur tourna patiemment la tête vers lui et l'écouta tenter de le rassurer. En soi, Peter était libre de faire ce qu'il voulait. S'il souhaitait rejoindre la Confrérie, Charles ne l'en empêcherait pas, même s'il ne serait pas ravi de ce choix et tenterait au préalable de connaître ses raisons.

Et la raison fut donnée. Une raison à laquelle Charles ne s'attendait absolument pas. Son visage doux et impassible se mua en une expression de franche surprise. Il haussa les sourcils, écarquilla les yeux et ouvrit sa bouche en cul de poule sur une question muette. Il resta ainsi quelques instants, alors que de nombreuses interrogations se bousculaient dans sa tête. Songeant que ces quelques secondes d'ébahissement devaient sembler bien longues au mutant hyper-rapide, Charles finit par poser les deux questions qui s'imposaient le plus dans son esprit :

« Tu en es sûr ? Est-ce qu'il est au courant ? »

Erik n'en avait jamais parlé. A la connaissance de Charles, il n'avait eu qu'une fille, qu'il avait tragiquement perdue en même temps que sa femme. Le télépathe se livra à un calcul rapide. Peter devait être né vers la fin des années cinquante, soit avant que Charles et Erik ne se rencontrent pour la première fois. Il n'était pas impossible que Magneto ait alors eu un enfant dont il n'aurait pas parlé à Charles, obnubilé qu'il était à l'époque par son désir de vengeance envers Sebastian Shaw. Mais il était tout de même très surprenant que ni Erik ni Peter en aient parlé lorsque le fils avait délivré le père du Pentagone en 73.

@Peter Magnusson

Codage par Never Utopia

HRP:

Un bref sourire vint accueillir la remarque de Charles. Il ne me demandait même pas pourquoi j’aurais cherché à contacter Erik, comme s’il était prêt à le faire sans en connaître les raisons… ou peut-être parce qu’il savait très bien que j’allais finir par lui donner de moi-même.

Puis il y eut comme un arrêt sur image, une fois la bombe lancée. Ça, c’était une première. Il fallait croire que même quelqu’un comme Charles pouvait être réellement pris de court. « Euh… Charles ? » Je me rapprochai de lui en un clin d’œil, passant ma main devant ses yeux à plusieurs reprises dans un ricanement sonore. Je m’assis sur le bord de son bureau. C’était long, là, non ? Même pour quelqu’un qui avait une conscience moins exacerbée du temps qui s’écoulait. Je l’avais cassé ? Je me penchai en arrière, les bras croisés, en le détaillant longuement. « Charles ! »

Je soupirai avec soulagement, quand il reprit finalement ses esprits pour me poser davantage de questions. Merde, on aurait cru un instant que son cerveau de génie avait dû faire un redémarrage en urgence. Si j’avais trouvé la réaction comique à la base, j’avais eu le temps de m’inquiéter pour lui aussi. Dommage, j’en avais même oublié de prendre une photo. « T’as vraiment jamais lu mes pensées, en fait. » Lâchai-je sans lui répondre directement. Pour moi, c’était évident. Hormis lors de notre rencontre, où je ne savais pas qui exactement était Erik… Je n’avais ensuite pas cessé d’y penser par moment, dès que j’étais en présence des autres X-men. Et, dernièrement, c’était même devenu entêtant. « Enfin, tu fais bien. Je t’aurais collé la migraine. » Soufflai-je dans un rire. Pour beaucoup, j’étais trop impétueux. Je ne réfléchissais pas assez avant d’agir. S’ils savaient… Juste, je me dispersais bien trop.

« Ma mère en était sûre, en tout cas. Et vu que c’est elle qui a… » Je mimai avec deux doigts. « Enfin, t’as pas besoin d’un dessin, non ? » Je poussai un nouveau soupir. « Sans blague, elle m’en avait déjà parlé avant qu’on se rencontre, mais comme d’un ami qui contrôlait le métal. » Je soulignai le mot avec des guillemets faits des doigts. « J’ai su la vérité après, en lui parlant de lui. » Elle ne pouvait pas réellement rester vague, une fois que nous nous étions rencontrés. Elle était bien obligée de tout me dire. « Et… non, j’ai jamais pu dire à Erik qu’il était mon père. » Je marquai un silence, grimaçant un peu. « Enfin si, j’aurais pu quand il était dans sa tempête de métal là, alors qu’on était occupé à sauver le monde de l’apocalypse, mas on avait quand même mieux à faire sur le coup. » Il avait l’air surtout si triste et en colère. Je m’assombris un peu, détournant brièvement le regard. « Je lui ai seulement dit être venu pour ma famille, mais c’était impossible pour lui de comprendre. »

J’ouvris les mains en signe de reddition, avouant sans détour : « Je me suis dégonflé. J’ai jamais eu le bon sens du timing. » Ironique, n’est-ce pas ?

Mieux vaut tard que jamais

Peter et Charles

Les quelques secondes nécessaires à Charles pour encaisser la nouvelle et mettre de l'ordre dans ses pensées durent paraître bien longues à Peter, mais le petit manège un brin moqueur du jeune mutant ne perturbèrent pas le télépathe qui était habitué à ses fantaisies. Si ce comportement l'avait franchement agacé lors de leur première rencontre, il avait appris au fil du temps à apprécier Peter tel qu'il était, même s'il pouvait se montrer pénible par moments.

La remarque de Peter lui fit toutefois lever les yeux au ciel avec un rictus amusé. Bien sûr que non, il n'avait pas lu dans ses pensées. Il n'était pas du genre à user et abuser de ses pouvoirs. C'était préférable d'ailleurs, pour la préservation de sa santé mentale. Et s'il avait su que Peter était le fils d'Erik... en aurait-il parlé à son vieil ami ? Probablement que non, puisque ce n'était pas à lui de le faire. Magneto avait déjà bien assez de choses à gérer sans que Charles ne lui ajoute du souci supplémentaire en se mêlant de ce qui, au fond, ne le regardait pas.

« Je n'use de mon pouvoir que lorsque j'estime cela nécessaire, Peter. Les pensées sont propres à chacun et tout le monde a le droit à son jardin secret. »

En lisant entre les lignes, Charles comprit que Peter avait eu la confirmation de son lien de parentalité avec Erik par sa mère, après le sauvetage au Pentagone. Ce secret devait lui peser depuis, même s'il n'était pas encore parvenu à en parler à son père. Cela pouvait se comprendre également au vu des circonstances de leur dernière rencontre... sauver Magneto de lui-même et par la même occasion sauver le monde était alors largement prioritaire. Lorsque Peter avoua s'être « dégonflé » et n'avoir jamais eu le sens du timing, Charles grimaça et répondit franchement :

« Je ne suis pas certain que le "timing" soit meilleur aujourd'hui... »

Quelques semaines plus tôt, Erik avait appris qu'il allait de nouveau être père, et de jumeaux qui plus est. Charles n'était pas sûr que le maître du magnétisme ait bien accueilli la nouvelle, ni s'il savait comment il allait pouvoir trouver sa place en temps que père. Et voilà qu'un nouveau fils allait potentiellement surgir dans sa vie... Charles décida toutefois de ne pas parler des enfants de Raven et Erik à Peter, estimant une fois de plus que ce n'était pas à lui d'en parler. C'était une autre histoire, qui n'avait pas à entrer en ligne de compte pour le jeune Peter.

« Je présume que tu es décidé à le lui dire. Qu'espères-tu de cette annonce ? »

@Peter Magnusson

Codage par Never Utopia

J’eus le droit à un sourire, si on excluait l’envie irrémédiable que Charles avait eu de lever les yeux au ciel. C’était plutôt bon signe, non ? Il avait retrouvé la direction de la planète Terre et, en bonus, je l’agaçais toujours autant. Aucun doute, c’était toujours lui.

Je poussai un profond soupir quand Charles me mit de nouveau en évidence son sens aiguisé de la morale. Je ne la partageais pas vraiment. « Comment tu arrives à t’en empêcher ? C’est comme si on me demandait d’arrêter l’hypervitesse. Je deviendrais complètement dingue. » J’avais déjà très mal vécu de devoir me remettre d’une simple fracture de la jambe, après le sale tour qu’Apocalypse m’avait joué. Enfin c’était devenu le cadet de mes soucis quand nous avions finalement tous été rayés proprement et simplement de la surface de la planète. Tout ça pour ça.

Enfin… confier ce secret à Charles avait quelque chose d’assez libérateur. J’aurais sûrement dû le faire plus tôt, mais aborder le sujet avec lui m’avait paru compliqué. Leur relation n’avait jamais été au beau fixe. Je n’avais aucune idée de comment Charles risquait de le prendre. A peine remis de sa propre surprise, il songea aussitôt aux conséquences qu’une telle révélation pourrait avoir sur Erik. Charles restait énigmatique, se contentant de me souligner que le timing n’était pas meilleur aujourd’hui. « Et ça le sera quand ? » Jamais, sans doute. « Il y a vraiment un bon moment pour dire ce genre de choses, tu crois ? » Je commençais à en douter.

J’attrapai une boule de verre qui devait lui servir habituellement de presse-papier. Je n’avais aucune idée de sa valeur réelle, mais je ne pouvais juste pas m’empêcher de jouer avec pour me détendre un peu, la passant d’une main à l’autre à toute vitesse. Toujours assis sur le bord de son bureau, j’observai par la fenêtre un groupe d’étudiants qui devaient à peine être sorti de cours. La question de Charles était épineuse. Mes pensées bouillonnaient, sans que je n’arrive à les ordonner. « Pourquoi t'as pas fait carrière comme psy ? » Peut-être qu’il l’avait déjà été. Parmi tous ses doctorats, il en avait peut-être un là-dessus aussi ? « Je vais lui dire, si tu m’aides à le faire. » Je ne pouvais pas vraiment me passer de son aide, à moins de solliciter Raven peut-être. « Je sais pas ce qu’il fera de cette info’, mais j’aurais plus à faire semblant. » Je savais bien que le problème, au fond, n’était pas là. J’avais toujours eu du mal à dire les choses importantes, à mettre des mots sur les choses. Je reposai la boule de verre. « Je crois que ça m’a longtemps manqué, juste de savoir qui je suis, ou quoi. J’étais un phénomène juste bizarre et ingérable avant que vous débarquiez dans ma vie, Hank, Logan et toi. J’ai arrêté de me sentir seul. Vous m’avez donné un but. Vous n’avez pas vraiment fait exprès de me mettre en lien avec mon père. Mais depuis, c’est comme un goût d’inachevé. Et ça fait… plus de quarante ans. Pour moi, c’est une éternité. » Même si nous n’avions pas réellement eu le temps de la vivre.

Mieux vaut tard que jamais

Peter et Charles

Le jeune et fougueux Peter ne semblait pas partager l’avis de Charles sur l’usage raisonné des pouvoirs mutants. Vif-Argent était bien incapable de ne pas utiliser son hyper-vitesse au quotidien, alors qu’il n’en avait fondamentalement pas un besoin vital. Mais son pouvoir ne risquait pas tellement de faire du mal à ses proches, s’il l’utilisait correctement. Ce n’était pas le cas de la télépathie, qui pouvait rapidement devenir un pouvoir très invasif. Et même en mettant de côté l’aspect éthique du contrôle mental (ce que Charles ne faisait pas), lire les pensées de tout le monde aurait été malsain et aurait eu de quoi rendre fou.

« La télépathie est un pouvoir dangereux, Peter. Une mauvaise ou une trop forte utilisation pourrait avoir des conséquences désastreuses. »

Le professeur ne développa pas davantage, laissant Peter se faire sa propre opinion sur ce point. Ce n’était de toute façon pas le cœur de leur conversation, et il y avait bien plus important à discuter. Le timing n’était pas bon pour annoncer à Erik qu’il avait un fils caché, mais Peter avait raison lorsqu’il sous-entendait qu’il n’y aurait jamais de bon moment pour cela. Cette annonce ne serait pas simple à faire, ni à entendre, mais si Peter en avait besoin, alors il fallait qu’il le fasse.

« Le bon moment sera celui que tu auras choisi. »

Charles observa Peter jongler avec le presse-papier qu’une élève lui avait offert mais il ne fit aucun commentaire. Il ne grimaça pas non plus, la boule en verre étant moins précieuse à ses yeux que les livres de sa bibliothèque. Il sentait bien que Peter avait besoin de s’occuper les mains pour évacuer un peu de son stress, et il lui faisait confiance pour ne pas faire tomber la boule.

Le professeur sourit à la question sur sa carrière, sans toutefois y répondre. S’il possédait un doctorat en psychologie, fièrement accroché au mur derrière lui avec les deux autres, si ce cursus lui permettait d'aider souvent ses élèves à faire le tri dans leurs pensées et leurs émotions, il ne regrettait pas les choix de vie qui l’avaient mené jusqu’ici. Il était un professeur dans l'âme. Quoi qu'il en soit, Peter avait déjà repris la parole, ne lui laissant pas spécialement le temps de répondre à la question posée.

Peter allait annoncer à Erik qu’il était son père. A condition d’avoir l’aide de Charles. Ce que le jeune mutant dit ensuite toucha le télépathe. Peter n’était pas du genre à exprimer ses sentiments, à mettre des mots sur ce qu’il ressentait, alors l'entendre dire que Charles et ses amis l'avaient en quelque sorte aidé à trouver un but à son existence, c'était très fort. Charles craignait néanmoins que Peter soit déçu de la réaction d'Erik, il redoutait que la nouvelle ne soit pas bien accueillie. Mais qui était-il pour présumer de ce qui pourrait se passer ? Il n'était pas dans la tête de son vieil ami. Il ne voulait plus y être, depuis bien des années.

« Je peux t'indiquer où trouver Erik, mais je ne viendrai pas avec toi. C'est une démarche intime et personnelle, que tu dois entreprendre seul. Je ne suis certainement pas le mieux placé pour te conseiller. Je n'ai jamais eu d'enfant, du moins au sens biologique du terme. Néanmoins, je te conseille de ne pas accorder trop d'importance à un éventuel rejet de ton père biologique. A mon sens, les liens du cœur sont bien plus forts et puissants que les liens du sang. »

Charles était fils unique et n'avait pas eu de bonnes relations avec ses parents - surtout avec son beau-père. Il ne parlait d'ailleurs jamais d'eux. En revanche, il avait une sœur de cœur et une fille de cœur qui comptaient énormément à ses yeux et pour qui il était prêt à donner sa vie.

@Peter Magnusson

Codage par Never Utopia