Une semaine s'était écoulée depuis le voyage des proches des sœurs Cuckoos au World, depuis qu'elles étaient parties à trois et revenues à cinq. Leur réhabilitation au sein de l'Institut serait longue, douloureuse, compliquée et ne fonctionnerait peut-être pas, mais en attendant l'école devait continuer de tourner. Charles et Raven avaient repris leurs postes, les trois grandes Cuckoos accomplissaient leurs tâches tant bien que mal, Kali et Jean avaient repris les cours, l'une à l'Institut, l'autre à l'université à Manhattan.
Les élèves et membres du personnel qui partaient le vendredi après les cours étaient rentrés chez eux. Les quelques pensionnaires qui restaient vacaient à leurs occupations personnelles, le dîner étant terminé depuis peu. Charles rangeait quelques papiers dans son bureau, avec la télévision branchée sur la chaine d'informations locales en bruit de fond. Lynda travaillait de nuit à l'hôpital, elle ne serait donc avec lui ce soir.
Il fut interrompu dans son classement par un frisson spécifique, un pressentiment désagréable qu'il connaissait bien : l'un de ses proches était en danger. Alors qu'il se concentrait sur cette impression pour tâcher de déterminer de qui il s'agissait, son téléphone sonna, le faisant sursauter dans son fauteuil. Jean. Jean en pleurs, agitée, qui parvint à lui expliquer dans un discours de panique décousu que Loki l'avait kidnapée.
Le télépathe sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Comment ? Pourquoi ? Même s'il n'avait pas encore tous les détails, il se représentait très bien la peur que ressentait Jean. Il la partageait avec elle. Le fait qu'elle l'appelle « papa » pour la première fois, probablement sans même en avoir conscience, prouvait à quel point elle était bouleversée. Cette marque d'affection inconsciente était à la fois touchante et inquiétante.
« J'arrive. Reste en ligne le temps que je te localise. »
Il se concentra quelques instants sur la marque psychique de Jean et la localisa à Manhattan, sur le parking désert de l'université de Colombia. Il poussa un bref soupir de soulagement en constatant qu'elle était seule : pas de Loki dans les environs. Puis il contacta Kurt par télépathie, lui disant simplement qu'il avait besoin de lui dans son bureau. Une fois le jeune mutant apparu devant lui, le professeur mit son téléphone en mute et expliqua à Kurt que Jean avait des problèmes à New York et qu'il lui fallait la rejoindre au plus vite. Le téléporteur comprit aussitôt et proposa de lui-même de l'emmener, avant même que Charles n'ait eu besoin de le lui demander. Il reprit alors le téléphone et indiqua à Jean :
« Jean, j'arrive avec Kurt. Ne bouge pas, je serai là dans un instant. »
Il raccrocha, notifia au téléporteur l'adresse exacte où se trouvait la pauvre Jean, puis le rassura brièvement en expliquant qu'elle n'était plus en danger immédiat mais qu'elle avait besoin de son soutien. Puis il saisit une boîte de kleenex sur son bureau, la posa sur ses jambes et indiqua au jeune téléporteur qu'il était prêt à partir.
Dans la grande librairie de l'institut, un habitué passait sa soirée au milieu des livres, comme il le faisait bien souvent, même si il s'efforçait parfois de passer une soirée dans une des zone commune en compagnie d'autres étudient. Ce soir la, il avait un but bien précis: continuer de lire le cinquième tome de Harry Potter, qui lui avait déja prit toutes les soirées de la semaine.
Tout a sa lecture, il oubliait totalement ce qui se passait autour de lui, d'autant plus qu'il se laissait facilement transporté par l'histoire. Mais une chose cependant pouvait le détourner de sa lecture: Quand un message télépathique venait s'imposer a lui. Charles l'attendait dans son bureau. Assez intrusif, souvent désagréable, Kurt savait que le professeur ne le faisait pas sans une bonne raison.
Fermant son livre, Kurt le posa sur une des tables, ayant l'intention de le reprendre plus tard. Se mettant debout, il eu l'idée un peu saugrenue de prendre un crayon dans sa main comme une baguette magique et tourna sur lui même avant d'effectuer sa téléportation, mimant alors un transplanage.
En apparaissant dans le bureau de Charles, il avait toujours la même position, avec le crayon dans sa main, pointé en l'air. Mais l'annonce mit fin a son petit délire. Jean avait des problèmes. L'expression enjouée du jeune mutant disparut d'un coup et il rangea son crayon dans sa poche de pantalon, N'ayant plus le cœur a jouer les apprentis sorciers suite a cette annonce.
Sans se faire prier, il se téléporta avec le professeur au lieu indiqué et scruta les environs, cherchant Jean des yeux ainsi que le potentiel danger qui menaçait son amie. Mais Charles le rassura sur l'état de celle ci. Il resta ensuite en retrait, attendant les instructions afin de savoir si il fallait les ramener ou si il pouvait retourner a l'institut en les laissant rentrer par leurs propres moyens
Fiche codée par Koschtiel
Dernière édition par Kurt Wagner le Mer 15 Nov 2023 - 13:22, édité 1 fois
« En famille on n'est jamais seul à posséder son univers, à se posséder ! En famille on est toujours là pour quelqu'un ! » M. Dallaire
Ses doigts, désespérément serrés autour du précieux téléphone qui lui permet d’entendre la voix rassurante et réconfortante de son père, véritable lumière au milieu du chaos, ne cessent de trembler frénétiquement, tout comme le reste de son corps. Le parking désert lui donne l’impression d’être un sentier jonché d’invisibles menaces, et elle ne peut s’empêcher de jeter des regards tout autour d’elle, incapable de se calmer, comme si elle craignait de voir réapparaître la silhouette de son ravisseur.
L’obscurité du lieu, d’ordinaire d’apparence paisible et inoffensive, dessine des ombres hostiles, comme des bras furieux venus l’arracher à la tranquillité de son quotidien : les arbres qui secouent leurs feuilles, les lampadaires lugubres éclairant un faisceau de bitume sous leur coquille, et le silence trompeur des lieux… « J’ai peur… » Avoue-t-elle d’une voix timide, véritablement étranglée par le sentiment exprimée mais également pointée de honte, comme si elle redoutait de paraître faible.
Il luit dit de rester en ligne, et elle lui obéit : reniflant, elle essuie maladroitement ses joues humides en lançant un dernier regard autour d’elle avant de s’installer à l’intérieur de sa voiture et de referme la portière, s’empressant de verrouiller l’habitacle, sécurité illusoire face à l’homme venu l’enlever. Dans son véhicule, elle se sentit un peu mieux, retrouvant un semblant de calme et de respiration ; et elle accueillit avec un plus grand soulagement encore la venue de Charles et de Kurt. Ce n’était qu’une question de secondes, tout au plus, de minutes…
« D’accord, je ne bouge pas… » dit-elle avec des soupçons de sanglots dans la gorge, avant de raccrocher. Et alors, véritablement seule au milieu du parking, sans la voix de Charles pour se rassurer, elle sentit une angoisse poindre en son coeur. Et s’il revenait ?
En apercevant la silhouette de Kurt et la présence de Charles, Jean prit une nouvelle inspiration bruyante en s’extirpant rapidement de la voiture, réduisant tout aussi vite l’espace entre leurs corps pour se précipiter à son chevet, en laissant des larmes dévaler ses joues, bien qu’elle était soulagée de les savoir avec elle : « Vous êtes là, enfin… »
The Phoenix
Watch me. I will go to my own sun and if I am burned by its fire I will fly on scorched wings and I'll rise !
Charles veillait sur Jean depuis des années. Il avait recueilli une orpheline de onze ans, profondément meurtrie par le drame qu'elle venait de vivre – et de provoquer bien malgré elle. Il l'avait accueillie dans son Institut, l'avait aidée à se reconstruire, lui avait appris à maîtriser ses pouvoirs. Au fil des ans, elle était devenue une jeune femme forte, puissante, mais aussi sensible et altruiste. Ensemble ils avaient traversé de dures épreuves, dont l'éveil du Phoenix. Ils avaient toujours triomphé, ensemble.
Mais ce soir, la jeune adulte d'ordinaire si calme redevenait une enfant, une enfant apeurée. L'entendre avouer sa peur d'une petite voix tremblante déchirait le cœur du télépathe, qui avait fini par considérer Jean, sans jamais vraiment le dire, comme la fille qu'il n'avait jamais eue. Par chance, grâce au don de Kurt, il put arriver au plus vite auprès d'elle pour lui apporter le réconfort dont elle avait besoin. Elle n'eut ainsi à supporter que quelques secondes de solitude, qui durent malgré tout lui paraître une éternité.
Lorsqu'ils arrivèrent sur le parking désert, Charles se tourna vers la voiture de Jean et la vit en descendre pour se précipiter vers lui. Il aurait aimé pouvoir se mettre debout pour qu'elle puisse se lover contre lui, mais le fauteuil ne sembla pas être un obstacle. Il eut juste le temps de décaler la boîte de mouchoirs posée sur ses genoux afin de pouvoir malgré tout la serrer dans ses bras. Il caressa alors ses cheveux roux avec une douceur paternelle et lui murmura :
« Nous sommes là... Je suis là... Tout ira bien... »
La pauvre enfant était en larmes. Il la laissa pleurer, évacuer toute la peur qu'elle avait pu ressentir. Il ne posa pas de question, pas encore, bien qu'il ressentit le besoin de comprendre exactement ce qui lui était arrivé. Il fallait d'abord qu'elle réussisse à se calmer. Alors il la serra fort contre lui, la berçant comme il le pouvait. Il n'oubliait cependant pas la présence de Kurt, resté en retrait. Il tourna la tête vers lui, lui adressa un doux sourire reconnaissant et lui dit par télépathie :
« Merci Kurt. Je vais rester avec elle, tu peux retourner à l'Institut. »
Jean avait sa voiture, et si elle n'était pas en état de conduire, ils pourraient toujours appeler un taxi. Pour l'heure, elle semblait avoir surtout besoin que son père la réconforte. Une fois seuls, Charles maintint son étreinte rassurante et commença même, sans vraiment y penser, à fredonner une berceuse que la bonne lui chantait lorsqu'il était enfant et se réveillait en panique, assailli par les voix dans sa tête qui lui faisaient croire qu'il devenait fou.
Kurt fut soulagé de voire par lui même que jean allait bien, mais il fut également peiné devant sa détresse. Tendit que Charles tentait de la réconforter, lui restait un peu en retrait, avec sa discretion habituelle. Jean allait bien et Charles prendrait soin d'elle. « Merci Kurt. Je vais rester avec elle, tu peux retourner à l'Institut. » répondant d'un petit hochement de tête, Kurt eu néanmoins une idée qui pourrait peut être faire sourire Jean, ou a défaut, lui changer les idées:
"J'y vais, si tu as besoin de parler, surtout, hésite pas Jean, on se retrouve a l'institut."
Vérifiant que personne ne pouvait assister a la scène, Kurt sortit de sa poche le crayon qu'il avait utiliser en guise de "baguette magique" pour se rendre un peu plus tôt dans le bureau de Charles et adressa un sourire complice a la jeune femme:
"Regardes, j'ai apprit le transplanage!"
Faisant le mouvement décrit dans les livres, le jeune mutant disparut dans une petite volute de fumée en tenant sa fausse baguette magique a la main, pointé vers le ciel
« En famille on n'est jamais seul à posséder son univers, à se posséder ! En famille on est toujours là pour quelqu'un ! » M. Dallaire
La présence réconfortante de son père et de l’un de ses plus proches amis ravive, au fond de son coeur, un sentiment de sécurité presque primaire et enfantin, auquel elle s’accroche de toutes ses forces. La peur se dissipe ainsi lentement, chassée par les mots de douceur prononcés par Charles. « Nous sommes là... Je suis là... Tout ira bien... » Bien sûr que tout ira bien : elle n’en doute pas un seul instant, car elle ne doute pas de lui.
La présence paternelle, les caresses affectueuses et la berceuse fredonnée forment un cocon de douceur qui lui permet de retrouver peu à peu ses esprits, calmant progressivement les pleurs. Elle reste ainsi quelques secondes lovée contre lui, peut-être une minute ou deux, avant de lentement se redresser en hoquetant une dernière fois, les joues encore humides de la peur provoquée par le Dieu de la Malice.
Kurt, en retrait mais pas effacée, s’apprête à partir ; reconnaissante envers lui, car il a permis à son père de la rejoindre bien promptement, Jean tourne son menton vers lui sans trop s’éloigner de Charles, lui adressant ainsi un sourire emplit de gratitude. Désireux de la faire sourire, il évoque l’une de leurs conversations dans la Bibliothèque, quand ils avaient longuement parlé de l’univers d’Harry Potter : cette mention la fait évidemment sourire, plissant ses yeux luisants d’un air joyeux. « Tu m’apprendras ! » Lance-t-elle d’une voix encore quelque peu étranglée par l’émotion, juste avant que le mutant bleu ne disparaisse, lui laissant un doux sentiment au coeur, comme un baume. N’est-ce donc pas le but de l’amitié ?
Reniflant discrètement, elle presse ses lèvres l’une contre l’autre en essuyant ses joues du revers de sa manche, revenant auprès de Charles avant de réaliser la façon dont elle l’a nommé…. OH. Elle écarquille alors légèrement ses yeux encore humides en se figeant quelques secondes, se sentant… un peu gênée et honteuse ? C’est bien ainsi qu’elle le considère mais, le dire à voix haute… C’est la première fois. « Je suis désolée… » Bredouille-t-elle en tirant nerveusement sur ses manches, avant de se hisser sur ses jambes pour jeter un regard anxieux autour d’elle. Et s’il revenait ? « On… On peut partir ? Je te raconterai tout en chemin mais, je ne veux pas rester ici… » Mordillant le coin de sa lèvre, elle jette une oeillade en direction du buisson derrière lequel il s'était caché, avant de le reposer sur Charles, les joues un peu rouges. Comment a-t-elle pu l'appeler papa sans s'en rendre compte ? Parce que c'est son coeur qui a parlé, sans doute. Et le coeur, lui, ne se trompe jamais.
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Watch me. I will go to my own sun and if I am burned by its fire I will fly on scorched wings and I'll rise !
Kurt, la discrétion et la gentillesse incarnée, répondit au professeur d’un simple acquiescement silencieux, avant de proposer son soutien à Jean lorsqu’elle serait de retour à l’Institut. Charles lui était reconnaissant d’accepter de les laisser tous les deux. Puis le jeune mutant agita un crayon comme un magicien agiterait sa baguette, utilisa un terme étrange pour qui n’avait pas la référence, et se téléporta. Charles n’avait pas tout compris, mais la réplique de Kurt avait eu le mérite de faire sourire Jean. C’était un ami précieux.
Mais lorsque le regard de Jean se posa sur Charles, il y lut un étrange étonnement et de la honte. Il dut se retenir d’aller lire dans ses pensées pour comprendre ce qui se passait en elle. Elle était sans doute encore sous le choc de son agression. Lorsqu’elle s’empressa de s’excuser, il hocha négativement la tête avec son doux sourire habituel et lui caressa la joue pour essuyer une larme tout en répondant :
« Tu n’as pas à être désolée. »
Elle se leva et regarda autour d’elle avec anxiété. Charles avait déjà vérifié, ils étaient bel et bien seuls sur ce parking, mais il comprenait parfaitement son inquiétude et son désir de partir d’ici. Il ne savait pas encore ce que Loki lui avait fait, mais il l’avait traumatisée et elle risquerait d’y repenser durant longtemps. Cet épisode hanterait son esprit et ses nuits. Mais Charles serait là pour l’aider. Il lui prit d’ailleurs la main pour qu’elle le regarde lui et non l’ombre de Loki et lui dit avec douceur :
« Ma puce, tu n’as plus rien à craindre. Nous sommes ensemble. Toi et moi, nous avons vaincu le premier et le plus puissant mutant qui ait existé. Ensemble, nous n’avons rien à craindre. »
Il tentait de la rassurer du mieux qu’il le pouvait, tout en étant parfaitement sincère dans ses paroles. Il avait une entière confiance en Jean et ses capacités extraordinaires. A son tour il regarda autour de lui, non pas à la recherche d’un éventuel ennemi, mais d’un endroit où ils pourraient se mettre au chaud et discuter tranquillement. Autour du campus universitaire, il devait forcément y avoir des restaurants.
« Il doit bien y avoir un diner dans le coin ? Un bon chocolat chaud, ou un bon burger, te feraient le plus grand bien, qu’en penses-tu ? »
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La bonté de Kurt, innocente, dépourvue de malignité, vient contre son coeur pour y loger quelques bons sentiments : la noirceur de la peur commence à s’étioler, chassée par toutes la gentillesse et l’affection qu’elle reçoit. Après son coeur, c’est dans ses yeux que la tempête se calme ; les larmes ont laissé quelques vestiges sur ses joues encore humides, brillantes d’un passage torrentiel que le père adoptif vient effacer d’une main câline. « Tu n’as pas à être désolée. » dit-il dans un sourire aussi suave que le geste qu’il vient d’abattre et qui calme irrémédiablement les angoisses torturant ses pensées.
Une fois hissée sur ses jambes, la rousse balaye les alentours d’un regard à la fois apeuré et suspicieux, comme si elle craint de voir resurgir l’ombre menaçante du Dieu l’ayant, ce soir, enlevée. Dans quel but ? Pour l’heure, les raisons d’un tel acte lui semble floues, et nul doute qu’elle aura besoin de l’aide précieuse de Charles pour remettre de l’ordre dans ses souvenirs et ses pensées. Ce dernier, toujours armé d’une volonté bienveillante à son égard, oeuvre à la rassurer ; elle entend ses paroles, ferme les yeux durant quelques secondes sans lâcher sa main, tout en soufflant lentement par la bouche pour retrouver une respiration paisible. « Tu as raison… » Dit-elle d’une voix plus apaisée, en apportant ses deux mains sur son visage pour pouvoir effacer l’empreinte des larmes qui n’ont plus raison d’être : un sourire commence même à naître sur ses lèvres quand il lui propose de trouver refuge dans un diner. Un décor neutre pour lui permettre de retrouver totalement ses esprits avant de prendre la route pour rentrer chez eux. « Oui, il y en a un là-bas. » Elle le sait pour y être allée plusieurs fois entre deux cours avec ses amies, juste pour boire un milkshake et bavasser de tout et de rien, mais aussi pour réviser avant un partiel important.
Il ne faut que quelques minutes pour sortir du parking, à pieds, et ainsi quitter le campus par la même occasion : le diner, à la devanture éclairée par un néon qui annonce que l’établissement est ouvert 24h/24, projette ses couleurs rouges et bleus sur le trottoir, seul éclat de vie dans l’obscurité de la nuit. Lorsqu’ils passent la porte, un petit carillon signale leur arrivée et la serveuse, la quarantaine bien entamée, tourne son menton vers ses nouveaux clients pour leur offrir un sourire : « Jean ! Qu’est-ce que tu fais ici à une heure pareille ? » Beverly, remplissant une tasse de café à un client attablé à son comptoir, fronce légèrement ses sourcils en regardant l’homme en fauteuil qui l’accompagne et, peut-être inquiétée par le visage pâle et les yeux rouges de la rousse, lui demande si tout va bien ; sans nul doute, craint-elle que celle qu’elle considère comme une gamine est dans une mauvaise posture. Pour la rassurer, Jean hoche vivement son menton de haut en bas en affichant un petit sourire — maigre, certes, mais le mieux qu’elle puisse faire pour l’heure, avant de se diriger vers une table à l’écart avec son père.
Prenant place sur sa chaise, elle soupire de soulagement en profitant de l’atmosphère plus calme et chaleureuse, n’ayant guère le temps de jeter un œil à la carte — qu’elle connaît, avant que Beverly ne vienne à son tour. « Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? » demande-t-elle en penchant son stylo au-dessus d’un petit calepin glissé dans la paume de sa main, son regard faisant le ping-pong entre la rousse et le chauve. « Un chocolat chaud pour moi, s’il te plait. » « Et un cookie ? » D’accord, elle passe peut-être TROP de temps ici… « Et un cookie. » Partageant un sourire avec Beverly, celle-ci se retourne vers Charles pour lui demander, en penchant légèrement son menton sur le côté : « Et vous, mon beau ? » Elle note sa commande avant de tourner les talons pour retourner derrière son comptoir, allumant la radio pour qu’une légère musique, style country, se fasse entendre.
Soufflant une nouvelle fois, elle glisse ses mains dans la naissance de ses cheveux en appuyant les coudes sur la table, reposant enfin ses yeux sur Charles pour lui dire, d’une voix calme et discrète : « Il voulait que je l’aide, Charles. Il voulait que se servir de mes pouvoirs pour… Je ne sais pas, en fait. Mais il prépare quelque chose. » Il va devoir l’aider à reconstituer le puzzle pour comprendre…
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Comme Charles l'avait supposé, il y avait bien un diner non loin de l'université. Ainsi ils pourraient se mettre au chaud et Jean aurait du temps pour se remettre tranquillement de l'épreuve qu'elle venait de subir avant de reprendre la route de l'Institut. Charles l'aurait bien ramenée, mais la voiture de Jean n'était pas équipée pour qu'il puisse la conduire, et il préférait comprendre la situation avant de repartir, au cas où il y ait besoin de réagir dans l'urgence.
Il suivit donc Jean pour entrer avec elle dans le diner. Il n'avait que bien peu souvent mis les pieds dans un établissement de ce genre, plutôt réservé aux jeunes ou aux personnes peu fortunées, mais comme tout américain il en connaissait le concept. Il fut heureux d'entendre que la serveuse connaissait Jean et l'appelait par son prénom : elle était donc habituée à venir ici et s'y sentirait en sécurité. Il salua poliment la serveuse de son doux sourire habituel et alla s'installer avec Jean. Ils purent heureusement trouver une table libre équipée de chaises et non de banquettes, ainsi il put attabler son fauteuil roulant sans avoir à faire d'acrobaties.
Il eut besoin de quelques instants et d'une étude de la carte pour décider de ce qu'il allait prendre. Il avait déjà dîné et n'avait donc pas faim, son choix allait se porter plutôt sur une boisson, mais il craignait que dans un endroit pareil le thé ne soit que de bien piètre qualité… probablement du thé en sachet infusé dans de l'eau réchauffée en bouilloire… ou pire, au micro-ondes. Il se décida finalement en s'alignant sur la commande de Jean, même s'il doutait également de la qualité du chocolat chaud. Qui sait, il aurait peut-être une bonne surprise.
« La même chose. Merci. »
Il ignora la façon dont la serveuse l'avait appelé, supposant qu'elle devait agir ainsi avec tous ses clients. Il n'était pas habitué à ces manières familières mais n'en prenait pas ombrage. On ne pouvait pas dire qu'il se sentait à sa place dans cet endroit, mais cela importait peu : l'essentiel était que Jean s'y sente bien. Alors que la serveuse repartait pour préparer leur commande, Jean commença à expliquer ce qu'il lui était arrivé. Charles fronça d'abord les sourcils, peu rassuré par ce qu'elle lui racontait, puis il joignit ses doigts en cloche devant lui et lui dit d'une voix douce et calme :
« Il va falloir que tu m'expliques en détail ce qui s'est passé. Tu t'en sens capable ? »
Si la rencontre avec Loki était encore trop marquante pour qu'elle puisse la formuler en mots, il pourrait toujours aller visionner le souvenir directement dans son esprit, mais il ne le ferait pas sans son accord. Il estimait de plus que mettre des mots sur cette mésaventure lui permettrait peut-être d'en estomper la marque et de mettre de l'ordre dans ses idées.
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L’ambiance chaleureuse de l’établissement revigore doucement ses os engourdis par le froid et la peur, ainsi, elle reprend peu à peu des couleurs, également rassurée par ce décor réconfortant, ces odeurs familières et la présence enjouée de Beverly, qui la connait suffisamment bien pour savoir que la rouquine ne résiste pas à un cookie : cette complicité la fait sourire doucement et elle joint alors ses mains sur la table, attendant que la commande de Charles soit également prise.
À sa plus grande surprise, son père adoptif ne jette pas son dévolu sur un thé mais sur un chocolat chaud, l’obligeant à hausser l’un de ses sourcils tandis que leur serveuse s’éloigne, retournant derrière son comptoir afin de s’atteler à la préparation des boissons demandées, les laissant seuls.
Elle ne profite pour commencer à délier sa langue, annonçant les inquiétudes qui pèsent désormais sur son esprit : Loki n’est pas venu la rencontrer par hasard, il avait des projets bien précis en tête, et elle connait suffisamment le personnage controversé pour savoir que cela n’annonce rien de bon. Elle le voit froncer ses sourcils à cette annonce et, comprenant bien la première réaction de Charles, Jean hoche légèrement son menton de haut en bas tout en pressant ses lèvres l’une contre l’autre, comme pour mettre une emphase sur le début de son discours. « Il va falloir que tu m'expliques en détail ce qui s'est passé. Tu t'en sens capable ? » Elle déglutit avec difficulté en refermant aussitôt ses mains en poings sur la table, ayant à peine le temps de hocher de nouveau son menton de la même façon que précédemment que Beverly revient auprès d’eux avec un petit plateau, duquel elle saisit leurs tasses de chocolat chaud ainsi que le cookie posé dans une assiette, ajoutant alors, à l’attention de la rousse : « Ça, c’est cadeau de la maison. » Beverly fronce son nez avec affection en partageant un sourire avec Jean, avant de prendre congé.
Les mains de la rousse s’étant glissées sous la table, elle tire nerveusement sur ses hanches avant d’entamer son discours, d’une voix aussi apaisée que possible au vue de la situation : « Je suis sortie plus tard de la fac, parce que je me suis attardée avec des amies… » elle baisse machinalement le menton comme si ce pan de l’histoire la rendait coupable de quoique ce soit, avant de poursuivre. « Quand je suis sortie, il n’y avait plus personne. Je me suis dirigée vers ma voiture, mais j’ai entendu un bruit… Je me suis retournée et, il était là. Je l’ai reconnu, tout de suite. Il m’a dit que j’étais imprudente de me balader seule dans le noir, il a ri et… Il tenait un objet dans sa main, comme un cube de glace. Il l’a manié, je ne sais pas comment mais on s’est retrouvés dans une pièce sans fenêtre, sans porte, juste des murs. Je ne sais pas où j’étais mais je ne percevais rien, ni personne. Je ne pouvais pas décider d’en sortir, lui seul pouvait le faire. J’étais totalement prisonnière… C’est comme si cette seule pièce existait… Je sais que ça paraît dingue. » Elle fait une pause dans son discours, consciente que son récit paraissait tiré par les cheveux. Appuyant la pulpe de ses doigts contre ses tempes, elle poursuit néanmoins : « Il m’a dit qu’il n’était pas mon ennemi, car nous avions beaucoup de choses en commun. » L’idée semble lui déplaire car elle fronce les sourcils à cette mention. « Il m’a proposée son aide pour… Mon problème ? Il a appelé ça ‘’l’énergie dans mes veines’’, il en parlait comme s’il avait pu le sentir. Il le savait. Mais il voulait me manipuler, il a essayé… » Elle s’apprête à dire quelque chose qui la fait grimacer d’avance, et elle reste quelques secondes à regarder son père avant de lui dire, n’étant pas très sûre d’elle : « Il a essayé de me convaincre de faire équipe avec lui. Il a besoin de mes pouvoirs, mais je ne sais pas dans quel but, il ne m’a rien dit parce que j’ai refusé… » Elle en avait déjà beaucoup dit alors, elle interrompt sa voix, attendant les premières réactions de la seule personne capable de la rassurer pleinement en cet instant.
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