Les souvenirs de Sophia sont flous pour les sept premières années de sa vie. Mais fort heureusement pour elle, sa mère ne se souvient que trop bien de sa naissance et de son enfance.
Avant toute chose, le contexte. Vincent van Saar est le directeur de l’OBIF de New York, succursale de l’entreprise Orchent Bank, Insurance & Financial appartenant à Orchent Enterprises - entre autre termes, le papa est un directeur qui pèse à son échelle mais au sein de l'empire Orchent, pas tant que ça. Sa mère, Isabel van Saar a elle un rôle bien plus modeste - elle est Responsable des Audits Internes au sein de l'OBIF - qu'elle effectue depuis New-York, bien qu'elle soit amenée à voyager régulièrement.
Ladite Isabel van Saar était en train de se préparer pour une soirée post-séminaire à Las Vegas - organisée par son mari, Vincent - lorsqu'une surprise de taille survint : elle venait de perdre les eaux. Après un trajet express à l'hôpital et surtout un mois avant la date prévue de sa naissance, la petite Sophia vit le jour.
Le bébé grandit en un enfant un brin turbulent qui, malgré ses propres tentatives de faire preuve de bonnes manières, avait une fâcheuse tendance à être distrait. Sophia souffrait d'un trouble déficit de l'attention avec hyperactivité. Autrement dit, impossible pour elle de se concentrer plus de cinq secondes ou de rester sagement à un endroit comme l'aurait aimé ses parents. Ces derniers, soucieux de lui faire suivre une éducation adaptée mais surtout élitiste dans le but qu'elle puisse reprendre les affaires de son père, l'envoyèrent chez Israfil Omardha.
Il était assez commun pour la crème des enfants de l'empire Orchent de se retrouver au sein de son institution. Dans celle-ci, Israfil agissait comme un précepteur privé, au sein d'un internat situé en Suisse, dans un manoir détenu par la famille. Là, il prodiguait une éducation non-conventionnelle, basée sur l'accompagnement de l'enfant mais tout de même diplômante.
Pour une hyperactive comme elle, la séparation ne fut pas trop brutale - elle pleura pendant une minute avant d'être distraite pendant l’entièreté du trajet. Il faut dire que le cadre idyllique du Val de Bagnes changeait grandement des États-Unis.
Au premier abord, l'étendue verte autour des bâtiments et le lac promirent des aventures palpitantes, tandis que l'institut lui-même offrait la possibilité de rencontrer d'autres enfants de son âge. Et, bien qu'ils ne furent pas si nombreux à avoir exactement quatre ans, Sophia fut loin d'être déçue - il y avait beaucoup d'autres petites filles et garçons de familles similaires à la sienne avec qui elle sympathisa rapidement.
L'homme en lui-même, Israfil (ou M. Omardha quand on est polie) laissa un temps Sophia perplexe, puisqu'elle ne parvenait pas souvent à saisir le sarcasme dont il faisait preuve. Néanmoins, l'homme remplit le rôle de précepteur avec une grande patience pédagogue, amenant la petite fille à vouloir briller pour lui faire plaisir.
Les activités étaient aussi diverses que nombreuses et c'est à peine si Sophia se rendit compte qu'elle était en train d'acquérir son éducation fondamentale. Deux choses étaient sûres en tout cas - elle s'amusait beaucoup et il était très difficile de la faire arrêter de parler.
L'année suivante vit deux évènements heureux. Le premier fut l'arrivée de Célestine Orchent et Sarah-Louise Wallensky qui devinrent rapidement les personnes préférées de l'institut aux yeux de la petite, fascinée par l'intellect déjà vif de l'une et de la nationalité en commun avec l'autre. Comme beaucoup de monde à l'institut, Sophia fut inextricablement attirée dans l'orbite de Célestine et n'en sortit jamais vraiment jusqu'à son départ. La deuxième fut l'arrivée d'une petite soeur, Olivia. Elle eut enfin l'occasion de la rencontrer pendant les vacances et, bien que le fait de ne plus être enfant unique la fit bougonner un temps, Sophia est ravie de voir sa famille s'agrandir.
Du haut de ses six ans, la petite fit une nouvelle rencontre, aussi prévisible qu'heureuse. C'était en effet au tour de Lucy Orchent de rejoindre l'institut, suivie de près par Tarja Wallensky, cousine de Sarah-Louise. Bien que dans l'ombre de sa prodigieuse sœur, Lucy n'était pas en reste et la petite Sophia l'appréciait fortement.
C'est aussi l'âge où elle commença à participer aux rallyes dansants organisés par des membres de l'empire Orchent. Jusqu'à ses quinze ans, Sophia fréquenta les rallyes avec assiduité, avant de descendre au rythme d'un rallye tous les trois mois.
L'année 2001 commença quant à elle vraiment bien. Sophia montrait des capacités d'apprentissage solides, sans pour autant atteindre le niveau des Orchent. Qu'importe ! Elle finit son premier cycle d'école élémentaire et s'apprêta à prendre des vacances bien méritées en compagnie de son père pour fêter ça.
La suite était... floue. Comme enveloppée d'un voile de douleur.
Ils étaient sur un ponton. Ça, elle en était sûre. Le lieu lui échappait, occulté par des souvenirs auxquels elle ne voulait pas repenser et des questions qu'elle ne désirait pas poser. Son père et elle se dirigeaient en direction d'un bateau amarré comme tant d'autres, pour une sortie sur l'océan. Sur le chemin, juste avant ledit bateau, un énergumène avait décider d'amarrer hâtivement son yacht, fixant ce dernier au taquet à l'autre bout du ponton, forçant les plaisanciers à l'enjamber pour pouvoir passer. Son père avait jeté un coup d'oeil dépréciateur à l'installation, avant de l'aider en la soulevant pour la faire passer de l'autre côté. Une fois posée, il lui avait demandé d'attendre, voulant s'assurer que le bateau était prêt à partir avant de monter dedans. Sophia, pour sa part, avait décidé d'observer le yacht. Quelque chose clochait.
Il semblait... reculer.
Un bruit attira son attention de par son aspect nouveau. C'était celui d'une corde qu'on tendait bien au-delà de ses capacités. Avec un bruit de coup de fouet, la corde céda, partant en un arc brutal qui ne manqua pas de la frapper à la gorge. Son dernier souvenir fut le cri de son père, avant que les ténèbres ne l'enveloppent.
Elle ne retrouva la lumière qu'une semaine plus tard. Les opérations avaient été importantes et c'est dans une forêt de tubes qu'elle se réveilla - son père à ses côtés. Engourdie par les anti-douleurs, Sophia n'eut que la force de poser sa main contre celle de son paternel endormi avant de replonger elle-même.
Une autre semaine passa, pendant laquelle Sophia ne cessait de s'endormir et de se réveiller, sans jamais trop comprendre ce qui se passait. Elle ne saisissait que des bribes, des discussions de son père avec le personnel de l'hôpital et de rares conversations avec des infirmières. Ce ne fut qu'à la fin de la semaine qu'elle comprit qu'elle avait été blessée sur le ponton, lorsqu'elle s'agita dans son lit, assoiffée, amenant une infirmière à lui expliquer qu'elle avait eu un accident et qu'elle ne devait pas bouger.
Sophia passa ainsi un mois à l'hôpital, tantôt seule, tantôt accompagnée par son père dont le comportement l'avait beaucoup touchée rétrospectivement. Ce n'était pas son genre de s'absenter du travail aussi longtemps, mais pour elle, il l'avait fait. C'était pour ça que même aujourd'hui, elle avait une nette préférence pour son père - contrairement à sa sœur - même si elle savait pertinemment que si sa mère avait été peu présente pendant ce mois, c'était surtout pour garder Olivia et pour son travail à elle.
Pendant ce mois, on lui fit comprendre qu'elle ne retrouverait pas sa voix, son larynx étant irréparablement endommagé. La nouvelle s'ajouta au traumatisme de l'accident et de son hospitalisation, l'amenant à se renfermer sur elle-même dans des proportions qui inquiétèrent sa famille. Les van Saar n'étaient pas sûrs de la démarche à suivre pour leur fille et hésitèrent jusqu'au dernier moment. Trois jours avant de partir, Sophia tendit un papier à son père, les larmes plein les yeux.
"Je veux rentrer en Suisse."
Et c'est ainsi qu'elle retourna à l'institut. La transition fut difficile - les rumeurs de son accident firent tourner beaucoup de regards dans sa direction, à un moment où elle aurait préféré ne pas attirer l'attention sur elle. Son cercle d'amis se fit bien plus restreint : seules les deux Orchent et leurs meilleures amies (Tarja et Sarah-Louise) restèrent proches d'elle. Israfil fut le premier à remarquer son changement important de comportement et notifia ses parents, tout en leur demandant de ne pas paniquer pour autant. Tout évènement de ce genre sur un enfant si jeune allait sans surprise laisser des séquelles.
Chez Sophia, cela semblait se manifester par un renfermement sur elle-même - le fait qu'elle ne sache pas encore communiquer par le langage des signes n'aidant pas - mais également une méfiance envers les autres enfants, comme une certaine forme de paranoïa induite par la nature même de son accident (qui sait si les erreurs des autres n'allaient pas la blesser elle ?). Plus important encore était la disparition totale de son trouble déficit de l'attention avec hyperactivité. La nouvelle Sophia était bien plus calme, pragmatique et observatrice.
Pendant plusieurs mois, elle eut également le droit à une infirmière spécialisée qui venait à plusieurs moments de la journée pour changer son bandage et observer l'état de sa plaie (qui malgré sa sévérité semblait guérir à une vitesse raisonnable).
Seulement, en un jour d'août particulièrement orageux, l'infirmière ne put se rendre à l'institut, la route pouvant s'avérer rapidement dangereuse en cas de pluie. Ce fut donc un membre du personnel qui lui fit son bandage, formé pour répondre à ce genre d'incidents. Le pansement était fait à la perfection, mais l'esprit devenu méfiant de Sophia faisait la distinction - quelque chose n'allait pas, parce que ce n'était pas l'infirmière qui l'avait fait. Rapidement, une douleur psychosomatique intense s'installa et sembla pulser à chacune de ses inspirations.
Au bord des larmes, la petite fille toucha sa gorge, espérant de tout son cœur que la douleur allait bien partir. Et soudainement, celle-ci disparut.
Ses dents restaient serrées, alors qu'elle s'attendait à ce que la douleur reprenne à tout instant. De longues minutes passèrent. Puis une heure. Enfin, sa cicatrice recommença à la picoter, gagnant en intensité avec chaque seconde qui passait. Alors, Sophia réessaya de faire disparaitre cette sensation. Et cette fois-ci, ce fut l'intégralité de son corps qui perdit toute sensation. L'expérience était déroutante, mais pas affolante pour elle - que pouvait-il y avoir de négatif à faire disparaitre la douleur ?
Sophia essaya son nouveau pouvoir sur elle-même assez régulièrement, tentant de comprendre comment ce dernier fonctionnait.
A la suite de son accident, la jeune mutante se jeta corps et âme dans ses études, augmentant fortement la dose de livres lus, avec une nette préférence pour toutes les sciences dures. Un autre changement remarque par Israfil - mais évoqué bien plus tard - fut sa capacité en apparence parfaite à imiter les mouvements des autres, que ce soit pendant les cours de danse ou de musique. Si il avait soupçonné son statut de mutant, il s'était bien gardé de le dire à quiconque - elle serait testée sous peu, de toute façon.
Deux ans passèrent pendant lesquels Sophia apprit à vivre avec son handicap, devenant moins morose, à défaut de devenir moins méfiante. Sa mère lui offrit également un outil qui lui serait indispensable pendant toute sa vie : un électrolarynx. L'objet était une petite machine portable à une main, d'une apparence similaire à une lampe-torche qui, une fois portée contre sa cicatrice, était capable de traduire les vibrations de sa gorge en une voix aux sonorités robotiques.
Pour ses neufs ans, deux évènements assez importants se succédèrent : l'arrivée de sa sœur à l'institut et la détection de son gêne mutant.
Olivia entra à l'institut à ses quatre ans, jouissant rapidement d'une popularité bien supérieure à ce que la hiérarchie des familles aurait dicté. Les deux sœurs passaient peu de temps ensemble, principalement parce que Sophia ne se sociabilisait que peu.
L'autre évènement fut le test de détection des mutants que chaque enfant recevait pour ses neuf ans. Il s'agissait là d'anticiper un mutant aux pouvoirs violents, susceptible de mettre en danger les autres enfants. Et, bien que Lucy aurait aimé faire trois fois la queue (alors qu'elle ne devait recevoir son test que deux ans plus tard), Sophia ne désirait pour sa part ne pas recevoir plus d'attention sur elle ou d'être ostracisée un peu plus du reste des enfants comme avec son handicap.
Le stress montant, elle décida d'appeler son père, presque en larmes pour lui révéler l'existence de ses pouvoirs. Voyant la détresse de sa fille, Vincent décida de demander aux personnes en charge du test de confirmer la présence du gêne mutant mais de ne pas le révéler à d'autres personnes que les adultes en charge de l'institut et le club de Londres, trust d'Orchent Enterprises - les personnes les plus importantes de l'empire, en somme.
Les années passèrent et, en grandissant, Sophia comprit qu'on l'éloignait lentement mais sûrement du rôle de succession de son père. Déçue mais pas abattue pour autant, elle décida de trouver un futur emploi qui lui correspondrait bien. Malgré sa formation polymathe, elle ne pouvait pas nier une certaine appétence pour les sciences dures et en particulier la biologie. De fil en aiguille, cela l'amena à considérer le métier même qui lui avait sauvé la vie. La chirurgie.
Maintenant sûre de son choix, elle commença à s'entrainer pour le concours du programme accéléré de l'université de Columbia à New York, une initiative permettant aux jeunes les plus doués de rentrer à l'université dès treize ans. Elle s'entraina dur pour le concours, passant celui-ci brillamment après avoir passé ses quatorze ans à se préparer pour.
C'est donc pour ses quinze ans qu'elle dit adieu à la Suisse et ses amies pour partir étudier à New-York. Appréhensive parce qu'elle quittait le seul monde qu'elle avait réellement connu de sa vue, mais sûre d'elle parce qu'elle avait foi en ses capacités.
Quatre ans d'études intensives s'écoulèrent ainsi, seulement interrompues par ses obligations sociales qu'elle remplissait avec diligence même si elle n'était pas aussi sollicitée que sa sœur, de par son statut perdu de successeuse.
Une autre interruption, un peu plus globale, se joignit à la partie pendant l'année de ses dix-huit ans. Une invasion alien.
L'université elle-même fut touchée par plusieurs tirs. Une partie du bâtiment s'effondra sur un malheureux qui tentait de s'enfuir, le recouvrant de décombres sans pour autant mourir sur le coup. Sophia resta à ses côtés, incapable d'évacuer les gravats par elle-même. Tout ce qu'elle put faire pour lui fut de l'anesthésier, lui offrant une mort lente mais sans douleur. Des larmes d'impuissance coulaient sur son visage - elle aurait aimé pouvoir faire plus pour lui.
Une fois l'invasion passée, elle envoya immédiatement un SMS à ses parents pour prendre de leurs nouvelles et les rassurer. Fort heureusement, personne de la famille n'avait été touché.
L'année suivante se déroula sans encombre et, pour ses dix-neuf ans, Sophia entra en école de médecine. Pas de gros dépaysement à l'horizon puisque l'école se trouvait sur le même campus - ce qui lui allait très bien.
Pendant les quatre années qui suivirent, la jeune femme fut plus que jamais concentrée sur ses études, à tel point que les évènements en Sokovie et l'effondrement du Shield lui passèrent sous son radar.
Quand vint le temps de décider sa spécialité, Sophia s'orienta sur une formation de cardo-chirurgie, non pas parce qu'elle avait des affinités avec le cœur, mais plus pour la sûreté de l'emploi et la paie qui allait avec.
Sa formation commençait bien. Elle se déroulait au Metro General Hospital, alors qu'un célèbre docteur venait juste de le quitter. Malgré son jeune âge, les docteurs la traitaient avec plus de respect que le stagiaire moyen, de par ses capacités mutantes à les imiter à la perfection et l'attention sans faille qu'elle leur accordait, contrairement à d'autres chirurgiens plus nerveux ou trop occupés à se vanter sur Facebook.
Elle acheta également à studio à Manhattan au 501 Third Avenue, aisément remboursable avec son salaire actuel, anticipant de le mettre à louer par la suite pour s'en acheter un plus grand. Son décor était sobre, à l'image de sa personne. Les seuls éléments sortant du lot étaient deux peintures, dont une effectuée à l'institut pendant sa dernière année, représentant toutes les deux des phares face à une mer déchaînée. Dans un coin de son salon se trouvait un petit tabouret avec une harpe à la colonne plaquée or, surmontée d'oiseaux qui s'envolaient en direction du chapiteau.
Puis, en 2018, le monde partit en poussière.
Alors qu'elle était en pleine observation d'une opération, le patient disparut, suivi presque immédiatement par deux infirmières dans la salle. Sophia et le cardio-chirurgien s'échangèrent un regard horrifié, avant de sortir de la salle en trombe pour essayer de comprendre ce qui venait de se passer.
Le snap épargna sa famille, mais pas un être qui lui était cher - Lucy Orchent.
Profondément meurtrie par sa disparition, Sophia s'isola encore un peu plus du reste du monde, ne participant que très peu aux diners mondains. Le coup de grâce fut pour elle la perte totale de contact avec Célestine qui se coupa totalement de ses anciens contacts.
Les cinq années suivantes furent totalement dédiées à sa formation. Elle se levait le matin pour aller à l'hôpital, travaillait jusqu'à tard le soir et rentrait pour se coucher. Une visite à la famille par an. Aucun rallye dansant. Le strict minimum.
Cette ferveur joua en sa faveur, puisqu'en plus de devenir officiellement cardio-chirurgienne en 2023, elle décrocha un poste à l'hôpital où elle avait fait sa formation, après une négociation généreuse pour elle - son temps à l'institut Omardha avait payé, littéralement.
Mais cette année-là fut surtout l'avènement du blip. A peine avait-elle pris son poste qu'elle fut déjà inondée d'opérations à effectuer, les opérations prévues en 2018 s'ajoutant à celles de 2023. Elle passa ainsi trois mois très intenses pendant lesquels elle ne put sortir que très peu. Mais le peu de temps qu'elle avait, elle le consacra à Lucy. Car cette dernière était revenue d'entre les morts et elle ne comptait pas la revoir partir de sitôt.
Ce fût également le moment où sa vie sociale se stabilisa. Outre sa participation aux rallyes dansants qui reprit de plus belle, Sophia recommença à se sociabiliser en allant à des évènements caritatifs, principalement liés à son métier, ainsi que quelques évènements organisés par des figures proéminentes de New-York pour se montrer un peu. Elle n'était définitivement pas célèbre - et cela lui allait très bien - mais son charisme unique et sa polymathie savaient lui ouvrir moult portes.
La dernière année, la présente, fut également mouvementée, bien que n'étant pas non plus au niveau d'un blip.
Le mois de février avait eu son chasseur de têtes, pendant lequel sa paranoïa avait sévèrement augmenté, même si son statut de mutante n'était pas connu de tous. Fort heureusement, l'individu avait été appréhendé et Sophia put respirer un peu plus librement.
Le mois de mai connut la dissension de Wanda Maximoff, ce qui ne lui faisait en soi ni chaud ni froid (les Avengers n'étaient pas réellement dans ses préoccupations), même si les évènements du jour des héros eurent le don de la mettre mal à l'aise - bien qu'elle ne se trouvait pas à ce moment là dans la foule - comme tous ces clashs de super-héros.
Ce fut au milieu de cette année qu'elle put également prendre du recul sur ses relations avec ses collègues. Les infirmières l'appréciaient; non pas pour sa conversation parce qu'elle parlait peu, surtout pendant une opération, mais parce qu'elle les traitait comme ses égaux, avec une politesse et un respect qu'elles ne recevaient qu'assez peu, au final. La plupart des autres chirurgiens l'évitaient. Bien que faisant partie de la même catégorie sociale qu'eux, elle ne partageait ni leurs ambitions - principalement pécuniaires - ni leurs intérêts. Beaucoup d'entre eux étaient là pour le salaire qui allait avec leur profession et non pas la noblesse de celle-ci. C'était quelque chose qui la dépassait, mais puisqu'elle entretenait des relations cordiales avec ses autres collègues, elle ne s'en formalisait pas.
La pire partie de l'année fut cependant la fin septembre avec les attentats commis par les Héritiers. Après avoir enchainé les opérations d'urgence, elle multiplia les soirées et diners caritatifs pour tenter d'aider au moins un peu les victimes. Toute cette situation fit écho au sentiment d'impuissance qu'elle avait ressenti lorsqu'elle avait regardé un étudiant mourir lentement sous des débris. Que pouvait-elle faire de plus ?
C'est alors qu'une idée germa dans son esprit.
Durant toutes ces années au Metro-General Hospital, Sophia avait entendu parler d'un chirurgien hors-pair et de sa déchéance. De son retour aussi flamboyant qu'inattendu. Le fameux Doctor Strange. Elle résista initialement la pulsion d'aller le voir qui l'atteint - l'idée était saugrenue. De la magie ? Vraiment ?
Lors de conversations au bloc, elle apprit d'infirmières l'ayant connu - ravies de pouvoir discuter un peu - que celui-ci vivait à New-York. A Manhattan.
Si proche.
Elle passa le mois d'octobre à cogiter. Sa famille allait être furieuse si cela venait à s'apprendre. Bien qu'elle ait été éloignée du rôle d'héritier, elle risquait tout de même d'entacher son nom avec tout faux pas. Son job était aussi à prendre en compte. Elle risquait gros. Sans parler de l'option où on lui claquerait la porte au nez. Très probable à en croire la description que faisait les infirmières du personnage.
Ce qui finit par la décider fut l'incident à Staten Island où une grande roue nouvellement installée avait été sabotée et s'était effondrée - sans toutefois causer de victimes. Aurait-elle pu empêcher le sabotage si elle avait été là ? Elle n'en savait rien. Et ne pas avoir la réponse commençait à la tirailler d'une façon qui aurait pu se révéler néfaste pour son travail. Alors, un weekend, Sophia se dirigea en direction du 177A Bleeker Street - trouver l'endroit après avoir eu une idée de son emplacement par les infirmières et en suivant les badauds n'avait pas été si dur que ça.
---
Et maintenant, elle se trouvait devant la fameuse porte. Il ne restait plus qu'à toquer.
Sophia prit une grande inspiration et toqua trois fois.