[Terminé] Interview suite à l’affaire Rowles

Toutes les chaises et tous les journalistes, tous les appareils photographiques et toutes les caméras, tout cela est tourné vers la table de présentation. Au centre de l’attention comme du mobilier se tient Lucy Orchent, vêtue d’un tailleur blanc à liseré noir et sans chemise. Ses cheveux sont réunis en une favorite à droite et une tresse typée la reine des neiges à gauche, lacée d’un épais ruban noir qui lui remonte jusqu’en haut de la tête.

« Je vous remercie tous d’être venu ici aujourd’hui, commence-t-elle avec un sourire légèrement malaisé. Comme vous, j’ai été horrifiée de découvrir l’arrestation de Joseph Rowles hier. »

Une pause alors qu’elle croise les mains sur la table devant elle et verrouille son buste.

« J’ai une nouvelle fois passée une journée auprès des autorités, comme lorsque mes détectives privés avaient découverts des informations sur les Masques dont le symbole m’inquiétait. C’est désormais auprès de vous que je viens expliquer ma situation. »

Le silence est aussi tendu que la jeune femme.

« Oui, je connaissais monsieur Rowles. Je l’ai rencontré un vendredi 13, comme celui-ci. C’était en septembre dernier. Il m’avait invité au restaurant pour me faire un retour sur ma conférence TEDxNYC, faite le 18 aout. Je suis consciente du quart de personnes à qui j’ai déplu avec ma maladroite manière d’aborder les choses dans ladite conférence. Je ne suis cependant pas là pour parler de cela.

Au cours des quatre heures qu’a durée notre rencontre, monsieur Rowles et moi avons parlé de bien d’autres sujets. L’un d’eux a été mon absence de rigueur scientifique et, plus généralement, de connexion dans le milieu de la recherche. Afin de m’aider à améliorer mon propos, il m’a proposé un stage d’observation au sein de son laboratoire. J’ai accepté, avec joie et reconnaissance.

Dix jours plus tard, le lundi 23 septembre, j’ai totalement abusé de mes accréditations en m’invitant et en invitant deux connaissances au sein du laboratoire suscité. Cela a amené monsieur Rowles à menacer de m’emmener au procès. Tous les documents concernant cette affaire sont entre les mains du S.H.I.E.L.D. et c’est auprès de celui-ci qu’il faudra obtenir d’éventuels droits de regard, non de moi. Toujours est-il que des négociations ont été entreprises, malgré les conseils de mon avocat confiant dans notre capacité à gagner cette bataille juridique. Cela aurait néanmoins pris des mois, voire des années, avant de pouvoir utiliser les échantillons prélevés dans le laboratoire.

Ces échantillons étaient un cadeau de l’un de mes deux invités. N’étant pas certaine qu’il aimerait avoir son identité affichée dans les médias, je la tairais. Cependant, il s’agissait d’un mutant doté de capacités de régénération. Un mutant prêt à me donner de son ADN dans le cadre d’un projet de création de Facteur Guérisseur Synthétique. Outre mes invitations au sein du laboratoire et mon interprétation créative du stage d’observation, puisqu’après tout j’ai effectivement observé les laborantins faire les prélèvements que je leur ai demandé, la négociation d’accord amiable pour éviter un procès civil avait pour but de déterminer les droits de propriété des échantillons ; en plus d’éventuels dommages et intérêts.

Les négociations ont commencé le 25 septembre. Elles se sont terminées le 28 avec ma capitulation. Tous ceux qui ont vu ma vidéo sur le symbole des Masques comprendront que j’avais des craintes vis-à-vis des tags. Suffisamment pour engager des détectives privés afin d’enquêter et pour faire suivre les résultats de leurs découvertes aux forces de l’ordre. Lorsque les attentats sont arrivés, trouver un accord équitable n’était plus ma préoccupation. J’ai accepté de financer une semaine de fonctionnement du laboratoire de monsieur Rowles pour l’avoir utilisé quelques heures et surtout pour que Tec-Novita puisse avoir accès aux échantillons également.

Comme vous le savez, j’ai passé la nuit à parcourir les hôpitaux pour leur faire des lettres de crédit et couvrir les frais d’hospitalisation des victimes des attentats. Je me suis aussi arrangée pour que lesdites victimes volontaires puissent être mise en relation avec Tec-Novita afin de bénéficier des premières versions du Facteur Guérisseur Synthétique. J’ai fait de mon mieux, même s’il n’a pas été suffisant. »

Les yeux d’un vert d’eau se baissent vers une petite bouteille d’eau justement présente sur la table. Lucy Orchent en prend plusieurs gorgées alors que le silence continue de ponctuer sa déclaration. Lorsqu’elle rebouche, elle reprend.

« Monsieur Rowles et moi n’avions pas les meilleures relations, par ma faute plus que la sienne. Si ma manière est gauche et très inconventionnelle, je tente de faire le bien. D’aider. Jamais je ne me serais associée à lui et à son entreprise si j’avais eu connaissance de leurs activités criminelles. Du mal qu’ils auraient pu faire au mutant qui m’accompagnait en partageant mon espoir que l’on puisse créer un instrument de guérison à partir de ses dons. Du mal qu’ils faisaient à d’autres gens ; que cela soit directement ou indirectement, avec leur drogue comme avec les dégâts que celle-ci a faite sur des personnes et les dégâts que ces personnes ont fait à cause d’elle.

Je sais ce que certains vont se dire : je tente de sauver les meubles.  Il y a de ça. D’autres vont se dire : Joseph Rowles se cachait en pleine lumière, pourquoi serais-je différente ? »

Une fois sa question posée, elle déglutie.

Elle se penche en avant, s’appuyant sur ses avant-bras et ses mains croisées.

Elle pousse sur ses avant-bras et ses mains croisées, se levant.

Elle se lève, décroisant ses mains et les plaçant autour d’elle comme si elle les levait pour une arrestation. A ceci prêt qu’elle a les poings fermés.

« Il y a bien quelque chose que j’ai caché au monde. Certains le soupçonnent depuis la destruction du Zoo de Central Park, début octobre. Les autorités le savent depuis ce moment. Paul. »

Elle écarte les doigts puis lève les bras comme pour demander à son public de se lever. Ce sont néanmoins des centaines de bourdonnement qui lui répondent. Dans son dos, tout autant de d’abeille blanches s’élèvent pour rester en vol stationnaire derrière elle.

« Je suis une super-héroïne. Questions ? »